Lors d’un achat immobilier, le vendeur et l’acquéreur doivent passer par différentes étapes avant de finaliser la vente. Parmi ces étapes, il y a la formulation d’une offre d’achat ou d’une offre de prix, la signature d’un avant-contrat, qui peut prendre la forme d’un compromis de vente ou d’une promesse de vente (unilatérale ou synallagmatique), et la signature de l’acte authentique de vente. Ces documents sont souvent confondus, mais ils présentent des différences importantes qu’il faut connaître.
Quelles sont les caractéristiques et les effets de ces documents ? Quels sont les délais à respecter entre eux ? Quels sont les conseils pratiques à suivre pour réussir son achat immobilier ?
Voici tout ce qu’il faut savoir sur l’offre d’achat, l’offre de prix, le compromis de vente, l’acte authentique, la promesse de vente, la condition suspensive et le délai de rétractation.
Qu’est-ce qu’une offre d’achat ou une offre de prix ?
Une offre d’achat ou une offre de prix est un document par lequel un candidat acquéreur propose au vendeur d’acheter son bien immobilier à un prix qu’il fixe lui-même. Il s’agit d’un moyen de réserver le bien et de manifester son intérêt. L’offre d’achat ou l’offre de prix doit être écrite et contenir les éléments suivants :
- L’identité du candidat acquéreur
- La désignation du bien immobilier
- Le prix proposé
- La durée de validité de l’offre (généralement 1 ou 2 semaines)
L’offre d’achat ou l’offre de prix n’est pas obligatoire, mais elle est recommandée pour exprimer l’accord du candidat acquéreur sur le prix du bien. Le candidat acquéreur ne doit verser aucune somme d’argent au vendeur lorsqu’il fait une offre d’achat ou une offre de prix.
Qu’est-ce qu’une promesse unilatérale de vente ?
La promesse unilatérale de vente est un contrat unilatéral, c’est-à-dire que seul le vendeur est tenu par son engagement. L’acquéreur dispose d’un droit d’option, c’est-à-dire qu’il peut lever l’option et acheter le bien aux conditions convenues, ou renoncer à l’achat et récupérer son indemnité d’immobilisation. La promesse unilatérale de vente contient les mêmes éléments que le compromis de vente, à l’exception des modalités de paiement. La promesse unilatérale de vente doit être signée chez un notaire ou sous seing privé et doit être enregistrée auprès du service des impôts dans les 10 jours suivant sa signature.
La liberté reconnue au bénéficiaire d’une promesse unilatérale de vente est en pratique artificielle : s’il décide de ne pas lever l’option alorsil perdra la somme versée pour l’immobilisation du bien, ce qui pratiquement ne lui laisse d’autre choix que d’acquérir celui-ci pour éviter de s’appauvrir.
Le bénéficiaire de la promesse unilatérale (le futur potentiel acquéreur) de vente reste entièrement libre d’acheter ou de ne pas acheter le bien. La promesse peut néanmoins prévoir une indemnité d’immobilisation qui sert de compensation pour le temps durant lequel le bien a été immobilisé au profit du bénéficiaire.
Qu’est-ce que l’indemnité d’immobilisation ?
L’indemnité d’immobilisation est la contrepartie de l’exclusivité qui est offerte.
L’indemnité d’immobilisation reste acquise au promettant en cas de non-réalisation de la promesse de la vente seulement si cette non-réalisation est imputable au bénéficiaire (Cass. 3e civ. 15-12-2010 no 09-15.211 FS-PB : RJDA 4/11 no 297).
Les modalités d’acquisition de l’indemnité d’immobilisation
Pour que l’indemnité d’immobilisation revienne au promettant, il faut que les modalités convenues par les parties, si elles existent, aient été respectées.
Par exemple :
- Si une promesse de vente prévoit qu’en cas de non-réitération devant notaire l’indemnité d’immobilisation est acquise au promettant après sommation de l’acheteur, la somme ne lui est pas due, faute de sommation, même si le refus fautif de l’acheteur de réitérer est établi. Le bénéfice de l’indemnité d’immobilisation était conditionné à la sommation de l’acheteur par le promettant d’avoir à régulariser la vente par acte authentique. Peu importe que le refus de l’acheteur de réitérer ait été caractérisé par un jugement irrévocable à l’occasion d’une procédure antérieure. la promesse de vente conditionnait l’acquisition de la somme séquestrée au profit du promettant, à titre d’indemnité d’immobilisation, à la délivrance d’une sommation de signer l’acte authentique de vente, sans possibilité d’y déroger. Cass. 3e civ. 7-3-2024 n° 22-10.119 F-D, Sté Vitec c/ X
- A propos d’une promesse de vente soumettant le paiement de la clause pénale à une mise en demeure préalable de l’acheteur d’avoir à régulariser l’acte devant notaire, la Cour de cassation a également jugé que cette mise en demeure est obligatoire même si elle se révèle inopérante, l’acheteur ayant renoncé à acheter (Cass. 3e civ. 2-2-2022 no 20-21.705 F-D : BPIM 2/22 inf. 137).
Indemnité d’immobilisation et clause pénale
La faculté offerte aux promettants de renoncer à la promesse en l’absence de versement, par les bénéficiaires, de la somme prévue à titre de dépôt de garantie , ne fait pas obstacle au paiement de l’indemnité d’ immobilisation , dès lors que le contrat prévoit expressément que cette somme resterait alors acquise aux promettants à titre d’indemnité forfaitaire et non réductible. Cass. 3e civ., 16 janv. 2025, n° 23-23.378,
Après avoir constaté que la rétractation était inefficace, dès lors qu’elle était tardive par rapport au délai contractuellement imparti, et rappelé les stipulations claires et précises de la promesse relatives au sort de l’indemnité d’ immobilisation , la cour d’appel a pu retenir que, ne sanctionnant pas une inexécution contractuelle mais représentant le prix de l’exclusivité accordée aux bénéficiaires, celle-ci, qui ne constituait pas une clause pénale, ne pouvait être réduite par le juge. Cass. 3e civ., 16 janv. 2025, n° 23-23.378,
Qu’est-ce qu’un compromis de vente (promesse synallagmatique de vente) ?
Le compromis de vente est un avant-contrat qui engage les deux parties à conclure la vente du bien immobilier à un prix déterminé. Il s’agit d’un contrat synallagmatique, c’est-à-dire que le vendeur s’engage à vendre le bien et l’acquéreur s’engage à l’acheter. Le compromis de vente contient les éléments essentiels de la vente, tels que :
- L’identité des parties
- La description du bien immobilier
- Le prix de vente
- Les modalités de paiement
- Les conditions suspensives (obtention d’un prêt immobilier, absence de servitude, etc.)
- La date prévue pour la signature de l’acte authentique de vente
Le compromis de vente peut être signé chez un notaire ou sous seing privé (entre les parties ou avec l’aide d’un agent immobilier). Il doit être enregistré auprès du service des impôts dans les 10 jours suivant sa signature¹. La signature du compromis de vente s’accompagne du paiement d’un dépôt de garantie, versé par l’acquéreur à hauteur de 5 à 10 % du prix de vente du bien immobilier. Cette somme sera imputée sur le prix du bien à l’occasion de la signature de l’acte authentique de vente.
Quelle différence entre une promesse (unilatérale) de vente et un compromis de vente ?
Promesses et compromis ont comme point commun :
- Délai de rétractation de 10 jours
- Possibilité de conditions suspensives
La vraie différence se trouve dans la sanction si la vente ne se réalise pas (hors des cas de non levée de conditions suspensives):
- Promesse (unilatérale) de vente:
- Sanction si le vendeur (promettant) ne veut plus vendre : exécution forcée de la vente ou dommages-intérêtds
- Sanction si l’acheteur (bénéficiaire) ne veut plus acheter : perte de l’indemnité d’immobilisation (entre 5 et 10 % selon ce qui est prévu contractuellement) mais pas d’exécution forcée possible
- Compromis de vente (promesse synallagmatique de vente)
- Sanction si le vendeur ne veut plus vendre : idem promesse unilatérale de vente
- Sanction si l’acheteur ne veut plus acheter : exécution forcée de l’acquisition par l’acheteur
En résumé, les deux actes sont très proches et peuvent être considérés comme interchangeables.
La prochaine fois qu’un juriste (ou pire un agent immobilier) vous dira avec une certaine morgue que ça n’a rien à voir, demandez lui concrètement la différence d’effets et mettez là en commentaire, ça m’intéresse !
Pourquoi il n’y a plus vraiment de différence aujourd’hui entre promesse et compromis ?
Quelle est la différence entre un compromis de vente et une promesse synallagmatique de vente ?
Aucune, c’est le même acte sous deux noms différents. Le compromis de vente est la même chose que la promesse synallagmatique de vente : ils peuvent être utilisés indifféremment.
Le terme de “promesse de vente” fait référence dans la pratique à la promesse unilatérale de vente”.
Indemnité d’immobilisation et dépôt de garantie : quelle différence ?
L’indemnité d’immobilisation est la contrepartie financière de l’obligation pour le promettant de s’interdire de vendre son bien à autrui, jusqu’à ce que le bénéficiaire décide ou non de lever l’option.
Le dépôt de garantie – que l’on peut aussi bien qualifier d’acompte – constitue un début d’exécution de l’obligation pour l’acquéreur de payer le prix de vente, le compromis engageant d’ores et déjà les deux parties à réitérer leur consentement par acte authentique
Dans les faits, la pratique contractuelle (c’est à dire la façon dont les clauses sont rédigées) permet de rapprocher les effets de l’indemnité d’ immobilisation du dépôt de garantie, quand bien même leur nature juridique reste foncièrement différente.
C’est quoi le problème avec l’indemnité d’immobilisation ?
Le problème avec l’indemnité d’immobilisation c’est que les notaires soit réduisent le montant de la somme appelée (5% voire moins au lieu de 10%) sans en informer clairement le vendeur mais surtout que les notaires ne vérifient jamais que cette indemnité d’immobilisation/dépôt de garantie soit bien versée par l’acheteur/bénéficiaire, c’est ce qu’on appelle le séquestre.
Or, c’est précisément parce que l’acheteur a effectivement immobilisé une forte somme d’argent qui est sortie de ses comptes qu’il devient motivé à aller de l’avant avec la vente.
Il ne faut donc pas confondre le versement effectif d’argent avec l’indemnité d’immobilisation/dépôt de garantie/clause pénale qui peuvent être beaucoup plus élevé.
Résultat : le vendeur/promettant se retrouve avec un bout de papier mais sans garantie puisque les fonds n’ont jamais été versés.
Que se passe-t-il en cas de rétractation ?
Si le vendeur souhaite se rétracter après la levée d’option d’achat par le bénéficiaire, ce dernier peut choisir d’être indemnisé ou alors de procéder à une vente forcée du bien immobilier en saisissant le tribunal judiciaire.
Si l’acheteur souhaite se désister et ne lève finalement pas son option sur le bien, il perd son indemnité d’immobilisation qui reste acquise au vendeur. Toutefois, si le désistement est dû à la réalisation de l’une des clauses suspensives de la promesse de vente (impossibilité de trouver un prêt immobilier par exemple), l’acquéreur peut se désengager tout en étant remboursé de son indemnité d’immobilisation.
Qu’est-ce qu’un acte authentique de vente ?
L’acte authentique de vente est le contrat qui finalise la vente du bien immobilier et qui entraîne le transfert de propriété du vendeur à l’acquéreur. Il s’agit d’un contrat authentique, c’est-à-dire qu’il doit être rédigé et signé par un notaire. L’acte authentique de vente reprend les éléments du compromis ou de la promesse de vente et constate que les conditions suspensives sont levées. Il précise également les modalités de paiement du prix de vente et les frais de notaire. L’acte authentique de vente doit être signé dans un délai de 3 à 4 mois après la signature de l’avant-contrat, sauf si les parties en conviennent autrement.
Aucun désistement n’est possible après la signature de l’acte authentique de vente, sauf vice du consentement.
Quelles sont leurs différences ?
L’offre d’achat, l’offre de prix, le compromis de vente, l’acte authentique, la promesse de vente, la condition suspensive et le délai de rétractation présentent des différences importantes qu’il faut connaître avant de s’engager dans un achat immobilier. Voici un tableau récapitulatif des principales différences entre ces documents :
Critère | Offre d’achat ou offre de prix | Compromis de vente / Promesse synallagmatique de vente | Promesse unilatérale de vente | Acte authentique de vente |
---|---|---|---|---|
Nature du document | Proposition écrite non engageante pour le candidat acquéreur | Avant-contrat synallagmatique engageant les deux parties | Avant-contrat unilatéral engageant le vendeur | Contrat authentique finalisant la vente |
Droit de rétractation | Aucun droit de rétractation n’est possible tant que l’offre n’est pas acceptée par le vendeur | L’acquéreur dispose d’un délai de 10 jours pour se rétracter sans motif ni pénalité | L’acquéreur dispose d’un droit d’option pendant la durée de la promesse pour lever l’option ou renoncer à l’achat | Aucun droit de rétractation n’est possible après la signature |
Somme à payer par l’acquéreur | Aucune somme n’est versée par le candidat acquéreur au vendeur lorsqu’il fait une offre d’achat ou une offre de prix | L’acquéreur verse un dépôt de garantie au vendeur, généralement égal à 5 à 10 % du prix de vente | L’acquéreur verse une indemnité d’immobilisation au vendeur, généralement égale à 10 % du prix de vente | L’acquéreur verse le solde du prix de vente au vendeur, après déduction du dépôt de garantie ou de l’indemnité d’immobilisation le cas échéant |
Délai entre la signature et l’acte authentique de vente | Aucun délai n’est prévu entre la signature et l’acte authentique de vente, sauf si les parties en conviennent autrement | 3 à 4 mois, sauf si les parties en conviennent autrement | 2 à 3 mois, sauf si les parties en conviennent autrement | Immédiat |
Condition suspensive | Aucune condition suspensive n’est prévue dans l’offre d’achat ou l’offre de prix, sauf si les parties en conviennent autrement | Le compromis peut prévoir des conditions suspensives (obtention d’un prêt immobilier, absence de servitude, etc.) qui doivent être levées avant la signature de l’acte authentique de vente | La promesse peut prévoir des conditions suspensives (obtention d’un prêt immobilier, absence de servitude, etc.) qui doivent être levées avant la levée d’option par l’acquéreur ou la signature de l’acte authentique de vente | L’acte constate que les conditions suspensives sont levées et que la vente est définitive |
Quels sont les conseils pratiques pour réussir son achat immobilier ?
Pour réussir son achat immobilier, il est important de bien choisir son type de document, en fonction de ses besoins et de sa situation. Voici quelques conseils pratiques pour vous aider à faire le bon choix :
- Si vous souhaitez manifester votre intérêt pour un bien immobilier et négocier le prix avec le vendeur, faites une offre d’achat ou une offre de prix, qui ne vous engage pas tant qu’elle n’est pas acceptée par le vendeur.
- Si vous êtes sûr de votre achat et que vous souhaitez sécuriser la transaction, optez pour le compromis de vente/la promesse synallagmatique de vente, qui vous engage fermement avec le vendeur et qui vous laisse un délai de rétractation de 10 jours.
- Si vous avez besoin de plus de temps pour réfléchir ou pour obtenir votre financement, optez pour la promesse unilatérale de vente, qui vous laisse une marge de manoeuvre et qui vous permet de récupérer votre indemnité d’immobilisation si vous renoncez à l’achat.
- Si vous signez une offre d’achat, un compromis ou une promesse sous seing privé, faites-vous accompagner par un professionnel (agent immobilier, avocat, etc.) qui pourra vérifier la validité du document et vous conseiller sur les clauses à insérer ou à négocier.
- Si vous signez une offre d’achat, un compromis ou une promesse chez un notaire, profitez-en pour lui poser toutes les questions que vous avez sur la vente et sur les frais qu’il va percevoir.
- Si vous signez un acte authentique de vente, vérifiez bien que toutes les conditions suspensives sont levées et que le bien immobilier est conforme à ce qui a été convenu dans l’offre d’achat, le compromis ou la promesse. N’hésitez pas à demander au notaire ou au vendeur tous les documents relatifs au bien (diagnostics techniques, règlement de copropriété, etc.).
La responsabilité du notaire pour défaut de séquestre des sommes versées à l’occasion de l’avant-contrat de vente
Question juridique : le notaire peut-il être tenu responsable pour ne pas avoir exigé le séquestre de la somme devant ainsi accompagner la conclusion de l’avant-contrat ou, à tout le moins, pour ne pas s’être assuré de son versement à cette occasion ?
(V. toutefois, pour un arrêt retenant la responsabilité du rédacteur d’actes qui n’avait pas alerté le bénéficiaire sur le risque qu’il courait en acceptant, sans aucune garantie réelle, de verser entre les mains du vendeur l’indemnité d’ immobilisation :Cass. 1re civ., 6 févr. 2013, n° 12-12.123 : JurisData n° 2013-001768 ; JCP N 2013, n° 8, act. 297) ?
La solution est différente selon que l’avant-contrat en cause était une promesse unilatérale ou une promesse synallagmatique :
- Promesse unilatérale de vente : La première affaire (Cass. 3e civ., 7 nov. 2019, n° 18-17.267) mettait en scène une société bénéficiaire que la cour d’appel de Paris avait condamnée le 2 mars 2018, à la demande du couple vendeur, pour avoir laissé défaillir la condition d’obtention de permis de construire à laquelle était soumis l’avant-contrat. Donnant raison sur ce point aux juges du fond, la Cour de cassation considéra cependant que ce même couple ne pouvait tenir rigueur au notaire de ne pas avoir séquestré le montant de l’indemnité d’ immobilisation, ceci au motif qu’aucun préjudice spécifique résultant de ce manquement n’avait été établi, tel le fait que le bénéficiaire serait insolvable. La demande d’indemnisation dirigée contre le professionnel fut donc rejetée.
- Promesse synallagmatique de vente : La seconde affaire (Cass. 1re civ., 5 févr. 2020, n° 18-24.580) concernait quant à elle le versement d’un dépôt de garantie , dont le compromis de vente sous seing privé avait faussement mentionné qu’il avait bien été encaissé par le notaire. Les acquéreurs ne s’étant pas présentés à la signature de l’acte authentique, la venderesse avait alors déploré que, en l’absence dudit versement, il lui avait fallu poursuivre ses cocontractants en justice, ce alors même que la mise en jeu de la clause pénale lui aurait permis de percevoir le montant du dépôt de garantie 15 jours après la sommation de réaliser la vente. Après avoir obtenu gain de cause le 19 septembre 2018 devant la cour d’appel de Bordeaux, la solution retenue par celle-ci est finalement approuvée par les Hauts Magistrats, qui condamnèrent cette fois le notaire au nom de son obligation d’assurer l’efficacité des actes qu’il instrumente.
Par la faute du notaire, il aura fallu pas moins de 5 années pour que la venderesse récupère enfin son dû, alors que la clause pénale stipulée au compromis – et à laquelle était adossé le dépôt de garantie – était justement censée la soulager de la nécessité d’agir en justice. On observera surtout que l’absence du versement litigieux, soit en l’espèce 63 000 euros, ne pouvait à l’évidence qu’inciter les acquéreurs à faire litière de leur propre engagement ; dans le cas contraire, l’effet comminatoire de la clause pénale aurait pu jouer pleinement, et l’acte aurait sans doute été signé quoique ces derniers regrettaient l’opération.
Critique de la décision du 7 novembre 2019 : Ceci d’autant qu’à l’inverse de l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt du 5 février, les vendeurs n’avaient eux-mêmes pas été abusés par un avant-contrat leur indiquant à tort que la somme litigieuse avait bien été encaissée par le rédacteur de l’acte, ce qui rendait d’autant plus évident le comportement fautif de ce dernier. La raison pour laquelle l’absence de séquestre de l’indemnité d’ immobilisation aurait dû suffire à retenir la responsabilité du notaire tient à ce que sa vocation à être perçue par le vendeur est consubstantielle à la notion. De deux choses l’une : soit le bénéficiaire lève l’option d’achat et le montant de l’indemnité sera simplement retranché du prix de vente, soit il décide de décliner celle-ci, auquel cas il abandonnera au propriétaire la somme qu’il avait précisément payée en contrepartie de l’interdiction faite à ce dernier de céder le bien à autrui. Ce versement apparaît même automatique, là ou celui du dépôt de garantie dépendra, généralement, d’une stipulation du compromis associant le jeu de la clause pénale au montant déposé pour garantir la conclusion de l’acte authentique. Autrement et si l’exécution forcée de la vente n’est pas poursuivie par le vendeur, le montant des dommages-intérêts auxquels il pourra prétendre devra être déterminé par le juge.Dès lors, si le notaire commet une faute en ne veillant pas au paiement du dépôt de garantie à l’occasion d’une promesse synallagmatique, a fortiori en commet-il une également lorsqu’il n’exige pas le séquestre de l’indemnité d’ immobilisation lors d’une promesse unilatérale. De ce point de vue, il nous semble ainsi raisonnable de penser que, nonobstant la différence de nature entre les deux sommes, les arrêts rendus par les deux chambres révèlent, en l’état, une véritable divergence d’opinions…
Conseil pratique
Les « bibles » de rédaction d’actes proposent des clauses pour souligner le risque pris par le promettant vendeur en cas d’absence de versement à la signature de l’avant-contrat (quelle que soit la qualification retenue pour ce versement). Une pratique professionnelle récente qui vise à faciliter les transactions limite le montant de ce versement à 5 % du prix, alors que l’indemnité d’ immobilisation ou la clause pénale, suivant la nature de la promesse, reste fixée à 10 %. À l’aune de la divergence d’opinions évoquée dans ce commentaire, il serait de bonne pratique d’ajuster la rédaction de la clause sur ce versement, en introduisant une reconnaissance de conseil donné portant sur ce différentiel de montant.
Conclusion
L’offre d’achat, l’offre de prix, le compromis de vente, l’acte authentique, la promesse de vente sont des documents qui jalonnent le processus d’un achat immobilier. Ils présentent des différences importantes qu’il faut connaître avant de s’engager. L’offre d’achat ou l’offre de prix n’engage pas le candidat acquéreur tant qu’elle n’est pas acceptée par le vendeur. Le compromis et la promesse synallagmatique engagent les deux parties et leur laissent un délai de rétractation. La promesse unilatérale n’engage que le vendeur et laisse à l’acquéreur un droit d’option. L’acte authentique finalise la vente et entraîne le transfert de propriété.
Sources
Fr. Collart-Dutilleul et Ph. Delebecque, Contrats civils et commerciaux : Dalloz, coll. Précis, 11e éd., 2019, n° 55 et s., p. 72 et s.).
Cédric Coulon