L’absence de signature apposée par le client d’un expert-comptable dans la case des conditions générales d’intervention du professionnel, prévue à cet effet, ne suffit pas à rendre ces conditions générales inopposables.
Cour de cassation, Chambre commerciale, 21 juin 2023, 21-21.635
Une société confie une mission à un cabinet d’expertise comptable et signe à cet effet la lettre de mission, mais pas les conditions générales d’intervention qui y étaient annexées. Elle agit ensuite en responsabilité contre l’expert-comptable, qui lui oppose l’irrecevabilité de son action faute d’avoir respecté la clause des conditions générales prévoyant un délai de forclusion de trois mois suivant la découverte du sinistre pour toute demande de dommages et intérêts.
La cliente soutient alors que cette clause lui est inopposable ; elle fait valoir que les conditions générales, déterminées à l’avance par le cabinet d’expertise comptable, comprenaient un emplacement spécial destiné à accueillir la signature de l’adhérent, de sorte que cette clause subordonnait expressément l’acceptation des conditions générales par l’adhérent à la réalisation de cette formalité, absente en l’espèce.
Jugé au contraire que les conditions générales étaient opposables à la cliente : la lettre de mission comportait quatre pages recto verso et, si la quatrième page, concernant les conditions générales d’intervention, comportait une case « Bon pour accord, Lu et approuvé, Signature, Date », non remplie par la cliente, celle-ci avait apposé sa signature sur la troisième page sous la mention « Bon pour accord des conditions particulières définies ci-dessus et des conditions générales au verso ». L’apposition par elle de sa signature au recto sous la mention expresse du renvoi aux conditions générales d’intervention figurant au verso de la même page emportait ainsi approbation de ces conditions générales, sans nécessité d’une autre signature au bas de celles-ci. (Cour de cassation, Chambre commerciale, 21 juin 2023, 21-21.635, Inédit)
Rendue sous l’empire de l’ancien article 1304 du Code civil, la solution est transposable au régime actuel de l’annulation du contrat (C. civ. art. 1178 s. issus de ord. 2016-131 du 10-2-2016).
Les conditions générales invoquées par une partie n’ont d’effet à l’égard de l’autre que si elles ont été portées à sa connaissance et si elle les a acceptées (C. civ. art. 1119 issu de ord. 2016-131 du 10-2-2016 ; auparavant, Cass. com. 28-4-1998 n° 95-20.290 D : RJDA 8 -9/98 n° 938).
Cette connaissance et cette acceptation des conditions générales entre professionnels sont essentiellement déduites du fait que l’autre partie a signé un document y faisant expressément référence (Cass. 1re civ. 16 -2-1999 n° 96-19.469 P : RJDA 4/99 n° 499 ; Cass. 1re civ. 27 -2 -2013 n° 11-23.520 F -D : BRDA 6/13 inf. 14 ; Cass. 1re civ. 13 -2-2019 n° 18-11.609 F -D : RJDA 8 -9/19 n° 597). L’arrêt commenté rendu à propos d’une clause prévoyant un délai de forclusion pour agir en responsabilité, insérée dans les conditions générales d’intervention d’un expert-comptable, se situe dans le droit-fil de cette jurisprudence.
En l’espèce, la cliente du professionnel avait soutenu que l’existence d’une zone expressément dédiée à la signature des conditions générales imposait une formalité particulière en ce qui concerne l’acceptation de celles-ci mais la Haute Juridiction a refusé de s’engager dans cette voie.