Le créancier peut notifier la résolution du contrat au débiteur défaillant sans l’avoir d’abord mis en demeure de s’exécuter lorsque, au vu des circonstances, cette mise en demeure aurait été vaine.
Cass. com. 18-10-2023 n° 20-21.579 FP-BR, Sté Calminia c/ Sté Solideve
En cas d’inexécution suffisamment grave du contrat (C. civ. art. 1224), le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification ; sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable (C. civ. art. 1226, al. 1).
La faculté pour une partie de résoudre unilatéralement le contrat, y compris à durée déterminée, était admise avant la réforme du droit des contrats de 2016 (Ord. 2016-131 du 10-2-2016), dont l’article 1226 du Code civil est issu. Mais ce texte l’a encadrée, notamment en systématisant l’exigence d’une mise en demeure préalable et d’une notification expresse adressées au débiteur défaillant.
En cas d’urgence
Ce cas est prévu par l’article 1226.
Lorsque la mise en demeure est vaine
La mise en demeure prévue par l’article 1226 précité n’a pas à être délivrée lorsqu’il résulte des circonstances qu’elle est vaine.
Par cet arrêt (Cass. com. 18-10-2023 n° 20-21.579), la Cour de cassation ajoute un nouveau cas de dispense d’une mise en demeure préalable à la notification de la résolution.
La solution est pragmatique : imposer le respect d’un formalisme voué à l’échec n’aurait pas eu de sens. L’arrêt donne en outre un exemple : la mise en demeure n’est pas requise lorsque le comportement fautif d’une des parties rend impossible le maintien des relations contractuelles. Il avait déjà été admis, avant la réforme, que l’agressivité verbale et le comportement ambigu d’un cocontractant autorisaient l’autre à rompre immédiatement le contrat (cf. Cass. 1e civ. 22-9-2016 n° 15-20.614 F-D). Il résultait des éléments suivants que le comportement du dirigeant de la société cliente était d’une gravité telle qu’il avait rendu manifestement impossible la poursuite des relations contractuelles et qu’une mise en demeure préalable aurait été vaine : les relations avec les employés du prestataire intervenant sur le chantier étaient devenues très tendues et conflictuelles le dirigeant de la société cliente avait tenu des propos insultants et méprisants à l’égard de l’un d’eux, mettant en cause sa capacité à faire et à suivre le chantier, et donné des ordres directs à un autre sans en informer sa hiérarchie ; si l’agacement de ce dirigeant de voir son outil professionnel hors de fonctionnement peut être compris, cette situation ne pouvait justifier une attitude inacceptable, qu’il s’agisse des propos tenus ou du fait d’imposer des dates d’intervention non convenues ; ce comportement fautif ne permettait alors plus de poursuivre une intervention dans des conditions acceptables et justifiait le retrait des équipes de l’entreprise, empêchées dans leur exécution contractuelle ; dans ce contexte d’extrême pression et de rupture relationnelle, le prestataire n’était pas en mesure de poursuivre son intervention.