Les usages d’une profession régissent les relations entre les membres de cette profession mais aussi entre ces membres et les personnes qui y sont étrangères dès lors que ces dernières ont eu connaissance de ces usages et les ont acceptés.
Cass. com. 4-10-2023 • 22-15.685 F-B, Sté Delisle cl Sté d’armatures spéciales
Un contrat oblige les parties non seulement à ce qui y est exprimé mais aussi aux suites que leur donne notamment l’usage (C. civ. art. 1194).
Les usages commerciaux peuvent donc suppléer la volonté des parties et compléter le contrat, mais dans quelles conditions ?
L’application large des usages commerciaux
Les usages élaborés par une profession ont vocation à régir, sauf convention contraire, non seulement les relations entre ses membres, mais aussi celles de ces derniers avec des personnes étrangères à cette profession dès lors qu’il est établi que celles-ci, en ayant eu connaissance, les ont acceptés.
Entre deux professionnels du même secteur d’activité
Entre les professionnels exerçant dans le même secteur d’activité, les usages de ce dernier s’appliquent (Cass. corn. 9-1-2001 n° 97-22.668 FP-P : RJDA 4/01 n° 406; Cass. corn. 13-5-2003 n° 00-21.555 FS-P : RJDA 11/03 n° 1038 ; Cass. corn. 17-1-2006 n° 04-10.865 F-D: RJDA 4/06 n° 368 som.), sauf clause contraire (Cass. corn. 17-1-2006 précité). Il n’y a pas à rechercher si ces professionnels y ont consenti (notamment, Cass. corn. 9-1-2001 précité; Cass. corn. 19-2-2002 n° 97-21.604 F-D), a fortiori quand ces usages ont été codifiés.
La question de savoir si des professionnels relèvent du même secteur d’activité est appréciée au cas par cas et de manière concrète par les juges : cela a été admis pour un courtier en vin et un négociant-acheteur en vin (Cass. corn. 13-5-2003 précité) ainsi que pour une société commercialisant des profilés aluminium et le concepteur de filières constituant l’outillage nécessaire à la fabrication de ces profilés (Cass. corn. 9-1-2001 précité).
En revanche ne relèvent pas du même secteur un industriel en alimentation pour le bétail et un commerçant en grains (Cass. corn. 8-10-1956 n° 56-10.721 : Bull civ. Ill n° 225) ni un courtier en vin et le bailleur de locaux utilisés pour l’élaboration et le stockage du vin (Cass. 3′ civ. 15- 10-2014 n° 12-28.767 FS-PB: Bull. civ. III n° 129).
Entre deux professionnels de secteurs d’activités différents
Si le professionnel est totalement étranger au secteur régi par les usages, il convient de s’assurer qu’il a eu connaissance du contenu des usages et qu’il y a adhéré (Cass. corn. 16-12-1997 n° 95-18.586 P : RJDA 4/98 n° 527; dans le même sens, Cass. corn. 25-6-1973 n° 72-11.988 ).
Il faut donc rechercher le consentement, serait-ce tacite, de la société cliente aux usages en cause, à l’instar de ce que prévoit l’article 1119 du Code civil pour les conditions générales, qui n’ont effet à l’égard de l’autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées.
Cependant les usages seront opposables si, compte tenu de la familiarité manifeste de la société cliente avec le secteur concerné et de la compétence dont elle faisait preuve, il suffisait, pour caractériser son consentement, de relever que son cocontractant l’avait renvoyée à un document auquel elle pouvait se référer sans difficulté et sur l’existence duquel son attention avait été attirée.