Définition juridique du compte courant d’associé
En pratique, il arrive souvent pour permettre à la société de faire face à des besoins de trésorerie momentanés, que les associés, au lieu de faire des apports complémentaires, consentent à la société des avances ou des prêts, soit en versant des fonds dans la caisse sociale, soit en laissant à la disposition de la société des sommes qu’ils renoncent temporairement à percevoir (rémunérations, dividendes, etc.).
L’associé qui consent à la société une avance en compte courant adjoint à cette qualité celle de créancier de la société au titre des sommes figurant à ce compte ; les sommes qu’il a déposées en compte courant ont la nature non d’apport en capital ayant leur contrepartie au bilan dans le compte « Capital » mais de prêts enregistrés en comptabilité au compte 455 « Associés-Comptes courants ».
Sont comptabilisés dans ce compte les mouvements financiers entre l’associé et la société : au crédit, les montants mis à la disposition de l’entreprise, au débit, les prélèvements ou remboursements effectués par la société au profit de l’associé.
Un compte courant d’associé produit-il des intérêts ?
En l’absence de stipulation d’intérêt conventionnel, l’avance en compte courant est présumée effectuée à titre gratuit.
Un compte courant d’associé peut être rémunéré, comme un emprunt bancaire, par le versement d’intérêts. Dans ce cas, le taux d’intérêt est fixé par les statuts ou par une convention de compte courant conclue entre la société et l’associé.
Le remboursement du compte courant d’associé
Le principe : remboursement immédiat du compte courant
Les conditions de remboursement du compte courant d’associé sont souvent prévues par les statuts ou la convention de compte courant.
À défaut de clause statutaire (antérieure au dépôt des fonds) ou de convention contraire, l’associé peut en principe demander à tout moment le remboursement du solde créditeur de son compte courant. La créance de remboursement d’un compte courant d’associé est soumise à une prescription de cinq ans qui court à compter de la demande de remboursement.
En l’absence de convention particulière ou statutaire les régissant, les comptes d’associés ont donc pour caractéristique d’être en principe remboursables à tout moment. La validité de principe du remboursement immédiat du compte courant n’exclut toutefois pas que l’associé puisse être tenu pour fautif lorsque sa demande de remboursement est faite abusivement. Commettent ainsi une faute les actionnaires majoritaires qui se font rembourser leurs comptes courants alors qu’ils savent que la créance d’un tiers n’a pas été prise en compte lors de la liquidation amiable de la société, ou l’associé gérant titulaire avec son épouse d’un compte courant dans une société constituée pour acquérir une résidence secondaire et qui a prélevé les fonds de ce compte afin d’acquérir en propre un bien immobilier.
Un associé peut demander à tout moment le remboursement immédiat et à vue du solde créditeur de son compte courant d’associé sur le fondement de la responsabilité contractuelle (article 1103 code civil)[1].
La cour d’appel d’Aix-en-Provence a récemment confirmé le pouvoir du juge des référés pour ordonner son paiement immédiat compte tenu de l’absence de contestation sérieuse : « La société a justement été condamnée au règlement à titre provisionnel du montant du compte courant de l’associé. En effet, le solde créditeur d’un compte courant d’associé est par la définition même du compte courant immédiatement exigible, et la créance en résultant est liquide et certaine »[2].
Il en ressort que :
- la société ne peut pour refuser le remboursement immédiat opposer à l’associé d’éventuelles difficultés de trésorerie pour différer le paiement[3] ;
- la société qui refuse le remboursement de l’avance exigible commet une faute contractuelle à l’égard du prêteur, et encourt à ce titre les sanctions du droit des obligations telles que l’exécution forcée ou la responsabilité contractuelle. En outre, l’inexécution des engagements de la société peut se doubler de manquements aux règles du droit des sociétés
- la responsabilité personnelle du dirigeant peut être engagée, lorsqu’il s’oppose à une demande de remboursement d’un compte d’associé. Et de fait, il a été jugé que le dirigeant qui diffère la restitution du solde d’un compte courant au préjudice d’un associé qui a cédé ses parts sociales, commet une faute de gestion dont il doit personnellement répondre envers la société : il doit la garantir du paiement des intérêts moratoires mis à sa charge au profit de l’associé-prêteur[4].
[1] Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 24 juin 1997, 95-20.056, Publié au bulletin
[2] Cour d’appel, Aix-en-Provence, Chambre 3-1, 4 Novembre 2021 – n° 20/07919
[3] Cass. com., 15 juill. 1982,– Cass. com., 24 juin 1997 – Cass. com., 3 nov. 2004,– CA Aix-en-Provence, 6 juill. 2017, n° 15/05231 ; CA Versailles, 2 avr. 1999 : JurisData n° 1999-101626 ; CA Grenoble, 29 mars 2006 : JurisData n° 2006-297887 ; « il doit être fait droit à la demande en remboursement, laquelle, peut-être formée à tout moment, quelle que soit la situation économique et financière de la société, à défaut de clause statutaire ou de convention contraire ». Cass. com., 10 mai 2011, n° 10-18.749
[4] Cass. com., 12 janv. 1993
L’exception : la clause statutaire
Une clause des statuts peut valablement soumettre le remboursement du compte à certaines conditions, pourvu que celles-ci ne fassent pas dépendre exclusivement le remboursement d’une décision de la société débitrice. Sont ainsi valables les clauses qui soumettent le remboursement à la condition que la trésorerie de la société le permette, à la reconstitution des fonds propres à un certain niveau ou encore à la condition que l’actif disponible soit supérieur au passif exigible.
Le compte courant débiteur
L’interdiction de principe du compte courant débiteur
Il est interdit aux gérants et associés personnes physiques de SARL de se faire consentir par elle des emprunts ou des découverts en compte courant (C. com. art. L 223-21, al. 1).
La nullité
De tels emprunts ou découverts sont frappés de nullité absolue (C. com. art. L 223-21, al. 1 ; Cass. com. 25-4-2006 n° 05-12.734 F-D : RJDA 8-9/07 n° 858).
L’abus de bien social
Des sanctions pénales peuvent en outre s’appliquer si les faits constituent un abus de bien social (C. com. art. L 241-3 ; pour un exemple, voir Cass. crim. 27-4-2000 n° 99-83.515 D : RJDA 11/00 n° 997).
La confusion des patrimoines
Une procédure collective ouverte à l’égard d’une entreprise peut être étendue à une autre personne en cas de confusion de leurs patrimoines résultant de relations financières anormales entre elles (C. com. art. L 621-2, L 631-7 et L 641-1).
L’existence d’un compte courant débiteur peut être prise en compte pour caractériser la confusion des patrimoines d’une société et de son dirigeant. La confusion a été reconnue dans un cas où un gérant avait fait supporter des dépenses personnelles somptuaires à la société, laissé croître son compte courant débiteur et s’était octroyé une indemnité non autorisée alors que la société était en cessation des paiements (Cass. com. 7-11-2018 n° 17-21.284 F-D : RJDA 2/19 n° 103).
Par l’inscription des sommes au compte courant, l’associé gérant se reconnaissait certes débiteur de la société, mais que ce fait ne pouvait pas à lui seul justifier les versements à son profit (par exemple, en caractérisant l’existence d’une contrepartie) et ne suffisait donc pas à exclure l’anormalité de ces versements.
L’existence d’un compte courant débiteur, pénalement réprimée, n’est pas de nature à exclure l’anormalité des virements et retraits effectués sans contrepartie au profit de l’associé gérant.
Cass. com. 13-9-2023 n° 21-21.693 F-D
Procédure collective et compte courant
La mise en liquidation judiciaire n’entraîne pas la clôture du compte courant du débiteur. Modifiant sa jurisprudence, la Cour de cassation juge que la mise en liquidation judiciaire du titulaire d’un compte courant, qui est un contrat en cours, n’emporte pas la clôture de ce compte. La caution qui en garantit le solde débiteur ne peut donc pas être poursuivie. Cass. com. 11-9-2024 no 23-12.695 FS-B, Sté Banque populaire du sud c/ Sté MV Finances
L’article L 641-11-1 du Code de commerce, créé par l’ordonnance 2008-1345 du 18 décembre 2008, a transposé à la liquidation judiciaire la règle de la continuation des contrats en cours posée à l’article L 622-13 du Code de commerce, édictée pour la sauvegarde et rendue applicable au redressement judiciaire par l’article L 631-14.
La Cour de cassation avait jugé que le compte courant d’une entreprise était clôturé par l’effet de sa liquidation judiciaire et que le paiement du solde de ce compte pouvait être exigé de la caution (Cass. com. 13-12-2016 no 14-16.037 F-PB : RJDA 3/17 no 197). Cette solution, qui n’a jamais été confirmée par la suite, avait suscité des critiques. En effet, le compte courant, non clôturé avant le jugement d’ouverture, doit être considéré comme un contrat en cours soumis au principe de la continuation. Par l’arrêt commenté, la Haute Juridiction retient cette solution. Revirement de jurisprudence.
Nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d’un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l’ouverture ou du prononcé d’une liquidation judiciaire (C. com. art. L 641-11-1, I-al. 1).
A l’occasion des faits suivants, la Cour de cassation déduit de ce texte qu’un compte courant est un contrat en cours et que l’ouverture d’une liquidation judiciaire contre son titulaire n’en entraîne pas automatiquement la clôture.
Une entreprise ouvre un compte courant auprès d’une banque, garanti par un cautionnement consenti par un tiers. Après la mise en redressement puis en liquidation judiciaires de l’entreprise, la banque déclare sa créance au titre du solde débiteur du compte et poursuit la caution en paiement.
La Haute Juridiction rejette cette demande : la résiliation du compte courant ne pouvait pas résulter de l’ouverture de la liquidation judiciaire. La clôture du compte n’étant pas intervenue, le solde n’était pas devenu exigible, de sorte que la caution n’était pas tenue.