Le tuteur qui représente le majeur sous tutelle dans les actes nécessaires à la gestion de ses biens doit apporter « des soins prudents, diligents et avisés, dans le seul intérêt de la personne protégée » (C. civ. art. 496, al. 2).
Il répond des dommages-intérêts qui peuvent résulter de sa mauvaise gestion, une faute « quelconque » suffisant à engager sa responsabilité (C. civ. art. 421).
Le tuteur, chargé de la gestion du patrimoine , peut engager sa responsabilité pour manquement à l’une de ses obligations spéciales, pour avoir accompli un acte interdit, ou pour mauvaise gestion caractérisée.
Le contrôle renforcé du tuteur par le subrogé tuteur
Le subrogé tuteur a une mission de surveillance des actes du tuteur. Sous peine d’engager sa responsabilité à l’égard de la personne protégée, le subrogé tuteur surveille les actes passés par le tuteur en cette qualité et informe sans délai le juge s’il constate des fautes dans l’exercice de sa mission (C. civ. art. 454, al. 4).
Le subrogé tuteur est informé et consulté par le tuteur avant tout acte grave accompli par ce dernier (C. civ. art. 454, al. 6).
Le subrogé tuteur peut également :
- en matière d’emploi et de remploi des capitaux : le subrogé tuteur atteste auprès du juge des tutelles que l’emploi ou le remploi des capitaux a été effectué conformément aux prescriptions (C. civ. art. 497, al. 2).
- sur le contrôle du compte de gestion : les comptes de gestion sont vérifiés et approuvés annuellement par le subrogé tuteur lorsqu’il en a été nommé un ou par le conseil de famille lorsqu’il est fait application de l’article 457 du Code civil. En cas de difficulté, le juge statue sur la conformité des comptes à la requête de l’une des personnes chargées de la mesure de protection (C. civ. art. 512, al. 1).
L’absence de réalisation de l’inventaire
Au titre des obligations spéciales, l’article 503 du code civil impose au tuteur l’inventaire dans les trois mois de sa nomination, en présence du subrogé tuteur s’il a été désigné.
Dans le système de tutelles, l’escroquerie est possible lors d’une étape-clé de la mise sous protection judiciaire : l’inventaire. Dans les trois mois qui suivent sa désignation, le tuteur doit faire l’inventaire des biens de la personne dont il a la protection : ses comptes en banque, ses meubles, ses biens immobiliers, etc.
il est facile pour un tuteur indélicat de détourner des biens : “Il suffit de ne pas les déclarer dans l’inventaire“.
Les personnes sous tutelle n’ayant souvent pas de famille ou ne pouvant pas s’exprimer clairement, personne ne peut attester de la disparition de ces biens.
Le contrôle annuel du compte de gestion
Le tuteur doit établir chaque année un compte de gestion auquel sont annexées les pièces justificatives (C. civ. art. 510, al. 1).
Pour ce faire, le tuteur peut demander aux établissements bancaires les relevés annuels de comptes du majeur protégé, sans que le secret bancaire ou professionnel puisse lui être opposé (C. civ. art. 510, al. 2).
Les comptes de gestion sont vérifiés et approuvés annuellement par le subrogé tuteur lorsqu’il en a été nommé un ou par le conseil de famille lorsqu’il est fait application de l’article 457 du Code civil. Lorsque plusieurs tuteurs ont été désignés pour gérer le patrimoine du majeur, les comptes annuels de gestion doivent être signés par chacun d’eux, ce qui vaut approbation. En cas de difficulté, le juge statue sur la conformité des comptes à la requête de l’une des personnes chargées de la mesure de protection (C. civ. art. 512, al. 1).
À défaut de désignation d’un subrogé tuteur ou d’un conseil de famille, le juge confie la mission de vérification et d’approbation des comptes à un professionnel qualifié (C. civ. art. 512, al. 3 modifié par loi 2019-222 du 23-3-2019 art. 30). Ce professionnel qualifié peut être un notaire, huissier de justice (commissaire de justice depuis le 1-7-2022), avocat, expert-comptable, commissaire aux comptes, administrateur, mandataire judiciaire ou toute autre personne (Circ. Civ/04/2019 du 25-3-2019 n° JUSC1909309C). Auparavant, le controle était réalisé par le greffier en chef du tribunal judiciaire.
Lorsque l’importance et la composition du patrimoine du majeur le justifient, le juge confie la mission de vérification et d’approbation des comptes à un professionnel qualifié (C. civ. art. 512, al. 2 modifié par loi 2019-222 du 23-3-2019 art. 30).
La personne chargée de vérifier et d’approuver les comptes peut faire usage du droit de communication relatif aux comptes bancaires, sans que puisse lui être opposé le secret professionnel ou le secret bancaire. Elle est tenue d’assurer la confidentialité du compte de gestion (C. civ. art. 513-1, al. 1).
Par dérogation, le juge peut dispenser le tuteur de soumettre le compte de gestion à approbation en considération de la modicité des revenus ou du patrimoine de la personne protégée (C. civ. art. 513, al. 1). Il peut également le dispenser d’établir le compte de gestion lorsque la tutelle n’a pas été confiée à un mandataire judiciaire à la protection des majeurs (C. civ. art. 513, al. 2). La dispense du compte de tutelle relève de l’appréciation souveraine du juge (Cass. 1e civ. 7-10-2015 n° 14-23.955 F-PBI : BPAT 6/15 inf. 215).
Le contrôle de fin de mission
À la fin de sa mission, et sauf s’il a été dispensé d’établir des comptes annuels, le tuteur doit (C. civ. art. 514) :
- établir un compte récapitulatif de gestion des opérations intervenues depuis le dernier compte annuel, ce compte étant soumis aux mêmes règles de vérification que le compte annuel ;
- remettre une copie des cinq derniers comptes de gestion et du compte récapitulatif, dans les trois mois qui suivent la fin de sa mission, selon le cas au majeur redevenu capable, au nouveau représentant légal ou aux héritiers du majeur.
Dans tous les cas, le tuteur doit remettre au majeur redevenu capable, au nouveau représentant légal ou aux héritiers du majeur les pièces nécessaires pour continuer la gestion ou assurer la liquidation de la succession, ainsi que l’inventaire initial et les actualisations auxquelles il a donné lieu.
L’action en reddition de comptes, en revendication d’un bien ou en paiement de sommes touchées par le tuteur se prescrit par cinq ans à compter de la fin de la mesure de protection, délai qui s’applique même si le tuteur a continué à gérer les biens du majeur après la fin de sa mission (C. civ. art. 515).
La responsabilité personnelle du tuteur pour faute de gestion
Tous les organes de la mesure de protection sont responsables du dommage résultant d’une faute qu’ils commettent dans l’exercice de leur fonction : le mandataire judiciaire à la protection des majeurs, le tuteur ou le curateur familial, la personne habilitée ( C. civ., art. 421 et art. 422 ). La responsabilité s’applique indépendamment de l’origine de la protection et vaut tant pour la protection de la personne du majeur que pour la protection de ses biens
Le MJPM peut être dessaisi de ses fonctions : la Cour de cassation a jugé que « Selon l’ article 417 du Code civil, le juge des tutelles peut dessaisir les personnes chargées de la protection de leur mission en cas de manquement caractérisé dans l’exercice de celle-ci, après les avoir entendues ou appelées » ( Cass. 1re civ., 4 déc. 2019, n° 18-25.867 : JurisData n° 2019-022270 ; Dr. famille 2020, comm. 31 , I. Maria). Les juges du fond avaient déjà prononcé cette sanction à l’encontre d’un MJPM qui avait antidaté des requêtes et sollicité des majeurs protégés à témoigner pour critiquer les décisions du juge des tutelles (CA Caen, 26 oct. 2016, n° 16/02321 : JurisData n° 2016-022282 ; JCP G 2017, 288 , G. Raoul-Cormeil).
En cas de faute d’un tuteur dans l’exécution de sa mission au préjudice de tiers, ces derniers peuvent rechercher sa responsabilité sur le fondement de l’article 1382 (devenu article 1240) du Code civil régissant la responsabilité extracontractuelle du fait personnel (Cass. 1e civ. 16-12-2015 n° 14-27.028 FS-PBI : BPAT 1/16 inf. 13).
Obtenir la nullité d’un acte accompli par le tuteur
Si le tuteur a dépassé les pouvoirs confiés par le juge en accomplissant seul un acte qui aurait dû être fait par la personne protégée, seule ou avec son assistance, ou qui ne pouvait être accompli qu’avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille, l’acte est nul de plein droit, sauf confirmation dans les cinq ans avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué (C. civ. art. 465, 4° et dernier al.).
Les termes « de plein droit » ne signifient pas que la nullité opère automatiquement ; elle doit être demandée au juge par les personnes ayant qualité pour le faire. A été jugée irrecevable, par exemple, l’action en nullité d’une transaction conclue par le curateur seul, exercée par l’épouse non curatrice du majeur (Cass. 1e civ. 5-3-2014 n° 12-29.974 F-PB : Bull. civ. I n° 30).
Par exemple, sont nuls les actes de procédure initiés par le tuteur seul, en qualité de représentant du majeur, pour la période postérieure au jugement qui avait transformé la tutelle en curatelle renforcée (CA Angers 3-6-2013 n° 12/01363, 1e ch. sect. B).
L’absence de cause exonératoire
L’approbation du compte ne préjudicie pas aux actions en responsabilité contre le tuteur et autres organes de la tutelle
De la même façon, l’autorisation donnée par le conseil de famille ou par le juge des tutelles d’accomplir un acte ne purge pas cet acte de ses effets dommageables et ne supprime pas la responsabilité du tuteur, même si cela autorise un partage de responsabilité.