Du principe de la liberté du commerce et de l’industrie (Loi des 2 et 17-3-1791) résulte celui de la liberté de concurrence. Cependant, cette liberté n’autorise pas les entreprises à user de procédés contraires aux usages loyaux du commerce pour nuire à un concurrent afin de détourner sa clientèle. Ces procédés, extrêmement variés, peuvent être regroupés sous diverses formes : dénigrement, utilisation des signes distinctifs d’une entreprise concurrente ou imitation de ses produits, appropriation de clientèle, embauche fautive de personnel, etc.
En l’absence de textes particuliers, ils sont sanctionnés sur le fondement de la responsabilité civile de droit commun.
La concurrence déloyale trouve son fondement juridique dans le principe général de responsabilité civile édicté aux articles 1240 et 1241 du code civil et 10 bis de la Convention d’Union de Paris.
Elle suppose la démonstration d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité.
Définition de la concurrence déloyale
Elle « consiste dans des agissements s’écartant des règles générales de loyauté et de probité professionnelle applicables dans les activités économiques et régissant la vie des affaires » (TGI Paris, 7 sept. 2018, n°16/12074 ; TJ Paris, 15 avr. 2022, n° 19/12628).
L’article 10 bis, 2) de la Convention de Paris donne une définition générale de la concurrence déloyale : « Constitue un acte de concurrence déloyale tout acte de concurrence contraire aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale » (c’est une définition qui veut dire en gros ‘débouillez-vous avec ça’).
En son 3), ce même article précise les actes de nature à être appréhendés sur ce fondement : « Devront être interdits : 1° tous faits quelconques de nature à créer une confusion par n’importe quel moyen avec l’établissement, les produits ou l’activité industrielle ou commerciale d’un concurrent ; 2° les allégations fausses, dans l’exercice du commerce, de nature à discréditer l’établissement, les produits ou l’activité industrielle ou commerciale d’un concurrent ; 3° les indications ou allégations dont l’usage, dans l’exercice du commerce, est susceptible d’induire le public en erreur sur la nature, le mode de fabrication, les caractéristiques, l’aptitude à l’emploi ou la quantité des marchandises ».
Quels sont les cinq grands cas de concurrence déloyale ?
Si les litiges en concurrence déloyale couvrent des situations juridiques variées, il existe néanmoins cinq grandes familles :
- Atteintes à la réputation d’une entreprise
- Imitations constitutives de concurrence déloyale
- Actes désorganisant l’entreprise concurrente
- Actes désorganisant le marché
- Parasitisme
Parasitisme
Le parasitisme (ou concurrence parasitaire) consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’une entreprise en profitant indûment des investissements consentis ou de sa notoriété. Il résulte d’un ensemble d’éléments appréhendés dans leur globalité (Cass. com. 10-7-2018 no 16-23.694 FS-PB : RJDA 12/18 no 956 ; Cass. com. 10-2-2015 no 13-24.399 F-D ; Cass. com. 10-5-2006 no 04-15.612 F-D ; Cass. com. 26-1-1999 no 96-22.457 D).
Définition : le parasitisme économique est une forme de déloyauté, constitutive d’une faute au sens de l’article 1240 du Code civil, qui consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre afin de tirer indûment profit de ses efforts, de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis (Cass. com. 16-2-2022 no 20-13.542 FS-B : RJDA 6/22 no 375 ; Cass. com. 10-7-2018 no 16-23.694 précité).
Ainsi, pour que soit établie la faute, il faut prouver qu’un tiers s’est placé dans le sillage d’autrui, ce qui suppose de démontrer non seulement un élément intentionnel du parasite mais également l’existence d’une économie injustifiée réalisée par celui qui se place dans le sillage d’un autre pour tirer indûment profit de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis.
La recherche d’une économie au détriment d’un concurrent n’est pas en tant que telle fautive mais procède de la liberté du commerce et de la libre concurrence, sous réserve de respecter les usages loyaux du commerce (Cass. com. 26-6-2024 no 22-17.647 FS-BR, Sté Intersport France c/ Sté Decathlon).
Il y a donc deux critères :
- Il appartient à celui qui se prétend victime d’actes de parasitisme d’identifier la valeur économique individualisée qu’il invoque (Cass. com. 20-9-2016 no 14-25.131 : Bull. civ. IV no 116) : Le parasitisme implique la preuve d’une valeur économique identifiée et individualisée (Cass. com. 26-6-2024 no 22-17.647 FS-BR, Sté Intersport France c/ Sté Decathlon)
- ainsi que la volonté d’un tiers de se placer dans son sillage (Cass. com. 3-7-2001 nos 98-23.236 et 99-10.406 : RJDA 12/01 no 1276).
Celui qui se prétend victime de parasitisme économique doit démontrer l’existence d’une valeur économique identifiée et individualisée, condition préalable pour rechercher la responsabilité civile de celui qui, se plaçant dans son sillage, capte indûment ses efforts. (Cass. com. 26-6-2024 no 23-13.535 FS-BR, Sté Maisons du monde France c/ Sté Auchan e-commerce France ; Cass. com. 26-6-2024 no 22-17.647 FS-BR, Sté Intersport France c/ Sté Decathlon)
Les 2 conditions du parasitisme
Quelles sont les DEUX conditions de la qualification de parasitisme ?
1er critère : appréciation du critère tiré de l’existence d’une valeur économique identifiée et individualisée
Si la condition tirée de l’existence d’une valeur économique individualisée avait déjà été posée par le passé (Cass. com. 20-9-2016 no 14-25.131 ) elle devient aujourd’hui centrale et indispensable. Tous les produits ou services ne sont ainsi pas susceptibles d’être pillés. La banalité, l’air du temps ou le fonds commun sont de nature à exclure la faute de parasitisme.
Le savoir-faire et les efforts humains et financiers propres à caractériser une valeur économique identifiée et individualisée ne peuvent pas se déduire de la seule longévité et du succès de la commercialisation du produit (Cass. com. 5-7-2016 no 14-10.108 FS-PB : RJDA 10/16 no 749) et, les idées étant de libre parcours, le seul fait de reprendre, en le déclinant, un concept mis en oeuvre par un concurrent ne constitue pas, en soi, un acte de parasitisme (Cass. 1e civ., 22-6-2017 no 14-20.310 FS-PB : RJDA 10/17 no 375).
La Cour de cassation estime qu’une telle valeur économique identifiée et individualisée fait défaut dans la première affaire, au vu des éléments suivants (Cass. com. 26-6-2024 no 23-13.535 FS-BR, Sté Maisons du monde France c/ Sté Auchan e-commerce France):
- – le tableau invoqué était composé de dessins ou de photographies évocateurs des Etats-Unis des années cinquante, thème vintage alors en vogue que la société de décoration n’était d’ailleurs pas seule à l’exploiter ;
- – ces éléments étaient disponibles en droit libre sur internet ;
- – la styliste qui les avait trouvés sur internet les avait seulement agencés.
- la commercialisation du tableau n’était attestée que sur une période limitée et il n’avait jamais été mis en avant comme un produit emblématique de la collection.
Il s’agissait donc d’une combinaison banale d’images préexistantes qui n’avait jamais été mise en avant comme emblématique de l’univers de la marque.
Il en ressortait que la société n’avait pas produit une valeur économique identifiée et individualisée.
Dans le second arrêt, en revanche, elle retient le parasitisme. (Cass. com. 26-6-2024 no 22-17.647 FS-BR, Sté Intersport France c/ Sté Decathlon), le fameux masque easybreath snorkeling de Decathlon.
Les sociétés ayant vendu un masque de plongée similaire ne justifiaient en effet d’aucun travail de mise au point ni de coûts exposés pour le développement d’un produit identique d’un point de vue fonctionnel et à l’apparence fortement inspirée d’un produit couronné de succès, à une époque où ce dernier était toujours proposé. Il semble que ce soit la commercialisation du produit incriminé au moment où le premier acteur sur le marché continuait d’investir pour faire connaître son produit devenu phare qui caractérisait en l’espèce la volonté parasitaire.
Par ailleurs, si les investissements de recherche et de conception sont visés dans l’arrêt, ce sont les investissements publicitaires qui semblent ici décisifs. S’y ajoute le caractère novateur et innovant du produit dans le sillage duquel la société concurrente s’était placée, lequel constitue, selon la Cour de cassation, une valeur économique identifiée et individualisée, ce qui est renforcé par le chiffre d’affaires généré par sa vente.
Le parasitisme est ici retenu alors même que ni la contrefaçon de dessin et modèle, ni la concurrence déloyale n’avaient été admises, ce qui établit le caractère autonome de cette faute civile.
2nd critère : la volonté d’un tiers de se placer dans son sillage
En cours de rédaction