L’autorité de chose jugée de la décision d’admission de créance
La décision d’admission d’une créance au passif d’un débiteur en procédure collective est revêtue, entre le débiteur et le créancier, de l’autorité de la chose jugée s’agissant de l’existence, de la nature et du montant de la créance admise ; elle interdit au débiteur de demander l’annulation du contrat qui a donné naissance à la créance (Cass. com. 14-10-1997 no 95-15.544 P ; Cass. com. 3-2-2021 no 19-14.664 F-D).
L’exception à l’autorité de chose jugée en matière de clause abusive
L’autorité de chose jugée de l’admission d’une créance connaît une exception notable en matière de clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur. Elle tire ainsi les conséquences de la jurisprudence récente de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) en ce domaine. En effet, en application de la directive 93/13 du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, la CJUE a notamment jugé que :
– le juge national est tenu d’examiner d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle, dès qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet, sauf si le consommateur, après avoir été avisé par le juge, entend ne pas faire valoir ce caractère abusif (CJCE 4-6-2009 aff. 243/08 : RJDA 10/09 no 899) ;
– cette obligation s’étend au juge statuant au stade d’une mesure d’exécution forcée : une telle mesure doit pouvoir être arrêtée ou suspendue en cas d’existence d’une clause abusive dans le contrat exécuté (CJUE 14-3-2013 aff. 415/11 ; CJUE 14-11-2013 aff. 537/12 et 116/13 ; CJUE 26-6-2019 aff. 407/18) ;
– l’autorité de la chose jugée ne fait pas obstacle, en soi, à ce que le juge national soit tenu d’apprécier, sur la demande des parties ou d’office, le caractère éventuellement abusif d’une clause, même au stade d’une mesure d’exécution forcée, dès lors que cet examen n’a pas déjà été effectué à l’occasion du précédent contrôle juridictionnel ayant abouti à la décision revêtue de l’autorité de la chose jugée (CJUE 26-1-2017 aff. 421/14 ; CJUE 17-5-2022 aff. 600/19 ; CJUE 17-5-2022 aff. 693/19 et 831/19).
Cette jurisprudence a pour origine le « principe d’effectivité », qui impose au juge national d’assurer « l’effet utile » de la protection du consommateur voulue par la directive 93/13. Pour la CJUE, la règle procédurale de droit interne relative à l’autorité de la chose attachée à une précédente décision de justice ne peut donc pas faire obstacle au contrôle juridictionnel effectif d’une clause, dès lors que, à l’occasion de la décision de justice antérieure, le juge qui a fixé la créance n’a pas examiné les clauses du contrat susceptibles d’être abusives. L’examen juridictionnel des clauses dont le caractère abusif est invoqué ne peut jamais être « implicite » mais doit, au contraire, être effectif. C’est à cette seule condition que l’autorité de la chose jugée peut être opposée au consommateur.
Si le juge-commissaire n’a pas examiné la clause d’exigibilité anticipée du prêt, il apaprtient au juge de l’exécution de procéder à cet examen.
Nonobstant l’admission de la créance à son passif, un débiteur peut faire valoir que le contrat ayant donné naissance à la créance comporte une clause abusive si le juge-commissaire n’a pas examiné cette clause lors de l’admission.
Cass. com. 8-2-2023 no 21-17.763 FS-B, X c/ Sté BNP Paribas