Le mandat apparent est une création jurisprudentielle fondée sur la théorie de l’apparence.
La théorie jurisprudentielle du mandat apparent est désormais consacrée à l’article 1156 du Code civil issu de la réforme du droit des obligations de 2016. Ce texte précise que la croyance légitime du tiers en la réalité des pouvoirs du représentant peut notamment résulter du comportement ou des déclarations du représenté. Ces éléments d’appréciation n’étant pas limitatifs, les juges demeurent libres de prendre en considération le comportement de celui qui se fait passer pour un mandataire ou le comportement du tiers comme en l’espèce.
Le mandat apparent s’applique aux personnes morales malgré les règles de publicité légale entourant la nomination et la cessation de fonctions de leurs représentants légaux. Toutefois, la reconnaissance d’un mandat apparent ne peut être retenue pour les actes passés par un ancien dirigeant dont la cessation des fonctions a été régulièrement publiée avant la conclusion de ces actes (Cass. com. 4-5-1993 no 91-14.616 P : RJDA 12/93 no 1039).
Les conditions du mandat apparent
Pour déterminer s’il y a mandat apparent, il faut que la croyance du tiers aux pouvoirs du prétendu mandataire soit légitime ; cette croyance est légitime si les circonstances autorisent le tiers à ne pas vérifier lesdits pouvoirs.
Les juges du fond apprécient la croyance légitime en fonction d’un faisceau d’indices résultant de la combinaison de circonstances objectives et subjectives. Cette technique du faisceau d’indices rend difficile d’isoler les circonstances qui, en elles-mêmes, suffiraient à justifier la solution.
S’agissant des circonstances objectives, elles résultent d’abord de l’acte lui-même. Le juge doit s’attacher à l’acte écrit pour déceler si, effectivement, le tiers a déclaré agir au nom d’autrui, ou donné à croire qu’il agissait ainsi et, par là même, a suscité la croyance du tiers : notamment, emploi de la formule « pour ordre » (Cass. 1e civ. 13-6-1967 : Bull. civ. I no 211) ou utilisation du papier à en-tête du mandant par le mandataire apparent (Cass. com. 2-10-1979 no 77-16.010 : Bull. civ. IV no 243 ; Cass. 1e civ. 6-3-1996 no 94-14.156 D).
La durée des relations d’affaires est également prise en compte (Cass. com. 15-3-1984 no 82-15.081 : Bull. civ. IV no 106).
Enfin, le juge apprécie si l’acte, de par sa nature, sa gravité ou son urgence, est normal et justifiait l’absence de vérification des pouvoirs du mandataire apparent par le tiers. Ainsi, la jurisprudence apparaît moins exigeante face à un acte d’administration et plus exigeante en présence d’un acte de disposition.
Les circonstances subjectives sont celles qui tiennent à la personne du mandataire apparent ou du tiers : compétences, qualifications, emploi occupé…
Par ailleurs, la croyance légitime est retenue plus difficilement lorsque le tiers agit pour les besoins de son activité professionnelle (Cass. 1e civ. 6-4-2016 no 15-16.446 F-D : RJDA 7/16 no 533 ; Cass. 1e civ. 19-3-2008 no 05-18.911 F-D : RJDA 7/08 no 793).
Concernant les liens de famille (filiation, parenté, alliance…), est insuffisant le fait que le mandataire apparent est le gendre du mandant (Cass. 1e civ. 13-6-2018 no 15-25.569 F-D), voire qu’il est son fils (Cass. com. 12-7-1993 no 91-15.667 P : RJDA 3/94 no 293), même si, dans d’autres circonstances, le lien de filiation a été considéré comme un élément en faveur de la dispense de vérification des pouvoirs (Cass. com. 10-1-2012 no 11-11.322 F-D : RJDA 5/12 no 495).
Exemples jurisprudentiels
- Une reconnaissance de dette signée par le compagnon d’une entrepreneuse individuelle n’engage pas cette dernière, même si elle était revêtue du tampon humide de l’entreprise et même si le couple travaillait ensemble. Une personne vire 37 500 € sur le compte de l’entreprise individuelle exploitée par la compagne de son cousin, lequel travaille au sein de l’entreprise et signe une reconnaissance de dette. Elle agit en remboursement de cette somme contre l’exploitante, en faisant valoir que son cousin était le mandataire apparent de cette dernière. Sa demande est rejetée. Une personne ne peut être engagée sur le fondement d’un mandat apparent que si la croyance du tiers aux pouvoirs du prétendu mandataire a été légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient ce tiers à ne pas vérifier ces pouvoirs. En l’espèce, le fait que le couple ait travaillé ensemble au sein de l’entreprise individuelle et qu’il ait été lié par un pacte civil de solidarité, dissous à la date de l’assignation dans des conditions très contentieuses, ne suffisait pas à justifier la légitimité de la croyance du créancier aux pouvoirs dont se prévalait son cousin. En effet, il n’était pas établi que celui-ci avait le statut de conjoint collaborateur au sens de l’article L 121-6 du Code de commerce et la reconnaissance de dette signée par lui en cette qualité, portant le tampon humide ainsi que les références bancaires de l’entreprise individuelle, était dépourvue de date certaine. Cass. 1e civ. 24-1-2024 no 22-17.759 F-D