Le défaut de notification d’un mémoire avant la saisine du juge des loyers commerciaux donne lieu à une fin de non-recevoir qui n’est pas susceptible d’être régularisée.
L’action en fixation du loyer commercial ne peut être formée qu’après l’expiration d’un délai d’un mois suivant la réception par son destinataire du premier mémoire établi (C. com. art. R 145-27) ; ce mémoire en demande contient une copie de la demande en fixation de prix, l’indication des autres prétentions et les explications de droit et de fait de nature à justifier les prétentions de leur auteur (C. com. art. R 145-25).
Il en résulte, que le défaut de notification d’un mémoire avant la saisine du juge des loyers commerciaux donne lieu à une fin de non-recevoir et que cette situation n’est pas susceptible d’être régularisée par la notification d’un mémoire après la remise au greffe d’une copie de l’assignation.
Par suite, était irrecevable l’action du bailleur qui, après avoir délivré un congé avec offre de renouvellement moyennant un nouveau loyer, avait assigné son locataire en fixation du prix du bail renouvelé devant le juge des loyers commerciaux sans avoir notifié de mémoire préalable, la situation n’ayant pas pu être régularisée par la notification ultérieure d’un mémoire. Cass. 3e civ. 8-2-2024 no 22-22.301 FS-B
Mémoire préalable vs mémoire après expertise
1o Les textes relatifs à la procédure spécifique devant le juge des loyers commerciaux distinguent deux mémoires : en début de procédure, le « mémoire préalable », qui conditionne la recevabilité de l’action en fixation du prix du bail renouvelé ou révisé (C. com. art R 145-27), et qui était ici en cause, puis, si une expertise est ordonnée, le « mémoire après expertise » (art. R 145-30).
Tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable, sans examen au fond, pour défaut du droit d’agir constitue une fin de non-recevoir (CPC art. 122), la Cour de cassation ayant déjà jugé que le défaut de notification d’un mémoire avant la saisine du juge des loyers commerciaux donne lieu à une fin de non-recevoir (Cass. 3e civ. 18-11-1998 no 96-22.696 P : RJDA 1/99 no 22 ; Cass. 3e civ. 3-7-2013 no 12-13.780 FS-PB : RJDA 12/13 no 988). Lorsque la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d’être régularisée, elle peut l’être tant que le juge ne s’est pas prononcé (CPC art. 126).
L’omission du mémoire préalable peut-elle être régularisée par la notification postérieure d’un mémoire avant que le juge ne statue ? Non, répond la Haute Juridiction, pour la première fois à notre connaissance.
Aucun texte ne fixe les fins de non-recevoir régularisables ou pas. Il est admis qu’une régularisation n’est possible que si elle est matériellement concevable (par exemple, la fin de non-recevoir fondée sur la prescription ne peut pas être régularisée) ou si l’esprit de l’exigence méconnue ne s’y oppose pas (I. Pétel Teyssié, Défenses, exceptions, fins de non-recevoir : Répertoire de procédure civile Dalloz no 129). Cela n’est pas le cas lorsque le moyen trouve son fondement dans le défaut d’accomplissement d’une formalité nécessairement préalable à la demande (par exemple, pour une clause de conciliation préalable : Cass. ch. mixte 12-12-2014 no 13-19.684 PBRI : RJDA 3/15 no 226).
2o La solution ne s’applique pas à l’omission de la notification des mémoires après expertise, laquelle constitue une irrégularité de fond éteignant définitivement l’instance devant le juge des loyers (Cass. 3e civ. 4-2-2009 no 08-10.723 FS-PB : RJDA 5/09 no 415).