Quels sont les postes de compétence du juge de l’exécution ?
Quand le juge de l’exécution est-il compétent ?
À partir de quand et jusqu’à quand le juge de l’exécution est-il compétent ?
Maîtriser les règles de compétence est d’autant plus crucial en pratique, surtout à Paris, où le service de l’exécution se distingue par son efficacité et ses délais de traitement rapides. Cette célérité peut tenter certains de s’y adresser en cas d’urgence, même lorsque la compétence revient légitimement à un autre juge, comme le juge des référés, dont les délais à Paris sont actuellement moins favorables. Toutefois, les juges de l’exécution parisiens, particulièrement vigilants, n’hésitent pas à relever d’office leur incompétence, garantissant ainsi le respect des règles de compétence juridictionnelle.
Fondement juridique
Article L213-6 CPCE
“Le juge de l’exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu’elles n’échappent à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire.
Dans les mêmes conditions, il autorise les mesures conservatoires et connaît des contestations relatives à leur mise en oeuvre.
Le juge de l’exécution connaît, sous la même réserve, de la procédure de saisie immobilière, des contestations qui s’élèvent à l’occasion de celle-ci et des demandes nées de cette procédure ou s’y rapportant directement, même si elles portent sur le fond du droit ainsi que de la procédure de distribution qui en découle.
Il connaît, sous la même réserve, des demandes en réparation fondées sur l’exécution ou l’inexécution dommageables des mesures d’exécution forcée ou des mesures conservatoires.
Il connaît de la saisie des rémunérations, à l’exception des demandes ou moyens de défense échappant à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire.
Le juge de l’exécution exerce également les compétences particulières qui lui sont dévolues par le code des procédures civiles d’exécution.”
Qui est le juge de l’exécution ?
Le juge de l’exécution est un juge spécialisé du tribunal judiciaire. Le juge de l’exécution est le président du tribunal judiciaire, ou son délégué.
Les fonctions de juge de l’exécution (JEX) sont exercées par le président du tribunal judiciaire. Il peut toutefois déléguer ses fonctions à un ou plusieurs magistrats, en précisant la durée et l’étendue territoriale de cette délégation (C. org. jud. art. L 213-5). Il exerce ces fonctions dans le ressort du tribunal et, s’il y a lieu, dans celui de chacune des chambres de proximité (C. org. jud. art. R 213-10).
La procédure devant le JEX suit une procédure particulière.Par exemple, l’article 850 CPC prévoyant le RPVA ne lui est pas applicable.
Les textes successifs
Le juge de l’exécution a été institué par la loi n° 72-626 du 5 juillet 1972, à fin de connaître « de tout ce qui a trait à l’exécution forcée des jugements et autres actes » ; aucun texte d’application n’étant intervenu, la compétence en la matière était restée celle du tribunal de grande instance.
Le JEX est véritablement né avec la réforme de l’exécution mobilière réalisée par la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 et son décret d’application n° 92-755 du 31 juillet 1992, à compter du 1er janvier 1993 ;
il a été conforté par la réforme de l’exécution immobilière, œuvre de l’ordonnance n° 2006-461 du 21 avril 2006 et du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006, entrés en vigueur le 1er janvier 2007.
Quelles sont toutes les compétences du JEX ?
Principe : une compétence exclusive expressément prévue
Le JEX étant une juridiction spécialisée, il n’est compétent que lorsque cela est expressément prévu. Si ce n’est pas le cas, c’est le tribunal judiciaire (TJ) qui est, au premier degré, la juridiction de droit commun. Ceci signifie qu’il a une compétence subsidiaire et de principe pour connaître « de toutes les affaires civiles et commerciales pour lesquelles compétence n’est pas attribuée, en raison de la nature de la demande à une autre juridiction » (COJ, art. L. 211-3)
Sa compétence d’attribution est d’ordre public « renforcé » : en effet, « en matière de compétence d’attribution, tout juge autre que le juge de l’exécution doit relever d’office son incompétence » (C. pr. exéc., art. R. 121-1, al. 1er). Le tribunal judiciaire, saisi à tort d’une question relevant du juge de l’exécution, est donc obligé de décliner sa compétence.
Le texte qui institue le JEX comme juge spécialisé du contentieux de l’exécution forcée est l’article L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire. Il faut donc coller étroitement à l’article 213-6 CPCE pour définir la compétence du JEX.
Connait des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée (alinéa 1) – REMIS EN CAUSE
Le texte de base est l’article L. 213-6 du Code de l’organisation judiciaire qui donne compétence exclusive au JEX pour connaître des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée.
Le JEX est compétent quand 3 conditions cumulatives sont réunies :
- Une mesure d’exécution,
- Une mesure d’exécution forcée au sens du Code des procédures civiles d’exécution (ci-après « CPCE »)
- et que cette mesure soit en cours.
L’impact de la décision n°2023-1068 QPC du 17 novembre 2023 du conseil constitutionnel
(Décision n° 2023-1068 QPC du 17 novembre 2023)
Depuis le 1er décembre 2024, et vu qu’aucune loi n’a été prise, le JEX n’est plus compétent pour statuer sur des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée.
Conformément à ce qui a été écrit ci-dessus, il revient donc de saisir le tribunal judiciaire seul compétent.
ce premier alinéa n’est pas de valeur supérieure aux autres ; il ne conditionne pas leur existence ; il n’est pas non plus placé plus haut dans la hiérarchie des normes que les textes législatifs épars attribuant compétence au juge de l’exécution pour connaître des contestations relatives à telle ou telle voie d’exécution particulière.
Mesures conservatoires : autorisation et contestations relatives à leur obtention et mise en oeuvre (alinéa 2)
La contestation de l’obtention de l’ordonnance de saisie conservatoire, bien que pas visée explicitement par le texte, constitue une compétence exclusive du JEX.
Procédure de saisie immobilière (alinéa 3)
Le JEX connaît également de la procédure de saisie immobilière, des contestations qui s’élèvent à l’occasion de celle-ci et des demandes nées de cette procédure ou s’y rapportant directement, même si elles portent sur le fond du droit, ainsi que de la procédure de distribution qui en découle, (C. org. jud. art. L 213-6, al. 3 ).
Demandes en réparation fondées sur l’exécution ou l’inexécution dommageables des mesures d’exécution forcée ou des mesures conservatoires (alinéa 4)
Contester le montant de la mise à prix pour l’adjudication des droits incorporels (REMIS EN CAUSE)
Depuis la Décision n° 2023-1068 QPC du 17 novembre 2023, le débiteur est recevable à contester le montant de la mise à prix pour l’adjudication des droits incorporels saisis devant le juge de l’exécution dans les conditions prévues par le premier alinéa de l’article L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire.
Saisie des rémunérations (aliéna 5)
Il connaît de la saisie des rémunérations, à l’exception des demandes ou moyens de défense échappant à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire (C. org. jud. art. L 213-6, al. 5).
Avant la réforme résultant de la loi du 23 mars 2019, la saisie des rémunérations relevait de la compétence du tribunal d’instance.
ceci depuis la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, dite « loi Belloubet », mais seulement jusqu’à l’entrée en vigueur de la réforme de cette saisie issue de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027 : celle-ci aura lieu au plus tard le 1er juillet 2025 ;
Autres compétences particulières dévolues par le code des procédures civiles d’exécution (alinéa 6)
Le JEX exerce également les compétences particulières qui lui sont dévolues par le Code des procédures civiles d’exécution (C. org. jud. art. L 213-6, al. 6).
Si la plupart des mesures d’exécution forcée sont régies par le code des procédures civiles d’exécution, certaines figurent dans le livre des procédures fiscales, le code de l’aviation civile, le code du travail…
Matière fiscale (L. 281 du livre des procédures fiscales)
aux termes de l’article L. 281 du livre des procédures fiscales, de certaines des contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics.
Focus sur la mesure d’exécution
Ce critère revient à plusieurs reprises dans les chefs de compétence du JEX. Mais comment le définir précisément ?
Une mesure d’exécution
L’existence d’une mesure d’exécution est primordiale, même lorsque c’est une difficulté relative à un titre exécutoire qui est invoquée. En effet, les juridictions exigent aussi pour elle que des mesures d’exécution soient engagées pour déclencher la compétence du juge de l’exécution.
Le JEX est ainsi incompétent lorsque :
- la prescription d’un jugement est invoquée mais qu’aucune mesure d’exécution n’a encore été engagée (Civ. 2, 8 février 2024, n°21-23.826), une simple signification du jugement n’étant pas une telle mesure d’exécution, même si elle oblige le débiteur de l’exécution à s’exécuter (Pl., 24 février 2006, n°05-12.679). Ainsi, un justiciable ne peut saisir ‘par avance’ le JEX pour déclarer prescrite l’exécution d’un jugement … qui n’a pas encore été exécuté. Il ne peut pas y avoir de saisine par anticipation pour neutraliser un titre exécutoire afin de prévenir une exécution forcée
Une mesure d’exécution forcée au sens du Code des procédures civiles d’exécution (ci-après « CPCE »)
De plus, il ne suffit pas qu’un acte intitulé « commandement de payer » soit délivré pour que le JEX soit compétent. Il faut que ce « commandement de payer » s’inscrive dans le cadre d’une mesure d’exécution prévue par le CPCE. Ce n’est pas le cas du commandement de payer visant la clause résolutoire en matière de bail (Civ. 2, 23 juin 2011, n°10-18.396). Attention aux faux amis !
Une mesure en cours
Il faut que la mesure soit en cours.
Ce dernier critère est très contestable et ne me ressort ni des textes ni de la jurisprudence de la Cour de cassation. Mais certains JEX l’emploient.
En matière de contestation de saisie-attribution, il peut se revendiquer de l’article L. 211-4 du CPCE qui prévoit la compétence du juge du fond quand la contestation n’a pas été introduite dans le délai de rigueur. Le problème, en particulier avec un débiteur demeurant à l’étranger ou demandant l’aide juridictionnelle, est que les huissiers se font parfois remettre les fonds saisis avant l’écoulement du délai de contestation, du fait d’un rédaction maladroite de l’article R. 211-6 du CPCE. Cela a pour conséquence que la mesure n’est plus en cours alors que le délai de contestation est, lui, toujours ouvert !