La désignation de l’administrateur provisoire (+ modèle)

Synthèse

  • Trouvant son origine dans le séquestre judiciaire et son développement ayant été favorisé par l’évolution de la juridiction des référés, l’administration provisoire a un champ d’application très général et peut être requise pour toute forme de société ou de groupement privé, personnalisé ou non 
  • La désignation d’un administrateur provisoire est une mesure exceptionnelle, qui suppose que soient réunies cumulativement deux conditions relatives à la gravité de la crise sociale, de nature à rendre impossible le fonctionnement normal de la société, et à l’urgence, du fait d’un péril imminent menaçant la société
  • Mesure de nature conservatoire, l’ administrateur provisoire peut être désigné par un juge du principal ou, ce qui est le plus fréquent, par un juge des référés, selon une procédure nécessairement contradictoire. Parfois, la procédure sur requête peut également être utilisée
  • Sauf définition judiciaire plus précise, la mission de l’ administrateur judiciaire est une mission d’administration générale, limitée aux actes d’administration courante. Le juge peut y ajouter des mandats précis. En tout état de cause, elle emporte normalement dessaisissement de l’organe légal de représentation 
  • À la différence de l’ administrateur provisoire , qui dispose d’un mandat général d’administration courante, le mandataire ad hoc reçoit un mandat spécial lui permettant d’accomplir un ou plusieurs actes déterminés. Selon la nature des actes ainsi autorisés, la désignation d’un mandataire ad hoc peut être ordonnée par un juge des référés ou, au contraire, suppose nécessairement qu’une décision soit rendue sur le fond du litige. D’autres intervenants judiciaires ont des missions qui se rapprochent de l’expertise

Définition

L’administrateur provisoire est un mandataire désigné en justice et chargé, en cas de difficultés graves empêchant le fonctionnement normal d’une société et menaçant celle-ci d’un péril imminent (conflit paralysant la société, absence de dirigeant, etc.), d’en assurer ou d’en contrôler momentanément la gestion.

Qui peut être administrateur provisoire

En principe, l’administrateur est choisi sur la liste des administrateurs et mandataires judiciaires établie par une commission nationale.

Toutefois, le juge peut aussi désigner une personne physique justifiant d’une expérience ou d’une qualification particulière compte tenu de la nature de l’affaire. Dans ce cas, la décision de nomination doit être spécialement motivée au regard de cette expérience ou de cette qualification (C. com. art. L 811-2, al. 1 et 2).

Cas de recours à un administrateur provisoire

La désignation d’un administrateur provisoire est une mesure exceptionnelle, qui suppose que soient réunies cumulativement deux conditions relatives à la gravité de la crise sociale, de nature à rendre impossible le fonctionnement normal de la société, et à l’urgence, du fait d’un péril imminent menaçant la société

A. – Atteinte au fonctionnement normal de la société
1° Impossibilités de fonctionnement
2° Anomalies de fonctionnement
B. – Péril imminent
1° Notion
2° Péril menaçant la société dans son existence
3° Péril menaçant les intérêts sociaux
4° Étendue du contrôle de la Cour de cassation
C. – Utilité de la mesure

Procédure de nomination d’un administrateur provisoire

Initiative de la demande de nomination de l’administrateur provisoire : intérêt à agir – Qui peut demander la désignation d’un administrateur provisoire ?

Toute personne justifiant d’un intérêt légitime est recevable à demander en justice la nomination d’un administrateur provisoire car cette action n’est pas une action attitrée (CA Paris 15-10-2021 n° 20/07190 : RJDA 5/22 n° 277).

Ainsi, la demande de nomination peut être présentée en justice par

  1. les organes sociaux (CA Paris 1-6-2007 n° 07-5278 : RJDA 3/08 n° 278),
  2. les associés , dont l’associé indivisaire par exemple en cas de succession ouverte et non encore partagée (Cour de cassation, 3e chambre civile, 17 Janvier 2019 – n° 17-26.695)
  3. les créanciers (cf. Cass. com. 7-6-1988 : Bull. Joly 1988 p. 581 ; CA Paris 4-10-2002 : JCP E 2002 n° 1712),
  4. le comité social et économique ou des investisseurs ayant vocation à devenir actionnaires majoritaires (CA Paris 15-10-2021 n° 20/07190 précité).
  5. l’épouse et les enfants d’un dirigeant placé sous sauvegarde de justice pouvaient, même sans être associés ni créanciers de la société, demander la nomination d’un administrateur provisoire (CA Lyon 1-4-1971 : D. 1971 som. p. 169).
  6. Ayant la qualité d’associé, un nu-propriétaire indivis de parts sociales ou d’actions peut agir seul en vue de cette nomination (Cass. 3e civ. 17-1-2019 n° 17-26.695 FS-PBI : RJDA 4/19 n° 258).

En revanche, en cas de liquidation judiciaire d’un dirigeant associé, le liquidateur n’est pas recevable à demander la désignation d’un administrateur provisoire chargé de représenter la société (Cass. com. 27-11-2001 n° 97-22.086 : RJDA 8-9/02 n° 916).

Forme de la demande de nomination de l’administrateur provisoire

Mesure de nature conservatoire, l’ administrateur provisoire peut être désigné par un juge du principal ou, ce qui est le plus fréquent, par un juge des référés, selon une procédure nécessairement contradictoire. Parfois, la procédure sur requête peut également être utilisée

La procédure peut prendre la forme d’une assignation au fond (devant le tribunal de commerce pour les sociétés commerciales ; devant le tribunal judiciaire dans les autres cas) mais le plus souvent, la demande est introduite par une assignation en référé compte tenu de l’urgence qu’il y a à nommer l’administrateur.

Lorsque la société n’est pas dépourvue de représentant légal, elle doit être mise en cause dans la procédure, ce qui permet un débat contradictoire sur la mesure demandée. À défaut, la demande de nomination est irrecevable (Cass. 2e civ. 25-3-1992 n° 90-21.743 : RJDA 5/92 n° 458). Il ne suffit donc pas d’assigner le dirigeant social. Il en est ainsi même lorsque la demande vise à désigner un mandataire chargé seulement de provoquer une délibération des associés (Cass. com. 3-11-2004 n° 01-01.855 : RJDA 7/05 n° 811).

Lorsque la société est dépourvue de représentant légal, la nomination ne peut pas être demandée sur simple requête sans débat contradictoire. En effet, le fait que la société n’ait pas de représentant n’est pas un obstacle au recours à une procédure contradictoire par voie d’assignation au fond ou en référé, cette carence pouvant être palliée par la désignation d’un mandataire ad hoc chargé de représenter la société (CA Paris 14-5-2013 n° 13/00026 : RJDA 11/13 n° 900). Toutefois, la désignation sur requête d’un administrateur provisoire chargé d’encaisser les loyers d’une société a été admise dès lors que la société n’avait plus d’activité depuis plus de 40 ans, qu’elle avait été radiée d’office du registre du commerce et des sociétés et que ses derniers dirigeants étaient décédés (Cass. 3e civ. 17-9-2020 n° 19-14.163 F-D : RJDA 1/21 n° 21).

La décision de désignation de l’administrateur provisoire

En principe, l’administrateur est choisi sur la liste des administrateurs et mandataires judiciaires établie par une commission nationale. Toutefois, le juge peut aussi désigner une personne physique justifiant d’une expérience ou d’une qualification particulière compte tenu de la nature de l’affaire. Dans ce cas, la décision de nomination doit être spécialement motivée au regard de cette expérience ou de cette qualification (C. com. art. L 811-2, al. 1 et 2).

La rémunération de l’administrateur est fixée par le juge. En principe, elle incombe à la société. Toutefois, elle peut être mise à la charge de l’associé ou des associés responsables de la nomination de l’administrateur (Cass. com. 12-1-1970 n° 67-11.816 : Bull. civ. IV n° 11 ; CA Nancy 8-3-2007 n° 07-520 : RJDA 12/07 n° 1238).

Compétence juridictionnelle : Fond, référé ou requête pour un adminsitrateur provisoire ?

Fond

La nomination d’un administrateur provisoire peut a priori être demandée dans une instance au fond, devant un tribunal judiciaire ou un tribunal de commerce. Cela est cependant assez rare ; la longueur des procédures risque de priver la demande de toute utilité. On peut tout au plus concevoir la nomination d’un administrateur provisoire accompagnant le prononcé d’un jugement avant dire droit (celui-ci ordonnant une expertise et désignant dans le même temps un administrateur provisoire à titre conservatoire) ou accompagnant une décision susceptible de perturber quelque temps le fonctionnement normal du groupement (annulation de la désignation des dirigeants sociaux, révocation judiciaire, retrait ou exclusion…). Le plus fréquemment, la demande est portée à titre principal et elle l’est alors selon une procédure rapide, devant un juge du provisoire , par la voie du référé ou de la procédure sur requête

Référé

Généralement, la demande de désignation d’un administrateur provisoire est présentée devant le juge des référés (CPC art. 872), ce qui nécessite de mettre en cause la société et permet un débat contradictoire sur la mesure demandée

C’est la voie la plus souvent suivie. Les conditions de nomination d’un administrateur provisoire correspondent assez largement à celles qui fondent la compétence du juge des référés : urgence, prévention d’un dommage imminent, trouble manifestement illicite ( CPC, art. 834, 835, 872 et 873 ). S’agissant de la nomination d’un administrateur provisoire la constatation d’un dommage (péril) imminent est cependant toujours requise (V. n° 23 à 27 ). Par ailleurs, conformément à l’étendue de la compétence normale du juge des référés et au régime de l’administration provisoire , la mesure prise ne peut qu’être provisoire et conservatoire, sans trancher de manière irréversible le fond du litige, ce qui justifie les limites des attributions qui sont normalement celles de l’ administrateur provisoire. Dès lors que la décision du juge des référés ne doit pas préjudicier au principal, l’existence d’une clause compromissoire, visant notamment les contestations susceptibles d’opposer le gérant et les associés, ne fait pas obstacle à sa compétence ( CA Lyon, 20 déc. 1954 : D. 1955, jurispr. p. 142. – CA Riom, 19 févr. 1968 : JCP G 1968, II, 15452 , note P.L.).

Procédure sur requête

Il arrive aussi que la nomination d’un administrateur provisoire soit demandée par la voie d’une procédure sur requête (V. CA Amiens, 11 févr. 2003 : JurisData n° 2003-217891 ; Bull. Joly 2003, p. 440 , note A. Constantin) devant le président du tribunal judiciaire (CPC, art. 845 ) ou du tribunal de commerce ( CPC, art. 875 ).

Cela suppose que ” les circonstances exigent (que des mesures urgentes) ne soient pas prises contradictoirement “. Une ordonnance sur requête peut, plus précisément, être prononcée ” dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse ” ( CPC, art. 493 ). Les juges doivent en principe rechercher ” si la mesure sollicitée exigeait une dérogation à la règle du contradictoire ” ( Cass. 2e civ., 13 mai 1987 : Bull. civ. II, n° 112 ; RTD civ. 1988, p. 181 , obs. R. Perrot. – rappr. Cass. com., 26 janv. 1999 : Bull. civ., IV, n° 28 ; RTD civ. 1999, p. 463 , obs. Perrot). Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, cette dérogation doit, en effet, être spécialement justifiée et on ne saurait considérer que l’existence d’un droit de recours en rétractation suffirait à assurer la possibilité d’un débat contradictoire (Cass. com., 26 janv. 1999 , ).

Lorsque la société est dépourvue de représentant légal, la nomination ne peut pas être demandée sur simple requête sans débat contradictoire. En effet, le fait que la société n’ait pas de représentant n’est pas un obstacle au recours à une procédure contradictoire par voie d’assignation au fond ou en référé, cette carence pouvant être palliée par la désignation d’un mandataire ad hoc chargé de représenter la société (CA Paris 14-5-2013 n° 13/00026 : RJDA 11/13 n° 900). Toutefois, la désignation sur requête d’un administrateur provisoire chargé d’encaisser les loyers d’une société a été admise dès lors que la société n’avait plus d’activité depuis plus de 40 ans, qu’elle avait été radiée d’office du registre du commerce et des sociétés et que ses derniers dirigeants étaient décédés (Cass. 3e civ. 17-9-2020 n° 19-14.163 F-D : RJDA 1/21 n° 21).

L’exigence d’une dérogation à la règle du contradictoire peut ainsi autoriser le recours à la procédure sur requête en cas d’impossibilité d’assigner la société ou de la mettre en cause, en l’absence de tout représentant ou dirigeant social légal ou statutaire ( Cass. 3e civ., 17 sept. 2020, n° 19-14.163 🙂.

A cet égard, le fait que la société n’ait pas de représentant légal n’a pas été considéré comme faisant obstacle à la mise en oeuvre d’une procédure contradictoire, cette carence pouvant être palliée par la désignation d’un mandataire ad hoc chargé de représenter la société (CA Paris 14-5-2013 no 13/00026 : RJDA 11/13 no 900). La Cour de cassation est ici moins exigeante, s’agissant d’une société sans activité depuis près de cinquante ans : la demande présentée par voie de requête, sans assignation de la société, est ainsi validée.( Cass. 3e civ., 17 sept. 2020, n° 19-14.163 🙂

Plus souvent, il semble qu’on ait recours à la procédure sur requête lorsque la demande de nomination d’un administrateur provisoire est collective et ne fait l’objet d’aucune contestation. Le requérant peut alors ” être fondé à ne pas appeler de partie adverse ” faute d’existence d’un adversaire. Il n’y a pas alors de différend imposant le respect du contradictoire. Quoi qu’il en soit, une voie de recours est offerte contre l’ordonnance sur requête, qui peut faire l’objet d’une demande de rétractation présentée au même juge qui l’a ordonnée mais, cette fois, selon la procédure de référé, qui sera nécessairement contradictoire ( Cass. 2e civ., 6 avr. 1987 : Bull. civ. II, n° 85 ; Rev. sociétés 1988, p. 103 , note Y. Guyon, arrêt qui rappelle que lorsqu’une ordonnance fait droit à une requête, tout intéressé peut en référer au juge qui l’a rendue et que seule la procédure de référé est ouverte à ceux auxquels l’ordonnance fait grief, à l’exclusion de toute autre voie de recours).

Recours contre la décision de nomination de l’administrateur provisoire

En cas de nomination d’un administrateur chargé de gérer la société, le représentant légal de celle-ci, bien que privé de ses pouvoirs de gestion, reste recevable à exercer un recours contre la décision de nomination (Cass. com. 7-1-2004 n° 01-10.034 : RJDA 5/04 n° 559).

Lorsque l’administrateur a été nommé non pas en référé mais sur simple requête, donc sans que la société ait été mise en cause et sans débat contradictoire, son représentant peut demander au juge de rétracter l’ordonnance de nomination en faisant valoir que le prononcé de la mesure nécessitait un tel débat. Si le juge accueille cette demande, la rétractation a un effet rétroactif, de sorte que la désignation de l’administrateur est censée ne jamais être intervenue (Cass. soc. 23-10-2012 n° 11-24.609 : RJDA 1/13 n° 36).

 Mission de l’administrateur provisoire

Modèle de demande de désignation d’un administrateur provisoire dans une société

Assignation en référé – Demande de désignation d’un administrateur provisoire dans une société

Assignation en référé devant le tribunal de commerce de…

L’an DEUX MILLE…

À la demande de…

Donne assignation à :…

À comparaître le… à… par-devant M./Mme le Président du tribunal de commerce de… sis… statuant en référé.

Il vous est rappelé, conformément aux articles 56 et 853 du Code de procédure civile :

  • que les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat ;
  • que les parties sont dispensées de l’obligation de constituer avocat dans les cas prévus par la loi ou le règlement, lorsque la demande porte sur un montant inférieur ou égal à 10 000 euros ou qu’elle a pour origine l’exécution d’une obligation dont le montant n’excède pas 10 000 euros, dans le cadre des procédures instituées par le Livre VI du Code de commerce ou pour les litiges relatifs à la tenue du registre du commerce et des sociétés ; le montant de la demande est apprécié conformément aux dispositions des articles 35 à 37 du Code de procédure civile ; dans ces cas, les parties ont la faculté de se faire assister ou représenter par toute personne de leur choix ;
  • que le représentant, s’il n’est avocat, doit justifier d’un pouvoir spécial ;
  • que faute de comparaître ou de se faire représenter, elles s’exposent à ce qu’une ordonnance soit rendue contre elles sur les seuls éléments fournis par leur(s) adversaire(s).

Objet de la demande

Par acte du…, il a été constitué une société (forme à préciser) dénommée…, au capital de…, dont le siège est situé… (n° d’identification :… RCS…).

La société rencontre actuellement les difficultés suivantes :

  • … (énumérer et dater les événements justifiant la nomination de l’administrateur : conflit, défaut de réunion des assemblées, absence de dirigeant, etc.)

Ces circonstances paralysent le fonctionnement de la société et menacent celle-ci d’un péril imminent.

Il y a urgence à prendre les mesures nécessaires au rétablissement de la situation.

Cette urgence justifie qu’aucune diligence n’ait été entreprise pour parvenir à une résolution amiable du litige.

Par ces motifs

Il est demandé à M./Mme le Président du tribunal :

  • de désigner tel mandataire qu’il lui plaira ;
  • de donner à ce mandataire les pouvoirs les plus étendus pour
  • « gérer et administrer la société conformément à la loi et aux statuts »,
  • « convoquer une assemblée générale appelée à désigner un nouveau gérant », etc.
  • de dire que ce mandataire sera autorisé, pour les besoins de sa mission, à se faire assister par toute personne de son choix ;
  • de dire qu’il restera en fonction jusqu’au/à ce que… (date ou événement à préciser) ;
  • de dire que sa rémunération sera mise à la charge de la société ;

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