Procédure pénale américaine vs française : tout comprendre

Vous regardez une série américaine et entendez les mots “arraignment”, “indictment”, “discovery” ou “pretrial” et ne savez pas ce que cela signifie ?

Vous voulez savoir si le système de libération sous caution existe en France ?

Voici un article qui tentera de vous expliquer les grandes lignes de la procédure pénale américaine ainsi que les différences mais aussi les similarités avec la procédure pénale française que vous connaissez.

Arrestation

Une affaire pénale commence généralement avec une arrestation.

USA : au moment de son arrestation, la personne a le droit à ce que ses Miranda rights lui soient lus.

France : la notification des droits a lieu au commissariat par l’officier de police judiciaire qui consigne la réalisation de cette obligation sur un procès-verbal de notification des droits.

Mise en accusation : arraignment vs déferrement

Cette étape a deux objectifs :

  1. Informer le mis en cause des infractions reprochées
  2. Organiser la situation jusqu’à ce que le procès se tienne

USA : arraignment

L’arraignment est la première apparition devant un juge, c’est la mise en accusation. Elle ne dure généralement que quelques minutes.

On lit ses droits à l’accusé, on lui donne un avocat s’il n’en a pas encore, et on lui lit les chefs d’accusation présentés dans la complaint.

 Le juge informe le suspect :

  • des charges pesant contre lui (une copie lui en est remise),
  • de son droit à un avocat (il doit pouvoir être assisté, au besoin par un commis d’office, lors de l‘arraignment),
  • de son droit à une audience préliminaire (preliminary hearing s’il s’agit d’une felony comme c’est le cas pour DSK).

On ne lui demandera pas à ce stade s’il plaide coupable ou non coupable, cette partie n’ayant lieu que pour des misdemeanors et des violations, l’équivalent d’un délit ou d’une contravention

Lors de cette audience, le juge décide :

  1. soit de remettre l’accusé en liberté contre une caution (libération sous caution/liberté sous caution)
  2. soit de le mettre en détention provisoire.

Le juge prend sa décision en fonction du «flight risk» de l’accusé, le risque que celui-ci, relâché pendant toute la période qui précède le procès, ne se présente pas au tribunal le jour où il débute. Il prend également en compte la gravité des chefs d’accusation et les moyens financiers du prévenu.

France : déferrement

    Une fois la garde à vue levée, le mis en cause est présenté à un juge : c’est le déferrement.

    Ce magistrat décide, en vertu de l’opportunité des poursuites, des suites à donner à la procédure.

    Spécificités de la procédure pénale française , le mis en cause peut être présenté à 2 juges différents :

    1. Soit un juge d’instruction
    2. Soit le procureur de la République

    Dans les deux cas, le mis en cause peut faire l’objet d’une mesure provisoire (soit prononcée par le tribunal correctionnel soit par le Juge des Libertés et de la Détention) qui prend la forme, s’il n’est pas laissé libre, :

    1. Soit d’un contrôle judiciaire qui est une mesure qui permet de restreindre la liberté d’une personne soupçonnée d’une infraction pénale. Autrement dit, durant le temps d’attente du procès, le prévenu ne dort pas en prison mais déhors. Il existe 19 obligations distinctes et la fourniture d’un “cautionnement” n’est qu’une des obligations.
    2. Soit d’une détention provisoire le temps que le tribunal juge “au fond” et rende sa décision sur les faits reprochés. Dans le cadre d’une instruction, il n’est pas rare que le jugement arrive plusieurs années plus tards (5, même 10 ans). Il faut donc gérer ce temps d’attente entre la mise en accusation/déferrement et le jugement.

    A la différence des USA où la “caution” est l’alpha et l’omega du contrôle judiciaire, en France la caution appelée “cautionnement” a un rôle bien plus limité.Les récentes affaires de droit pénal des affaires avec l’arnaque à la taxe carbone a néanmoins vu l’essor de ces cautionnements importants avec des sommes de plusieurs millions d’euros, en ligne avec les montants détournés.

    De plus, la détention provisoire est massivement utilisée en France et beaucoup moins aux Etats-Unis où le concept de présomption d’innonce est bien plus ancré.

    Le grand jury et l’indictment

    USA

    Dans les 144 heures de l’arraignment, un grand jury de 23 personnes est rassemblé pour former un jury populaire.

    Ce jury, en l’absence de juge et à huis clos, se concerte sur le bien-fondé des propos déposés contre le suspect. Il se demande s’il peut être coupable, s’il y a assez de matière pour l’accuser d’un crime, et non pas s’il est oui ou non coupable.  Les jurés populaires entendent la déposition de la présumée victime. Les avocats de la défense peuvent faire témoigner leur client. Les jurés estiment si les preuves sont suffisantes pour justifier la tenue d’un procès puis transmettre leur décision à un juge 

    Ensuite, le procureur rédige l’indictment, le texte avec tous les chefs d’accusation, et le grand jury vote pour dire s’il pense qu’un crime a été commis, et que l’accusé a commis ce crime. Il est très rare que le grand jury rejette l’indictment.

    France

    Il n’existe aucun système de ce genre en France. Déjà que la France a du mal à réunir 9 jurés pour un procès d’assises (voir par exemple la généralisation des cours criminelles départementales), imaginer un jury avant même le procès au fond est de la pure fantaisie.

    L’arraignment sur indictment (plaide coupable ou non-coupable)

    USA

    Si le grand jury a voté l’indictment, le prévenu est renvoyé dans les 15 jours devant le tribunal, en général une “circuit court”, pour l’audience d’«arraignment on indictment».

    Le prévenu doit y indiquer son choix s’agissant des charges retenues contre lui dans l’indictment entre :

    • Coupable ‘”‘Guilty’
    • Non coupable ‘Not guilty’

    France

    Il n’existe aucun équivalent en France.

    Le pré-procès/instruction préparatoire/phase d’enquête

    USA : le pré-procès, pour préparer le procès et/ou négocier pour qu’il n’y ait pas procès

    Plusieurs étapes précèdent le procès dans ce qu’on appelle le pretrial.

    Lors du discovery, le procureur doit donner à la défense les copies des documents qu’il compte utiliser pour qu’elle puisse se préparer (la défense n’a pas à donner ses éléments au procureur, sauf s’il s’agit d’un alibi, ou si elle compte plaider la folie).

    Arrive ensuite la motion practice, une étape où les avocats de la défense peuvent demander au juge de décider d’un non-lieu ou d’exclure certains documents ou preuves du procès en arguant de vices de procédures.

    C’est souvent durant le pré-procès qu’un accusé décide de plaider coupable: il admet avoir commis un des crimes qui lui sont reprochés pour avoir une peine de prison réduite. Par exemple, un prévenu accusé d’agression au premier degré et de tentative de meurtre au premier degré peut plaider coupable «seulement» d’une accusation d’agression au premier degré.

    Ce plaider-coupable se fait toujours après des négociations entre les avocats de la défense et le procureur (si celui-ci dit qu’il n’acceptera pas le plaider coupable, la défense ne le tente pas).

    A partir du moment où une personne a plaidé coupable, il n’y a plus de procès, puisque le but du procès est de décider de la culpabilité d’une personne.

    D’après la loi new-yorkaise, le pré-procès est censé durer 45 jours à dater de l’arraignment (soit jusqu’au 30 juillet dans le cas de DSK), mais ce délai est aisément rallongé par la défense, sur demande auprès du juge. Le pré-procès dure généralement plusieurs mois, et peut même aller –rarement– jusqu’à une voire deux années.

    Un prévenu peut avoir deux stratégies :

    1. Soit vouloir abréger le pré-procès pour en venir au procès où le prévenu pourra faire valoir ses arguments devant un juge indépendant
    2. Soit opter pour une longue période de pré-procès, en tentant de faire rejeter le plus de preuves possibles, voire de faire rejeter certains chefs d’accusation.

    France

    Cette étape n’existe pas dans le cas des enquêtes menées par le Procureur de la République.

    En revanche, un système très proche a lieu dans le cadre de “l’instruction préparatoire” menée par un juge d’instruction dont le rôle est de préparer au mieux l’éventuel procès au fond.

    Le procès (pour décider de la culpabilité ou de l’innocence de l’accusé)

    USA

    Le procès, trial, s’ouvre devant le tribunal.

    Un autre jury populaire, de douze membres, est tiré au sort parmi les citoyens de l’état. Il se réunit et décide de la culpabilité ou de l’innocence du prévenu.

    Le procès commence avec les déclarations d’ouverture (opening statements), durant lesquelles le procureur fait une présentation rapide des preuves dont il dispose. Ensuite le procureur appelle les témoins et confronte les preuves (physiques, témoignages, etc). Commence la “Jury Selection” et le voir dire.

    C’est le procureur uniquement qui doit prouver que le prévenu est coupable et non pas à la défense de prouver qu’il est non coupable. Les avocats de la défense mènent ensuite des contre-interrogatoires (cross-examination) en posant également des questions aux témoins.

    Le juge est un peu comme un arbitre, il décide de la validité des questions (d’où le «objection, votre honneur!» des avocats au juge). Le jury est celui qui décide de la véracité des faits reprochés à l’accusé, il doit être sûr de la culpabilité d’un prévenu «au-delà d’un doute raisonnable» pour le juger coupable.

    Le jury se retire et délibère. La décision doit être prise à l’unanimité, sinon il s’agit d’un misstrial et l’affaire est renvoyée pour être rejugée. Le jury délibère seul, sans le juge, il n’y a pas de magistrats professionnels lors de la délibération.

    Si le jury déclare le prévenu coupable, c’est le juge qui décide de la peine de prison infligée au coupable. Ce ne sont donc pas les mêmes personnes qui décident de la culpabilité et qui décident des peines (contrairement à la France).

    Le juge peut casser la décision d’un jury, mais seulement si le jury a déclaré un accusé coupable, pas s’il l’a déclaré innocent.

    Les durées de procès varient énormément en fonction des cas, (certains durent un jour, mais celui de Michael Jackson avait duré 15 semaines par exemple)

    Aux Etats-Unis, les peines se cumulent c’est à dire que si vous faites un vol, un viol et une tentative de meurtre vous risquez une peine de prison égale à la somme de ces trois infractions. En France, elles se confondent et on ne garde que la plus élevée.

    France

    Voir l’article sur le procès pénal en France.

    Autres différences

    A tout moment de la procédure, pendant l’information, en phase de jugement et même alors que le jury délibère, un accord, le plea bargaining, peut intervenir entre l’accusation et la défense. L’accusé peut accepter de plaider coupable en échange, par exemple, de l’abandon de certaines incriminations, d’une révision du montant de la peine, etc.

    Réflexions personnelles sur les différences entre France et USA

    Le droit américain est sans doute, dans son esprit et sa tradition, plus protecteur de l’individu et de ses libertés que le nôtre car les Etats-Unis ont une conception très pragmatique(5) de la liberté. En effet, naturelle et sacrée, la liberté est avant tout inaliénable aux yeux du citoyen américain. Conquise de haute lutte contre le pouvoir parlementaire anglais, cette liberté, liée à sa dignité d’homme, n’est pas une idée abstraite, mais au contraire le fruit de ses efforts et de son expérience(6). Cette liberté, il ne lui suffit pas de l’avoir gagnée, il lui faut aussi la garantir à jamais contre l’Etat et ses représentants toujours susceptibles d’arbitraire(7).

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