Un contrat peut instituer, en cas de litige survenant entre les parties, une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge. Le défaut de mise en œuvre d’une telle clause constitue une fin de non-recevoir (Cass. ch. mixte 14-2-2003 no 00-19.423 P).
Pour cela, il faut que la clause prévoie les conditions particulières de mise en œuvre de la tentative de règlement amiable (Cass. com. 29-4-2014 no 12-27.004 F-PB : RJDA 8-9/14 no 536).
Les parties sont libres de convenir dans leur contrat, ou le litige une fois né, qu’elles s’efforceront de s’entendre amiablement seules ou sous les auspices d’un conciliateur ou d’un médiateur choisi d’un commun accord, avant de soumettre leur litige à un juge étatique ou arbitral.
Mécanisme
La Cour de cassation a posé en principe que le recours à un processus amiable, obligatoire et préalable, prévu par le contrat, s’impose au juge lorsqu’il est opposé par une partie à la demande en justice de l’autre, et qu’il constitue une fin de non-recevoir – et non pas une exception dilatoire qui aurait constitué une cause de suspension de l’instance, pendant que les parties cherchent à s’accorder (Cass. ch. mixte, 14 févr. 2003, n° 00-19.423 P ; Com. 17 juin 2003, n° 99-16.001). La Cour de cassation considère qu’une telle ingérence dans le droit d’accès au juge est justifiée, ne portant pas une atteinte disproportionnée à ce droit d’accès au juge ni ne méconnaissent les articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme et 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention (Civ. 3e, 7 mars 2024, n° 21-22.372).
Dès 2003, la nature de la fin de non-recevoir a été précisée : elle n’est pas d’ordre public, mais d’ordre privé : le juge ne doit, ni même ne peut, la relever d’office. Les parties, elles, peuvent la soulever en tout état de cause, y compris en appel (Com. 22 févr. 2005, n° 02-11.519, RTD civ. 2005. 450, obs. R. Perrot ), de sorte que la clause devient une « arme entre les mains du défendeur condamné en première instance » (P. Théry, RTD civ. 2015. 187 ).
L’impossible régularisation en cours d’instance
La Cour de cassation affirme régulièrement, depuis 2014 (Cass., ch. mixte, 12 déc. 2014, n° 13-19.684,), que la situation tirée du défaut de mise en œuvre d’une clause contractuelle instituant une procédure obligatoire et préalable à toute saisine d’un juge n’est pas susceptible d’être régularisée par la mise en œuvre de la clause en cours d’instance (Civ. 3e, 6 oct. 2016, n° 15-17.989 ; 16 nov. 2017, n° 16-24.642 ; Com. 30 mai 2018, n° 16-26.403). La jurisprudence antérieure contraire ne s’applique plus (Civ. 2e, 16 déc. 2010, n° 09-71.575).
Qu’est-ce qui constitue une clause de conciliation préalable ?
La qualification de la clause de conciliation préalable donne parfois lieu à des difficultés pour les juges. Le recours à un tiers n’est pas toujours un critère déterminant.
A été qualifiée de clause de conciliation préalable la clause :
- imposant aux parties de saisir, avant le juge, un ordre professionnel pour avis (Cass. 3e civ. 18-12-2013 no 12-18.439 FS-PB : Bull. civ. III no 169)
- imposant aux parties de solliciter l’avis d’un expert choisi d’un commun accord, avant toute action judiciaire, constitue une clause de conciliation préalable. Un contrat de maîtrise d’œuvre stipule que, en cas de litige portant sur l’exécution du contrat, les parties s’engagent à solliciter l’avis d’un expert choisi d’un commun accord, avant toute action judiciaire. Jugé que les termes « solliciter l’avis d’un expert » devaient être interprétés comme la volonté des parties d’obtenir cet avis avant toute procédure judiciaire, sauf à ce que la clause n’ait aucune portée en s’en tenant à ses termes littéraux. Par suite, le défaut de mise en œuvre de cette clause, qui instituait une procédure de conciliation obligatoire à la saisine du juge, constituait une fin de non-recevoir. (Cass. com. 6-6-2024 no 22-24.784 F-D, Sté Architecture X c/ Sté MF Faliconnière 061). En l’espèce, les juges du fond avaient interprété la clause imposant aux parties de « solliciter l’avis d’un expert » comme instituant une procédure de conciliation préalable. On sait en effet que le contrat s’interprète d’après la commune intention des parties plutôt qu’en s’arrêtant au sens littéral de ses termes (C. civ. art. 1188).
En revanche, ne constitue pas une clause de conciliation préalable la clause :
- prévoyant le recours préalable à un conciliateur, rédigée de manière elliptique et en termes très généraux, constituant une clause de style (Cass. 3e civ. 11-7-2019 no 18-13.460 F-D : RJDA 10/19 no 662).
Dans quels cas s’applique la clause de conciliation préalable ?
La clause d’un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à toute instance judiciaire s’impose au juge et est applicable quelle que soit la nature de l’instance introduite (Cass. 1e civ. 1-10-2014 no 13-17.920 F-PB).
En revanche,
- la clause imposant ou permettant une médiation avant la présentation d’une demande en justice relative aux droits et obligations contractuels des parties ne peut pas, en l’absence de stipulation expresse en ce sens, faire obstacle à l’accomplissement d’une mesure d’exécution forcée (Cass. 2e civ. 22-6-2017 no 16-11.975 FS-PB : RJDA 11/17 no 770)
- la clause imposant une médiation « avant toute procédure judiciaire » ne s’applique pas à une demande reconventionnelle formée en cours d’instance (Cass. 3e civ. 16-3-2023 no 21-11.951 FS-D).
La nécessité de la mettre en oeuvre pour chacun des actions
Une clause de conciliation est obligatoire avant l’action en référé ET avant l’action au fond. En présence d’une clause contractuelle de conciliation préalable à toute instance, l’une des parties qui agit d’abord en référé puis au fond contre l’autre doit engager la procédure de conciliation avant chacune de ces actions. Cass. 2e civ. 12-9-2024 no 21-14.946 F-B
Sanction : fin de non-recevoir (irrecevabilité)
l’article 1103 du Code civil (ex-art. 1134, al. 1) et de l’article 122 du Code de procédure civile que la clause d’un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge constitue une fin de non-recevoir qui s’impose au juge si les parties l’invoquent.
Le cas de la clause d’avis préalable du contrat d’architecte
Si vous êtes consommateur, cette clause est présumée abusive !
Encore une fois, l’amiable aboutit … au contentieux.