Éléments clés
- Le mariage peut avoir été affecté, dès son origine, par le défaut de l’une de ses conditions de validité. Son annulation peut alors être prononcée. Le mariage n’aurait jamais dû être. Il convient de l’effacer.
- Le lien conjugal peut être malmené par les mésententes graves du couple. L’un ou les deux époux pourront alors, à certaines conditions, demander à ce qu’il soit mis un terme à leur union. C’est le divorce : sans nier l’existence du mariage pendant un temps et sa validité, celui-ci prend fin pour l’avenir.
- La séparation de corps est une alternative au divorce : le lien conjugal continue d’exister mais les obligations du mariage sont atténuées.
- Il ne faut naturellement pas oublier l’ultime cause de rupture du mariage, celle qui met nécessairement fin à tous les couples qui ont résisté à l’annulation de leur mariage ou à la tentation du divorce : la mort. En effet, le mariage disparaît également au décès de l’un des deux époux sans pour autant emporter l’extinction de leurs vocations successorales et de leur droit de porter le nom de l’autre.
Le mariage peut être anéanti ou rompu de trois façons dont la distinction est nette :
- la nullité qui sanctionne le défaut d’une condition de formation du mariage
- le divorce qui sanctionne un souhait, partagé ou non, de ne plus exécuter les obligations qui découlent du mariage.
- la séparation de corps qui, sans mettre fin au mariage, permet d’en anesthésier certaines obligations.
Exemple de cas pratique
1.1. Énoncé
Généreux, aimant, patient, plaisant, romantique, sportif, fascinant, économe, hygiénique et même modeste ! Voilà toutes les qualités que Pierre Mordoré s’est vanté de posséder afin de séduire le cœur de la crédule et naïve Anna Verdegris. Cette dernière semble donc avoir conclu l’union parfaite en épousant ce premier, le 16 décembre 2023. Malheureusement, cette union tourne vite à la farce et Madame Verdegris réalise très rapidement que de toutes ces qualités, son nouvel époux n’en a aucune. Généreux ? Certainement pas : il refuse de subvenir aux besoins du ménage. Aimant ? Peut-être oui… mais avec une autre : Madame Verdegris a découvert que son mari affectionne particulièrement la compagnie d’une autre femme avec qui il partage son lit. Économe ? Certes non, il dilapide la fortune du ménage. Sportif ? C’est la dernière de ses qualités à lui qui passe ses journées dans son canapé, canapé qui est d’ailleurs le meilleur témoin de son réel manque d’hygiène…
Madame Verdegris se sent trompée. Elle doit se résoudre à admettre qu’elle est tombée dans le piège d’un homme qui s’est vanté de qualités qu’il n’a pas. Si elle avait su, elle ne l’aurait sans doute pas épousé.
Lassée par les défauts de son époux, et souhaitant en trouver un autre qui aura véritablement les qualités dont il se targue, Madame Verdegris souhaite mettre un terme à leur mariage, ce à quoi ledit époux se refuse. Elle vient alors vous consulter et commence par vous expliquer que fervente catholique, elle préférerait éviter si possible la voie du divorce et connaître donc les autres options. Elle a entendu, vous dit-elle, qu’existerait un moyen d’annuler un mariage pour erreur sur les qualités de l’époux.
Qu’en pensez-vous et que lui conseillez-vous ?
1.2. Éléments de solution
Madame Verdergris souhaite mettre fin à son couple. Il convient d’envisager successivement les 3 voies qui permettent de dissoudre un mariage ou d’en atténuer certaines obligations.
L’annulation du mariage
En droit, l’annulation du mariage peut être demandée par l’un des époux sur plusieurs fondements. Comme le prévoit l’article 180, alinéa 2 du Code civil, l’époux qui a commis une erreur sur une qualité essentielle de son conjoint peut demander la nullité de leur union dans un délai de 5 ans. Le caractère essentiel de la qualité n’est pas une simple expression verbale : il porte en lui l’exigence d’une appréciation par le juge et d’une sélection des seules qualités qui sont suffisamment déterminantes du consentement. Cette appréciation s’opère in abstracto et in concreto. C’est la raison pour laquelle, les simples qualités générales de comportements ne sont pas prises en compte. De surcroît et à l’inverse du droit commun des contrats, le fondement du dol ne permet pas d’appréhender l’erreur qui serait en elle-même indifférente. Autrement dit, l’erreur sur une qualité non essentielle ne peut être prise en compte même si elle est provoquée par un dol.
En l’espèce, Madame Verdegris reproche à son époux de lui avoir menti sur diverses qualités : généreux, aimant, économe, etc. Ce ne sont pas des qualités essentielles, notamment d’un point de vue in abstracto (tout époux n’exige pas de son conjoint d’être économe ou sportif par exemple). Ces qualités semblent d’ailleurs beaucoup trop subjectives pour être prises en compte. Ce sont de simples qualités générales de comportement.
La voie de l’annulation ne semble donc pas des plus opportunes, faute de fondement exploitable.
Le divorce
En droit, il existe quatre types de divorce. Le divorce par consentement mutuel et le divorce par acceptation du principe de la rupture supposent tous deux un accord des deux époux pour divorcer. Le divorce pour altération définitive du lien conjugal exige une séparation des époux d’au moins 1 an ou qu’une autre demande en divorce ait été présentée concurremment. Enfin et comme le prévoit l’article 242 du Code civil, le divorce pour faute suppose la caractérisation d’une faute qui consiste en une violation grave ou répétée d’une obligation née du mariage rendant le maintien de l’union intolérable. L’adultère, le désintérêt pour la gestion financière du ménage sont classiquement admis comme constitutifs de fautes au regard de l’article précité.
En l’espèce, Monsieur Mordoré refuse de divorcer : les deux premiers types de divorce sont donc exclus. Il n’y a pas eu non plus de séparation des époux ni même une autre demande en divorce : le divorce pour altération définitive du lien conjugal est donc aussi à écarter. En revanche, Monsieur Mordoré dilapide les ressources du ménage et ne semble pas contribuer à leur apport. De surcroît, il trompe son épouse avec une autre femme. Ce sont là des violations graves et répétées de plusieurs obligations du mariage : le devoir de contribuer aux charges et le devoir de fidélité. Enfin, il ne semble pas impossible de se convaincre que ces manquements rendent la vie de couple de Madame Verdegris intolérable ; elle devra toutefois en convaincre le juge.
Le divorce pour faute semble donc être une voie assez sûre pour Madame Verdegris si elle veut mettre fin à son union. Cela lui permettra d’ailleurs de se remarier. Toutefois, compte tenu de sa foi catholique, ce n’est pas l’option qu’elle veut privilégier.
La séparation de corps
En droit, la séparation de corps peut être demandée dans les mêmes cas que le divorce. Toutefois et comme le prévoit l’article 299 du Code civil, elle n’entraîne pas une dissolution du mariage et ainsi les époux ne peuvent se remarier.
Son mari étant auteur de plusieurs fautes comme soutenu précédemment, Madame Verdegris peut demander au juge de prononcer leur séparation de corps sur ce motif. Toutefois, cela ne lui apportera pas satisfaction car si elle peut vivre séparément de son époux, elle ne pourra pas se remarier.
La voie de la séparation de corps semble donc possible mais ses effets n’apporteront pas entière satisfaction à Madame Verdegris.
En définitive, le soussigné consulté est d’avis que la voie de l’annulation est exclue et que celle du divorce pour faute est ouverte mais viendra en contradiction des souhaits de Madame Verdegris qui est catholique. Et si la séparation de corps est également envisageable, celle-ci ne lui apportera pas non plus satisfaction car elle ne pourra se remarier. Entre ces deux dernières options, Madame Verdegris devra sacrifier l’une de ses exigences (le refus du divorce ou la volonté de se remarier) afin de pouvoir satisfaire l’autre.
Vocabulaire
- Appréciation in abstracto : raisonnement qui consiste notamment à examiner une qualité afin de déterminer si celle-ci revêt un caractère essentiel en fonction de ce qu’elle serait pour un individu moyen
- Appréciation in concreto : raisonnement qui consiste notamment à examiner une qualité afin de déterminer si celle-ci revêt un caractère essentiel en fonction de ce qu’elle est pour l’individu précis qui l’invoque
- Homologation : procédure par laquelle une autorité judiciaire approuve un acte juridique et lui confère la force exécutoire
- Ratio legis : raison d’être de la loi. La connaissance de la volonté du législateur facilite l’interprétation du texte de la loi
- Régime matrimonial : statut qui gouverne les intérêts pécuniaires des époux et dont l’objet est de régler le sort de leur actif et de leur passif pendant le mariage
- Rente viagère : versement périodique d’une somme par une première personne (le débirentier) à une seconde (le crédirentier) jusqu’au décès de cette dernière.
- Rétroactivité : caractère d’un acte ou d’un fait produisant ses effets dans le passé, à une date antérieure à son accomplissement ou à sa survenance
- Succession : transmission des biens et des dettes d’une personne décédée
Quelle différence entre divorce et séparation de corps ?
Alors que le divorce rompt le lien conjugal, la séparation de corps n’opère que le relâchement de ce lien.
Le divorce et la séparation de corps sont deux procédures qui mettent fin à la vie commune d’un couple marié. Cependant, ces deux démarches juridiques ont des conséquences distinctes, tant sur le plan familial que patrimonial.
Critère | Séparation de corps | Divorce |
Définition/vie commune | Met fin à l’obligation de vie commune, mais le mariage subsiste. De toutes les obligations du mariage, seul le devoir de cohabitation est supprimé. | Dissolution complète du mariage. |
Obligation de fidélité | Maintenue malgré la séparation | Supprimée. |
Obligation de secours | Maintenue (souvent sous forme de pension). | Supprimée (peut être remplacée par une prestation compensatoire). |
Nom de famille | Le conjoint peut garder le nom de l’autre. | Le conjoint perd le droit d’utiliser le nom de l’autre (sauf accord ou autorisation judiciaire). |
Succession | Droits successoraux maintenus. | Droits successoraux supprimés. |
Régime matrimonial | Peut être modifié. | Dissolution du régime matrimonial. |
Effet sur les biens | Séparation des biens (selon régime matrimonial ou jugement). | Partage du patrimoine des époux. |
Motifs | Même motifs que pour le divorce (faute, consentement, etc.). | Faute, consentement mutuel, altération définitive du lien conjugal. |
Durée | Indéterminée (peut durer toute la vie). | Définitif une fois prononcé. |
Réconciliation | Les époux peuvent reprendre la vie commune sans formalité. | Nécessite un remariage pour être à nouveau unis. |
Conversion en divorce | Peut être convertie en divorce après 2 ans. | Non applicable. |
Déclaration de revenus | Chaque époux fait une déclaration séparée. | Déclaration séparée à partir de l’année du jugement de divorce. |
Quand opter pour la séparation de corps ? 💡
La séparation de corps peut être une alternative temporaire ou permanente au divorce pour des raisons personnelles ou religieuses.
Par exemple La séparation de corps peut présenter un intérêt pour les époux :
- qui sont hostiles au principe même du divorce, souvent pour des raisons religieuses.
- qui entendent organiser leur séparation mais qui hésitent à rompre définitivement le lien conjugal, soit parce qu’ils espèrent pouvoir reprendre la vie commune, soit parce que l’un d’entre eux n’a aucune ressource personnelle et veut continuer à bénéficier de la protection offerte par le mariage (solidarité financière entre époux, protection sociale, etc.).
Elle permet également de maintenir certains droits, notamment successoraux, tout en organisant une séparation des biens.
Surtout, la séparation de corps permet d’empêcher les époux de se remarier. En effet, si un divorcé avec enfants communs se remarie, cela entraine des conséquences dramatiques sur l’héritage qui sera légué aux enfants avec un beau-père ou une belle-mère qui pourrait prendre jusqu’au 1/4 en pleine propriété et 100 % de l’usufruit du patrimoine de l’époux/épouse.
Conseils/Pièges à éviter/
Quelle différence entre la séparation de corps et la séparation de fait ?
Il ne faut pas confondre la séparation de corps avec la séparation de fait. Uniquement caractérisée par l’absence de vie commune, cette dernière n’a pas d’effet juridique particulier.