La nullité du mariage
La nullité du mariage vise à anéantir rétroactivement une union qui a été conclue dans l’irrespect de ses conditions de validité.
Remarque : La nullité du mariage peut théoriquement être analysée de deux manières différentes :
- selon une première conception, plutôt abstraite, le mariage nul n’a en réalité jamais existé puisqu’il lui manquait l’une de ses conditions d’existence. L’annulation du mariage ne fait que déclarer cette inexistence ;
- selon une seconde conception, plus concrète, le mariage nul a véritablement existé mais il n’aurait jamais dû l’être. L’annulation du mariage permet donc de l’effacer pour rétablir la situation telle qu’elle aurait dû être.
Les causes de nullité du mariage sont nombreuses, mais leurs effets sont relativement communs.
1.1. Les causes de nullité du mariage
Les causes de nullité du mariage apparaissent généralement comme le négatif de ses conditions de validité : l’absence de l’une de ces conditions correspond généralement à une cause de nullité.
Les causes de nullité du mariage sont réparties en deux catégories hiérarchisées par un critère de gravité : les causes de nullité relative et les causes de nullité absolue.
1.1.1. Les causes de nullité relative
Le mariage peut être entaché de nullité relative dans 4 hypothèses :
- le consentement de l’un des époux a été vicié par une erreur sur la personne de l’autre époux (C. civ., art. 180, al. 2). L’hypothèse est rare : il s’agit du cas où l’un des époux épouse une personne alors qu’il pensait en épouser une autre ;
- le consentement de l’un des époux a été vicié par une erreur sur les qualités essentielles de l’autre époux (C. civ., art. 180, al. 2). L’appréciation du caractère essentiel d’une qualité est parfois malaisée. Le juge se fonde sur une appréciation à la fois in concreto et in abstracto. À titre d’illustration, il peut s’agir du passé de prostituée de l’un des époux, de l’existence d’une liaison antérieure continuée après le mariage, de l’aliénation mentale de l’un des époux, de sa séropositivité (TGI Dinan, 4 avr. 2006 : D. 2007, p. 1510 ; RTD civ. 2007, p. 550, obs. Hauser), etc. Au contraire, les simples qualités « humaines » ou de comportement ne sont pas considérées comme essentielles : on ne peut invoquer la nullité car on a pensé épouser un individu aimable alors qu’il se révèle être acrimonieux. La question a pu se poser avec acuité pour la virginité de l’épouse (refusant le caractère essentiel à cette qualité : CA Douai, 17 nov. 2008. – V. not. dans la revue Dr. famille 2008, comm. 167, Larribau-Terneyre) ;
- le consentement de l’un des époux a été extorqué par la violence (C. civ., art. 180, al. 1). Cette violence peut être physique ou morale. Certaines hypothèses à la marge de la violence posent question : c’est le cas de la crainte révérencielle envers les parents. Pendant longtemps, elle n’était pas considérée comme entrant dans le domaine de la violence sur le fondement d’un article de droit commun (C. civ., art. 1114). Toutefois, le législateur a rendu beaucoup moins certaine cette solution par la loi du 4 avril 2006 en précisant « L’exercice d’une contrainte sur les époux ou l’un d’eux, y compris par crainte révérencielle envers un ascendant, constitue un cas de nullité du mariage » (C. civ., art. 180, al. 1er) ;
- le consentement a été donné par un mineur incapable alors que le consentement d’un ascendant était nécessaire pour contracter mariage (C. civ., art. 182). Pour les hypothèses où cette autorisation est nécessaire (V. Fiche pédagogique n° 3219 : Le mariage).
Remarque : Il convient de remarquer que contrairement au droit commun, le droit du mariage ne retient pas le dol comme vice du consentement pouvant affecter la validité du mariage. Un adage célèbre de Loysel traduit cette exclusion : « En mariage il trompe qui peut ». La portée de cette exclusion doit toutefois être relativisée : le dol de l’un des époux est, par définition, à l’origine d’une erreur. Or, si celle-ci porte sur la personne ou sur une qualité essentielle, la demande en nullité du mariage pourra être fondée sur cette erreur provoquée.
L’absence de prise en compte du dol en tant que tel permet de tenir en échec les demandes en nullité fondées sur une erreur portant sur une qualité « non essentielle ». Certes, une telle erreur paraît davantage excusable lorsqu’elle a été provoquée par le dol du conjoint ; elle n’en devient pas pour autant une erreur cause de nullité.
En cas d’erreur ou de violence, l’action en nullité relative est attribuée au seul époux dont le consentement a été vicié (C. civ., art. 180). Inversement et à titre d’exemple, cela signifie que l’un des conjoints ne peut invoquer l’erreur de l’autre époux pour demander l’annulation de leur union. Cette action se prescrit par 5 ans à compter du mariage (C. civ., art. 181).
En cas d’incapacité du mineur, seul ce dernier et le ou les ascendants dont le consentement était nécessaire peut/peuvent intenter l’action en nullité (C. civ., art. 182). Pour le conjoint, cette action se prescrit par 5 ans à compter du jour de sa majorité ; pour les parents, elle se prescrit également par 5 ans mais à compter du jour où ils ont eu connaissance du mariage (C. civ., art. 183). Toutefois, une confirmation est possible : le mineur pourra renoncer à l’action en nullité après sa majorité, ce qui fait disparaître son propre droit à l’invoquer tandis que les ascendants dont le consentement était requis pourront également y renoncer mais en faisant disparaître non seulement leur propre droit de l’invoquer mais aussi celui des autres ascendants et même de l’époux (C. civ., art. 183).
1.1.2. Les causes de nullité absolue
Les causes de nullité absolue sont au nombre de six (C. civ., art. 184) :
- l’impuberté ;
- l’absence totale de consentement. C’est en général le cas du mariage conclu par un aliéné en état d’inconscience ou encore celui du mariage « blanc » lorsque les époux n’entendent aucunement s’en tenir par la suite aux obligations du mariage ;
- la bigamie ;
- l’inceste ;
- la clandestinité : la célébration du mariage n’a eu aucune publicité par exemple parce que les portes de la mairie étaient closes ou parce qu’il n’y avait pas de témoin. La nullité est ici facultative pour le juge qui ne la prononcera que s’il estime que les circonstances le commandent. Il tiendra généralement compte du caractère frauduleux ou non de la clandestinité ;
- l’incompétence : elle est soit tirée du fait que la commune dans laquelle le mariage a été célébré n’était pas l’une de celles désignées par la loi, soit du fait que celui qui a célébré le mariage n’avait pas la qualité d’officier d’état civil. Là encore, la nullité n’est que facultative pour le juge qui prendra en compte le caractère frauduleux de l’incompétence, du moins pour celle tirée de l’illicéité du choix de la commune.
L’action en nullité absolue est attribuée aux époux, aux ascendants, à tous ceux qui y ont un intérêt (successoral par exemple) et au ministère public (C. civ., art. 184). Cette action se prescrit par 30 ans à compter de la célébration du mariage.
La nullité absolue ne peut être couverte par la correction de la cause de nullité. Par exemple, le mariage contracté par un impubère ne devient pas valable par l’acquisition de la puberté. Seule la possession d’état (les époux vivent publiquement ensemble) permet de couvrir les vices de clandestinité et d’incompétence.
1.2. Les effets de la nullité du mariage
Les effets de la nullité du mariage s’illustrent par leur vigueur. Vigueur qu’il convient d’atténuer à l’égard des enfants et du conjoint tenu dans l’ignorance de la cause de nullité.
1.2.1. Le principe : l’anéantissement rétroactif du mariage
La nullité du mariage entraîne son anéantissement rétroactif. Puisque l’une de ses conditions de formation a fait défaut, il faut tenter de replacer les époux dans la situation qui aurait été la leur si le mariage n’avait jamais été célébré. C’est ainsi que le lien matrimonial est déclaré inexistant, emportant avec lui la disparition des obligations matrimoniales ainsi que celle des prétentions successorales de chacun des époux sur le patrimoine de l’autre. Le droit d’utiliser le nom de l’autre époux est également éteint.
1.2.2. Les tempéraments à l’égard des enfants et de l’époux tenu dans l’ignorance de la cause de nullité
Innocents, les enfants du couple échappent à l’anéantissement rétroactif du mariage : à leur égard, celui-ci subsiste, c’est-à-dire qu’ils sont considérés nés pendant le mariage, ce qui permet notamment de leur appliquer la présomption de paternité. Du point de vue de l’autorité parentale et de la résidence, leur sort échappe au droit de la nullité pour rebondir sur le terrain du divorce dont les règles sont appliquées (C. civ., art. 202).
La rigueur de l’anéantissement rétroactif du mariage peut, en outre, sembler excessive à l’égard de l’un des époux lorsque celui-ci a ignoré la cause de nullité de son union. En cette hypothèse, la loi pose un tempérament qui s’incarne dans la théorie du mariage putatif. L’un des époux au moins doit avoir ignoré la cause de nullité du mariage, qu’elle soit relative ou absolue. C’est classiquement le cas de l’époux qui a commis une erreur sur une qualité essentielle de la personne de son conjoint. Cette ignorance suppose la bonne foi de l’époux qui est présumée et qui doit exister au jour de la célébration du mariage. Si cette condition est satisfaite, le mariage déclaré nul produira ses effets à l’égard du ou des conjoints qui a/ont cru à l’existence et à la validité de son/leur union (C. civ., art. 201).