L’illusion de l’assurance
Lorsqu’un maitre de l’ouvrage (nom juridique pour désigner le client, celui qui commande les travaux) souscrit un contrat de travaux avec un entrepreneur, ce dernier est souvent prompt à vouloir le rassurer en lui fournissant son attestation d’assurance de responsabilité décennale. Parfois, l’entrepreneur va même plus loin et lui fournit une attestation d’assurance responsabilité civile professionnelle (RCP).
Les travaux commencent et un dommage survient causé par l’entrepreneur : travaux mal réalisés, malfaçons, non-respect des règles de l’art.
Bien sur, l’entrepreneur sera très vite aux abonnés absents, sa société liquidée et votre créance à son encontre irrecouvrable.
Mais vous pensez que tout ira bien puisque l’entrepreneur est assuré !
Oui mais voilà : être assuré, ça ne veut pas dire grand chose. Par exemple, prenez votre véhicule automobile et imaginez qu’on vous le vole. Avant de vous réjouir de savoir si vous allez être indemnisé, vous vous plongez immédiatement pour savoir 1) si vous êtes assuré contre le vol et 2) si aucune exclusion n’apparait (par exemple voiture volée dans la rue et non dans le garage fermé que vous aviez mentionné avoir pour bénéficier d’une baisse de prime).
Et bien pour votre litige avec votre artisan c’est pareil, mais en pire : il y a 90 % de chances que le dommage que vous avez subi ne soit pas pris en charge par l’assureur du professionnel.
Pourquoi ?
C’est à la fois simple mais pour des raisons évidentes (tromper le client) très mal expliqué aux clients.
La garantie décennale (article 1792 du code civil) ne couvre que les dommages qui
- compromettent la solidité de l’ouvrage
- ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination.
Je vous passe les milliers de décisions de justice qui essaient de définir ce qu’est un dommage décennal, avec plus ou moins de clarté.
Ce que vous devez retenir c’est que le dommage décennal est très étroitement encadré et doit revêtir une certaine gravité et rarement retenu.
Mais surtout, cette garantie décennale ne s’applique qu’en cas de réception de l’ouvrage. S’il n’y a pas eu de réception, il n’y a pas de responsabilité décennale et donc pas d’assureur qui viendra vous indemniser en lieu et place du professionnel qui dans 90% des cas se sera rendu insolvable.
Autrement dit, la couvertue d’assurance qu’on vous communique est bien souvent sans aucune utilité pour le maitre de l’ouvrage.
Le problème, c’est que la majorité des litiges avec un entrepreneur porte sur des “petits” problèmes, en gros un travail mal fait, mais qui bon an mal an fonctionne. Ce n’est pas optimal, ce n’est pas très beau, ce n’est pas idéal mais en gros ça fonctionne. Dans ce cas, bien sur il y a une faute (non-respect des règles de l’art), mais cette faute n’est dans 99% des cas pas assurée ou garantie par un tiers, rendant l’entrepreneur seul responsable et seul payeur.
Quels désordres sont généralement non couverts par une assurance ?
Ce sont tous les dommages qui ne sont pas décennaux :
- Abandon de chantier en cours de route en dépit des avances versées
- Dommages et mafaçons intervenus avant la réception (abandon de chantier, etc.)
- Dommages et malfaçons qui ont fait l’objet de réserves
- Dommages et malfaçons apparents à la réception et qui n’ont pas fait l’objet de réserves
- Dommages et malfaçons qui ne sont que des “vices intermédiaires” ou “dommages intermédiaires”, c’est à dire par suffisamment graves pour être pris en charge par la garantie décennale
Autrement dit, mis à part si votre appartement menace de s’écrouler ou si vous ne pouvez pas la mettre en location, il y a de grandes chances que le désordre ne soit pas décennal et donc ne soit pas couvert par une assurance.
L’illusion de l’assurance responsabilité civile professionnelle (facultative)
Si votre artisan a une assurance responsabilité professionnelle (RCP) ce n’est pas mieux puisque ces contrats contiennent presque systématiquement une clause d’exclusion du “RISQUE D’ENTREPRISE“, c’est à dire de tous les dommages dont l’artisan est directement à l’origine (mauvaise organisation, erreurs, fautes, manque de talent, manque de jugeotte). Autrement dit, elle ne garantit pas la reprise des non-conformités affectant les travaux réalisés par le professionnel assuré.
Autrement dit, la RCP du professionnel porte généralement uniquement sur les dommages causés par les ouvrages réalisés sur les tiers ou sur un autre ouvrage mais JAMAIS sur les propres ouvrages réalisés par l’entrepreneur assuré.
Autrement dit, il est très rare pour le maitre de l’ouvrage de bénéficier de bénéficier de la RCP en cas de malfaçons, sauf dans le cas où ces malfaçons ont causé un préjudice à un tiers (par exemple votre maison s’écroule sur celle du voisin du fait des malfaçons).
Quelle solution ?
- Choisir un professionnel qui pourra vous indemniser en l’absence d’assureur
- Demander à votre professionnel de souscrire une assurance responsabilité civile professionnelle n’excluant pas le risque d’entreprise (vous risquez de le perdre à ce moment là et d’entrer dans une conversation vaine où il vous expliquera au pire qu’il a une assurance décennale et au mieux qu’il a déjà une RCP)
La garantie dommage ouvrage n’est d’aucun secours puisqu’elle couvre les mêmes dommages que la garantie décennale du professionnel.
Tableau synthétique