Fondements juridiques
L’article 9 du CPC dispose : « Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».
Article 259 code civil “Les faits invoqués en tant que causes de divorce ou comme défenses à une demande peuvent être établis par tout mode de preuve, y compris l’aveu. Toutefois, les descendants ne peuvent jamais être entendus sur les griefs invoqués par les époux.”
Article 259-1 du code civil : “Un époux ne peut verser aux débats un élément de preuve qu’il aurait obtenu par violence ou fraude.”
Elements de preuve hors témoignages
La cause du divorce peut être établie par tout élément de preuve, sauf s’il a été obtenu de façon déloyale par violence ou fraude (articles 259 et 259-1 du Code civil).
La preuve est présumée avoir été obtenue licitement. C’est à celui qui prétend le contraire d’en rapporter la preuve (Cass. 1ère civ. 8 juin 2016, n° 15-13.473).
La communication de messages privés, suite à un accès autorisé d’une quelconque manière à la messagerie, et s’il s’agit de l’unique moyen d’apporter la preuve d’un fait important, est recevable en justice. (CEDH 7 sept. 2021, n° 27516/14 / Civ. 1re, 25 févr. 2016, n° 15-12.403 / Paris, 17 nov. 2016, n° 14/14482)
le principe reste la liberté de la preuve, les juges doivent donc caractériser la violence ou la fraude pour écarter les pièces ( Cass. 1re civ., 11 mai 2016, n° 15-16.410).
Beaucoup de commentateurs se bornent à dire que les pièces sont recevables si elles n’ont pas “été obtenus par violence ou fraude”, sans qu’aucun ne décrive exactement quand une pièce est obtenue ou non par violence ou par fraude. Ces formules génériques et floues n’aident pas selon moi à constituer une jurisprudence suffisamment claire pour les justiciables.
A titre d’exemple sont recevables les moyens de preuve suivants :
- le « SMS » reçu sur le téléphone portable professionnel de l’époux, et dont la teneur a fait l’objet d’un procès-verbal dressé par huissier, peut être produit par son épouse (Cass. 1ère civ. 17 juin 2009, n°07-21.796).
- les messages vocaux laissés sur une boîte vocale. Leur production est acceptée dès lors qu’il ne s’agit pas d’écoutes téléphoniques, les enregistrements de communications réalisés et conservés à l’insu de la personne enregistrée ne peuvent valablement être utilisés (Cass. 2ème civ. 7 octobre 2004, n°03-12.653).
- Les courriers électroniques (emails) sont aussi admissibles (Cass. 1ère civ. 18 mai 2005, n°04-13.745)
- la preuve par courriers électroniques extraite de l’ordinateur du conjoint peut être retenue parce que la consultation de la messagerie du mari non protégé par un accès sécurisé n’est pas en soi constitutive d’une fraude ( CA Toulouse, 1re ch., 2e sect., 7 nov. 2006, n° 05/04263 : JurisData n° 2006-330019 ; Dr. famille 2007, comm. 106 , V. Larribau-Terneyre).
- L’analyse du disque dur de l’ordinateur laissé par l’époux ayant quitté le domicile conjugal est admissible (CA Aix-en-Provence, 6 mai 2010).
- La copie de pages personnelles issues d’un réseau social dès lors que le compte du conjoint à l’origine de la faute n’a pas été piraté, et que ces pages aient été loyalement obtenues, par exemple en étant « ami » sur le même réseau social (CA Douai, 14 mars 2013 n°12/02493, 7e ch. civ. section 2).
- Les rapports de détectives relatifs à des faits constatés sur la voie publique (Cour d’appel de Paris, 24 avril 2013, n° 12/20200)
- Les photographies du mari prises dans des lieux publics, terrasses de café, etc. (Cour d’appel de Paris, 24 avril 2013, n° 12/20200)
- toutes informations compromettantes ou photos publiées sur un site (Instagram, Whatsapp, Snapchat…) peuvent être utilisées dans le cadre d’une procédure de divorce
Autrement dit pour les pièces numériques issues des nouvelles technologies (sms, emails, whatsapp) : tant qu’il n’y a pas de piratage, la preuve est recevable.
Mais quand y-a-t-il piratage ? Le piratage est constitué lorsque l’époux va, tel un pirate informatique, “cracker” la sécurité avec un logiciel pirate par exemple.
Il n’y a pas piratage si l’époux avait donné son code à son épouse, si le dispositif n’avait pas de code ou était en accès libre (ipad familial par exemple)
Il n’y a pas fraude et piratage dans les cas suivants :
- si l’accès à la boite mail n’est ni sécurisé ni réservé au seul mari ( CA Toulouse, 1re ch., 2e sect., 7 nov. 2006, n° 05/04263 : JurisData n° 2006-330019 ; Dr. famille 2007, comm. 106 , V. Larribau-Terneyre. – CA Poitiers, 4e ch. civ., 24 juin 2015, n° 14/03663 : JurisData n° 2015-019106 ).
- si l’époux utilise le mot de passe de son épouse qu’il connait sans fraude (compte déjà connecté, mdp communiqué à l’époque où les relations étaient paisibles, etc.) il s’agit seulement d’une ” indélicatesse et non d’une fraude dès lors qu’il n’est pas démontré qu’il aurait obtenu par fraude le mot de passe lui permettant de s’y connecter ” ( CA Paris, Pôle 3, ch. 3, 17 nov. 2016 ; n° 14/14482 : JurisData n° 016-024336 ; Dr. famille 2017, comm. 2 , obs. J-R. Binet ; AJF 2017, p. 67 , obs. A. Guillenchmidt Guignot). ” Le mari a profité de l’opportunité de pouvoir accéder à la messagerie ; l’épouse ne contestant pas avoir laissée son adresse connectée “.
- est considéré comme un procédé loyal l’utilisation de Facebook lorsque le mari peut consulter le compte Facebook de sa conjointe car celui-ci lui est accessible directement (ami de sa conjointe) ou par le biais d’un ami de sa conjointe ayant accès au contenu et en produisant une copie ( CA Paris, 18 juin 2009, n° 08/13289 : JurisData n° 2009-004899. La divulgation volontaire d’informations sur un réseau social équivaut à un consentement implicite à ce que celles-ci puissent être utilisées ” (G. Kessler, préc.). Le degré de protection des données et, par suite, le libre accès à celles-ci sur un compte Facebook est déterminé par l’utilisateur lui-même ” qui dispose des outils nécessaires sous l’onglet confidentialité de son compte pour en restreindre ou non l’accès, celui-ci pouvant être réservé à des amis ou ouvert à tout public ” ( CA Besançon, 15 nov. 2011, n° 10/02642 : JurisData n° 2011-031655 ; Comm. com. électr. 2012, comm. 44 , E. A. Caprioli).
A l’inverse, sont irrecevables les preuves suivantes :
- le procès-verbal de constat d’huissier établi le 18 mars 2011 et transcrivant les enregistrements effectués par la femme des conversations téléphoniques de son mari avec des tierces personnes ; en effet, en procédant à ces interceptions, la femme a utilisé un procédé déloyal excluant l’admission de ces preuves (Cour d’appel de Paris, 24 avril 2013, n° 12/20200)
- : les messages personnels échangés par l’épouse via son compte Facebook sont écartées des débats car vivant séparément de son époux, la femme conteste avoir donné volontairement ses codes d’accès à sa messagerie électronique, la Cour en déduit que les messages personnels n’ont pu être obtenus que par des moyens déloyaux de nature à constituer une fraude. (CA Toulouse, 11 janv. 2016, n° 14/06805 🙂 –> le mari ne pouvait les avoir obtenus qu’en obtenant par un stratégème le mot de passe de son épouse (accès à son trousseau numérique ou autre)
- Le piratage du compte de conjoint entache la loyauté de la preuve. Dans une espèce le mari, à l’appui de ses allégations d’infidélité, produit aux débats des pages Facebook retraçant des conversations de son épouse et diverses personnes. Son épouse fait valoir que sa messagerie électronique a été piratée et que le contenu des messages a été altéré afin de créer des apparences de preuves. Elle produit aux débats des attestations de personnes qui confirment le piratage des comptes Facebook et MSN. La cour d’appel de Douai du 14 mars 2013 ( CA Douai, 14 mars 2013, n° 12/02493 : JurisData n° 2013-004573 ; Dr. famille 2013, comm. 83 , J.-R. Binet) considère que ” l’ensemble des ces éléments jette donc sur les pièces produites par Karim B. à l’appui de son grief d’adultère, une suspicion de fraude qui fera qu’elles seront écartées des débats “. Elle prononce alors le divorce aux torts exclusifs du mari.
- La création de faux profil (sur Facebook notamment) est également considérée comme déloyal et peut être sanctionné au titre de l’infraction d’usurpation d’identité numérique passible d’une peine d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende ( C. pén., art. 226-4-1 . – Pour ex. : CA Paris, 10 oct. 2014, n° 13/7387 : Comm. com. électr. 2015, comm. 9 , E.A. Caprioli. – TGI Paris, 17e ch. corr., 24 mars 2015 : Comm. com. électr. 2015, comm. 86 , E.A. Caprioli).
Comment prouver que le matériel technologique appartient bien au mari ?
S’agissant de l’accès à l’ordinateur d’un époux, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a jugé que l’analyse d’un disque dur, révélant la consultation de sites internet gays à caractère pornographique, constitue une preuve admissible de la faute cause de divorce pouvant être rapportée par l’épouse. Le fait que l’ordinateur se trouve dans la chambre du mari fait présumer la propriété de ce dernier sur l’appareil et fait présumer également son utilisation par celui-ci ( CA Aix-en-Provence, 6e ch., sect. B, 6 mai 2010, n° 2010/0364 : JurisData n° 2010-016869 ; Dr. famille 2010, comm. 164 , V. Larribau-Terneyre).
PV d’huissier : attention danger
À cet égard, un huissier de justice ne peut pas créer de compte ou se servir de son compte personnel pour provoquer la preuve (V. pour exemple dans le domaine commercial Cass. 1re civ., 20 mars 2014, n° 12-18.518 : D. 2014, p. 784 : Une cour d’appel ayant relevé que l’huissier de justice s’était engagé activement dans une démarche matérialisée par l’ouverture d’un compte client et par l’acquisition du produit litigieux pour en obtenir la livraison et qu’il n’avait été satisfait à sa demande qu’à la faveur d’un traitement automatisé, en a exactement déduit qu’il ne s’était pas borné à des constatations purement matérielles et qu’il avait outrepassé les pouvoirs qu’il détenait de l’ article 1er de l’ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 ) ; dès lors l’époux doit donner à l’huissier son propre compte Facebook ou celui d’un proche, ” ami ” avec le conjoint (V. E. Albou, préc.) pour procéder à une capture d’écran.
Témoignages
Les témoignages des enfants ne sont JAMAIS admis.