Courir sans dossard : quel risque juridique ? (marathon, semi, 10k)

Le running est depuis quelques années devenu un phénomène de mode qui touche de plus en plus de personnes. On est passé du joggeur ultra préparé rachitique avec une tenue moulante plus que douteuse à des hordes de coureurs jeunes, lookés et branchés. Si bien que les running clubs, originellement des clubs de course à pieds exclusivement masculins dans lesquels le style avait peu d’importance, semblent être devenus les nouveaux spots de dating dans les grandes agglomérations. Cela a commencé avec les Etats-Unis (toujours précurseurs) comme l’a magnifiquement décrit le New York Times avant de rejoindre la France où l’application de rencontres Bumble a organisé en octobre 2024 une running dating week avec les running clubs les plus en vue de la capitale (collision (@collisionrunning) , HRL (@harbatrunninglab), Parenthèses, Barbes Runners).

Cet essor des pratiquants n’a pas été suivi par le nombre de places en courses officielles (10KM, semi, marathon) qui reste toujours trop inférieur à la demande exponentielle.

Se pose donc un problème récurrent : les courses sont complètes, très vites, trop tôt, et nombre de coureurs se retrouvent le bec dans l’eau.

Se pose alors la question de courir sans dossard, c’est à dire sans s’enregistrer et donc sans payer (entre 30 € et 50 € selon le course).

Les coureurs qui prennent part à des courses organisées sans s’inscrire officiellement, surnommés “bandits de course”, divisent la communauté des runners. Pour certains, ces bandits ne sont ni plus ni moins que des voleurs ou des hors-la-loi. Pour d’autres, les routes appartiennent à tout le monde, et courir sans dossard est une décision personnelle avant tout morale.

Mais a-t-on le droit ? Quels sont les risques ?

Revue du droit français.

Une pratique théorisée aux Etats-Unis

Cette pratique a été théorisée par les américains sous le nom de “bandit running” ou Race Banditing (https://www.racedirectorshq.com/read/race-banditing-guide-6/) avec un “fake bib” notamment.

Une avocate américaine (GABRIELA ZAMFIR) a même écrit un article juridique (en droit américain) très complet sur la question mais UNIQUEMENT sur le droit PENAL et AMERICAIN (voir sa note de bas de page 249 p. 30/32).

Running in the Shadows
https://illinoislawreview.org/wp-content/uploads/2018/03/Zamfir.pdf

Sur le plan pénal

La loi pénale étant d’interprétation stricte, le coureur qui se borne à courir sur la voie publique sans faire l’une des quelconques actions décrites ci-dessous n’encourt selon moi aucune responsabilité pénale.

Ce qui est sans discussion illégal

Faux dossard

Une pratique qui se répand fortement est de se créer un faux dossard grâce à Photoshop ou Canva : le coureur va imiter le dossard de l’année passée ou celui de l’édition actuelle pour en faire une copie.

Le fraudeur commet alors plusieurs infractions pénales :

  • Faux (Article 441-1 et 441-6 du Code pénal)
    • par la création d’un faux dossard permettant de manière frauduleuse d’accéder sans bourse délier à une course au détriment de l’organisateur
    • Sanction : Jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende.
  • Escroquerie (Article 313-1 du Code pénal).
    • Si vous présentez un faux dossard ou une fausse identité pour participer gratuitement, vous pourriez être poursuivi pour escroquerie.
    • Sanction : Jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 375 000 € d’amende.

Utilisation du ravitaillement + récupération médaille

  • Escroquerie par la remise grâce à une fausse qualité (faux dossard)
  • Vol (Article 311-1 du Code pénal)
    • La soustraction frauduleuse de la chose d’autrui, à savoir utiliser un dossard emprunté ou volé sans l’accord du titulaire peut être qualifié de vol.
    • Sanction : Jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende.

Ce qui est débattu : jouissance de l’organisation ?

Mais que se passe-t-il pour le runner qui ne va ni courir avec un faux dossard ni utiliser le ravitaillement ni récupérer une médaille ni utiliser les toilettes mobiles ?

Est-ce que le simple fait de jouir sans payer et sans ticket de la sécurité (privée ou étatique (oui les policiers et gendarmes peuvent être facturés) payée par l’organisateur et de l’organisation autour de la fermeture des routes constitue-t-il une infraction pénale ?

C’est l’exemple type du runner qui va commencer 50 mètres après le début de la course et s’arrêter 50 mètres avant, en courant tout le long sur le parcours balisé aux côtés du peloton.

Commet-il une infraction pénale ?

Il faut de prime abord écarter toutes les comparaisons avec les théâtres, cinémas, concerts en plein air : le parcours d’une course de running n’est pas “privatisé” ou “fermé”, chacun peut le traverser à tout moment (en faisant attention bien sur !).

Il me semble que dans ce cas aucune infraction pénale ne pourrait être reprochée au coureur “passager clandestin” (free rider)

Il n’y a eu cependant à ce jour en France aucune décision pénale, sans doute parce que les autorités ont mieux à faire que de poursuivre cette fraude qu’elles estiment négligeables.

Conclusion

Si le coureur se borne à jouir uniquement de la fermerture des routes et du balisage du parcours, sans démarrer depuis un sas à accès réglementé et sans passer la ligne d’arrivée, et sans consommer le ravitaillement, il ne commet selon moi aucune infraction pénale. (cas n°1)

Si en revanche le coureur utilise un stratagème (comme un faux dossard) ou profite des moyens matériels mis à disposition (ravitaillements, toilettes, etc.) voire de la médaille, il commet une escroquerie. (cas n°2)

La complexité de l’infraction couplée à une atteinte mesurée à l’ordre public font que le fait d’être poursuivi est, si ce n’est inexistant, à tout le moins très rare voire anecdotique.

Ce qui risque de se passer est que du staff de sécurité vous arrête au milieu de la course pour vous en faire sortir, étant précisé que ce comportement m’apparait lui illégal ces derniers ne disposant pas de tels pouvoirs si le runner est dans le cas n°1

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