Synthèse
À titre expérimental et pour une durée de quatre ans, douze tribunaux de commerce (dont la liste est fixée par l’article 2 de l’arrêté JUSB2418778A du 5-7-2024) auront, à compter du 1er janvier 2025, des compétences élargies en matière de prévention et de traitement des difficultés des entreprises, ces tribunaux étant renommés « tribunaux des activités économiques » (TAE ; Loi 2023-1059 du 20-11-2023 art. 26, I ; Décret 2024-674 du 3-7-2024 ; Arrêté JUSB2418778A art. 1). Cette extension de compétence concernera l’ensemble des sociétés civiles situées dans le ressort des TAE, qui relèvent actuellement du tribunal judiciaire. La répartition de compétence entre le TAE et son président sera la même que celle applicable à tout tribunal de commerce
Mon avis
Devant l’indigence des délais devant les juridictions civiles, le législateur souhaite donc par les TAE transférer des dossiers qui relevaient initialement du tribunal judiciairre (TGI) au TAE qui est une sorte de tribunal de commerce sous stéroides.
Relèvent donc du TAE et non plus du TJ :
- les “procédures collectives” au sens large de toutes les activités économiques en ce compris sociétés civiles, c’est à dire toute demande d’ouverture d’une procédure amiable (règlement amiable agricole, mandat ad hoc, conciliation) ou collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire) d’une association, un exploitant agricole, une société civile quelle que soit son activité, une profession libérale HORS profession réglementée du droit (ex. : avocat, notaire, commissaire de justice)
- le contentieux du bail commercial quand il est lié à la “procédure collective”, c’est à dire pour les actions et contestations relatives aux baux commerciaux nées de la procédure collective et présentant avec celle-ci des liens de connexité suffisants.
Le TJ reste compétent pour les litiges autres que procédures collectives : conflits entre associés, désignation administrateur provisoire, référé injonction production de pièces, expertise de gestion, mesure 145, etc.
Le but est surtout de donner aux juges consulaires la maitrise de tout ce qui a trait à la prévention et aux difficultés financières liées à une cessation de paiement.
Et comme il n’y a pas de petites économies, l’accès à la justice par le TAE devient payant.
L’avocat doit bien penser à viser le TAE et non le TCOM dans les départements où la modification a eu lieu (ex Nanterre)
Les problèmes juridiques qui vont se poser
Voici les principaux problèmes que j’identifie à la suite de cette nouvelle réforme (dont on se serait bien passé) :
- Saisine du tribunal judiciaire par l’avocat au lieu du TAE : nullité de l’assignation ? Irrecevabilité ? Transmission automatique du dossier ?
- Saisine du tribunal de commerce au lieu du TAE : nullité de l’assignation avec grief ? Quid si le justiciable se présente au bon tribunal ? Quid s’il ne vient pas ?
- Non-paiement de la “taxe” TAE : irrecevabilité de la demande ?
Fondement juridique
Décret 2024-674 du 3-7-2024 : JO 5 texte n 55
Arrêté JUSB2418778A du 5-7-2024 : JO 6 texte n 65
Ca vient d’où ce Tribunal des activités économiques ?
La loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 a prévu d’expérimenter l’élargissement des compétences de certains tribunaux de commerce (désignés par arrêté ministériel) en matière de prévention et de traitement des difficultés des entreprises, ces tribunaux étant renommés « tribunauxdes activités économiques » ( TAE ; Loi 2023-1059 du 20-11-2023 art. 26, I).
Rappel de l’extension de compétence des TAE
Les TAE (ou leur président) seront compétents pour connaître des procédures d’alerte, de mandat ad hoc, derèglement amiable, de conciliation, de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaires pour les débiteurs ayant leur siège ou leur adresse professionnelle dans leur ressort, et ce, quels que soient le statut et l’activité dudébiteur en difficulté (Loi 2023-1059 du 20-11-2023 art. 26, II).
Ils le seront donc à l’égard des agriculteurs, des professionnels libéraux, des sociétés et des groupements civils qui relèvent actuellement des tribunaux judiciaires.
Toutefois, l’extension de compétence ne concernera pas les personnes exerçant la profession d’avocat, de notaire, de commissaire de justice, de greffier de tribunal decommerce, d’administrateur judiciaire ou de mandataire judiciaire (art. précité).
Entrée en vigueur de l’expérimentation
L’expérimentation des TAE débutera le 1 janvier 2025 pour une durée de 4 ans (Arrêté du 5-7-2024 art. 1).
Les procédures listées n2 ouvertes à compter de cette date relèveront des TAE tandis que les tribunauxjudiciaires dont le ressort correspond au ressort des TAE ne seront plus compétents pour en connaître. Aucunemodification donc pour les procédures en cours à cette date.
Liste des futurs TAE
Le ministre de la justice a désigné 12 tribunaux de commerce qui deviendront des TAE et a précisé leur ressort(dans la majorité des cas, celui du tribunal judiciaire de la ville dans lequel le TAE aura son siège).
Les TAE de Marseille, Lyon, Paris et Nanterre ont également l’étiquette de tribunal de commercespécialisé et bénéficient à ce titre d’une compétence exclusive pour les procédures les plus complexes outransfrontalières en matière de prévention et de traitement des difficultés des entreprises ( cf. C. com. art. L 721-8 et L 662-8). Cette compétence s’exercera elle aussi dans les conditions et sous les réserves exposées n2 (Loiart. 26, II-al. 7).
Information des usagers
Chaque juridiction concernée veillera, dans son ressort, à informer notamment les justiciables, les auxiliaires dejustice et les instances locales représentatives des entreprises, des agriculteurs, des associations et desprofessions concernées de la date du début de cette expérimentation et de son contenu, en particulier s’agissantde la compétence territoriale et matérielle du TAE (Décret 2024-674 art. 1).
Une documentation sera ainsi mise à la disposition du public au greffe du TAE, au service d’accueil unique dujusticiable implanté au siège du tribunal judiciaire dans le ressort duquel le TAE a son siège ou par voieélectronique ( art. précité ).
Composition des TAE
Dans la mesure où les TAE seront compétents en matière de prévention et de traitement des difficultés des exploitants agricoles , une adaptation de la composition de ces tribunaux a été prévue (Loi 2023-1059 art. 26, I).Ont donc été fixées les modalités de désignation et de remplacement des
juges qui, exerçant cette profession,viendront compléter la composition du tribunal en tant qu’assesseurs dans les formations de jugement(Décret 2024-674 art. 5).
Autres modifications procédurales
L’expérimentation s’accompagnera de quelques modifications de la procédure devant les TAE, dont les principales sont
- le paiement d’une contribution financière pour agir devant les TAE (sauf notamment s’il s’agit d’unedemande d’ouverture d’une des procédures citées n 2),
- la dispense d’avocat pour certaines actions
- et une nouvelle amende civile pour comportement dilatoire ou abusif ( Loi 2023-1059 art. 26 et 27 : BRDA 24/23 inf. 20n.
Rappelons que le TAE qui aura ouvert une sauvegarde, un redressement ou une liquidation judiciaire sera compétent pour les actions et les contestations relatives aux baux commerciaux nées de la procédure et présentant avec celle-ci des liens de connexité suffisants (Loi 2023-1059 art. 26, II-al. 6). Les pouvoirs attribués en premier ressort au juge-commissaire en ce domaine ne seront pas remis en cause.
Supervision de l’expérimentation
La conduite de l’expérimentation sera assurée par un comité de pilotage (comprenant notamment des magistratsde cours d’appel et de tribunaux judiciaires dans le ressort desquels un TAE aura son siège) qui veillera à son bondéroulement et au fonctionnement efficace des TAE et qui pourra proposer des évolutions réglementaires ouorganisationnelles (Décret 2024-674 art. 2).L’expérimentation seraévaluée par un autre comité auquel participeront, par exemple, des parlementaires, unconseiller à la Cour de cassation et des magistrats de tribunaux de commerce ou de tribunaux judiciaires neparticipant pas à l’expérimentation (Décret art. 3 et 4). Six mois avant la fin de l’expérimentation, le Gouvernement remettra un rapport d’évaluation au Parlement (Loi 2023-1059 art. 26, III-al. 2).