Répartition des bénéfices
Statuts
La répartition des bénéfices s’effectue conformément aux statuts.
Loi
Article 1844-1 code civil
“La part de chaque associé dans les bénéfices et sa contribution aux pertes se déterminent à proportion de sa part dans le capital social et la part de l’associé qui n’a apporté que son industrie est égale à celle de l’associé qui a le moins apporté, le tout sauf clause contraire.
Toutefois, la stipulation attribuant à un associé la totalité du profit procuré par la société ou l’exonérant de la totalité des pertes, celle excluant un associé totalement du profit ou mettant à sa charge la totalité des pertes sont réputées non écrites.”
À défaut d’indication statutaire, la part de chaque associé dans les bénéfices est proportionnelle à sa part dans le capital social. Toutefois, pour l’apporteur en industrie, cette part est égale, dans le silence des statuts, à celle de l’associé qui a le moins apporté (C. civ. art. 1844-1, al. 1).
Jugé, dans un cas où les deux associés d’une SCP avaient procédé à une répartition des bénéfices différente de celle prévue par les statuts, que cette répartition n’était pas valable en l’absence de consentement unanime des associés exprimé dans un acte, la preuve de ce consentement ne pouvant pas être déduite du mode de fonctionnement de la société (Cass. 1e civ. 21-3-2000 n° 582 : RJDA 5/00 n° 548). Mais cette preuve peut valablement être constituée par un acte qui ratifie a posteriori le fonctionnement habituel de la société (Cass. 1e civ. 2-3-2004 n° 344 : RJDA 7/04 n° 851).
En l’absence d’interdiction expresse, les associés peuvent recevoir, même à défaut de bénéfices, un intérêt fixe calculé sur le montant de leur apport.
Précisions
Les dividendes n’ont pas d’existence juridique avant la constatation de sommes distribuables par l’organe social compétent et la détermination de la part de bénéfices attribuée à chaque associé (jurisprudence constante ; par exemple Cass. com. 4-2-2014 n° 12-23.894 F-D : RJDA 5/14 n° 433 ; Cass. com. 13-9-2017 n° 16-13.674 FS-PBI : RJDA 12/17 n° 804). La règle fiscale selon laquelle les bénéfices d’une société civile sont imposables au nom de chaque associé à hauteur de ses droits dans la société indépendamment de toute décision de distribution et même s’ils ne sont pas distribués (CGI art. 8) est sans incidence sur la naissance de la dette de dividende de la société à l’égard des associés. En l’absence d’une décision de distribution de dividendes, la société n’est pas débitrice de l’associé et ne peut donc pas être condamnée à payer au créancier de celui-ci (en l’espèce, le Trésor public), qui a fait pratiquer une saisie-attribution des dividendes, la somme due à ce dernier pour ne pas avoir fourni les renseignements nécessaires à cette saisie en application de l’article R 211-5 du Code des procédures civiles d’exécution (Cass. com. 13-9-2017 précité).
Ayants droit aux bénéfices
Les bénéfices distribués sous forme de dividendes reviennent aux associés et, si les parts sont grevées d’usufruit, à l’usufruitier (n° 62120 s.). En cas de communauté entre époux, si des parts ont été acquises avec des biens communs, seul l’époux associé a qualité pour percevoir les dividendes (Cass. 1e civ. 5-11-2014 n° 13-25.820 : RJDA 10/15 n° 660). Mais les dividendes provenant de parts sociales acquises durant le mariage que l’époux associé perçoit après son divorce durant l’indivision postcommunautaire sont des fruits accroissant l’indivision même si la qualité d’associé attachée aux parts ne relève pas de l’indivision (Cass. 1e civ. 28-3-2018 n° 17-16.198 F-PB : RJDA 7/18 n° 575).
Quant aux bénéfices le cas échéant mis en réserve, ils reviennent aux ayants droit au boni de liquidation et donc au nu-propriétaire.
En cas de cession de parts, l’acquéreur a droit aux bénéfices non encore mis en distribution à la date de la cession.
Précisions
- L’acquéreur a droit aux dividendes non encore distribués car, s’ils participent de la nature de fruits (Cass. com. 5-10-1999 n° 1443 : RJDA 1/00 n° 34 ; Cass. com. 5-12-2000 n° 2054 : RJDA 3/01 n° 327), les dividendes n’ont pas d’existence juridique avant l’approbation des comptes de l’exercice par l’assemblée, la constatation par celle-ci de l’existence de sommes distribuables et la détermination de la part qui est attribuée à chaque associé. En conséquence, lorsque les parties conviennent du paiement au cédant, avant la clôture de l’exercice et avant la décision statuant sur les comptes, d’une partie des bénéfices de cet exercice estimés et chiffrés, les sommes correspondantes constituent en réalité un élément du prix de cession (Cass. com. 28-11-2006 n° 04-17.486 FS-PBIR : RJDA 2/07 n° 152). Puisque c’est en principe celui qui a la qualité d’associé au jour où est décidée la distribution des bénéfices sous forme de dividendes, et non pas au moment de la réalisation de ces bénéfices, qui doit percevoir les sommes correspondantes, elles reviennent donc à l’acquéreur lorsque la cession des droits sociaux est intervenue avant la décision de l’assemblée générale de procéder à la distribution. Il en résulte que si les parties à la cession conviennent que les dividendes de l’exercice au cours duquel la cession est intervenue seront répartis entre elles au prorata du temps pendant lequel chacune est restée associée, ce versement risque d’être considéré, sur le plan fiscal, comme un élément du prix. En effet, celui qui a la qualité d’associé au jour où la distribution est décidée est seul titulaire de la créance de dividendes à l’égard de la société. Si l’acquéreur s’engage à rétrocéder au cédant une fraction des sommes qui lui ont été versées, il s’agit là de l’exécution de son engagement contractuel à l’égard du cédant et non d’un versement de dividendes à proprement parler.
- Il est nécessaire de prévoir avec précision, dans l’acte de cession, le sort des dividendes non échus pour éviter tout litige. Le fait que des parts sociales aient été cédées à un prix inférieur au montant des bénéfices réalisés par la société à la date de la cession ne prouve pas que la cession soit intervenue après cette date. Les cédants n’ont donc aucun droit sur ces bénéfices (CA Aix-en-Provence 20-7-2017 n° 15/06423 : RJDA 12/17 n° 812, en matière de SARL mais transposable).
- La cession de parts intervenue alors que le cédant en liquidation judiciaire était dessaisi du pouvoir de disposer de ses biens (C. com. art. L 641-9, I) est inopposable à la procédure collective ; l’acquéreur est tenu de restituer les dividendes perçus, même s’il est de bonne foi (Cass. com. 16-9-2014 n° 13-11.737 : RJDA 1/15 n° 34).
L’héritier non agréé peut-il percevoir des dividendes ?
Les héritiers non agréés n’ont aucun droit sur les dividendes distribués postérieurement au décès de leur auteur (en ce sens, Cass. com. 14-12-2004 n° 01-10.893 F-PB : RJDA 4/05 n° 412 ; Cass. 1e civ. 2-9-2020 n° 19–14.604 FS-PB : BPAT 6/20 inf. 220).
- On entend par « héritier » toute personne venant à la succession du défunt, soit directement, soit par représentation (cas, par exemple, des petits-enfants lorsque leur père ou leur mère, héritier du défunt, est lui-même décédé ou renonçant). Le conjoint de l’associé décédé qui recueille les parts sociales en vertu d’une donation entre époux est assimilé au légataire au regard de l’article 1870 du Code civil : il n’a pas à être agréé (Cass. 1e civ. 24-3-1998 : Dr. sociétés 1998 n° 103).
- Une attention particulière doit être portée à la rédaction de la clause d’agrément. Une clause des statuts d’une société civile de famille qui prévoit que les héritiers « en ligne directe » d’un associé décédé doivent être agréés avant de devenir associés est également applicable au conjoint survivant du défunt : il ne peut pas être déduit du silence des statuts sur l’agrément des autres héritiers que ces derniers ne sont soumis à aucun agrément. Une telle déduction conduit à soumettre à l’agrément les seuls héritiers en ligne directe et à en dispenser les autres (conjoint survivant et légataires), qui peuvent être extérieurs à la famille, alors que la société présente un caractère exclusivement familial (CA Paris 29-6-2011 n° 10/12355 : RJDA 1/12 n° 60 et, sur pourvoi, Cass. com. 6-11-2012 n° 11-25.058 F-D : RJDA 2/13 n° 130). Par ailleurs, la clause selon laquelle, en cas de décès d’un associé, la société continue entre les associés survivants et les héritiers et ayants droit de l’associé décédé, sans qu’ils aient à être agréés par les associés survivants, dispense également d’agrément le légataire particulier d’un associé décédé (Cass. com. 5-4-2018 n° 16-18.097 F-D : BPAT 4/18 inf. 177).
- Les héritiers devenus associés sont tenus des dettes de la société dans la double proportion de leur part dans le capital social et de leurs droits respectifs dans la succession (Cass. 1e civ. 1-7-2003 n° 01-00.563 FS-PB : RJDA 11/03 n° 1086). Ils répondent indéfiniment de ces dettes lorsqu’ils ont accepté purement et simplement la succession, même si les dettes sont nées avant qu’ils héritent des parts. Toutefois, en cas de découverte tardive d’un passif important, un héritier peut demander en justice à être déchargé en tout ou partie de son obligation si, au moment où il a accepté la succession, il avait des motifs légitimes d’ignorer la dette et si le paiement de cette dette aurait pour effet d’obérer gravement son patrimoine personnel (C. civ. art. 786, al. 2). En cas d’acceptation de la succession à concurrence de l’actif net, les héritiers ne répondent des dettes sociales existant au jour du décès qu’à concurrence de la valeur des biens recueillis dans la succession (C. civ. art. 791).