Aarpi d’avocats : tout comprendre

Une association d’avocats à responsabilité professionnelle individuelle (Aarpi) est une société créée de fait soumise au régime des sociétés en participation dont seuls ses membres peuvent participer aux décisions collectives.

Une Aarpi est une société créée de fait

Les règles du Code civil concernant la société en participation (art. 1871 s.) s’appliquent aux sociétés créées de fait (C. civ. art. 1873) ; tel est notamment le cas de l’article 1871-1, aux termes duquel les rapports entre associés d’une société en participation sont régis, en tant que de raison, par les dispositions applicables aux sociétés civiles ou en nom collectif (selon que la société a un caractère civil ou commercial), à moins qu’une organisation différente n’ait été prévue.

Par ailleurs, des avocats peuvent constituer, pour l’exercice de leur profession, des associations au sein desquelles la mise en cause de la responsabilité professionnelle de l’un des membres n’engage pas celle des autres ; ces associations sont dites « à responsabilité professionnelle individuelle » (Aarpi) (Décret 91-1197 du 27-11-1991 art. 124, al. 5 et 6).

Il résulte des articles 1871 à 1873 du Code civil et de l’article 124 du décret du 27 novembre 1991, vient de rappeler la première chambre civile de la Cour de cassation, qu’une Aarpi est une société créée de fait qui est soumise au régime des sociétés en participation et qui n’a pas la personnalité morale.

De ce rappel d’une solution antérieure (Cass. 1e civ. 8-3-2023 no 20-16.475 FS-B : BRDA 8/23 inf. 2), la Cour de cassation tire les conséquences suivantes.

Décisions collectives : qui peut y participer ? (associé only)

Seul un associé peut participer aux décisions collectives

Aarpi d’avocats : seuls les associés peuvent participer aux décisions collectives Cass. 1e civ. 24-4-2024 no 22-24.667 FS-B

La première conséquence porte sur l’application des articles 1844 (qui investit tout associé du droit de participer aux décisions collectives) et 1844-10, al. 3 du Code civil (qui subordonne la nullité d’une délibération sociale à la violation d’une disposition impérative de ce Code sur le contrat de société).

La première chambre civile déduit de la combinaison des articles 1844, 1844-10, al. 3, 1871-1 précités et 124 du décret du 27 novembre 1991 que seuls les associés d’une Aarpi peuvent participer aux décisions collectives et que la participation d’un non-associé à une assemblée générale au cours de laquelle a été prise une telle décision constitue une cause de nullité de cette assemblée générale.

Un associé d’Aarpi qui s’en était retiré était ainsi fondé à ne pas répondre à la convocation qui lui avait été adressée en vue d’assister à une assemblée générale d’approbation des comptes réunie quelques mois après son retrait ; l’Aarpi ne pouvait donc pas utilement interdire à l’intéressé de critiquer la décision d’approbation des comptes et de remettre en cause les sommes mises à sa charge à l’occasion de cette approbation en lui opposant son choix de ne pas participer à l’assemblée et de ne pas exercer son droit de vote.

Le principe ci-dessus s’applique aux membres de toute association d’avocats, qu’elle soit ou non à responsabilité professionnelle individuelle ; en effet, rien ne s’oppose à ce que les associations d’avocats à responsabilité professionnelle « collective » soient, elles aussi, qualifiées de sociétés créées de fait et suivent en conséquence le régime des sociétés en participation.

A fortiori, ce principe vaut pour tout ex-associé de société en participation de droit commun critiquant l’approbation des comptes décidée par une assemblée postérieure à son retrait.

Ce principe n’est pas tout à fait nouveau : la chambre commerciale de la Cour de cassation a déjà énoncé que seuls les associés ont le droit de participer aux décisions collectives et que la participation d’une personne n’ayant pas la qualité d’associé aux décisions collectives d’une SARL constitue une cause de nullité des assemblées générales au cours desquelles ces décisions ont été prises ; à la différence de la première chambre civile toutefois, la chambre commerciale subordonne cette nullité à la condition que l’irrégularité soit de nature « à influer sur le résultat du processus de décision » (Cass. com. 11-10-2023 no 21-24.646 FS-B : BRDA 21/23 inf. 23).

En l’espèce, il importait peu que les comptes sur lesquels l’assemblée était appelée à statuer portent sur un exercice antérieur au retrait de l’associé et concernent donc une période où celui-ci était encore membre de l’association ; le seul critère juridique opérant était que, à la date de l’assemblée, l’intéressé n’avait plus la qualité d’associé et n’avait donc plus le droit de prendre part à ses délibérations.

L’associé peut-il consentir des avances de fonds à l’association ? (oui)

La seconde conséquence tirée de la qualification de l’Aarpi porte plus spécifiquement sur l’application de l’article 1871-1 précité du Code civil : il s’en déduit, précise pour la première fois la Cour suprême, que l’associé d’une Aarpi peut valablement consentir des avances de fonds au profit de l’indivision des associés de l’association.

Dans cette affaire, une contribution au remboursement d’une somme mise à la disposition de cette indivision par un coassocié de l’associé retrayant pouvait donc être demandée à ce dernier.

7.

Selon cet associé, l’arrêt d’appel ayant mis à sa charge cette contribution avait indiqué que la somme en question avait été mise à la disposition de « la trésorerie de l’association » et que cette mise à disposition correspondait à la définition d’un compte courant ; selon lui, la cour d’appel avait ainsi considéré à tort que l’Aarpi disposait d’un patrimoine propre incompatible avec l’absence de personnalité morale de celle-ci.

Faux, répond la Cour de cassation : la cour d’appel avait retenu que l’association était dépourvue de personnalité juridique et de trésorerie propre et que le coassocié avait mis à disposition de l’indivision des associés des sommes qu’il avait facturées, de sorte que la cour n’avait pas admis l’existence d’un patrimoine propre de l’association.

L’argument de l’associé retrayant, qui critiquait en réalité une simple impropriété de termes utilisés par la cour, était donc inopérant.

8.

Comme pour la solution précédente, cette conséquence de la qualification de société créée de fait de l’Aarpi combinée à l’application de l’article 1871-1 du Code civil vaut à notre avis pour toute association d’avocats, même à responsabilité professionnelle « collective », et a fortiori pour toute société en participation de droit commun dont un associé aurait mis une somme à disposition de l’indivision des associés.

Limites à l’application aux Aarpi des règles sur les sociétés de fait

L’application aux associations d’avocats des dispositions relatives aux sociétés civiles a toutefois ses limites : les rapports entre associés sont régis seulement « en tant que de raison » par ces dispositions (art. 1871-1 ) ; ne s’appliquent donc que celles compatibles avec l’absence de personnalité morale de l’association.

La Cour de cassation en a conclu par un précédent arrêt que, si une association d’avocats est soumise aux articles 1832 à 1844-17 du Code civil, l’article 1843-4 ne lui est pas applicable en l’absence de capital social, si bien qu’un avocat qui s’en retire ne peut pas, en cas de désaccord sur la valeur des droits dont il demande à être indemnisé, obtenir en justice la désignation d’un expert chargé de les évaluer sur le fondement de ce texte (Cass. 1e civ. 17-2-2021 no 19-22.964 FS-P : RJDA 5/21 no 327).

Le même raisonnement vaut-il pour les sociétés en participation de droit commun, elles aussi dépourvues de capital social ? En l’absence de réponse de la Cour de cassation à cette question, celle-ci reste ouverte.

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