Aborder l’enjeu de la vidéosurveillance suppose de distinguer plusieurs cas de figure, selon que l’initiative de l’installation du système revient aux copropriétaires pris individuellement ou au syndicat, représenté par son syndic et de réserver un traitement particulier aux « parties communes à jouissance privative » .
Ces caméras de vidéosurveillance peuvent prendre l’apparence de sonnettes vidéo ou carillons connectés (Arlo, Netatmo, Legrand, ring, judas connecté)
Définition : vidéosurveillance ou vidéoprotection ?
La terminologie officielle est, depuis 2011, celle de la « vidéoprotection ».
Philosophie entourant la vidéosurveillance
Le recours à cette technologie intrusive doit être encadré. Comme le législateur l’avait écrit en 1978, non sans une certaine prescience : « L’informatique est au service de chaque citoyen […]. Elle ne doit porter atteinte ni à l’identité humaine, ni aux droits de l’homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques. » Ces dispositions, toujours inscrites à l’article premier de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 « informatique et libertés », ont traversé les décennies, preuve du caractère intemporel des grands principes qu’elles énoncent.
Parce que la vidéosurveillance constitue l’illustration emblématique de ce nécessaire équilibre entre progrès humain et protection des droits, elle est placée au coeur d’enjeux essentiels en copropriété. Ce système est en effet susceptible de mettre à mal les deux droits protégés par l’article 9 du code civil, à savoir tant le droit à l’image que le droit à la vie privée.
La vidéosurveillance installée par un copropriétaire
Cas d’une vidéosurveillance installée sur OU vers une partie commune
La caméra d’un copropriétaire filme les parties communes
Le dispositif d’un copropriétaire ne doit pas servir à « surveiller » en temps réel les allées et venues des résidents ou des visiteurs.
Dans cette hypothèse, assez simple et assez fréquente, les copropriétaires se sont substitués en quelque sorte au syndicat et ont directement installé un système de surveillance des parties communes…
Sans surprise, ils sont systématiquement condamnés, y compris en référé, à déposer leur dispositif de vidéosurveillance, qu’il ait été installé :
- dans le hall d’entrée de l’immeuble (TGI Paris, réf., 17 juin 2010, n° 10/50629, condamnation à retirer la caméra sous astreinte de 100 € par jour de retard) ;
- sur le palier (TGI Paris, 8e ch. 3e sect., 13 sept. 2013, n° 12/10915, astreinte de 150 € par jour de retard) ;
- dans une cour (TGI Paris, réf., 22 mars 2016, n° 16/52179, 500 € par jour de retard).
Le fondement de ces condamnations est non seulement l’atteinte disproportionnée à la vie privée, mais aussi – plus accessoirement – le défaut d’autorisation au visa de l’article 25 b de la loi du 10 juillet 1965 puisque, aux termes de ces dispositions, les travaux « affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble » nécessitent une autorisation de l’assemblée générale.
Toutefois, cette autorisation n’est pas requise pour des menus travaux d’aspect discret par leurs formes et dimensions et fixés par un ancrage léger et superficiel (Civ. 3e, 19 nov. 1997, n° 95-20.079, D. 1998. 12 ; AJDI 1998. 273, obs. P. Guitard ; RDI 1998. 129, obs. P. Capoulade et C. Giverdon). En application de cette jurisprudence, le fait, par exemple, de fixer des pitons dans le gros oeuvre n’est pas considéré comme relevant de l’article 25 b précité (TGI Nanterre, 8e chambre, 30 mai 2013, n° 11/12812 ; six trous d’ancrage en l’espèce).
L’installation d’une petite caméra a fortiori en wifi (donc sans installation filaire), paraît satisfaire à ces conditions et il est donc douteux que le moyen tiré de la violation de l’article 25 b suffise à lui seul à exiger le retrait de caméras installées sans autorisation du syndicat.
Si le dispositif filme des espaces communs publics (ex. : parking, local vélos ou poussettes, hall d’entrée, portes d’ascenseur, cour), l’information des personnes devra se faire conformément au Règlement Général sur la Protection des Données (Règl. (UE) 2016/679, 27 avr. 2016, art. 13, JOUE 4 mai 2016, nº L 119) et à la loi informatique libertés (L. nº 78-17, 6 janv. 1978, art. 104). Ainsi, les personnes filmées devront être informées de l’existence du dispositif au moyen de panneaux affichés en permanence, de façon visible dans les lieux concernés. Ces panneaux devront a minima indiquer les finalités du traitement installé, la durée de conservation des images, le nom ou la qualité et le numéro de téléphone du responsable/du délégué à la protection des données, l’existence des droits « Informatique et libertés » et le droit d’introduire une réclamation auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, en précisant ses coordonnées.
Exemples de jurisprudences
Cour d’appel, Paris, Pôle 1, chambre 3, 20 Janvier 2021 – n° 19/15420
“Les travaux d’installation du système de vidéo-surveillance mis en place par les époux H., en dehors de tout consentement donné par la copropriété, compromettent les droits détenus par chacun des copropriétaires dans le libre exercice de leurs droits sur les parties communes, tels que reconnus par les articles 9 du code civil et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et constituent un trouble manifestement illicite qu’il y a lieu de faire cesser.
Les constats d’huissier des 25 janvier (pièce SDC n°25) et 13 décembre 2019 (pièce SDC n°29 – ‘Je constate en haut et à gauche et en haut à droite, sur les murs latéraux, la présencede dispositifs de type caméra ‘) établissent que les dispositifs litigieux, dont les appelants ne rapportent pas la preuve qu’il s’agirait de caméras factices, étaient encore présents à ces dates ; il convient, en conséquence, de faire droit à la demande du syndicat tendant au prononcé d’une astreinte. Il sera ajouté en ce sens à l’ordonnance entreprise.
Sur la demande du syndicat tendant à la condamnation des époux H. à communiquer la déclaration effectuée auprès de la CNIL relative à l’installation des caméras de vidéosurveillance et la réponse de cette dernière, le juge des référés, saisi sur le fondement de l’article 835 du code de procédure civile (ancien article 809), voit ses pouvoirs limités aux mesures conservatoires qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. En l’espèce, la mesure sollicitée ne relève pas des mesures urgentes destinée à faire cesser le trouble manifestement illicite. La cour dira, en conséquence, n’y avoir lieu à référé de ce chef et ajoutera en ce sens à l’ordonnance rectificative du 12 juillet 2019.”
Cas d’une vidéosurveillance privative mais empiétant sur une partie commune
Cette situation, peu fréquente en jurisprudence, est en fait intéressante, car il peut être difficile d’assurer la protection d’une partie privative sans empiéter sur les parties communes. Elle a fait l’objet d’un arrêt de la Cour de cassation rendu en 2011 (Civ. 3e, 11 mai 2011, n° 10-16.967, D. 2011. 1416, obs. Y. Rouquet).
Par cet arrêt, alors que la vidéosurveillance d’une villa privative intégrait la vision d’un chemin d’accès partie commune, la haute cour juge sans détour :
« Mais attendu qu’ayant retenu que les travaux d’installation du système de vidéosurveillance mis en place par les époux X…, en dehors de tout consentement donné par les copropriétaires, compromettaient de manière intolérable les droits détenus par chacun d’eux dans leur libre exercice de leurs droits sur les parties communes, la cour d’appel a pu en déduire, sans violer l’article 9 du code civil ni les articles 6 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, que cette installation constituait un trouble manifestement illicite justifiant que soit ordonnée sa dépose ».
En l’espèce, les copropriétaires responsables de l’installation, et condamnés en référé à la déposer, invoquaient le droit à la sécurité des biens et personnes ainsi que le droit à la preuve, conditions du procès équitable prévu par l’article 6 de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).
La Cour de cassation a donc procédé à un contrôle de proportionnalité, comme elle le fait de manière constante en matière de droit à la vie privée : ainsi, elle juge que le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée « à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi » (Civ. 1re, 25 févr. 2016, n° 15-12.403, D. 2016. 884, note J.-C. Saint-Pau ; ibid. 2535, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès ; AJ pénal 2016. 326, obs. D. Aubert ; RTD civ. 2016. 320, obs. J. Hauser ; ibid. 371, obs. H. Barbier ; 5 juill. 2017, n° 16-22.183, D. 2017. 1479 ; ibid. 2019. 157, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès ; D. avocats 2017. 321, obs. F. Naftalski et M. Mohajri ; Civ. 2e, 18 déc. 2003, n° 02-10.237, D. 2004. 1635, et les obs., obs. A. Lepage ; AJ pénal 2004. 120, obs. P. Rémillieux ; RTD civ. 2004. 264, obs. J. Hauser.
Mais, comme l’a jugé la cour d’appel de Paris en 2020, « le droit à la preuve ne peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée qu’à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi. Il appartient dès lors au juge de peser les droits et libertés en conflit et de prendre s’il y a lieu, en faisant application du principe de proportionnalité, la mesure apparaissant strictement nécessaire à la défense de ces intérêts » (Paris, pôle 6, ch. 2, 18 juin 2020, n° 19/06928).
Le droit à la vie privée est placé au sommet de la hiérarchie des normes de Hans Kelsen. En effet, le Conseil constitutionnel a trouvé un fondement au respect de la vie privée dans l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, dès lors que « la méconnaissance du droit au respect de la vie privée peut être de nature à porter atteinte à la liberté individuelle » (Cons. const., 18 janv. 1995, n° 94-352 DC, D. 1997. 121, obs. J. Trémeau). De même, la CEDH fait respecter de façon rigoureuse le droit au respect de la vie privée et familiale ainsi que le droit au respect du domicile, principes garantis par l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.
Compte tenu de la valeur conventionnelle et constitutionnelle du droit à la vie privée, ce dernier a donc primé, comme presque toujours, sur les autres principes qui lui sont opposés, dont en l’espèce le droit à la preuve qui ne pouvait a priori être utilement invoqué de manière « générique », en dehors de tout contexte procédural précis.
Dès lors, puisque le défaut d’autorisation était invoqué par la haute cour en préalable à sa décision, la question se pose de savoir à quelles conditions de majorité un tel système de vidéosurveillance peut être autorisé par le syndicat des copropriétaires.
Faut-il interpréter l’arrêt précité (« en dehors de tout accord des copropriétaires », Civ. 3e, 11 mai 2011, n° 10-16.967, D. 2011. 1416, obs. Y. Rouquet), comme imposant que le dispositif de vidéosurveillance soit approuvé par un vote unanime des copropriétaires ?
À l’appui de cette thèse, il est possible d’invoquer à la fois l’avant-dernier alinéa de l’article 26 de la loi de 1965 (l’accord de ces personnes est requis dès l’instant où le système retenu porte atteinte aux modalités de jouissance de leurs parties privatives) et la loi « informatique et libertés » de 1978 qui exige le consentement des personnes avant tout traitement de données à caractère personnel.
Mais il est également envisageable d’estimer que l’accord n’est requis que des copropriétaires susceptibles d’être filmés : ainsi, dans une copropriété comportant plusieurs bâtiments, et donc des parties communes spéciales, seuls les copropriétaires effectivement concernés devraient consentir à la vidéosurveillance.
La tendance actuelle à réduire la nécessité d’un vote unanime pour éviter l’impossibilité de certains votes en cas de copropriétaires défaillants ou disparus devrait militer pour cette seconde solution.
Et pour mémoire, sur le terrain de la preuve, si, dans l’arrêt précité de la Cour de cassation, le défendeur ne contestait pas que le champ de surveillance de la caméra qu’il avait installée couvrait des parties communes et pouvait donc filmer certains copropriétaires, ce point est parfois litigieux : il appartient alors naturellement au syndicat de rapporter la preuve que la caméra installée à l’intérieur des parties privatives filme des parties communes (Aix-en-Provence, ch. 1-2, 2 mai 2019, n° 18/05498).
Il n’est pas au surplus inintéressant de noter que ces règles sont également applicables à des situations similaires hors le champ de la copropriété, et notamment dans le cas particulier d’une servitude de passage.
Aux questions :
- Est-il légal pour le propriétaire d’un immeuble grevé d’une telle servitude permettant l’accès à un immeuble appartenant à des tiers d’y faire installer une caméra de vidéosurveillance ?
- Les atteintes à la vie privée et à l’image des personnes titulaires de cette servitude de passage sont-elles strictement nécessaires et proportionnées ?
La jurisprudence a également répondu par la négative (Civ 1re, 1er juill. 2010, n° 09-15.065 ; Aix-en-Provence, 1re ch. c, 20 sept. 2018, n° 17/13248). La licéité de la vidéosurveillance est ainsi bien subordonnée à l’autorisation préalable du titulaire de la servitude.
La caméra d’un copropriétaire est dans sa partie privative et filme sa partie privative
Aucune autorisation nécessaire pour l’installation
Aucun information des copropriétaires requise
La caméra d’un copropriétaire filme une partie commune à usage privatif
La position du gouvernement (fausse comme dans 90 % des cas)
Son installation est autorisée dès lors que :
- Elle respecte la réglementation sur les travaux (https://www.simonnetavocat.fr/les-parties-communes-a-jouissance-privative-en-copropriete/)
- Elle n’a vocation à filmer aucun copropriétaire ni aucune partie commune générale ou partie privative autre que celle du propriétaire de l’installation (Rép. min. à QE nº 34788, JOAN Q. 13 avr. 2021, p. 3310)
Aucune information n’est due au SDC.
Cependant, il appartient au syndicat des copropriétaires, représenté par son syndic, de vérifier le correct entretien des parties communes, y compris celles qui sont à jouissance privative. Pour s’assurer de leur bon entretien, le syndic peut exercer un « droit de regard » impliquant une visite des lieux. Ce droit de visite est opposable au copropriétaire concerné : le syndic peut ainsi être autorisé par le juge à pénétrer dans une partie commune à jouissance privative à cet effet (Cons. const., 18 janv. 1995, nº 94-352 DC, cons. 3). Dans une telle hypothèse, le copropriétaire à l’origine de l’installation d’un tel équipement de vidéosurveillance dans une partie commune à jouissance privative devra alerter le syndic, en amont de sa visite, de la présence de l’équipement, de la finalité poursuivie par le dispositif de vidéosurveillance (ex. : sécurisation du domicile notamment pour lutter contre les cambriolages) et de la possibilité que son image soit captée, conformément à la législation en vigueur (C. pén., art. 226-1 ; C. civ., art. 9) et par respect de la vie privée des personnes filmés et de leur droit à l’image (ex. : voisins, visiteurs).
La position des juges
Cour d’appel de Paris – Pôle 01 ch. 08 12 février 2021 / n° 20/01428
“En l’espèce, la SCI Cortis a fait installer sur la façade nord au 6ème étage de l’immeuble du …, au niveau de la partie de la terrasse sur laquelle elle dispose d’un droit de jouissance privatif, une caméra vidéo.
Il est constant que cette caméra constitue un élément d’équipement privatif et que son installation sur un mur de façade, partie commune, nécessitait une autorisation préalable de l’assemblée générale des copropriétaires dans les conditions prévues à l’article 25 b de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.
Le droit de jouissance privatif dont bénéficie la SCI Cortis sur la partie du toit terrasse n’est pas de nature à la dispenser de cette autorisation dès lors que d’une part, l’attribution de ce droit sur une partie commune ne modifie pas le caractère de la partie commune et que, d’autre part, le mur de façade sur lequel a été fixée la caméra est par nature une partie commune.
Ainsi, dès lors que la SCI Cortis ne justifie pas avoir sollicité ni obtenu une telle autorisation, l’installation litigieuse réalisée sans avoir été préalablement autorisée, est contraire aux règles applicables en matière de copropriété et, par suite, constitutive d’un trouble manifestement illicite alors, au surplus, qu’il résulte du procès verbal du 7 novembre 2018 que cette caméra de vidéo surveillance est orientée vers la trappe d’accès à la partie de la terrasse propriété de la SCI Maria, et donc, vers la partie de la terrasse de l’appelante. A cet égard, il importe peu que la fonction enregistrement du système anti intrusion mis en place ne soit pas activée.
Il convient dans ces conditions, infirmant de ce chef l’ordonnance entreprise, d’ordonner le retrait de cette caméra afin de faire cesser le trouble manifestement illicite précédemment retenu.
Une astreinte de 100 euros par jour de retard sera prononcée afin d’assurer l’effectivité de ce retrait.”
Sanction
Pénal
l’article 226-1 du code pénal réprime le fait, « au moyen d’un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui en fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé ».
Civil
C. civ., art. 9 l’article 9 du code civil dispose que « chacun a droit au respect de sa vie privée »,
le trouble manifestement illicite d’intrusion visuelle
le droit à l’image que le droit à la vie privée.
Ce dernier peut d’ailleurs être atteint même en l’absence d’enregistrement des images, au contraire du droit à l’image tel que prévu par le 2° de l’article 226-1 du code pénal qui, lui, exige expressément l’enregistrement ou la fixation de l’image pour que la culpabilité soit établie sur le terrain du défaut de respect de la vie privée (Aix-en-Provence, 1re ch. c, 20 sept. 2018, n° 17/13248.)
CNIL
Droit de l’UE
La caméré constitue bien un traitement de données à caractère personnel. Ce dernier relève tout simplement de la faculté d’identifier les individus. Conformément à l’article 3 de la directive (UE) du 27 avril 2016 (n° 2016/680), le traitement relève pour sa part de toute opération appliquée à des données à caractère personnel, telle que la collecte, l’extraction, la consultation, l’utilisation ou encore la communication par transmission.
Conseil d’Etat
Dans les lieux non ouverts au public, comme l’est l’immense majorité des copropriétés qui demeurent des espaces à l’usage exclusif y compris pour leurs parties communes (Crim., 27 mai 2009, n° 09-82.115, D. 2009. 1697, obs. C. Girault ; ibid. 2238, obs. J. Pradel ; AJDI 2010. 228, obs. G. Roujou de Boubée ; AJ pénal 2009. 367, obs. L. Ascenci ; RSC 2009. 595, obs. Y. Mayaud ; ibid. 866, obs. R. Finielz ; ibid. 899, obs. J. Buisson), le seul fait de capter les images au moyen d’une caméra et de les visionner en temps réel sans procéder à un enregistrement ne relève pas des dispositions de la loi « informatique et libertés » (CE, Sect. de l’intérieur, 24 mai 2011, avis n° 385.125. 1210). En conséquence, seules les règles relatives à la protection de la vie privée trouvent à s’appliquer.
Cas d’un système de vidéosurveillance à l’initiative de la copropriété
La caméra a été installée par le Syndicat des copropriétaires
La copropriété n’a pas échappé au développement du secteur de la sécurité et tout particulièrement celui des systèmes de vidéosurveillance.
L’implantation de caméras au niveau de l’accès à l’immeuble peut dissuader de toute velléité d’intrusion ou, à défaut, permettre d’identifier les auteurs des infractions. Le plus fréquemment, cela consistera à installer des caméras au niveau du hall d’entrée ou de l’accès au parking, le visionnage des images pouvant par ailleurs être assuré en direct par le gardien de l’immeuble depuis sa loge.
Quelle majorité pour la vidéosurveillance
La mise en place d’un tel dispositif impose d’obtenir un vote à la majorité de l’article 24 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 au titre des « travaux nécessaires à la conservation de l’immeuble et à la préservation de la santé et de la sécurité physique des occupants ». La loi ALUR (L. 2015-366 du 24 mars 2014) a abaissé le seuil de majorité (article 25 auparavant) démontrant la volonté de faciliter le recours à la mise en place de ces systèmes. Pour autant, les copropriétaires sont tout de même appelés à se prononcer.
Le législateur a donc soumis l’installation d’un système de vidéosurveillance à la majorité simple de l’article 24 et non plus à la majorité absolue de l’article 25, afin de faciliter le recours à la vidéosurveillance dans les copropriétés.
Précisions
Plusieurs précisions importantes méritent d’être apportées ici :
– En premier lieu, la compétence d’installer un système de vidéosurveillance appartient à l’assemblée générale des copropriétaires et non au syndic, sauf si ce dernier se prévaut d’une urgence imposant cette mesure pour la sauvegarde de l’immeuble, sur le fondement de l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965. Tel pourrait être le cas si des cambriolages venaient à se multiplier (TGI Paris, 1re ch. sect. urgences, 15 sept. 2014, n° 14/02676 ; en l’occurrence, les juges estiment toutefois que l’urgence n’est pas caractérisée, dès lors que le syndic ne fait état que d’un seul cambriolage).
– En deuxième lieu, si l’installation d’un système de vidéosurveillance est soumise à la majorité simple de l’article 24 de la loi de 1965, la majorité absolue de l’article 25 est, quant à elle, nécessaire pour l’autorisation de transmettre aux services chargés du maintien de l’ordre les images réalisées en vue de la protection des parties communes, dans les conditions prévues à l’article L. 126-1-1 du code de la construction et de l’habitation ; c’est la loi LOPPSI 2 n° 2011-267 du 14 mars 2011 qui a soumis cette autorisation à la majorité de l’article 25, par coordination avec l’article L. 126-1-1 du CCH. En revanche, le h de l’article 24 soumet à la majorité simple l’autorisation permanente accordée à la police ou à la gendarmerie de pénétrer dans les parties communes (autorisation visée à l’art. L. 126-1
du CCH).
– En troisième lieu, le système de vidéosurveillance ainsi autorisé doit avoir pour unique objectif de filmer les parties communes, à l’exclusion de toute partie privative, qu’il s’agisse, par exemple, des portes des appartements ou des balcons.
On comprend aisément le raisonnement : filmer des parties privatives constitue, à l’évidence, une immixtion illégale dans la sphère privée. En réalité, on peut soutenir que par application à la fois de la loi « informatique et liberté » et de l’avant-dernier alinéa de l’article 26 de la loi de 1965, il est possible de filmer les portes des appartements si le syndicat recueille l’accord exprès préalable des copropriétaires concernés (V. supra). Tel pourrait être le cas s’il est impossible techniquement d’installer une caméra dans le hall d’entrée d’un immeuble sans filmer l’entrée des appartements situés au rez-de-chaussée.
La CNIL l’indique sur son site de manière très explicite.
Quelles autorisations administratives ?
Une fois voté par le syndicat, le système de vidéosurveillance requiert-il certaines formalités administratives ?
Ce point de procédure est souvent méconnu des syndics.
Il y a lieu de distinguer selon que les parties communes sont accessibles à toute personne (hall d’entrée avec porte sans digicode ni interphone, par exemple) ou non.
Dans le premier cas, les lieux sont considérés comme ouverts au public et le dispositif doit faire l’objet d’une demande d’autorisation auprès du préfet du département (le préfet de police à Paris) – et non auprès de la CNIL – en application du code de la sécurité intérieure.
Dans le second cas (présence d’un digicode, par exemple), les lieux sont considérés comme fermés au public et aucune formalité n’est nécessaire, ni auprès de la préfecture ni même auprès de la CNIL. En effet, le syndicat est dispensé de la déclaration auprès des services de la CNIL depuis l’entrée en application du règlement général de la protection des données (25 mai 2018) ; cette déclaration a été remplacée par la nécessité, pour le syndic, de tenir un registre des activités de traitement de données à caractère personnel.
En pratique, un document électronique avec les caractéristiques de la vidéosurveillance suffira et ce document pourra utilement être mis en ligne sur l’extranet du syndic.
Quelle information ?
Que les lieux soient ou non publics, le syndicat devra veiller au respect de deux garanties essentielles prévues par la loi « informatique et libertés » de 1978.
La première garantie concerne l’information des personnes. En effet, les personnes filmées dans les parties communes de l’immeuble doivent être informées, au moyen de panneaux affichés en permanence et qui doivent être compréhensibles par tous les publics. Le panneau doit être visible avant le champ de la caméra. La CNIL détaille sur son site toutes les mentions obligatoires.
Quelle durée de conservation ?
La seconde garantie importante pour éviter tout abus porte sur la durée de conservation des images. La loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 précise au 5° de son article 4 que les données à caractère personnel sont conservées pendant une durée n’excédant pas celle nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées. Autrement dit, la durée de conservation des images doit être adaptée à l’objectif poursuivi, à savoir la sécurité des biens et des personnes.
La CNIL estime ainsi que la durée de conservation des images en copropriété ne devrait pas excéder un mois, dans la mesure où « en règle générale, conserver les images quelques jours suffit à effectuer les vérifications nécessaires en cas d’incident, et permet d’enclencher d’éventuelles procédures pénales ».
Qui peut consulter les images ?
Enfin, comme l’indique la CNIL sur son site, les images du système mis en place par le syndicat doivent être consultées uniquement en cas d’incident (vandalisme, dégradation, agression…). En outre, les modalités d’accès aux images doivent, selon nous, être débattues en assemblée générale. La CNIL précise sur ses pages que « les dispositifs permettant de visualiser des images en direct ou enregistrées ne doivent pas être librement accessibles à l’ensemble des habitants. Seuls le syndic, les membres du conseil syndical ou le gardien doivent par exemple pouvoir visualiser les images ». Interrogée par nos soins, la CNIL a indiqué qu’il ne lui appartenait pas de limiter a priori les personnes habilitées à accéder aux images au sein de la copropriété, l’accès devant être « justifié, nécessaire et proportionné » en application des principes régissant la loi « informatique et libertés ». Il nous semble toutefois que la prudence commande de réserver le droit d’accès aux images au seul gestionnaire de l’immeuble afin d’écarter le risque qu’il ne serve au conseil syndical ou aux gardiens à « surveiller » en temps réel les allées et venues des résidents ou de leurs invités. Dans le cas contraire, les auteurs de cette surveillance pourraient se voir reprocher une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée et à l’image des résidents (V. jurisprudence préc. sur l’application du principe de proportionnalité).
C’est bien pour écarter une telle hypothèse que la jurisprudence semble réserver la gestion des images au seul syndic ; ainsi une « négligence fautive » a pu être retenue à l’encontre du syndic lorsque celui-ci a délégué à un copropriétaire la gestion du système de vidéosurveillance auquel il avait un accès libre alors que l’entretien et la surveillance des parties communes lui incombent (Montpellier, 18 févr. 2009, n° 08/02552). Il nous semble que cette limitation jurisprudentielle pourrait aussi s’appliquer au conseil syndical dont on rappellera que ses missions ont été utilement précisées dans une récente réponse ministérielle (réponse du ministère de la justice à la question du sénateur Yves Détraigne, publiée dans le JO Sénat du 27 août 2020, p. 3802) :
« Le conseil syndical est un organe de contrôle et d’assistance du syndic, non de gestion ou d’administration. Il ne dispose donc d’aucun pouvoir propre au titre de l’administration de la copropriété, à la différence du syndic, et il ne peut se substituer au gestionnaire de l’immeuble. »
Quid pour un judas électronique ?
Pas d’obligation de dépose en référé, ce qui ne veut pas dire que ça serait pareil au fond (Cour d’appel de Paris – Pôle 01 ch. 08 12 février 2021 / n° 20/01428) :
“S’agissant de l’installation de l’oeilleton électronique en lieu et …, dans la porte de l’appartement du 5ème étage de la SCI Cortis, il doit être relevé que ce dispositif a été installé dans une partie privative de cette dernière et qu’en tant que tel, sa mise en place n’est pas soumise à autorisation de la copropriété.
Selon le procès verbal de constat établi le 9 septembre 2019, œilleton litigieux est muni d’un système électronique installé dans l’épaisseur de la porte ; il est relié à un écran de contrôle situé en demi palier dans l’espace wc invités/office ; l’écran de contrôle donne vue sur le palier, entre la porte de l’appartement et la porte de l’ascenseur ainsi que sur la périphérie, porte de gauche et de droite en sortant de l’ascenseur. Ce procès verbal établit par ailleurs que l’activation de la vidéosurveillance n’est pas reliée à un détecteur de présence et fonctionne donc en continu avec ou sans mouvement sur le palier et qu’il n’existe aucun système d’enregistrement apparent.
Ainsi, au vu de ces constatations et, notamment, de l’absence d’enregistrement, il n’est pas démontré en quoi l’installation de cet œilleton électronique est de nature à différer d’un simple judas optique et à occasionner à la SCI Maria une quelconque gêne.
Faute pour cette dernière de justifier de l’existence d’un trouble manifestement illicite ou d’un dommage imminent que causerait ce dispositif, la SCI Maria sera donc déboutée de sa demande tendant à sa suppression.”
Si l’installation d’un système de vidéosurveillance nécessite l’accord de la copropriété lorsqu’il est implanté sur un mur partie commune, rien ne s’oppose en revanche à la pose d’un œilleton numérique dans l’épaisseur d’une porte privative quand bien même le dispositif permet de filmer le seuil des appartements des autres copropriétaires.
Cour d’appel de Paris, Pôle 1 – chambre 8, 12 février 2021, n° 20/01428
Il est intéressant de relever que la cour d’appel de Paris, statuant en référé, a jugé possible d’installer, sans autorisation, un oeilleton électronique en lieu et place du judas optique, dans la porte de l’appartement : « L’oeilleton litigieux est muni d’un système électronique installé dans l’épaisseur de la porte; il est relié à un écran de contrôle de contrôle [qui] donne vue sur le palier […] ainsi que sur la périphérie, porte de gauche et de droite en sortant de l’ascenseur. […] L’activation de la vidéosurveillance n’est pas reliée à un détecteur de présence et fonctionne donc en continu avec ou sans mouvement sur le palier et il n’existe aucun système d’enregistrement apparent. Ainsi, au vu de ces constatations et, notamment, de l‘absence d’enregistrement, il n’est pas démontré en quoi l’installation de cet oeilleton électronique est de nature à différer d’un simple judas optique et à occasionner à la SCI M. une quelconque gêne » (Paris, pôle 1, ch. 8, 12 févr. 2021, n° 20/01428)
Critique de cette décision
La cour refuse de condamner cette installation en relevant qu’au vu de « ces constatations et, notamment l’absence d’enregistrement, il n’est pas démontré en quoi l’installation de cet œilleton électronique est de nature à différer d’un simple judas optique et à occasionner [au demandeur] une quelconque gêne ».
On relèvera tout d’abord l’apparente contradiction entre les conséquences tirées de l’absence d’enregistrement .
Reste tout de même à s’interroger sur l’éventuelle divergence entre le judas optique et sa version numérique.
À considérer que le mécanisme d’origine soit admis (ce qui en soi ne semble en réalité jamais avoir été discuté devant un juge), une profonde différence existe entre un outil dont la conception même impose un comportement actif de son propriétaire pour identifier la personne qui se présente à sa porte et un dispositif qui offre la faculté de constamment savoir ce qui se déroule sur le palier tout en demeurant parfaitement passif puisque le propriétaire ne va plus à l’image, celle-ci vient à lui, elle lui est transmise et en quelque sorte révélée. La démarche est donc totalement différente. Le judas optique ne transmet rien par lui-même contrairement au judas numérique qui de manière autonome capte, traite et transmet l’image des allées et venues au domicile des autres copropriétaires situés sur le palier.
Il ne s’agit pas nécessairement de s’opposer à un dispositif permettant d’effectuer un contrôle limité de l’identité des individus se présentant à la porte, mais d’interroger la pertinence d’un mécanisme assurant continuellement un tel contrôle et banalisant de fait l’observation des parties communes. C’est une chose que d’imaginer un voisin épiant éventuellement derrière sa porte, c’en est une autre de savoir que cette image est nécessairement portée à sa connaissance et que l’observation est constante.
Typologie installations vidéosurveillance
Typologie des principales configurations possibles d’installations de la vidéosurveillance en copropriété | ||||
Situation | Caméras installées par un copropriétaire dans son appartement ou sa PCJP et ne filmant que ses parties privatives. | Caméras installées par un copropriétaire dans son appartement ou sa PCJP et filmant des parties communes. | Caméras installées par le syndicat dans une partie commune et filmant des parties privatives ou des PCJP. | Caméras installées par le syndicat dans une partie commune et filmant exclusivement les parties communes. |
Procédure applicable | Pas d’autorisation à demander (ni à la CNIL ni à l’AG). Dans le cadre d’une caméra installée dans une PCJP, obligation d’information du syndic. | Installation illégale sauf accord exprès de toutes les personnes susceptibles d’être filmées. | Installation illégale sauf accord exprès de toutes les personnes susceptibles d’être filmées dans leurs parties privatives. | Installation légale si votée en AG (majorité simple).Si les parties communes sont accessibles à toute personne (hall d’entrée avec porte sans digicode ni interphone par exemple), le dispositif doit faire l’objet d’une demande d’autorisation préfectorale. |