La cession des actions (comme celle des autres titres financiers) est réalisée :
- pour les actions non admises aux opérations d’un dépositaire central, par modification de leur inscription dans un dispositif d’enregistrement électronique partagé, telle une blockchain (C. mon. fin. art. L 211-15).
- par virement des titres du compte du cédant à celui de l’acquéreur
L’ordre de mouvement
Hors le cas où les actions sont négociées sur un marché financier (actions admises aux opérations d’un dépositaire central ou livrées dans un système de règlement et de livraison), le virement des actions inscrites en compte dans les livres de la société s’effectue au moyen d’un document appelé « ordre de mouvement », dont la signature incombe au seul cédant (Cass. com. 24-5-2011 no 10-12.163 P : RJDA 10/11 no 813).
Autrement dit, le transfert des actions doit s’opérer par un ordre de mouvement. Aucun texte législatif ou réglementaire ne régit la forme et le contenu de ce document,
Ce document est important puisque c’est par cette signature que le cédant donne pour instruction à la société de transcrire la cession sur le registre des mouvements et de créditer le compte de l’acquéreur du nombre de titres cédés, ces inscriptions conditionnant le transfert de propriété des titres (Cass. com. 18-9-2024 no 23-10.455 F-B).
Aucune forme particulière n’est requise pour l’établissement de l’ordre de mouvement. Il peut ainsi être donné par simple lettre adressée à la société pourvu qu’il comporte des instructions claires et précises de la part du cédant.
Le formulaire Cerfa utilisé pour déclarer à l’administration fiscale les cessions de droits sociaux non constatées par un acte (formulaire no 2759 disponible sur le site impots.gouv.fr) peut valoir ordre de mouvement. En effet, une fois rempli, ce formulaire comporte toutes les informations nécessaires à la société pour qu’elle transcrive la cession (identité du cédant et de l’acquéreur, dénomination et forme de la société, nature et nombre des actions cédées, etc.). Il peut donc faire office d’ordre de mouvement en l’absence de précision sur ce document dans les statuts de la société. Cette solution rejoint celle récemment exprimée par l’Association nationale des sociétés par actions (Communication Ansa, comité juridique no 24-017 du 6-3-2024).
Un formulaire Cerfa déclarant au fisc une cession d’actions non cotées peut valoir ordre de mouvement. Vaut ordre de mouvement des actions cédées le formulaire Cerfa no 2759 signé par le cédant et comportant toutes les informations nécessaires pour inscrire la cession sur le registre des mouvements de la société et le compte-titres de l’acquéreur. Cass. com. 18-9-2024 no 22-18.436 FS-B, Sté Finole c/ S.
Pour éviter toute contestation sur la forme et le contenu de l’ordre, les statuts peuvent indiquer que les virements se font uniquement sur présentation d’un ordre de mouvement normalisé fourni par la société. Est parfois utilisé le modèle d’ordre annexé à la norme Afnor NF K 12-500 applicable depuis le 17 octobre 2008 (Décision Afnor 20080917 du 17-9-2008 : JO du 7-10-2008 p. 15421).
Comment prouver la cession des actions ou parts sociales ?
Dans les rapports entre les parties, la cession de parts sociales est parfaite dès l’accord de volonté des parties (Cass. com. 10-3-1992 no 90-14.456 P : RJDA 7/92 no 710) et l’existence de la cession peut être établie en l’absence d’acte écrit (Cass. 3e civ. 19-12-1990 no 89-11.672 D) selon le droit commun de la preuve. Cette preuve peut être ainsi rapportée par un commencement de preuve par écrit dès lors que ce dernier émane de celui qui conteste l’acte, qu’il rend vraisemblable ce qui est allégué et qu’il est corroboré par un autre moyen de preuve (C. civ. art. 1361 et 1362), c’est-à-dire par des éléments extérieurs à l’acte tel, en l’espèce, le comportement de la partie qui conteste s’être engagée.
Le juge est tenu de recourir à une vérification d’écriture lorsqu’une partie conteste sa signature sur un acte sous signature privée dont il entend tenir compte dans la solution du litige (Cass. 3e civ. 9-3-2005 no 03-14.686 FP-PB : RJDA 7/05 no 918 ; Cass. 3e civ. 9-3-2022 no 21-10.619 FS-B : RJDA 6/22 no 381). Mais, il n’a pas à recourir à cette vérification s’il dispose d’éléments de conviction suffisants et ne se fonde pas sur les pièces dont l’écriture est contestée (Cass. 3e civ. 12-7-2018 no 17-20.497 F-D). Tel était le cas en l’espèce.
La cession de parts sociales peut être prouvée même si le cédant n’a pas signé l’acte de cession. Lorsqu’un associé n’a pas signé l’acte de cession de ses parts sociales, la preuve de son consentement à la cession peut résulter de l’attestation de cession qu’il a signée en mairie et de son désintérêt ensuite pour la vie de la société. Cass. 3e civ. 4-7-2024 no 23-10.534 F-D
Si la cession de parts sociales doit être constatée par écrit (C. civ. art. 1865), cette exigence n’est pas une condition de validité de la cession, valablement formée par l’échange des consentements. La cession litigieuse était soumise au droit commun de la preuve. Cette preuve ne résultait pas de l’acte de cession frauduleux, non signé par le cédant, mais d’une attestation d’octobre 2009 mentionnant expressément la cession des parts sociales de l’intéressé et certifiant le rachat de son compte courant au sein de la SCI. Ce document constituait un commencement de preuve par écrit, susceptible de suppléer l’écrit, et il était corroboré par le comportement de l’ancien associé, qui ne s’était pas étonné, de 2009 à 2014, de n’avoir été convoqué à aucune assemblée générale et de n’avoir reçu aucun document relatif à la vie de la société, ce dont il se déduisait qu’il savait avoir cédé ses parts depuis de nombreuses années. La signature du cédant apposée sur cette attestation avait été certifiée par un fonctionnaire municipal, en présence de l’intéressé muni d’une pièce d’identité sur laquelle figurait une précédente signature, ce qui permettait d’authentifier l’acte litigieux et d’accréditer l’existence de la cession, sans qu’il soit besoin de recourir à la procédure de vérification d’écriture que sollicitait le cédant. (L’intégralité des parts composant le capital d’une SCI est cédée pour 2 000 € en mars 2009. Dix-huit mois plus tard, la SCI vend pour 1 M€ l’immeuble dont elle est propriétaire. En 2014, l’un des anciens associés de la SCI conteste avoir signé l’acte de cession et réclame des dommages-intérêts à l’acquéreur des parts sociales.)