Le salarié peut-il refuser de donner son code secret (code de déverrouillage) du matériel informatique mis à disposition par son employeur ?
À l’inverse, l’employeur peut-il forcer le salarié à lui communiquer le code secret de déverrouillage (identifiant et/ou mot de passe) ?
Que ce soit pour un smartphone, ordinateur portable, ordinateur fixe, téléphone, iPhone, Samsung : les règles sont les mêmes dès lors qu’il s’agit d’un matériel professionnel.
Résumé
Le salarié ne peut pas refuser de donner son code secret (code de déverrouillage) du matériel informatique mis à disposition par son employeur qui ne pourra cependant pas consulter ou utiliser les fichiers ou de messages identifiés comme personnels ou privés. L’employeur a le droit de contrôler et de limiter l’utilisation des outils informatiques professionnels par le salarié, dans le respect de la vie privée et du secret des correspondances de ce dernier.
Le principe : le libre accès au matériel informatique par l’employeur
L’ordinateur professionnel doit être accessible à l’employeur, que le salarié soit ou non présent sur le lieu de travail. Les documents, fichiers et messages qu’il contient sont d’ailleurs présumés être professionnels et l’employeur y a donc légitimement accès.
Les fichiers créés par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur sont présumés avoir un caractère professionnel (Cass. soc., 18 oct. 2006, n° 08-48.025 et Cass. soc., 18 oct. 2006, n° 04-47.400 ). Une telle présomption serait sans intérêt si on interdisait à l’employeur d’accéder au contenu de l’ordinateur.
En cas de suspension du contrat de travail provoquée par la maladie, le salarié ne peut refuser de communiquer son mot de passe informatique (Cass. soc., 18 mars 2003, n° 01-41.343).
La sanction : jusqu’au licenciement pour faute grave
Un salarié qui refuse de communiquer son code est fautif dans la mesure où il entrave le bon fonctionnement de l’entreprise. L’utilisation du mot de passe ne doit en effet pas avoir pour fonction de soumettre l’accès aux fichiers à l’autorisation du salarié ni d’en interdire l’accès à l’employeur.
La Cour de cassation reconnaît comme justifié le licenciement pour faute grave des salariés qui refusent délibérément de communiquer leur mot de passe à l’employeur lorsqu’ils sont en congés ou en arrêt maladie lorsque cela révèle une volonté de bloquer le fonctionnement de l’entreprise (19 février 2014, n° 12-27.611) : « Ayant constaté, d’une part, que le salarié avait procédé volontairement, avant d’être placé en arrêt maladie, à la mise en place d’un mot de passe personnalisé ayant pour conséquence de mettre obstacle à la consultation de fichiers personnels par son employeur et ce en dépit de l’interdiction qui lui avait été faite à cet égard et, d’autre part, qu’à aucun moment durant son arrêt de travail, il n’était intervenu pour communiquer le mot de passe grâce auquel il eût été possible d’accéder à ses données professionnelles de sorte que la situation de blocage dénoncée par l’employeur s’était prolongée durant toute cette période, la cour d’appel, qui a justement retenu que les faits n’étaient pas prescrits, a légalement justifié sa décision » (Cass. soc., 23 mai 2012, n° 11-11.522 ).
La limite : les fichiers personnels
Le fait d’utiliser le mot de passe du salarié pour accéder à son ordinateur ne permet pas pour autant à l’employeur de consulter les fichiers qui y ont été identifiés comme « personnels » ou « privés ». Ces derniers restent protégés par le principe de secret des correspondances privées.
L’existence de fichiers personnels sur le matériel professionnel n’est cependant pas une excuse valable pour refuser la communication du code de déverrouillage.
Questions-réponses
Ordinateur professionnel : mon employeur peut-il y accéder pendant mes vacances ?
Oui.
Si vous avez sur votre ordinateur des informations indispensables à l’activité de l’organisme qu’il ne peut se procurer autrement, votre employeur peut demander à avoir accès à votre poste et exiger la communication de vos identifiants et mots de passe.
Ces informations sont en principe confidentielles et ne doivent lui être transmises qu’en dernier recours.
S’il a accès à votre ordinateur, votre employeur devra néanmoins respecter votre vie privée et la confidentialité de vos documents personnels. Il ne pourra prendre connaissance d’un document clairement identifié comme personnel qu’après vous avoir invité à être présent ou en cas de risque particulier pour l’organisme.
Modèle de mise en demeure
Lettre recommandée avec accusé de réception et par email
Objet : Mise en demeure de communiquer les codes de déverrouillage du matériel informatique professionnel
A ……………………………., le ……………………………
Madame / Monsieur,
Vous êtes employé(e) dans notre entreprise depuis le ……………… (date d’embauche) en qualité de ………………… (intitulé du poste occupé).
Nous vous avons confié le ……………… (date) le matériel informatique suivant à usage professionnel, dont vous avez la garde et la responsabilité :
• Smartphone :
• Ordinateur portable :
Nous avons constaté que vous avez mis en place un code secret de déverrouillage sur ce matériel sans nous le communiquer.
Nous vous rappelons que le matériel informatique professionnel doit être accessible à tout moment par l’employeur, qui a le droit de contrôler et de limiter son utilisation, dans le respect de la vie privée et du secret des correspondances du salarié.
Les fichiers créés par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur sont présumés avoir un caractère professionnel, sauf s’ils sont identifiés comme personnels ou privés.
Nous vous avons déjà demandé la communication des codes secrets, sans succès.
Votre refus entraine une situation de blocage qui nuit au fonctionnement de l’entreprise.
En conséquence, nous vous mettons une ultime fois en demeure de nous communiquer, dans les 48 heures à compter de la réception de cette lettre, tout code secret de déverrouillage du matériel informatique professionnel que vous détenez, afin de nous permettre d’accéder aux données qu’il contient.
À défaut, nous serons contraints de prendre les mesures disciplinaires appropriées.
Nous vous prions d’agréer, Madame / Monsieur, nos respectueuses salutations.