La plupart des juristes vous diront qu’après cinq (5) ans, vous ne pouvez plus remettre en cause un testament.
Ils se fondent pour cela sur l’article 2224 du code civil qui dispose que “Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.“
Le délai de prescription de l’action en nullité est selon cet article de cinq ans, que ce soit pour les donations ou pour les testaments (C. civ. art. 2224 ; Cass. 1e civ. 11-1-2005 n° 01-13.133 F-PBR) et ce, quel que soit le fondement de l’action en nullité (pour insanité d’esprit ou pour vice du consentement).
La plupart du temps, le délai commencera à courir le jour du décès qui permettra la révélation du testament par le Notaire.
Mais que se passe-t-il quand 5 ans se sont déjà écoulés et qu’aucune contestation du testament n’a été réalisée ?
Heureusement, l’héritier lésé n’est pas sans défense.
Déplacer le point de départ de la prescription de l’ACTION
Le délai de prescription de l’action en nullité court :
- en cas d’erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts
- en cas de violence, du jour où elle a cessé (C. civ. art. 1144)
- pour insanité d’esprit du jour de l’acte contesté, l’auteur de l’acte pouvant cependant prouver que la prescription a été suspendue en raison d’une impossibilité d’agir (Cass. 1e civ. 19-11-1991 n° 90-10.997 : Bull. civ. I n° 318).
Dans le cadre d’une action en nullité, il est donc déjà possible de déplacer le point de départ du délai de prescription au jour où l’héritier a pris connaissance de l’état de santé réelle du défunt par exemple, ou des violences qu’il a subies (témoignages spontanés, découverte de photos ou vidéos, de documents médicaux).
Mais que se passe-t-il lorsque le point de départ de l’action n’est pas déplaçable ? Est-ce à dire que les héritiers lésés n’ont plus aucun levier ?
L’exception de nullité est imprescriptible
Une défense au fond imprescriptible ….
Et bien il suffit d’agir non pas par voie d’action mais par voie d’exception de nullité de fond.
Une fois l’action en nullité prescrite, les héritiers peuvent invoquer l’exception de nullité, perpétuelle, pour s’opposer à l’exécution d’une libéralité.
S’agissant non plus de l’action, mais de l’exception de nullité, elle est perpétuelle.
“L’exception de nullité ne se prescrit pas si elle se rapporte à un contrat qui n’a reçu aucune exécution.” (article 1185 du code civil)
La jurisprudence fait une application constante de la vieille maxime “« quae temporalia sunt ad agendum, perpetua sunt ad excipiendum » qui se rapproche de “Contra non valentem agere non currit praescriptio”.
En d’autres termes, si l’action en nullité se prescrit par le délai fixé par la loi, l’exception de nullité, en revanche, ne se prescrit pas :
“Est perpétuelle l’exception de nullité opposée à la demande en nullité d’un testament” (Cour de cassation, Chambre civile 1, 14 janvier 2015, 13-26.279, Publié au bulletin)
Parce qu’il s’agit simplement pour le défendeur de demander à ce que la prétention du créancier soit paralysée, elle peut être qualifiée de défense au fond.
Comment l’expliquer ? Il ne s’agit pas de demander au juge d’anéantir le contrat. L’adage quae temporalia doit être détaché de la théorie des nullités. Il s’agit d’un mécanisme à part servant à bloquer l’exécution du contrat. Le défendeur sollicite le « débouté du demandeur sur le constat de l’existence d’une cause de nullité qu’il n’a pas exploitée judiciairement et qu’il ne peut plus invoquer au fond » (R. Libchaber, Une exception de nullité qui peine à trouver un régime satisfaisant ! : Rev. sociétés). Le contrat reste valable. En revanche le défendeur demande le maintien de son état d’inexécution.
… Uniquement si le testament n’a pas reçu de commencement d’exécution
La limite : c’est pourquoi l’exception de nullité ne peut être admise qu’à la condition que l’acte n’ait jamais été exécuté. Les héritiers doivent invoquer l’exception de nullité avant tout commencement d’exécution de la gratification.
“Ayant constaté que la preuve n’était pas rapportée de ce que l’occupation d’un immeuble par l’héritier réservataire qui en était le légataire constituait un commencement d’exécution du testament et non un effet de la saisine, c’est à bon droit qu’une cour d’appel en a déduit que l’exception de nullité de ce testament soulevée par les autres héritiers n’était pas prescrite” (Cass. 1re civ., 25 oct. 2017, n° 16-24.766, Publié au bulletin)
Ne constitue pas un tel commencement l’occupation du bien légué par le légataire, par ailleurs héritier réservataire (Cass. 1e civ. 25-10-2017 n° 16-24.766 F-PB ).
Il importe de souligner qu’il ne peut y avoir application de l’adage quae tamporalia qu’une fois l’action en nullité prescrite ( Cass. com., 26 mai 2010, n° 09-14.431 – Cass. 1re civ., 4 mai 2012 – Cass. 1re civ., 12 nov. 2015, n° 14-21.725). Elle n’a vocation à exister en tant que telle qu’après prescription.
Pour faire invalider ou annuler ou rendre caduc un testament, qu’il soit notarié ou olographe, enregistré ou non, à moindre coût c’est par ici :