Vous avez subi un préjudice lors d’une intervention médicale ? Vous souhaitez engager la responsabilité civile du professionnel de santé ? Cet article vous explique tout ce que vous devez savoir sur les conditions d’engagement de la responsabilité civile du professionnel de santé, les procédures à suivre et les délais à respecter.
En droit, ce thème relève du “droit du dommage corporel” ou de la “responsabilité civile professionnel du professionnel de santé”.
Mon avis de praticien
Le régime de la responsabilité médicale est plutôt favorable en France à l’indemnisation des victimes, mais il ne les dispense pas de prouver les faits qu’elles allèguent.
La responsabilité pour faute des professionnels de santé
Le fondement juridique
La loi du 4 mars 2002, dite loi « Kouchner », est le socle commun de la responsabilité médicale. Elle consacre le principe de la notion de faute à l’article L. 1142-1 du Code de la santé publique.
En l’absence de faute, la responsabilité du médecin ne pourra être engagée. La responsabilité médicale implique qu’une faute soit démontrée.
“I. – Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute.“
Qu’est ce qu’une faute au regard des données acquises de la science ?
Notion de faute. La faute est appréciée au regard des critères précisés dans l’arrêt « Mercier », qui consacre la formule « données acquises de la science », en application de laquelle sera analysée la qualité des actes de soins dispensés par les professionnels de santé. Cette notion est précisée en 2000 (Cass. civ. 1, 6 juin 2000, n° 98-19.295 ), dans un arrêt qui précise que « l’obligation pesant sur le médecin est de donner des soins conformes aux données acquises de la science à la date des soins », et que la notion de données « actuelles » est « erronée ».
Cass. civ. 1, 6 juin 2000, n° 98-19.295 : « Mais attendu, d’abord, que l’obligation pesant sur un médecin est de donner à son patient des soins conformes aux données acquises de la science à la date de ces soins ; que la troisième branche du moyen, qui se réfère à la notion, erronée, de données actuelles est dès lors inopérante ».
Cette notion a été consacrée par le Code de la santé publique. Ce dernier évoque, au sein des textes relatifs aux droits des patients, la notion de « connaissances médicales avérées ».
Article L. 1110-5 du Code de la santé publique () : « Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l’urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir, sur l’ensemble du territoire, les traitements et les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire et le meilleur apaisement possible de la souffrance au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d’investigation ou de traitements et de soins ne doivent pas, en l’état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté. Ces dispositions s’appliquent sans préjudice ni de l’obligation de sécurité à laquelle est tenu tout fournisseur de produits de santé ni de l’application du titre II du présent livre. »
Les données acquises de la science. L’expression « connaissances médicales avérées » ne peut s’apprécier que par rapport aux données acquises de la science, sur lesquelles se fondent les recommandations de bonne pratique de la Haute autorité de santé. Ces dernières ont été reprises dans le cadre de la codification des codes de déontologie des médecins et chirurgiens-dentistes.
Article R. 4127-32 du Code de la santé publique () : « Dès lors qu’il a accepté de répondre à une demande, le médecin s’engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s’il y a lieu, à l’aide de tiers compétents. »
Article R. 4127-233 du Code de la santé publique () : « Le chirurgien-dentiste qui a accepté de donner des soins à un patient s’oblige :
1° A lui assurer des soins éclairés et conformes aux données acquises de la science, soit personnellement, soit lorsque sa conscience le lui commande en faisant appel à un autre chirurgien-dentiste ou à un médecin. ».
Ce concept renvoie à des normes validées par l’expérimentation et un large consensus médical. Il s’agira de se prononcer au regard des normes médicales en vigueur au moment où les soins médicaux mis en cause ont été dispensés.
Le médecin est tenu d’agir dans le respect des données acquises de la science à toutes les phases de la prise en charge du patient (investigations pose d’un diagnostic, mise en œuvre du traitement, intervention chirurgicale, suivi post-opératoire, information du patient).
La faute, commise par le médecin qui ne respecte pas les données acquises de la science, sera susceptible d’engager sa responsabilité, sauf à démontrer la faute du patient, ou la force majeure.
La classification des fautes
Quelles sont toutes les fautes qui peuvent être retenues contre un professionnel de santé (médecin, chirurgien, dentiste, etc.) ?
La faute de diagnostic
Obligation de formation continue. Le médecin s’engage à donner des soins conformes aux données acquises de la science. Pour ce faire, il se doit d’entretenir et de perfectionner ses connaissances. Article R. 4127-11 du Code de la santé publique : « Tout médecin entretient et perfectionne ses connaissances dans le respect de son obligation de développement professionnel continu. »
Qualité du diagnostic. Il s’engage à élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, avec les différentes investigations invasives ou non qui l’accompagnent. Article R. 4127-33 du Code de la santé publique : « Le médecin doit toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s’aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s’il y a lieu, de concours appropriés. »
Moyens techniques adaptés. Non seulement le médecin doit s’aider, dans la mesure du possible, des méthodes scientifiques les mieux adaptées, mais il doit disposer des moyens techniques suffisants, en rapport avec la nature des actes qu’il pratique, comme le prévoit l’article R. 4127-71 du Code de la santé publique (). Article R. 4127-71 du Code de la santé publique : « le médecin doit disposer, au lieu de son exercice professionnel, d’une installation convenable, de locaux adéquats pour permettre le respect du secret professionnel et de moyens techniques suffisants en rapport avec la nature des actes qu’il pratique ou de la population qu’il prend en charge. Il doit notamment veiller à la stérilisation et à la décontamination des dispositifs médicaux, qu’il utilise, et à l’élimination des déchets médicaux selon les procédures réglementaires.
Il ne doit pas exercer sa profession dans des conditions qui puissent compromettre la qualité des soins et des actes médicaux ou la sécurité des personnes examinées.
Il doit veiller à la compétence des personnes qui lui apportent leur concours. »
Obligation de moyens. Néanmoins, la jurisprudence tient compte de la difficulté de la science médicale, en particulier lorsque les signes sont équivoques. C’est pourquoi, en la matière, les professionnels de santé ne sont tenus que d’une obligation de moyens.
La responsabilité d’un médecin qui avait effectué un diagnostic inexact a pu être écartée dès lors qu’il avait été établi que, lors de sa première visite, ce dernier avait « procédé à un examen clinique sérieux correspondant aux données acquises de la science à la date des soins », et que les symptômes présentés par la malade pouvaient correspondre au diagnostic erroné.
La Cour de cassation a pu retenir l’existence d’erreurs de diagnostic fautives dans les cas suivants :
- L’absence, l’insuffisance ou la tardiveté des examens pratiqués au regard de l’état de santé du patient, de ses antécédents, de ses symptômes ou des informations données au praticien.
- La présence de signes ou de symptômes qui auraient dû attirer l’attention du professionnel de santé.
- La persistance dans un diagnostic erroné et l’absence de réévaluation du diagnostic initial.
- La persistance dans un diagnostic erroné alors même que le patient avait développé des signes pathologiques contre-indiquant le médicament qui lui avait été administré, établissant l’erreur initiale de diagnostic, a été jugée fautive.
- L’absence de recours à des tiers compétents en présence d’un doute sur le diagnostic posé.
- L’absence d’appréciation personnelle, en présence d’un diagnostic établi antérieurement par un confrère, du résultat des investigations pratiquées.
La faute dans le choix du traitement
Liberté de choix du professionnel de santé. En principe, le médecin est libre de choisir le traitement qu’il estime le plus approprié aux circonstances, tout en tenant compte des avantages, inconvénients et conséquences des investigations et thérapeutiques possibles.
Article R. 4127-8, alinéa 1, du Code de la santé publique : « Dans les limites fixées par la loi et compte tenu des données acquises de la science, le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu’il estime les plus appropriées en la circonstance. »
Limites. Cette liberté est limitée par l’article L. 162-2-1 du Code de la Sécurité sociale, imposant aux médecins d’observer, dans le cadre de la législation et de la règlementation en vigueur, la plus stricte économie compatible avec la qualité, la sécurité et l’efficacité des soins. Le Code de la santé publique pose également certaines limites à la liberté de prescription du médecin.
Article R. 4127-8, alinéas 2 et 3, du Code de la santé publique : « Il doit, sans négliger son devoir d’assistance morale, limiter ses prescriptions et ses actes à ce qui est nécessaire à la qualité, à la sécurité et à l’efficacité des soins.
Il doit tenir compte des avantages, des inconvénients et des conséquences des différentes investigations et thérapeutiques possibles. »
Article R. 4127-39 du Code de la santé publique : « Les médecins ne peuvent proposer aux malades ou à leur entourage comme salutaire ou sans danger un remède ou un procédé illusoire ou insuffisamment éprouvé.
Toute pratique de charlatanisme est interdite. »
Article R. 4127-40 du Code de la santé publique : « Le médecin doit s’interdire, dans les investigations et interventions qu’il pratique comme dans les thérapeutiques qu’il prescrit, de faire courir au patient un risque injustifié. »
Les mêmes libertés et restrictions s’appliquent aux chirurgiens-dentistes et aux sages-femmes, outre la limite imposée par leurs domaines de compétences respectifs.
Article R. 4127-238 du Code de la santé publique : « Le chirurgien-dentiste est libre de ses prescriptions, qui seront celles qu’il estime les plus appropriées en la circonstance. Il doit limiter ses prescriptions et ses actes à ce qui est nécessaire à la qualité et à l’efficacité des soins. »
Article R. 4127-312 du Code de la santé publique : « La sage-femme est libre dans ses prescriptions dans les limites fixées par l’article L. 4151-4. Elle doit dans ses actes et ses prescriptions observer la plus stricte économie compatible avec l’efficacité des soins et l’intérêt de sa patiente. »
La faute technique ou la commission d’un acte chirurgical fautif
Obligation de compétence. De manière générale, le professionnel de santé se doit de disposer des compétences et de moyens nécessaires à l’administration d’un traitement quel qu’il soit. Dans sa mise en œuvre, ils doivent maîtriser l’exécution des gestes techniques qu’ils se proposent de mettre en œuvre.
Notion de faute technique. La faute technique est celle commise par le médecin dans l’exercice de l’art chirurgical. Il existe une véritable exigence de précision du geste chirurgical, qui n’implique pas un résultat parfait dans la guérison du patient. En matière de chirurgie, ou de chirurgie dentaire, le praticien a l’obligation de limiter les atteintes qu’il porte à son patient à celles qui sont nécessaires à la réalisation de l’intervention (Cass. civ. 1, 23 mai 2000, n° 98-19.869, publié au bulletin).
Exemples :
- Le chirurgien réalise un geste pour lequel le patient n’a pas donné son accord (geste esthétique ou fonctionnel)
La non-obtention du résultat (esthétique, fonctionnel) ?
Le médecin n’est pas tenu à une obligation de résultat mais de moyens (Cass. civ., 20 mai 1936, Mercier)
Autrement dit, pour que la faute du médecin soit caractérisée, la simple non-obtention du résultat voulu ne suffit pas, il faut établir que le médecin avait manqué de diligence dans la réalisation des actes de soin.
La simple non-obtention du résultat souhaité par le patient ne suffit pas à engager la responsabilité du professionnel de santé
CA Lyon, 1re ch. civ. A, 8 décembre 2022, n° 20/04202
C’est un reproche qu’on observe très souvent en matière de chirurgie esthétique, où le résultat “promis” n’est pas le résultat final, laissant des patients au mieux déçus, au pire défigurés avec de graves problèmes fonctionnels.
C’est le fameux “aléa thérapeutique”
Il faut alors rapporter pas la preuve de la non-obtention du résultat, qui ne vaut malheureusement rien, mais :
- un manque de diligence dans la réalisation des actes chirurgicaux
- Un acte esthétique réalisé sans accord dans une opération fonctionnelle
La charge de la preuve incombant au demandeur (CPC, art. 9).
La faute dans le suivi du malade et les soins post-opératoires
Le suivi en phase post-opératoire. Un suivi des patients doit être assuré tout au long de l’administration du traitement. Le suivi du malade, en particulier dans la phase post-opératoire, doit être conforme aux données acquises de la science. Cass. civ. 1, 3 juin 2010, n° 09-13.591, FS-P+B+R+I : « attendu que le médecin, tenu de suivre son patient aussitôt qu’il l’a opéré, doit être diligent et prudent dans l’exécution de cette obligation, dont il ne peut se décharger ».
Consignes de surveillance. Le suivi implique de donner au personnel les consignes nécessaires pour assurer la surveillance du patient. Cass. civ. 1, 30 novembre 2016, n° 15-27.424, F-D
La faute dans le devoir d’information du soignant (faute contre la conscience médicale)
La loi du 4 mars 2002 a instauré la possibilité pour les patients d’être informés sur leur état de santé et les traitements qui lui sont proposés, ainsi que sur les risques inhérents aux actes médicaux qu’il doit subir.
Article L. 1111-2 du Code de la santé publique :
« Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Elle est également informée de la possibilité de recevoir, lorsque son état de santé le permet, notamment lorsqu’elle relève de soins palliatifs au sens de l’article L. 1110-10 (), les soins sous forme ambulatoire ou à domicile. Il est tenu compte de la volonté de la personne de bénéficier de l’une de ces formes de prise en charge. Lorsque, postérieurement à l’exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d’impossibilité de la retrouver.
Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l’urgence ou l’impossibilité d’informer peuvent l’en dispenser.
Cette information est délivrée au cours d’un entretien individuel ».
Charge de la preuve
La preuve en matière d’information du patient. Il existe un renversement de la charge de la preuve en matière d’information. Le médecin qui est légalement ou contractuellement tenu d’une obligation d’information envers son patient doit rapporter la preuve de l’exécution de cette obligation.
l’article L. 1111-2, IV, du Code de la santé publique dispose qu’« [e]n cas de litige, il appartient au professionnel ou à l’établissement de santé d’apporter la preuve que l’information a été délivrée à l’intéressé dans les conditions prévues au présent article » et que « [c]ette preuve peut être apportée par tout moyen ». Autrement dit, la loi fixe un renversement de la charge de la preuve qui n’incombe donc pas, s’agissant du devoir d’information, à celui qui allègue qu’il n’aurait pas été respecté.
Ce fondement permet souvent d’outrepasser les difficultés d’établir la preuve de la réalisation d’actes chirurgicaux fautifs puisque la charge ne repose plus sur le patient mais sur le médecin.
Perte de chance. Le non-respect par un professionnel de santé de son devoir d’information sur les risques inhérents à un acte individuel de prévention, de diagnostic ou de soins peut, à condition que l’un de ces risques se réalise, faire perdre au patient une chance de l’éviter en refusant qu’il soit pratiqué ou encore causer à celui auquel l’information était due un préjudice résultant d’un défaut de préparation aux conséquences de ce risque.
Lien de causalité. Le défaut d’information n’ouvre droit à indemnisation pour le patient que lorsque ce dernier a été privé de la possibilité de donner un consentement ou un refus éclairé à l’acte médical mis en cause. Il est aussi nécessaire qu’il existe un lien de causalité entre le manquement reproché et le dommage éprouvé ; tel n’est pas le cas lorsque la cause du dommage est inconnue ou relève d’un aléa thérapeutique.
Devoir d’information renforcé en matière de chirurgie esthétique. Le devoir d’information du soignant a une signification particulière en matière de chirurgie esthétique. En effet, si l’information préalable doit être conforme aux exigences posées à l’article L. 1111-2 du Code de la santé publique, les actes de chirurgie esthétique font l’objet de dispositions particulières.
La responsabilité sans faute (défaut d’un produit de santé)
La loi du 4 mars 2002 a consacré la responsabilité pour faute des médecins, tout en maintenant une part de responsabilité sans faute lorsque « leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé » (CSP, art. L. 1142-1, I).
La notion de défaut d’un produit de santé ressort de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998, laquelle a transposé la Directive n° 85/374 du 25 juillet 1985, relative à la responsabilité des produits défectueux, aux anciens articles 1386-1 à 1386-18 du Code civil – nouveaux articles 1245 (N° Lexbase : L0945KZZ) à 1245-17 du Code civi.
De la même manière que la clinique, le médecin est tenu d’une obligation de sécurité de résultat en tant que fournisseur du matériel qu’il utilise pour l’exécution de ses actes médicaux. Toutefois, il appartient au patient de démontrer que le matériel est bien à l’origine du dommage qu’il a subi.
Concernant la chute d’une patiente d’une table d’examen radiographique :
Cass. civ. 1, 9 novembre 1999, n° 98-10.010, publié au bulletin : « Mais attendu, d’abord, que s’il est exact que le contrat formé entre le patient et son médecin met à la charge de ce dernier, sans préjudice de son recours en garantie, une obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne les matériels qu’il utilise pour l’exécution d’un acte médical d’investigation ou de soins, encore faut-il que le patient démontre qu’ils sont à l’origine de son dommage ; que la cour d’appel, statuant par motifs propres ou adoptés, a constaté que la table d’examen, dont Mme M avait pris l’initiative de descendre sans l’autorisation du médecin, ne présentait aucune anomalie ; que c’est par une appréciation souveraine tirée de ces constatations que la cour d’appel, sans inverser la charge de la preuve, a retenu que ce matériel n’était pas à l’origine du dommage subi par Mme M »
Les prothèses dentaires
L’obligation de sécurité de résultat des praticiens s’applique en matière de prothèses, notamment de prothèses dentaires.
Cass. civ. 1, 15 novembre 1972, n° 70-14.430 : « Attendu que la Dame F. a demandé a M. P, chirurgien-dentiste, de lui poser deux prothèses ; que, bien que les appareils aient fait l’objet de trois retouches successives, la Dame F. déclara ne pouvoir les supporter et les rendit au praticien ; que celui-ci ayant assigné les époux F en paiement de ses honoraires, le tribunal, après avoir ordonné une expertise et la comparution personnelle des parties, a prononcé la résiliation du contrat aux torts de P, qui a été débouté de sa demande et condamné à verser des dommages-intérêts aux époux F ; […]
Mais attendu que le tribunal, qui n’était pas tenu de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a répondu aux conclusions prétendument délaissées en énonçant que M. P. n’avait pas respecté son obligation de livrer un dentier donnant satisfaction à la dame F »
Dans un arrêt postérieur, les juges de la Haute juridiction ont complété cette solution en retenant que si le chirurgien-dentiste n’est tenu que d’une obligation de moyens quant aux soins qu’il prodigue à son patient, il doit, en tant que fournisseur de la prothèse, délivrer un appareil « sans défaut ».
Cass. civ. 1, 29 octobre 1985, n° 83-17.091, Bismuth c. Djabbour, publié au bulletin : « Mais attendu que si M. X était tenu à une simple obligation de moyens non seulement quant aux soins proprement dits par lui prodigués à Mme Y mais aussi en ce qui concerne les améliorations de son état que celle-ci pouvait espérer grâce à l’acquisition et à la pose d’un bridge sans défaut, il n’en reste pas moins qu’en tant que fournisseur de la prothèse, il devait délivrer un appareil apte à rendre le service que sa patiente pouvait légitimement en attendre, c’est-à-dire un appareil sans défaut ».
L’obligation de sécurité de résultat est expressément employée dans un arrêt de 1988 qui retient que « si un chirurgien-dentiste est tenu d’une simple obligation de moyens quant aux soins qu’il prodigue, il est tenu à une obligation de sécurité de résultat comme fournisseur de la prothèse ».
Cass. civ. 1, 15 novembre 1988, n° 86-16.443, Nadjar c. Bordas, publié au bulletin : « Attendu que si un chirurgien-dentiste est tenu à une simple obligation de moyens quant aux soins qu’il prodigue, il est tenu à une obligation de résultat comme fournisseur d’une prothèse, devant délivrer un appareil sans défaut ».
La prescription : dans quel délai agir ?
Le délai de prescription de cette action est de 10 ans à compter de la consolidation du dommage (C. santé publ., art. L. 1142-28)
Juge civil ou juge administratif ?
Juge administratif
L’action en réparation doit être portée devant les juridictions administratives lorsque le praticien est un agent hospitalier. Dans ce cas, l’action doit être dirigée, non pas contre le praticien, mais contre l’établissement public de santé, émanation de l’Administration, qui supporte les conséquences de la condamnation sur son seul patrimoine sauf dans l’hypothèse, rarissime en pratique, de la faute personnelle détachable des fonctions de l’agent qui entraîne la compétence judiciaire ou une action récursoire que l’Administration peut exercer contre son agent. Cette faute, qui entraîne la responsabilité personnelle de l’agent public, doit être dépourvue de tout lien avec le service public ou présenter un caractère d’une exceptionnelle gravité. Une cour d’appel a ainsi précisé qu’« une telle faute n’est retenue que s’il est établi que ce médecin était animé d’une intention malveillante ou encore qu’il poursuivait un intérêt personnel étranger au service public. La faute détachable doit correspondre à une violation caractérisée des règles de déontologie, à une faute professionnelle inexcusable ou à une erreur grossière dont la gravité fait perdre tout lien avec le service à l’occasion duquel elle a été commise » (CA Rouen, 16 sept. 1998 : JurisData n° 1998-045292).
Juge civil
L’action en réparation doit être dirigée devant les juridictions civiles, à chaque fois que le praticien exerce à titre libéral. L’action doit également être exercée dans un délai de 10 ans à compter de la consolidation du dommage (CSP, art. L. 1142-28). Depuis la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000, la relaxe du praticien poursuivi pour une faute non intentionnelle au sens de l’article 121-3 du Code pénal « ne fait pas obstacle à l’exercice d’une action devant les juridictions civiles afin d’obtenir la réparation d’un dommage sur le fondement de l’article 1383 du Code civil (devenu C. civ., art. 1241) si l’existence de la faute civile prévue par cet article est établie (…) » (CPP, art. 4-1).
Comment agir devant le juge civil du tribunal judiciaire ?
La procédure est en deux étapes : L’action au fond est généralement précédé d’une action en référé expertise fondée sur l’article 145 du Code de procédure civile destinée à déterminer si le dommage est imputable à un manquement du praticien aux règles de l’art.
Action en référé expertise (article 145)
L’expertise médicale est une mesure d’instruction qui permet au juge de déterminer les éventuelles responsabilités de chacun des intervenants dans l’acte médical. Elle :
- éclaire le magistrat sur le dommage subi par le patient qui invoque la responsabilité d’un médecin, quel que soit le type de responsabilité invoquée ;
- n’est accordée que si le patient met en évidence suffisamment d’éléments qui amènent le juge à faire droit à sa demande ;
- est indispensable pour évaluer les différents chefs de préjudice subis par le patient ;
- se réfère à la nomenclature DINTILHAC, devenue la règle devant les juridictions judiciaires.
L’expertise doit permettre de mettre en évidence :
- la faute commise par le médecin ainsi que l’état de santé du patient en lien avec cette faute ;
- ou, en l’absence de toute faute médicale , le dommage subi par le patient directement imputable à l’intervention ayant pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci.
L’expertise médicale doit être contradictoire et menée par un expert dans la spécialité dont dépend le dommage invoqué.
Le choix du spécialiste est facilité car il s’agit généralement de la même spécialité que le médecin mis en cause, un sapiteur peut intervenir en cas de mise en cause de plusieurs médecins de spécialités différentes.
Toutes les parties doivent se faire assister par un avocat.
Action au fond
Une fois le rapport déposé par l’expert judiciaire établissant les responsabilités et fixant le préjudice, le patient victime doit agir au fond devant le tribunal judiciaire pour faire condamner le praticien de santé.
Quel préjudice obtenir ?
- Préjudice matériel
- Préjudice moral : l’expert vérifiera un “état précédent”, notamment dépressif, avec par exemples des consultations antérieures à l’opération chez le psy ou la prise d’anti dépresseurs ou d’anxiolityques
- Perte de chance