Le principe de responsabilité
Les CAC sont responsables, à l’égard tant de la société que des tiers, des conséquences dommageables résultant des fautes ou des négligences qu’ils commettent dans l’exercice de leurs fonctions (C. com. art. L 822-17, al. 1).
Leur responsabilité peut ainsi être retenue pour ne pas avoir révélé les malversations commises par un dirigeant, telles que des détournements d’actifs (CA Paris 2-6-2003 no 01-17616 : RJDA 4/04 no 434), pour avoir certifié des comptes alors que la situation alarmante de la société n’avait pas pu leur échapper (Cass. com. 3-6-2014 no 13-19.350 : RJDA 2/15 no 112) ou encore pour avoir fait preuve de négligence dans leur mission de contrôle et certifié de manière erronée des comptes sociaux (Cass. com. 27-10-1992 no 90-21.127 P : RJDA 3/93 no 230 ; CA Paris 13-11-1998 no 96-88487 : RJDA 3/99 no 300).
La charge de la preuve d’une faute du CAC incombe classiquement à celui qui met en cause sa responsabilité. Ce dernier peut solliciter, avant d’agir en responsabilité, une expertise sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile, à condition de démontrer que celle-ci est utile et pertinente et qu’elle lui permettra de recueillir des éléments de preuve susceptibles d’être invoqués dans un litige éventuel (notamment, Cass. 2e civ. 10-12-2020 no 19-22.619 F-PBI : RJDA 3/21 no 209 rejetant la demande d’un associé contre une société car il n’apportait pas la moindre consistance à ses soupçons de fautes de gestion et ne procédait que par affirmations ne reposant sur aucun fait précis, objectif et vérifiable).
Quand il parvient à prouver la faute du CAC, le demandeur doit encore justifier d’un préjudice résultant de cette faute. Conformément au droit commun de la responsabilité, l’analyse du lien de causalité entre la faute et le préjudice conduit à considérer l’ensemble des faits générateurs, parmi lesquels une éventuelle faute commise par la victime. On comprend dès lors que le CAC ait en l’espèce demandé que la mission de l’expert soit étendue à l’examen de l’implication de la société mère dans la gestion de la filiale, aux décisions de gestion et au lien de causalité entre sa faute prétendue et le préjudice de la société mère.
La révélation de faits délictueux
Le commissaire aux comptes doit révéler au parquet les faits délictueux dont il a eu connaissance (C. com. art. L 823-12, al. 2), faute de quoi il encourt des sanctions pénales. Une circulaire, à laquelle est annexée la pratique professionnelle de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes relative à la révélation des faits délictueux au procureur de la République (identifiée comme bonne pratique professionnelle par le Haut Conseil du commissariat aux comptes) donne une interprétation extensive du texte légal (Circulaire du 18-4-2014 : BOMJ no 2014-04 du 30-4-2014) : les commissaires aux comptes doivent porter à la connaissance du procureur de la République tous les faits susceptibles de revêtir une qualification pénale découverts dans le cadre de l’accomplissement de sa mission, sans distinction tenant à leur gravité, leur nature ou leurs conséquences. La seule exception à cette obligation concerne les faits sans lien avec leurs missions et les irrégularités ou inexactitudes ne procédant manifestement pas d’une intention frauduleuse. En cas de doute, le commissaire aux comptes doit révéler le fait ou s’adresser à un magistrat du parquet compétent pour la révélation.
En contrepartie du caractère extensif de cette obligation, et de la sévérité de la sanction qui l’assortit, le commissaire aux comptes bénéficie d’une immunité, sa responsabilité ne pouvant en principe pas être engagée lorsqu’il procède à ces révélations. La décision commentée montre que cette immunité n’est pas absolue, et a vocation à exonérer le professionnel de sa responsabilité seulement lorsqu’il agit dans l’exercice normal de son devoir de révélation : le commissaire aux comptes ne peut pas être inquiété si le procureur de la République n’estime pas opportun de donner une suite à la révélation. Elle ne le protège pas, en revanche, d’une révélation abusive, qui pourrait être dictée par une volonté de nuire. Cass. com. 15-3-2017 no 14-26.970 P-PBI, Sté SAS Buhr Ferrier Gossé (BFG) c/ X.
Le tribunal territorialement compétent
La juridiction compétente est en principe celle du domicile du défendeur (CPC art. 42). Toutefois, en matière extracontractuelle, l’article 46 du Code de procédure civile permet au demandeur de saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, celle du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi. En l’espèce, le tribunal de Clermont-Ferrand était compétent en tant que juridiction dans le ressort de laquelle le défendeur était domicilié et le fait dommageable commis, mais le tribunal de Lyon l’était également en tant que juridiction dans le ressort de laquelle le dommage avait été subi.
Il a déjà été jugé que le lieu où le dommage a été subi est celui où est né le préjudice (Cass. 2e civ. 28-2-1990 no 88-11.320 : Bull. civ. II no 46).
Le tribunal territorialement compétent pour connaître de l’action en responsabilité extracontractuelle d’une société contre son commissaire aux comptes peut être celui du siège social de cette société, en tant que lieu où le dommage a été subi. Si le lieu où a été commis le manquement du commissaire aux comptes est celui de son domicile professionnel ou du siège de sa société, le lieu où le dommage a été subi est celui du siège de la société contrôlée, ce dont il résultait que le tribunal était territorialement compétent pour connaître de l’action en responsabilité dirigée contre le commissaire aux comptes. Cass. com. 10-2-2021 no 18-26.704 F-P
Le relèvement des fonctions du CAC
La seule introduction d’une action en responsabilité contre un commissaire aux comptes par la société au sein de laquelle il exerce sa mission ne constitue pas un empêchement justifiant son relèvement.
Cass. com. 24-1-2024 no 22-12.340 F-B : Sté Chestone France c/ X.
En cas de faute ou d’empêchement, les commissaires aux comptes peuvent, sur décision de justice, être relevés de leurs fonctions avant l’expiration normale de celles-ci, notamment à la demande de l’organe chargé de la direction (C. com. ex-art. L 823-7 ; désormais art. L 821-50).
Pour qu’une faute du commissaire aux comptes dans l’accomplissement de ses diverses missions justifie son relèvement, il faut démontrer que le commissaire aux comptes a agi avec mauvaise foi, autrement dit dans l’intention de nuire à la société ou à ses organes, ou que cette faute révèle soit un manquement délibéré du commissaire à ses obligations légales, réglementaires ou déontologiques, soit son incurie (Cass. com. 3-12-1991 no 90-14.592). De simples erreurs d’appréciation ne peuvent pas justifier un relèvement.
Il s’ensuit que la responsabilité civile du commissaire aux comptes peut être engagée en cas de faute simple, alors qu’il ne peut être relevé que s’il a commis une faute grave.
La nécessité d’une faute grave a été motivée par le fait que le commissaire aux comptes exerce une mission d’ordre public, qui va bien au-delà de la protection des intérêts de la société et de ses associés, et qu’il n’a pas à se soumettre aux exigences de l’entité contrôlée ou de ses associés (CA Versailles 17-11-2011 no 10/09159 précité), ainsi que par sa nécessaire indépendance qui suppose qu’il soit maintenu en fonction pendant la durée de son mandat (T. com. Blois 11-12-2015 : Bull CNCC juin 2016 note Ph. Merle).
L’empêchement des fonctions du CAC
L’empêchement vise toutes les situations dans lesquelles le commissaire aux comptes se trouve dans l’incapacité de poursuivre sa mission dans les conditions et délais requis. Cet empêchement peut être de nature physique (par exemple, maladie, éloignement, surcharge d’activité, etc.) ou juridique (incompatibilité, omission, interdiction temporaire, suspension provisoire ou radiation).