Comment fixer le montant de la prestation compensatoire ?

Il n’est pas toujours facile de répondre à la question de savoir quelles sommes doivent être prises en compte pour déterminer le montant de la prestation compensatoire.

La difficulté tient sans doute au fait qu’en dépit des réformes successives, le législateur n’a pas mis en place une méthode de calcul de la prestation .

Les juges reconnaissent volontiers que « l’évaluation de la prestation compensatoire relève d’une alchimie délicate, subtile » (A. Bérard, L’application des méthodes d’évaluation de la prestation compensatoire par les juges : AJ fam. 2013, p. 17. – V. aussi E. Clerget, C. Dessertenne-Brossard, Les errements du calcul de la prestation compensatoire : JCP N 2014, n° 12, 1126). En effet, s’ils sont invités par la loi à apprécier « les besoins de l’époux à qui elle est versée et les ressources de l’autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l’évolution de celle-ci dans un avenir prévisible », selon une liste d’éléments fournie à l’article 271 du Code civil, les termes « besoins » et « ressources » ne sont pas clairement définis.

Pour ceux qui n’auraient pas compris la subtilité et la pudeur du vocabulaire juridique, cela veut dire que dans bien des cas la fixation de la prestation compensatoire relève du doigt mouillé et est réalisé à la tête du client. Mais cette pratique n’est pas inéluctable et votre avocat doit être capable d’objectiver le montant de la prestation compensatoire (à votre avantage).

Il existe en effet trois grandes méthodes de calcul qui transitent “sous le manteau” sans que les justiciables ou même certains magistrats ou avocats ne soient forcément au courant de leur existance.

Cet article est là pour les en informer.

Pour rappel, la prestation compensatoire permet de compenser la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des ex-époux (C. civ. art. 270, al. 2).

Chiffres sur la prestation compensatoire

Seuls 20% des divorces donnent lieu au versement d’une prestation compensatoire.

Elle est liquidée :

  • en capital dans 90% des cas, versé en une fois dans 70% des cas et en plusieurs fois dans 30% des cas.
  • en rente pour 10% des cas

Définition de la prestation compensatoire

Il est assez courant qu’au sein d’un couple, l’un gagne bien mieux sa vie que l’autre. C’est bien entendu le cas lorsque l’un des membres du ménage décide de rester au foyer pour s’occuper d’enfants en bas âge. Ce peut être aussi le cas lorsqu’un conjoint dirige une entreprise ou a accédé à un poste de cadre. Si le couple décide de séparer, le niveau de vie de l’un des époux va considérablement s’affaiblir. La prestation compensatoire vise justement à rétablir un équilibre financier. Celle-ci peut être consécutive à un commun accord, ce qui peut arriver dans le cadre d’un divorce par consentement mutuel. Mais cette prestation peut également être décidée par un jugement ou une convention de divorce. Pour être reconnue comme telle (et bénéficier d’un régime fiscal intéressant), elle doit être versée dans les douze mois qui suivent le jugement définitif. À savoir enfin que la prestation compensatoire peut être réglée soit en capital soit en nature. Il peut par exemple s’agir d’une cession de bien (immobilier, œuvre d’art…), de parts sociales ou de droits d’usufruit temporaire.

Méthode de Monsieur Martin Saint-Léon

Présentation de la méthode

La méthode de calcul de M. Martin Saint-Léon se déroule selon les étapes suivantes :

  • tenter, tout d’abord, d’exprimer sous formes chiffrées les conditions de vie de chacun des époux ;
  • comparer ensuite les chiffres obtenus pour déterminer une unité de mesure de la disparité qui va correspondre à la moitié du différentiel, de telle façon qu’en l’octroyant au moins favorisé, la parité absolue soit obtenue ;
  • enfin, exploiter cette unité de mesure au moyen d’un barème fondé sur les critères objectifs que sont l’âge du créancier et la durée du mariage.

S’agissant du calcul de l’unité de mesure, il s’agit d’intégrer non seulement les revenus annuels de toute nature mais encore de considérer, après les avoir valorisés, que tous les éléments patrimoniaux sont productifs de revenus au taux moyen du marché (placement du bon père de famille), c’est-à-dire aujourd’hui un taux de 3,5 %, conformément à celui proposé par Me Depondt dans sa méthode.

Du revenu global brut mensuel ainsi obtenu, il convient ensuite de déduire les charges pesant sur chacun des époux et sur lesquelles ces derniers n’ont pas d’emprise réelle, à savoir principalement : les impôts directs, le budget de l’enfant pour le parent gardien, les frais liés à l’exercice du droit de visite et d’hébergement lorsqu’ils sont importants et exclusivement supportés par le bénéficiaire de ce droit (frais de transport élevés), les montants versés en exécution d’obligations alimentaires à l’égard de tiers, le crédit immobilier si la valeur locative du domicile conjugal est prise en compte au titre de la valorisation d’avantages en nature, etc. Comme la prestation compensatoire n’a pas pour finalité d’annihiler les effets des régimes matrimoniaux et qu’il s’agit en fait de compenser les moyens d’existence et non les fortunes, M. Martin Saint-Léon considère qu’il convient, dans des cas particuliers, de déduire également le taux d’épargne.

C’est là que se situe la différence essentielle entre la méthode de M. Martin Saint-Léon et celle de Me Depondt : alors que le second considère que la prestation compensatoire doit être calculée en fonction de la capacité d’épargne du débiteur calculée sur huit années, le premier calcule parfois son unité de mesure après déduction de la capacité moyenne mensuelle d’épargne, de telle façon que cette unité ne rende vraiment compte que des moyens d’existence du couple et, par voie de conséquence, seulement de ce que le moins favorisé va perdre du fait du divorce.

Cette opération qui consiste à déduire les charges des revenus permet d’obtenir la capacité de consommation des parties et par-delà leurs conditions de vie. L’unité de mesure est égale à la moitié du différentiel constaté entre les deux époux.

Une fois cette analyse patrimoniale réalisée, l’auteur retravaille le chiffre obtenu à l’aide de coefficients multiplicateurs liés à l’âge du créancier et à la durée du mariage. Pour ce faire, il a souhaité substituer à une appréciation toujours aléatoire une grille valorisant de façon fixe ces paramètres objectifs. Ces grilles sont constituées de telle façon que plus la durée du mariage a été longue et plus le créancier est âgé, plus la compensation sera conséquente. L’auteur admet cependant qu’il s’agit d’une approche expérimentale qui mériterait certainement d’être affinée, notamment avec l’aide d’un mathématicien afin que ces grilles aient une parfaite cohérence.

Table 1 selon l’âge du créancier

Âge du créancier16-30 ans31-35 ans36-40 ans41-45 ans46-50 ans51-55 ans56-60 ans61-65 ans
Coefficient multiplicateur12345678

Table 2 selon la durée du mariage

   Durée du mariage      Coefficient multiplicateur   
0 an à 4 ans3
5 ans à 9 ans6
10 ans à 14 ans9
15 ans à 19 ans12
20 ans à 24 ans15
25 ans à 29 ans18
30 ans à 34 ans21
35 ans à 39 ans24
40 ans à 44 ans27
45 ans à 49 ans30
50 ans à 54 ans33
55 ans à 59 ans36
60 ans à 64 ans39
65 ans à 69 ans42
70 ans à 74 ans45
75 ans à 79 ans49
80 ans à 84 ans50

M. Martin Saint-Léon propose une échelle selon laquelle chaque point équivaut à trois mois de compensation, aux fins d’aboutir au montant de la prestation compensatoire.

Exemple

Les conditions de vie de chacun des époux, c’est-à-dire leur revenu global brut respectif, sont les suivantes :

  • 2 500 € pour Monsieur et 1 300 € pour Madame. L’écart entre les deux valeurs obtenues est 1 200 €. L’unité de mesure est égale à la moitié du différentiel, soit 600 €, de telle façon qu’en l’octroyant à la partie la moins favorisée, la parité absolue est obtenue.
  • Durée du mariage : 8 ans
  • Age de Madame : 32

Madame : 1 300 + 600 = 1 900

Monsieur : 2 500 – 600 = 1 900

Il convient ensuite de confronter cette unité de mesure au coefficient multiplicateur, au moyen du barème ci-dessus.

Madame : 32 ans = 2 points

8 ans de mariage = 6 points

La prestation compensatoire est égale à 8 × 3 = 24 × 600 (UC) = 14 400 €.

La méthode PilotePc

http://pilotepc.free.fr/

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Cette méthode a été mise en place par un groupe paritaire de magistrats et d’avocats.

Elle consiste dans l’utilisation d’un logiciel mettant en exergue les critères légaux dans un tableur (revenus actuels, contribution ou charge d’enfants, revenus prévisibles ou potentiels du patrimoine, durée du mariage, âge du créancier, nombre d’années sans cotisation à un régime de retraite, santé, expérience professionnelle).

La méthode proposée par Me Stéphane DAVID, expert auprès des tribunaux

Cette méthode consiste à calculer séparément la prestation destinée à compenser la disparité en capital et celle relative à la disparité en revenus.

Les deux montants sont alors additionnés pour parvenir au montant final de la prestation compensatoire.

Modalités de versement de la prestation compensatoire

Divorce par consentement

Dans leur convention, qu’elle soit prise dans le cadre d’un divorce par consentement mutuel ou non, les époux peuvent librement décider du montant et des modalités de la prestation compensatoire, qui peut prendre la forme d’un capital ou d’une rente et être indexée ou non ; les époux peuvent prévoir que la prestation cessera à compter de la réalisation d’un événement déterminé (C. civ. art. 278 et 279-1).

La seule limite à la liberté des époux réside dans le fait que la convention doit fixer équitablement les droits et obligations de chacun, ce que le juge contrôle (C. civ. art. 278 et 279-1).

Divorce judiciaire

Lorsque la prestation est décidée par le juge, le principe est que la prestation compensatoire prend la forme d’un capital (C. civ. art. 270). Ce n’est qu’exceptionnellement que le juge peut décider de l’octroi d’une rente, qui est alors obligatoirement viagère (C. civ. art. 276).

Si le créancier n’a demandé qu’une rente, le juge ne peut toutefois pas attribuer d’office un capital : il doit inviter les intéressés à prendre parti (Cass. 2e civ. 7-10-1999 n° 98-10.329 : Bull. civ. II n° 152 ; Cass. 2e civ. 23-1-2003 n° 01-00.857).

Révision de la prestation compensatoire

Le juge compétent pour connaître des demandes de révision de la prestation compensatoire ou de ses modalités de paiement est le JAF (C. org. jud. art. L 213-3). L’instance est formée, instruite et jugée suivant les règles de la procédure écrite ordinaire devant le tribunal judiciaire. Les parties doivent être représentées par avocats (CPC art. 1139 et 1140, al. 3). La décision est rendue en chambre du conseil, et non en audience publique (Cass. 1e civ. 28-10-2009 n° 08-18.488 FS-PBI).

La révision prend effet dès la date de la saisine du juge et non seulement à compter du jour où ce dernier statue (pour illustrations, Cass. 1e civ. 19-4-2005 n° 03-15.511 FS-PBRI ; Cass. 1e civ. 19-6-2007 n° 06-13.086 F-PB).

Prestation fixée par convention

La révision de la prestation compensatoire est soumise au même régime quelle que soit la procédure de divorce suivie, dès lors que la prestation a été décidée conventionnellement par les époux et homologuée par le juge. Elle ne peut en principe être modifiée que par une nouvelle convention entre les époux, également soumise à homologation (C. civ. art. 279, al. 2).

Toutefois, quelle que soit la forme de la prestation compensatoire, capital ou rente, la convention homologuée peut prévoir que chacun des époux pourra demander au juge de réviser la prestation compensatoire en cas de changement important dans les ressources et les besoins de l’une ou l’autre des parties (C. civ. art. 279, al. 3).

En cas de nouvelle convention, le juge ne peut refuser l’homologation que s’il constate qu’elle ne fixe pas équitablement les droits et obligations des époux à la date à laquelle elle a été établie et exécutée (C. civ. art. 232). Ainsi, une cour d’appel ne peut pas refuser l’homologation d’une convention modificative déjà exécutée en énonçant qu’il appartient au juge de vérifier que le consentement des parties persiste au jour où il statue (Cass. 1e civ. 10-5-2006 n° 04-19.883 F-PB).

Si les époux n’ont rien prévu sur la révision dans la convention homologuée, l’un ou l’autre peut présenter une demande de révision dans les conditions exposées n° 39390 s. (prestation en capital fixée par le juge) et n° 39398 s. (prestation sous forme de rente allouée par le juge).

Les ex-époux ont également la possibilité de décider d’une nouvelle convention qui doit alors être soumise à homologation (C. civ. art. 279, al. 2).

Prestation en capital fixée par le juge

Le juge ne peut pas réviser le montant de la prestation compensatoire. Il peut seulement rééchelonner sur plus de huit ans le paiement du capital qui devait faire l’objet de versements périodiques, et seulement par décision spéciale et motivée (C. civ. art. 275, al. 2). Cette possibilité s’applique dans les mêmes conditions au débiteur d’un capital échelonné fixé par le juge ou par convention des époux avant le 1er janvier 2005 (Loi 2004-439 du 26-5-2004 art. 33-VIII).

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