Communauté, séparation de biens : quel régime matrimonial choisir ?

Quelles différences entre les différents régimes matrimoniaux ?

Quel régime choisir ?

Quels sont les avantages et inconvéniens de chaque régime ?

Qu’est-ce qu’un régime matrimonial ?

Les régimes matrimoniaux organisent les relations financières et patrimoniales des époux entre eux et celles de chaque époux avec les tiers.

Il existe deux grandes variétés de régimes matrimoniaux :

  • les régimes communautaires, qui associent les deux époux à la constitution d’une masse commune activement et passivement ;
  • les régimes séparatistes, dans lesquels chaque époux conserve en principe un patrimoine personnel séparé activement et passivement.

Faut-il faire un contrat de mariage ?

Les époux peuvent choisir leur régime matrimonial en passant un contrat de mariage devant un notaire avant la célébration civile du mariage ou en modifiant ou changeant leur régime matrimonial en cours d’union. S’ils ne le font pas, la loi décide pour eux : ils sont automatiquement mariés sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts. Le régime est légal lorsque les époux n’ont pas fait le choix d’un régime matrimonial conventionnel.

Les différents régimes matrimoniaux

Communauté réduite aux acquêts aussi appelé “communauté légale”

Avantages et inconvénients

Le principal avantage de la communauté réduite aux acquêts est que l’enrichissement provenant des revenus et des acquêts de l’un profite à l’autre. Ce régime protège en conséquence celui dont les revenus sont les plus faibles, celui qui renonce à son emploi pour s’occuper de sa famille ou celui qui collabore gratuitement à l’activité professionnelle de l’autre.

Réciproquement, les risques pris par l’un sont supportés par l’autre. C’est la raison pour laquelle la communauté réduite aux acquêts est déconseillée aux couples dont l’un des membres exerce une activité indépendante (libérale, par exemple). L’inconvénient peut être pallié si le conjoint exerce son activité dans le cadre d’une société à risque limité ou avec le statut d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée. Mais il ne faut pas, alors, garantir à titre personnel ses dettes professionnelles. Récemment, les activités professionnelles indépendantes ont bénéficié de plus de protection. Depuis le 14 mai 2022, pour les entrepreneurs individuels (hors EIRL, appelée à disparaître), seul le patrimoine personnel constitue le gage général des créanciers non professionnels. Toutefois, si le patrimoine personnel est insuffisant, le droit de gage général des créanciers peut s’exercer sur le patrimoine professionnel, dans la limite du montant du bénéfice réalisé lors du dernier exercice (C. com. art. L 526-22, al. 6 créé par loi 2022-172 du 14-2-2022 art. 1). La séparation des patrimoines est automatique, sans démarche administrative.

Le choix de la communauté est à réfléchir pour les personnes qui possèdent un patrimoine propre important car les investissements pour développer ou améliorer les biens propres, même financés avec les revenus de ce patrimoine, donneront lieu à récompense au profit de la communauté. Cette règle, généralement méconnue par les intéressés, est souvent vécue comme injuste. Prenant en compte cette réalité, le 106e Congrès des notaires de France a proposé un aménagement du régime pour exclure les revenus des biens propres de la communauté.

En cas de remariage, le choix du régime légal est aussi à peser : son mode de fonctionnement implique presque nécessairement qu’il soit fait, lors de la dissolution du mariage, des comptes entre le patrimoine commun et le patrimoine propre de chacun des conjoints. En cas de décès d’un époux, ces comptes peuvent être source de tensions entre le conjoint survivant et les enfants du défunt nés d’une première union.

À QUI APPARTIENNENT LES BIENS ?

Il existe deux types de biens :

  • Ceux qui restent la propriété personnelle de chacun des époux appelés « biens propres ». Il s’agit des biens possédés avant le mariage ou reçus par succession ou donation après le mariage,
  • Ceux qui appartiennent en commun aux époux, appelés « biens communs ». Il s’agit des biens acquis pendant le mariage à titre onéreux, et des revenus provenant tant de l’activité professionnelle des époux (salaires…), que ceux produits par des biens propres ou communs (loyer, intérêts des placements, dividendes…).

Par exemple,

  • le salaire de l’un des époux versé sur son compte personnel appartient à la communauté.

Tableau récapitulant le règlement des dettes des époux régime légal

DettesObligation à la detteContribution à la dette
Biens communsBiens propres de l’auteur de la detteBiens propres du conjoint
Dettes faites par les deux épouxouiouiouicommunauté
Dettes ménagères faites par un seul épouxoui (1)ouioui (1)communauté (1)
Autres dettes faites par un épouxoui, sauf les salaires du conjoint dans un certain plafondouinoncommunauté en principe
OU
auteur de la dette si elle a été faite dans son intérêt personnel ou si elle résulte d’une faute commise par lui
Cas particuliers : emprunts, cautions par un époux sans le consentement de l’autre (et opérations assimilées)non, sauf les salaires et revenus des biens propres de l’auteur de la dette (2)ouinoncommunauté en principe
OU
auteur de la dette si elle a été faite dans son intérêt personnel
Dettes antérieures au mariage ou liées à une donation, un legs ou une successionnon, sauf les salaires et revenus des biens propres de l’auteur de la dette (3)ouinonauteur de la dette
(1) Les dettes ménagères qui sont manifestement excessives ou payées par voie d’achat à tempérament ou encore par voie d’emprunt relèvent du régime de droit commun. Toutefois, la possibilité de saisir les salaires du conjoint est discutée, comme l’inscription de ces dettes au passif définitif de la communauté
(2) Tous les biens communs sont saisissables si le conjoint consent à l’opération. S’il se porte lui-même emprunteur ou caution, ses biens propres sont aussi engagés au même titre que ceux de son conjoint.
(3) Les biens communs deviennent saisissables si les biens propres de l’époux débiteur se sont confondus avec le patrimoine commun et ne sont plus identifiables.

Communauté universelle (régime conventionnel)

La communauté universelle est à conseiller pour les époux âgés et sans enfant ou dont les enfants sont adultes et autonomes. Elle permet de répartir les richesses puisque, par la mise en commun de tous les biens, le plus argenté transfère la moitié de son patrimoine propre ou personnel à son conjoint. L’adoption d’une communauté universelle par des époux inégalement fortunés constitue donc un avantage matrimonial. Pour l’accroître, la communauté universelle s’accompagne le plus souvent d’une clause d’attribution intégrale de la communauté au profit du conjoint survivant.

Séparation des biens (régime conventionnel)

La séparation de biens est le régime matrimonial le plus fréquemment adopté par contrat de mariage. C’est aussi le régime qui s’applique aux époux qui obtiennent un jugement de séparation de corps ou de séparation de biens.

Avantages et inconvénients

La séparation de biens est particulièrement adaptée :

  • aux couples dont l’un des membres exerce une activité professionnelle indépendante (profession libérale, commerçant, etc.), ce régime matrimonial mettant en principe le conjoint à l’abri des créanciers professionnels ;
  • à ceux qui ont des enfants d’un premier mariage, pour éviter des problèmes de partage entre les enfants et leur beau-père ou belle-mère ;
  • à ceux qui disposent d’un patrimoine important et qui souhaitent pouvoir disposer librement des revenus de ce patrimoine sans avoir à rendre de comptes.

Les inconvénients de la séparation de biens sont de trois ordres :

  • l’enrichissement de l’un ne profitant pas à l’autre, ce régime fragilise l’époux qui collabore gratuitement à l’activité de son conjoint ou qui renonce à une activité professionnelle pour élever les enfants ;
  • le bon fonctionnement du régime exige une certaine rigueur des époux qui doivent conserver une gestion séparée de leurs affaires. À défaut, ils risquent d’être moins bien protégés que dans un régime communautaire. Par exemple, si un époux se porte coemprunteur avec son conjoint, tous ses biens personnels entrent dans le gage du créancier. Dans un régime de communauté, s’il consent à l’emprunt souscrit par son conjoint, les biens communs sont engagés mais pas ses biens propres, qui restent hors de portée du créancier ;
  • les époux ne peuvent pas se consentir d’avantages matrimoniaux, possibles uniquement dans le cadre des régimes communautaires. Or ces mécanismes permettent d’assurer une excellente protection du conjoint survivant.

Séparation de biens avec société d’acquêts

La stipulation de la séparation de biens avec société d’acquêts conduit à mettre en place un régime hybride : à côté des patrimoines personnels de chaque époux, une masse d’acquêts qui leur appartient conjointement est créée.

Le contrat de mariage doit déterminer avec précision les biens qui entrent en communauté. Il peut s’agir des biens acquis ou créés avant ou après l’adoption du régime, d’un ou plusieurs biens particuliers ou d’une catégorie de biens. Selon l’objectif recherché, la société d’acquêts peut, par exemple, comprendre :

  • la résidence principale des époux, étant précisé que désigner, dans le contrat de mariage, l’immeuble selon sa seule affectation est contestable car le caractère variable de celle-ci s’oppose au principe d’immutabilité du régime matrimonial. Si les époux sont déjà propriétaires lorsqu’ils optent pour une société d’acquêts, ils peuvent donner la description cadastrale du bien. Une clause prévoyant le jeu de la subrogation réelle en cas de vente de l’immeuble et plus particulièrement en cas d’achat financé avec son prix de vente est utile pour permettre l’évolution de la société d’acquêts au fil du temps ;
  • tous les biens immobiliers des époux ou seulement ceux acquis durant le mariage à titre onéreux ;
  • le fonds de commerce que les époux exploitent ensemble (pour un exemple, Cass. 1e civ. 29-11-2017 n° 16-29.056 F-D : JCP N 1/18 n° 1002 note B. Beignier et F. Collard) ou au contraire tous les biens acquis à titre onéreux pendant le mariage exception faite des biens professionnels de chacun des époux ;
  • tout ou partie des revenus des époux. Attention, déclarer communs tous les revenus est contraire à l’esprit de la séparation de biens puisque cela prive les époux d’une part importante de leur liberté d’action. Ils devront, en effet, une récompense au titre de tous les investissements sur leurs biens personnels qu’ils auront financés avec leurs revenus ;
  • des biens acquis par les époux avant leur mariage. Les époux peuvent inclure dans la société d’acquêts des biens qui, dans le régime de communauté réduite aux acquêts, ne seraient pas communs (Cass. 1e civ. 25-11-2003 n° 02-12.942 : RJDA 7/04 n° 889 ; Cass. 1e civ. 29-11-2017 n° 16-29.056 F-D précité).

L’apport dans la société d’acquêts d’une somme d’argent est admis, mais pas celui d’un compte bancaire car la possibilité d’y créditer des fonds ou d’en retirer ferait varier la qualification des sommes en contradiction avec le principe d’immutabilité du régime matrimonial.

Le formalisme du remploi des propres trouve à s’appliquer. Ainsi jugé dans un cas où la société d’acquêts comprenait les biens acquis au nom de l’un ou de l’autre des époux « à l’exception des acquisitions faites à titre de remploi des biens aliénés » (Cass. 1e civ. 5-2-1985 n° 83-15.895 : Bull. civ. I n° 54). Au contraire, il peut être expressément exclu par les époux afin de conforter l’esprit séparatiste du régime. Il peut encore être prévu, mais au profit de la masse commune pour préserver la consistance de la société d’acquêts.

En cas de litige sur la qualification d’un bien, les juges doivent rechercher la commune intention des parties. Par exemple, ils ont pu considérer qu’une officine « créée » pendant le mariage était un bien personnel de l’épouse dès lors que la société d’acquêts devait être composée des biens « acquis » pendant le mariage.

Avantages et inconvénients

Les avantages d’une société d’acquêts sont de deux ordres. Les époux peuvent :

  • atténuer la rigueur de la séparation de biens pour l’époux qui a peu ou pas de revenus tout en conservant une grande autonomie ;
  • se consentir des avantages matrimoniaux, instrument particulièrement efficace pour protéger le conjoint survivant (n° 13010 s.).

En outre, la société d’acquêts, comparée à l’indivision, donne aux époux plus d’autonomie dans la gestion des biens concernés et elle assure une certaine stabilité puisque le partage n’interviendra qu’à la dissolution du mariage.

Les inconvénients sont ceux des régimes communautaires ; notamment la possibilité qu’ont les créanciers d’un époux de saisir les biens qui sont en société d’acquêts. Séparation de biens avec société d’acquêts

Régime

Les règles de gestion des patrimoines sont doubles. Chaque époux gère son patrimoine personnel conformément aux règles de la séparation de biens. La société d’acquêts suit les règles du régime légal.

Les biens communs sont gérés selon les règles de la communauté réduite aux acquêts (Cass. 1e civ. 15-5-1974 n° 72-14.668 : Bull. civ. I n° 148) : certains actes relèvent de la gestion concurrente, voire exclusive des époux, d’autres exigent une cogestion. Le contrat de mariage peut toutefois écarter ces règles et, par exemple, donner des pouvoirs exclusifs à l’un des époux sur tel ou tel bien commun.

Au plan du passif, la dette d’un époux oblige ses biens personnels. Cette dette est aussi payable sur la société d’acquêts dans les mêmes conditions que celles applicables au régime de communauté. Ainsi par exemple, l’article 1415 du Code civil a vocation à s’appliquer. Le contrat de mariage peut-il exclure du gage des créanciers la société d’acquêts ? Nous ne le pensons pas car les droits des créanciers ne peuvent pas varier au gré de la volonté des époux.

S’agissant de la contribution au passif, les époux ont plus de latitude pour la mettre à la charge de tel ou tel suivant la nature de la dette ou son auteur. Mais il faut respecter le parallélisme actif/passif.

La société d’acquêts est liquidée comme une communauté légale (par exemple, Cass. 1e civ. 21-3-2000 n° 98-14.163 F-D). Il peut toutefois en aller autrement en présence d’une clause particulière du contrat de mariage, par exemple pour une attribution intégrale, en usufruit ou en propriété, au conjoint survivant. Il est utile de préciser le régime applicable aux récompenses, voire de les exclure notamment si la société d’acquêts comprend des éléments de patrimoine sans inclure les revenus des époux, cette dispense pouvant être réservée au cas de dissolution du régime par décès. À défaut, la clause constitue un avantage matrimonial susceptible d’être révoqué en cas de divorce.

Participation aux acquêts (régime conventionnel)

La participation aux acquêts est un régime hybride : pendant la durée du mariage, il fonctionne comme si les époux étaient mariés sous le régime de la séparation de biens ; à la dissolution du régime, chacun des époux a le droit de participer pour moitié en valeur aux acquêts nets constatés dans le patrimoine de l’autre, et mesurés par la double estimation du patrimoine originaire et du patrimoine final (C. civ. art. 1569, al. 1).

Le régime tel que prévu par le Code civil peut être aménagé par des clauses particulières. Il semble que les époux puissent se consentir des avantages matrimoniaux par un aménagement des règles de liquidation (voir n° 13040 s.).

Au plan fiscal, les époux mariés sous le régime conventionnel de la participation aux acquêts et qui ne vivent pas sous le même toit sont, au même titre que ceux mariés sous le régime de la séparation de biens, imposés séparément de plein droit (BOI-IR-CHAMP-20-20-10 n° 67).

Avantages et inconvénients

La participation aux acquêts est conseillée aux couples dont l’un au moins des époux exerce une profession libérale indépendante ou à risques professionnels. À la dissolution du régime (par décès ou divorce), l’époux qui ne travaille pas ou a cessé de travailler bénéficiera de l’accroissement du patrimoine réalisé par l’activité de son conjoint.

Son fonctionnement peut toutefois poser problème dans la mesure où, durant le mariage, l’indépendance des époux n’est pas totale et où les opérations de liquidation sont relativement complexes.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *