Contester une donation : comment fonctionne le rapport à la succession ?

Au décès d’un de vos parents, vous avez appris que certains de vos frères et sœurs avaient bénéficié de donation. Le notaire vous apprend aujourd’hui que l’actif successoral est très faible et vous vous estimez lésé. La règle du rapport à la succession permet dans certains cas de rétablir l’égalité entre héritiers.

Au décès d’une personne, les libéralités qu’elle a consenties de son vivant peuvent être prises en compte pour le règlement de sa succession au travers de deux mécanismes différents, qui s’appliquent parfois de façon cumulative : le rapport, dont l’objet est d’assurer l’égalité entre les héritiers, et la réduction, dont le but est la protection de la réserve.

Nous verrons dans cet article la question du rapport.

Pour assurer l’égalité entre les héritiers d’un défunt, le code civil (article 843) prévoit que ceux qui ont été gratifiés du vivant de celui-ci doivent « rapporter » à la succession les dons qu’ils ont reçus : leur montant sera alors fictivement ajouté à l’actif successoral devant être partagé, et pris en compte dans le calcul des parts qui reviennent à chacun.

Qu’est-ce que le rapport à la succession ?

Le rapport à succession est l’opération par laquelle un héritier, appelé avec d’autres à une succession, joint à la masse à partager certains actifs ou valeurs qu’il a déjà reçus à titre gratuit du défunt.

En principe, tout héritier qui a reçu une donation du défunt en doit le rapport à ses cohéritiers, sauf si le donateur l’en a expressément dispensé (pour une illustration, Cass. 1e civ. 15-12-2021 n° 20-12.825 F-D). La règle est exactement inverse pour les legs : l’héritier gratifié par un legs n’est pas tenu au rapport, sauf si le testateur l’y a expressément assujetti.

L’objet du rapport est d’assurer l’égalité entre les héritiers, égalité qui est censée avoir été souhaitée par le défunt. C’est la raison pour laquelle la donation consentie à un héritier est présumée constituer une avance sur son futur héritage (d’où les termes de « donation en avancement de part successorale », anciennement dénommée « donation en avance d’hoirie »). Au moment du partage de la succession, l’héritier sera considéré comme ayant déjà reçu sa part d’héritage à hauteur de la donation dont il a bénéficié. Techniquement, on parle de « rapport des donations » parce que la valeur du bien donné est rapportée (c’est-à-dire ajoutée) aux biens laissés par le défunt pour déterminer la part d’héritage devant revenir à chacun.

Le défunt a, de son vivant, effectué des donations ? Bon nombre de personne pensent à tort que la donation permet d’avantager un héritier avant le décès. Il faut savoir qu’il s’agit en principe d’une simple avance sur l’héritage futur qui revient aux héritiers. C’est la raison pour laquelle au moment du partage, la donation devrait faire l’objet d’un rapport à la succession.

Exemples

Exemple 1

Le défunt, divorcé, avait deux enfants, Adrien et Anatole. Il a donné à Adrien des titres de sa société d’une valeur de 100 000 €. Il n’a fait aucune donation à Anatole. À son décès, le défunt laisse des biens pour une valeur de 500 000 €. Il n’a pas fait de testament.

Si l’on n’appliquait pas la règle du rapport, le partage de la succession se ferait sur la base des seuls biens laissés par le défunt, soit 500 000 €. Chaque enfant en prendrait la moitié, soit 250 000 €. En définitive, Adrien recevrait 350 000 € (les titres + la moitié des biens laissés au décès), tandis qu’Anatole n’hériterait que de 250 000 €.

Parce qu’on rapporte les donations antérieures, la valeur des titres reçus par Adrien est prise en compte pour déterminer ce qu’il y a à partager entre les deux frères. En supposant cette valeur inchangée à l’époque du partage, la succession s’élève à 600 000 €. Adrien ayant déjà reçu 100 000 € ne prendra que 200 000 € sur les biens existants au décès. Anatole prendra 300 000 € sur ces mêmes biens. Au final, chaque frère aura bien reçu 300 000 € et l’égalité entre les héritiers aura été respectée.

Exemple 2

Votre père a fait une donation de 150 000 euros à votre frère ? Au moment du décès, le montant de l’actif successoral est de 600 000 euros. Si vous êtes trois enfants, en l’absence de rapport à la succession, chacun devrait toucher 200 000 euros. Votre frère aurait alors reçu 350 000 euros.

La règle du rapport permettrait de rétablir l’égalité entre héritiers. Dans ce cas, chacun devrait recevoir 250 000 euros.

Quelles sont les donations concernées ?

Toutes les libéralités ne sont pas de plein droit soumises au rapport.

Le Code civil distingue

  • les donations, présumées en avancement de part successorale, c’est à dire rapportables à la succession du donateur (C. civ. art. 843).
  • les legs, qui sont faits hors part successorale. À l’inverse des donations, les legs sont réputés faits hors part successorale (C. civ. art. 843, al. 2). La volonté de rompre l’égalité entre les héritiers en faveur du légataire est présumée chez le testateur. La solution vaut quel que soit l’ordre auquel appartient l’héritier gratifié par testament. Comme pour les donations, l’article 843 du Code civil réserve la volonté contraire du testateur : un legs fait à un cohéritier peut être stipulé rapportable. En pratique, la stipulation d’un legs rapportable (souvent désigné sous le vocable de « legs d’attribution ») est rare. Un tel legs peut cependant présenter un intérêt lorsque le testateur désire que l’un de ses héritiers reçoive un bien déterminé qui lui sera attribué par préférence, à charge de désintéresser ses cohéritiers en valeur.

Il s’agit dans les deux cas d’une présomption simple, qui supporte par conséquent la preuve contraire.

Quelles sont les donations rapportables ?

  • Les donations, sauf volonté contraire exprimée par le donateur

Quelles sont les donations non rapportables ?

La dispense de rapport des donations entre vifs et des avantages indirects résulte de deux sources différentes. Il convient, en ce domaine, de distinguer, d’une part, les dispenses légales de rapport et, d’autre part, les dispenses volontaires de rapport .

Les dispenses de rapport par la loi

Sont dispensés de rapport, par l’effet de la loi :

  • les présents d’usage, les frais de nourriture, d’entretien, d’éducation, d’apprentissage, les frais ordinaires d’équipement et ceux de noces, sauf volonté contraire du disposant (C. civ. art. 852, al. 1) ;
  • les « profits que l’héritier a pu retirer de conventions passées avec le défunt, si ces conventions ne présentaient aucun avantage indirect, lorsqu’elles ont été faites » (C. civ. art. 853) ;
  • les associations faites sans fraude entre le défunt et l’un de ses héritiers, lorsque les conditions en ont été réglées par un acte authentique (C. civ. art. 854) ;
  • le capital ou la rente d’assurance-vie payable au décès de l’assuré à un bénéficiaire déterminé (C. ass. art. L 132-13, al. 1), sauf à ce que les primes versées aient été manifestement exagérées au regard des facultés de l’assuré (C. ass. art. L 132-13, al. 2) ou que l’opération soit requalifiée de donation indirecte.

Les dispenses de rapport par volonté du défunt

Le principe

Aux termes de l’article 843 du Code civil, les legs sont réputés faits hors part successorale, à moins que le testateur n’ait exprimé la volonté contraire ( C. civ., art. 843, al. 2 ). À l’inverse, les donations entre vifs sont présumées avoir été consenties en avancement de part successorale, à moins qu’elles n’aient été faites expressément par préciput. Le Code civil autorise, ainsi, le donateur à dispenser le successible gratifié de l’obligation au rapport .

  • Les donations-partages : Même dans le cas le plus fréquent où elle n’est pas consentie hors part successorale, une donation-partage n’est jamais rapportable à la succession du donateur, parce que les biens qui en font l’objet ont déjà été partagés de façon anticipée. Rappelons que si les donations-partages transgénérationnelles sont en principe rapportables par les petits-enfants allotis, ce rapport s’effectue à la succession de leur auteur direct, non à celle de l’ascendant donateur 
  • Les donations consenties hors part successorale. La volonté d’égalité entre les héritiers que la loi présume dans les donations n’est pas impérative, et il est possible de prévoir une dispense de rapport. La donation n’est alors plus comprise dans le partage et le bénéficiaire peut en conserver à lui seul le bénéfice (sauf éventuellement réduction en présence de cohéritiers réservataires). La dispense de rapport peut être faite dans la donation elle-même ou dans un acte postérieur ; dans ce dernier cas, la forme impérative des libéralités (donation ou testament) est requise (C. civ. art. 919, al. 2). Ce formalisme s’explique aisément : dispenser de rapport après la donation équivaut à réaliser un supplément de donation. S’agissant d’une donation non notariée (don manuel, notamment), la dispense de rapport doit être prouvée, ce qui ne va pas de soi si l’on n’a pas pris soin d’établir un pacte adjoint.

La limite : la réserve héréditaire

Une donation non rapportable est-elle toujours exclue du rapport ?

Tout dépend s’il y a Respect de la réserve.

La liberté du donateur de dispenser le gratifié de l’obligation au rapport ne s’étend pas au domaine de la réduction des libéralités pour atteinte à la réserve héréditaire. Les libéralités excessives, bien que stipulées préciputaires, demeurent réductibles. La règle ne souffre de tempérament qu’au profit du successible gratifié, bénéficiant d’une renonciation anticipée de l’un de ses cohéritiers à l’exercice de l’action en réduction de la libéralité, consentie en sa faveur par le défunt ( C. civ., art. 929 s., réd. L. n° 2006-728, 23 juin 2006 ).

N’ayant fait l’objet que d’adaptations rédactionnelles, l’article 844 énonce, comme par le passé, que : “Les dons faits hors part successorale ne peuvent être retenus ni les legs réclamés par l’héritier venant à partage que jusqu’à concurrence de la quotité disponible : l’excédent est sujet à réduction.

Illustration d’une dispense tacite de rapport à la succession de donations de sommes d’argent

Cass. 1e civ. 23-3-2022 n° 20-17.633 F-D

Une veuve répartit entre ses quatre enfants les fonds reçus de la compagnie d’assurance-vie à la suite du dénouement du contrat souscrit par son mari à son profit, et ce, immédiatement après leur perception. Au surplus de cette répartition, inégalitaire, elle modifie dans le même temps la clause bénéficiaire de son propre contrat d’assurance-vie. À son décès, l’enfant le moins bien servi demande le rapport des sommes ainsi distribuées. Demande rejetée par la cour d’appel, qui a pu, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, retenir qu’il découlait de la conjonction de la répartition entre ses enfants, dès réception, des capitaux d’assurance-vie de l’époux, hors la succession de celui-ci, et de la modification des bénéficiaires de sa propre assurance-vie, que la veuve avait entendu faire donation de ces sommes à ses enfants en les excluant de tout rapport à sa propre succession.

Comment s’opère le rapport ?

C’est au moment du partage de la succession entre les héritiers que le rapport doit être exécuté. Même intervenue plus de trente ans après l’ouverture de la succession, la demande de rapport n’est pas prescrite tant que le partage n’a pas eu lieu (Cass. 1e civ. 22-3-2017 n° 16-16.894 F-PB : BPAT 3/17 inf. 109). Lorsqu’elle emprunte la voie judiciaire, la demande en rapport d’une libéralité ne peut être formée qu’à l’occasion d’une instance en partage judiciaire (Cass. 1e civ. 4-1-2017 n° 15-26.827 F-PB : AJ famille 2017 p. 205 obs. J. Casey ; Cass. 1e civ. 6-11-2019 n° 18-24.332 FS-PBI : BPAT 1/20 inf. 24 obs. A. Chamoulaud-Trapiers ; Cass. 1e civ. 2-9-2020 n° 19-15.955 FS-PB : BPAT 6/20 inf. 202). En revanche, dès lors qu’un partage amiable est intervenu, la demande en rapport d’une libéralité jusque-là méconnue en tant que telle ou dissimulée par un cohéritier ne pourra prospérer que si le partage déjà réalisé est contesté par une action en nullité, ou en complément de part pour cause de lésion, ou encore si une demande en partage complémentaire est exercée (Cass. 1e civ. 6-11-2019 n° 18-24.332 FS-PBI précité).

Le rapport consiste, lors du partage, à comprendre dans la masse des biens à partager ceux dont le défunt a disposé à titre gratuit au profit d’un ou de plusieurs de ses héritiers, que ce soit par donation (libéralité normalement rapportable) ou par testament (libéralité exceptionnellement rapportable).

Le rapport peut être effectué en valeur ou en nature. Le principe est le rapport en valeur : l’héritier gratifié conserve le bien qui lui a été donné ou légué et en impute la valeur sur ses droits dans la succession. Exceptionnellement, le rapport est effectué en nature, le bien donné ou légué étant alors réellement compris dans le partage et susceptible d’être attribué à un autre héritier.

Rapport en valeur ou rapport en moins prenant

Sauf cas particuliers, le rapport se fait en valeur (C. civ. art. 858 pour les donations ; C. civ. art. 843 pour les legs). C’est une indemnité représentative de la valeur du bien donné, et non le bien lui-même, qui sera comprise dans le partage. Cette indemnité sera attribuée à son redevable, qui prendra moins dans le partage (d’où l’expression de « rapport en moins prenant »).

Montant de l’indemnité de rapport

La propriété du bien a été transférée au bénéficiaire au moment de la donation (ou au décès s’agissant d’un bien légué). Le partage peut intervenir de nombreuses années après ce transfert de propriété, alors que l’état et la valeur du bien donné (ou légué) auront pu varier.

Les règles légales d’évaluation du rapport tiennent compte de ces possibles variations de l’état et de la valeur du bien donné. S’appliquent de manière cumulative deux règles (C. civ. art. 860, al. 1) :

  • le rapport est dû de la valeur du bien donné (ou légué lorsque le legs est exceptionnellement rapportable) à l’époque du partage ;
  • cette valeur s’apprécie selon l’état du bien à l’époque de la donation (ou du décès pour le legs rapportable).

La donation ou le testament a pu prévoir des dérogations aux règles légales d’évaluation de l’indemnité de rapport, lesquelles ne sont pas impératives (sur les incidences liquidatives en cas de clause de rapport forfaitaire dans une donation, voir Cass. 1e civ. 5-12-2018 n° 17-27.982 F-PB : BPAT 1/19 inf. 26).

Précisions
Lorsque le bien donné a fait l’objet de travaux réalisés par le donataire, il convient de rechercher quelle aurait été la valeur actuelle du bien sans les travaux (Cass. 1e civ. 14-1-2015 n° 13-24.921 F-PB : BPAT 2/15 inf. 53). En effet, les plus-values apportées au bien donné depuis l’acte de donation et imputables au seul gratifié ne profitent qu’à ce dernier. Par conséquent, la valeur du bien donné à l’époque du partage doit être corrigée. Autre application de ce principe : la succession n’ayant pas à profiter de la viabilisation effectuée par le donataire du terrain reçu, l’indemnité de rapport est calculée en fonction de la valeur du terrain non viabilisé et non en lui appliquant une décote forfaitaire (Cass. 1e civ. 31-5-2005 n° 03-11.133 F-PB : RTD civ. 2005 p. 813 note M. Grimaldi ; Cass. 1e civ. 9-2-2022 n° 20-20.587 F-D : BPAT 2/22 inf. 87). Le même raisonnement s’appliquerait, le cas échéant, pour la détermination de l’indemnité de réduction (C. civ. art. 924-2), à cela près que la date d’évaluation du bien donné, pour les opérations de réunion fictive et d’imputation, serait celle du décès et non celle du partage (C. civ. art. 922).

Le rapport d’une donation déguisée sous couvert d’une vente à moindre prix n’est dû que pour l’avantage ainsi conféré, correspondant à la différence entre la valeur du bien donné et le prix payé (Cass. 1e civ. 11-7-2019 n° 18-19.415 F-D : BPAT 5/19 inf. 194).

Cas particuliers

Quelques précisions :

  • si le bien donné a été vendu ou donné, on prend sa valeur au jour de la vente ou de la libéralité (mais toujours en tenant compte de l’état du bien à l’époque de la libéralité (C. civ. art. 860, al. 2). En cas de vente, si le prix de cette vente a été utilisé pour acheter un autre bien, c’est la valeur de ce nouveau bien à l’époque du partage qui sera retenue, en tenant compte de son état lors de son acquisition (pour une illustration de cette méthode dite de « subrogation liquidative », voir Cass. 1e civ. 2-4-2014 n° 13-14.273 F-D : BPAT 3/14 inf. 131). Par exception, on ne tient pas compte de la valeur du bien acheté si sa dépréciation était inéluctable dès son acquisition (voiture, matériel informatique ou hi-fi, etc.).
  • si la libéralité portait sur une somme d’argent, c’est le montant donné qui doit être rapporté, sans prendre en compte la dépréciation monétaire (C. civ. art. 860-1). Mais si l’argent a servi à acheter un bien, on prend la valeur du bien qui a été acquis ; cette valeur est appréciée à l’époque du partage, en tenant compte de l’état du bien à l’époque de son acquisition (C. civ. art. 860-1 qui renvoie à C. civ. art. 860, al. 1 ; pour une illustration, Cass. 1e civ. 6-11-2019 n° 18-20.054 F-D). La même exception pour les biens dont la dépréciation est inéluctable dès leur acquisition s’applique. Ainsi, si le bénéficiaire d’une donation de 15 000 € a acheté avec cet argent une voiture qui ne vaut plus que 1 000 € au moment du partage de la succession, il devra rapporter 15 000 €, et non seulement 1 000 € ;
  • si le bien a été perdu sans que ce soit par la faute du bénéficiaire de la libéralité, ce dernier n’a plus à rapporter la valeur de ce qui lui avait été donné, sauf s’il a perçu une indemnité d’assurance. Dans ce cas, il rapporte l’indemnité d’assurance ou la valeur de ce qu’il a acheté avec cette indemnité (C. civ. art. 855).

Précisions
L’emploi d’une donation de somme d’argent au financement de travaux de construction sur un terrain appartenant au donataire ne constitue pas une « acquisition » au sens de l’article 860-1 du Code civil ; ce financement reste dès lors sans incidence sur le montant du rapport qui est du nominal (Cass. 1e civ. 14-5-2014 n° 12-25.735 : Bull. civ. I n° 94, BPAT 4/14 inf. 169).

Lorsque la somme d’argent donnée a été investie dans l’acquisition d’un bien, lequel est aliéné avant le partage, il faut distinguer (C. civ. art. 860-1 qui renvoie à C. civ. art. 860, al. 2) :

  • soit l’aliénation n’a pas été suivie du remploi du prix de vente dans une nouvelle acquisition. Dans ce cas de figure, le montant du rapport correspond à la valeur du bien cédé à l’époque de l’aliénation. Pour autant, cette valeur ne doit pas être assimilée au prix de vente ni au prix de cession de l’immeuble diminué du coût des travaux lorsque le bien aliéné a été amélioré par la réalisation de travaux imputables au donataire (pour des illustrations, Cass. 1e civ. 20-6-2012 n° 11-15.362 F-D : BPAT 5/12 inf. 258, solution rendue en application des anciens articles 860 et 869 du Code civil mais transposable sous le régime actuel des articles 860 et 860-1 issus de la loi 2006-728 du 23-6-2006 ; Cass. 1e civ. 17-11-2021 n° 19-23.218 F-D : BPAT 5/12 inf. 258).
  • soit un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné. On tient alors compte de la valeur de ce bien subrogé à l’époque du partage, d’après son état à l’époque de l’acquisition, sous réserve du cas du bien dont la dépréciation était inéluctable au jour de son acquisition.

Rapport en nature

Il n’y a que deux cas de rapport en nature.

En premier lieu, l’acte de donation peut l’avoir stipulé : le rapport en valeur n’étant pas impératif, le donateur peut, en accord avec le donataire, prévoir que le rapport du bien donné se fera en nature (C. civ. art. 858, al. 2).

En second lieu, le donataire peut effectuer spontanément son rapport en nature, si deux conditions sont réunies :

  • le bien est libre de toute charge ou occupation dont il n’aurait pas déjà été grevé à l’époque de la donation (C. civ. art. 859). Cette condition vise à éviter l’anéantissement au préjudice de tiers de droits et de charges créés par le donataire (une hypothèque grevant l’immeuble donné, un bail au profit d’un locataire, etc.) ;
  • l’acte de donation n’a pas écarté la possibilité pour l’héritier d’effectuer son rapport en nature (Cass. 1e civ. 12-1-2011 n° 09-15.298 FS-PBI, solution rendue en application des dispositions antérieures à la loi du 23-6-2006 mais à notre avis toujours valable).

L’option en faveur du rapport en nature est indivisible : l’héritier ne peut choisir un rapport en nature partiel (CA Nancy 1e ch. 14-2-1996 n° 2425/92).

Comment évaluer le montant rapportable ?

Vos frères et sœurs ont reçu une donation et vous interrogez sur le montant qui doit être réintégré à la succession ? Il convient de distinguer selon qu’il s’agisse de la donation d’un bien immobilier ou d’une somme d’argent.

L’article 860 du Code civil pose le principe selon lequel « le rapport est dû de la valeur du bien donné à l’époque du partage, d’après son état à l’époque de la donation. » Certains tempéraments ont toutefois été prévus par le législateur :

  • Si le bien a été vendu avant le partage de la succession, il faut rapporter la valeur au moment de la vente.
  • Si un nouveau bien a été acheté à la suite de la vente du bien donné, il faut prendre en compte la valeur du nouveau bien au moment du partage, selon son état au moment de l’acquisition.

Si le défunt avait fait la donation d’une somme d’argent, le rapport doit être égal à son montant. L’article 860-1 du Code civil dispose toutefois que si elle a servi à faire l’acquisition d’un bien immobilier, le rapport est dû de la valeur de ce bien.

Le montant du rapport peut dans certains cas être compliqué à estimer. Dans ce cas, l’assistance d’un professionnel du droit peut s’avérer être d’une aide précieuse.

Sur qui pèse la charge de la preuve ?

Selon l’article 843 du Code civil, l’héritier qui reçoit une donation, directement ou indirectement, doit en principe en informer ses cohéritiers.

Il convient néanmoins de préciser qu’en cas de conflit entre héritiers, il revient à celui d’entre eux qui demande le rapport d’une donation de prouver l’existence de celle-ci.

L’héritier qui souhaiterait rétablir l’égalité successorale pourrait donc dans certains cas se heurter à des difficultés pour prouver l’existence d’une donation ainsi que son montant.

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