Correctionnalisation pénale : qu’est ce que c’est ?

Définition de la correctionnalisation

La correctionnalisation des viols est une pratique judiciaire où des faits qualifiés de viol sont artificiellement requalifiés en agression sexuelle, non pas parce que les éléments constitutifs du viol ne sont pas réunis, mais pour que l’affaire soit jugée sous une qualification moins grave.

Pourquoi correctionnaliser ?

Cette pratique de correctionnalisation, effectuée par le juge d’instruction à la fin de son enquête, permet

  1. de contourner l’aléa du jury populaire ;
  2. de juger plus vite en réduisant les délais d’audiencement qui sont plus long pour les cours d’assises que pour le tribunal correctionnel

Quelle critique pour la correctionnalisation ?

C’est un enjeu symbolique majeur.

Cela crée une hiérarchie implicite entre différents types de viols. Par exemple, les viols commis par pénétration digitale ou par acte bucco-génital sont fréquemment requalifiés en agression sexuelle, de même que les viols commis sur des personnes prostituées, des personnes atteintes de troubles mentaux, des mineurs très jeunes, ou dans le cadre de certains viols conjugaux.

Cette correctionnalisation véhicule l’idée que certains viols seraient des sous-crimes devant être jugés par des juridictions inférieures (tribunal correctionnel, tribunal des délits) et non des viols à part entière (cour d’assises, pour les crimes).

Quel impact sur les peines ?

La correctionnalisation, en plus d’être un enjeu symbolique majeur, a aussi un impact sur les peines.

En effet, lorsque le viol est requalifié en agression sexuelle et jugé par un tribunal correctionnel, la peine encourue n’est plus celle de 15 ans prévue pour un viol (20 ans si aggravé), mais seulement de 5 ans pour une agression sexuelle (7 ans si aggravée).

C’est légal ? Comment s’y opposer ?

La loi n°2004-204 du 9 mars 2004 dite loi Perben II a intégré deux nouveaux textes dans le Code de procédure pénale : l’article 186-3 alinéa 1ier du CPP et l’article 469 alinéa 4 du CPP.

Il résulte de la combinaison de ces deux textes que si par principe, un appel d’une partie civile contre une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel est parfaitement impossible, il demeure envisageable dans le cas où cette partie civile estime « que les faits renvoyés devant le tribunal correctionnel constituent un crime qui aurait dû faire l’objet d’une ordonnance de mise en accusation devant la cour d’assises ».

Ainsi, la victime a la possibilité de contester, par cette voie, la correctionnalisation opérée à l’issue de l’instruction.

Cependant, le dernier alinéa de l’article 469 du CPP présente la contrepartie de cette faculté, voire de cette « concession » : si la victime était constituée partie civile et assistée d’un avocat lorsque ce renvoi a été ordonné, le tribunal correctionnel ne peut pas, dans le cas où les faits lui semble de nature criminelle, ni d’office (c’est-à-dire de lui-même), ni à la demande des parties (prévenu ou partie civile) décider de renvoyer l’affaire au ministère public pour qu’il donne à la procédure une autre orientation. La compétence du juge est donc définitivement figée.

Ne méconnaît pas les articles 388 et 469 du code de procédure pénale, le juge correctionnel qui, lorsque les conditions de la correctionnalisation judiciaire prévues par les textes sont remplies, réprime sous une qualification correctionnelle (comme la qualification d’agression sexuelle), sans le « dissimuler », des faits de nature criminelle (comme des faits de pénétration sexuelle). Crim. 8 févr. 2023, F-B, n° 22-80.885

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