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Fins de non-recevoir pour défaut de droit d’agir

En cours de rédaction

Définition

Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée (CPC art. 122).

Le mot « demande » ne doit pas être pris dans un sens étroit. L’argument de fin de non-recevoir bénéficie aussi au demandeur confronté à une demande incidente.

Une fin de non-recevoir permet donc de contester la recevabilité de l’action du demandeur et a pour effet de le priver de l’accès au juge puisque sa demande, déclarée irrecevable, ne sera pas examinée.

La liste de l’article 122 du CPC n’est pas limitative (Cass. ch. mixte 14-2-2003 n° 00-19.423 : RJDA 5/03 n° 556).

Comparaison des fins de non-recevoir avec d’autres moyens de défense

Ne constitue pas une fin de non-recevoir mais une demande reconventionnelle celle formulée de manière expresse par un défendeur, en nullité de l’association syndicale libre demanderesse, demande qui touche au fond du droit et n’est pas une contestation de la qualité pour agir de l’adversaire (Cass. 3e civ. 18-12-1991 n° 90-11.048 : Bull. civ. III n° 320).

Les fins de non-recevoir doivent également être distinguées des exceptions de procédure et principalement des nullités des actes de procédure pour vice de forme ou de fond qui ne touchent pas au droit d’action mais portent sur la validité d’un acte. Il reste que certains textes prévoient que l’omission de mentions dans un acte, qui s’apparente à un vice de forme, est une cause d’irrecevabilité de l’acte (n° 10795).

Illustration

Constitue une fin de non-recevoir et non une exception d’incompétence, le moyen tiré de l’immunité de juridiction, car, dans ce cas, l’interdiction faite au juge de connaître du litige n’est pas une question de compétence de ce juge mais une question de pouvoir juridictionnel (Cass. 1e civ. 15-4-1986 n° 84-13.422 : Bull. civ. I n° 87).

Constitue également une fin de non-recevoir et non une exception d’incompétence le défaut de pouvoir du juge de l’exécution pour statuer sur la responsabilité d’un notaire (Cass. 2e civ. 8-1-2015 n° 13-21.004 : Bull. civ. II n° 3) ou sur une demande de condamnation à des dommages-intérêts contre le créancier saisissant, qui n’est pas fondée sur l’exécution ou l’inexécution dommageable de la mesure, le juge ne disposant pas du pouvoir juridictionnel de statuer sur celle-ci (Cass. 2e civ. 15-4-2021 n° 19-20.281 F-P).

Le défaut de saisine régulière d’un tribunal ne constitue pas un vice de forme, mais une fin de non-recevoir (Cass. 2e civ. 6-1-2011 n° 09-72.506 : Bull. civ. II n° 5 ; Cass. 2e civ. 1-6-2017 n° 16-15.568 F-PB). En revanche, affectant le contenu de l’acte de saisine de la juridiction et non le mode de saisine de celle-ci, l’irrégularité des mentions de la déclaration de saisine de la juridiction de renvoi après cassation ne constitue pas une cause d’irrecevabilité de celle-ci, mais relève des nullités pour vice de forme (Cass. 2e civ. 19-10-2017 n° 16-11.266 F-PB).

Fin de non-recevoir et prescription

Une demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription et l’effet interruptif perdure même en cas d’annulation de l’acte de saisine par l’effet d’un vice de procédure (C. civ. art. 2241).

En revanche, l’interruption de la prescription est non avenue si la demande est définitivement rejetée (C. civ. art. 2243).

La Cour de cassation a précisé que :

– l’article 2241 du Code civil s’applique aux vices de procédures et non aux fins de non-recevoir ;

– l’article 2243 dudit Code ne distinguant pas selon que la demande est définitivement rejetée par un moyen de fond ou par une fin de non-recevoir, l’effet interruptif de prescription de la demande en justice est non avenu si celle-ci est déclarée irrecevable.

Il en résulte que, lorsque l’assignation tendant à une condamnation au titre de l’insuffisance d’actif et à une mesure de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer est déclarée irrecevable, elle n’interrompt pas la prescription (Cass. 2e civ. 26-1-2016 n° 14-17.952 FS-PB : RJDA 5/16 n° 388).

Typologie des fins de non-recevoir pour défaut de droit d’agir

Fins de non-recevoir définitives

  • Délais pour agir (prescription et forclusion). Cas discuté : Les délais innommés (Cass. civ., 3e, 22 sept. 2009, n° 04-15.436)
  • Autorité de chose jugée. Cas discuté : Le caractère obligatoire des demandes incidentes (Cass. civ. 1ère 1er juill. 2010, n°09-10.364)
  • Transaction. Cas discuté : La résolution de la transaction (Cass. civ. 1re, 12 juill. 2012, n° 09-11.582)

Fins de non-recevoir régularisables

  • Intérêt à agir Cas discuté : L’intérêt à agir des associations de défense (Cass. civ. 1re, 16 mars 2016, n° 15-10.577)
  • Qualité à agir Cas discuté : La qualité pour interjeter appel (Cass. civ. 1re, 24 mai 2018, n°17-18.859)
  • Médiation, conciliation, convention de procédure participative Cas discuté : Le caractère impératif de la clause de conciliation (Cass. soc. 7 déc. 2011, n° 10-16.425)

Causes d’irrecevabilité des fins de non-recevoir

Outre les cas cités à l’article 122 du CPC, les fins de non-recevoir peuvent résulter de textes particuliers ou de clauses contractuelles prévoyant un préalable de conciliation ou de médiation avant toute introduction d’une action en justice.

Défauts d’actes, formalités ou mentions

Constitue une irrégularité sanctionnée par une fin de non-recevoir l’absence de certains actes, formalités ou mentions tels que :

  • – défaut de saisine régulière d’un tribunal (Cass. 3e civ. 2-10-1996 n° 94-18.535 : Bull. civ. III n° 202 ; Cass. 2e civ. 6-1-2011 n° 09-72.506 : Bull. civ. II n° 5 ; Cass. 2e civ. 1-6-2017 n° 16-15.568 F-PB) ;
  • – défaut de publication d’une demande judiciaire en matière immobilière (Décret 55-22 du 4-1-1955 art. 30, dernier al. ; Cass. 1e civ. 20-10-1981 n° 80-14.741 : Bull. civ. I n° 301 ; Cass. com. 12-4-2005 n° 03-18.606 : RJDA 8-9/05 n° 1055) ;
  • – absence de saisine préalable du conseil régional de l’ordre des architectes pour tenter une conciliation sur un différend entre architectes, conformément aux dispositions du Code des devoirs professionnels de l’architecture (Cass. 2e civ. 29-3-2017 n° 16-16.585 F-PB : Bull. civ. II n° 112).

Défaut de qualité (pas très clair en pratique)

Le défaut du droit d’agir peut résulter du défaut de qualité du demandeur. Il peut aussi résulter du défaut de qualité du défendeur.

C’est par exemple quand une société n’est plus propriétaire d’un bien qu’elle revendique pour l’avoir cédé à un tiers Cass. 2e civ., 4 févr. 2021, n° 19-16.795.

Avis personnel : très rare, en général il faut plutpit soulever le vice de fond.

Il ne faut pas confondre le défaut de qualité de la partie pour agir avec le défaut de pouvoir de son éventuel représentant. Le défaut de pouvoir n’est pas une fin de non – recevoir mais un cas de nullité pour vice de fond ( CPC, art. 117 . – V. par ex. : Cass. 2e civ., 10 juin 2021, n° 20-15.410).

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Défaut d’intérêt (fonctionne souvent que si action attitrée)

Par application de l’ article 31 du Code de procédure civile , l’action est ouverte à ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sauf attribution légale du droit d’agir, dans des cas déterminés.

L’absence d’intérêt légitime entraîne donc l’absence de droit d’agir.

L’intérêt au succès ou au rejet d’une prétention s’apprécie au jour de l’introduction de la demande en justice (Cass. 3e civ., 27 janv. 2015, n° 13-27.703 : JurisData n° 2015-001504 ; Procédures 2015, comm. 111 , Y. Strickler).

Cette condition soulève beaucoup de difficultés lorsqu’est en cause un intérêt collectif. Puisque l’intérêt doit en principe être personnel, il faut que celui ou celle qui prétend agir dans un intérêt collectif ait qualité pour agir. La question se pose notamment pour les associations : la jurisprudence récente semble aujourd’hui très libérale ce qui ne peut qu’inquiéter ceux que préoccupe l’encombrement des juridictions (V. not. : Cass. 1re civ., 18 sept 2008, n° 06-22.038 : JurisData n° 2008-045004 ; Bull. civ. I, n° 201 ; JCP G 2008, II, 10200 , note N. Dupont ; D. 2008, p. 2437, obs. X. Delpech ; D. 2009, p. 393, obs. E. Poillot, jugeant que ” même hors habilitation législative, et en l’absence de prévision statutaire expresse quant à l’emprunt des voies judiciaires, une association peut agir en justice au nom d’intérêts collectifs dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social “. – Également : Cass. 1re civ., 2 oct. 2013, n° 12-21.152 . – Cass. 1re civ., 30 mars 2022, n° 21-13.970, P ).

L’intérêt doit également être légitime (pour un exemple d’application de la fin de non- recevoir née de l’ article 1965 du Code civil , aux termes duquel : ” la loi n’accorde aucune action pour une dette du jeu ou pour le paiement d’un pari” : Cass. 1re civ., 13 mars 2019, n° 18-13.856).

Délais pour agir (prescription)

La prescription est un mode d’extinction de l’action en justice, voire du droit qui la fonde. Elle permet de faire déclarer la demande irrecevable, sans examen au fond ; c’est donc une fin de non-recevoir (par ex. : Cass. 2e civ., 18 déc. 2014, n° 13-19.770, inédit).
Le délai préfix est un délai de forclusion qui s’oppose à l’exercice d’un droit. Il constitue donc également un obstacle à la saisine d’un juge (V. par ex., Cass. 2e civ., 6 nov. 2014, n° 13-23.326 : JurisData n° 2014-026609. – JCl. Procédures Formulaire, V° Prescription extinctive, fasc. 10).
Il appartient à la partie qui invoque la fin de non-recevoir, tirée de la forclusion, d’en justifier (Cass. 2e civ., 11 mai 2006, n° 05-04.038 : JurisData n° 2006-033711).
Si les juges du fond sont tenus de relever d’office la fin de non-recevoir tirée de la forclusion, édictée par l’article L. 311-52 du Code de la consommation (devenu C. consom., art. R. 312-35), c’est à la condition que celle-ci résulte des faits litigieux dont l’allégation comme la preuve incombe aux parties (Cass. 1re civ., 14 mai 2009, n° 08-12.836 : JurisData n° 2009-048147 ; D. 2009, p. 1476, V. Avena-Robardet). Le juge ne peut relever d’office la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l’action, sans l’avoir préalablement constatée (Cass. 1re civ., 19 sept. 2007, n° 06-10.629 : JurisData n° 2007-040375).
Le non-respect des délais de voies de recours est également sanctionné par une fin de non-recevoir (CPC, art. 125).

Chose jugée

La chose jugée a pour conséquence de rendre la partie adverse irrecevable en toute demande contraire ou qui s’opposerait à ce qui a été jugé (Cass. 2e civ., 15 sept. 2005, n° 01-16.762 : JurisData n° 2005-029690. – JCl. Procédures Formulaire, V° Chose jugée, fasc. 10).
Bien qu’il ne soit plus aujourd’hui question de chose jugée, ” la transaction fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les parties d’une action en justice ayant le même objet ” (C. civ., art. 2052).

le délai préfix

en cours

Défaut d’indication des informations essentielles des concluants en appel (article 961 CPC) [pas vraiment régularisable si délai d’appel pour conclure expiré]

Contradiction au détriment d’autrui (estoppel) Estoppel : interdiction de se contredire au détriment d’autrui

La seule circonstance qu’une partie se contredise au détriment d’autrui n’emporte pas nécessairement fin de non-recevoir (Cass. ass. plén., 27 févr. 2009, n° 07-19.841 : JurisData n° 2009-047173 ; JCP G 2009, act. 147 ; JCP G 2009, II, 10073, P. Callé ; BICC 15 avr. 2009, p. 12 , rapp. Boval, avis De Gouttes ; D. 2009, p. 723, X. Delpech ; D. 2009, p. 1245, D. Houtcieff : décision rendue au visa de l’article 122 du Code de procédure civile, sur un moyen soulevé d’office, l’arrêt relevant, notamment, que les actions engagées n’étaient ni de même nature, ni fondées sur les mêmes conventions et n’opposaient pas les mêmes parties).
En particulier ” la fin de non-recevoir et la défense au fond ont une nature différente, exclusive de toute contradiction entre elles ” (Cass. 3e civ., 9 févr. 2022, n° 20-20.148, inédit : JurisData n° 2022-001646).
On constate cependant une multiplication des cas dans lesquels le principe selon lequel ” nul ne peut se contredire au détriment d’autrui ” est invoqué avec succès (notamment : Cass. com., 20 sept. 2011, n° 10-22.888 : JurisData n° 2011-019424 ; D. 2011, p. 2345, X. Delpech ; RTD civ. 2011, p. 760 , B. Fages ; JCP G 2011, 1250, D. Houtcieff ; JCP G 2011, 1397, S. Amrani-Mekki. – Cass. 1re civ., 22 oct. 2014, n° 12-29.265 : JurisData n° 2014-024917 ; JCP G 2014, 1265, Ph. Simler. – V. cependant : Cass. 1re civ., 24 sept. 2014, n° 13-14.534 : JurisData n° 2014-021768 ; JCP G 2014, 1141, D. Houtcieff ; JCP E 2014, 1608, N. Dupont ; D. 2015, p. 655, M. Douchy-Oudot. – Cass. com., 10 févr. 2015, n° 13-28.262 : JurisData n° 2015-002261 ; JCP G 2015, 470, N. Fricero ; JCP E 2015, 1189, Dupont ; Procédures 2015, comm. 108. – Cass. soc., 22 sept. 2015, n° 14-16.947, P : JurisData n° 2015-021023 ; JCP G 2015, 1304, n° 12, S. Amrani-Mekki. – Cass. 2e civ., 15 mars 2018, n° 17-21.991, P : JurisData n° 2018-003495).
Mise à jour du 07 juin 2024 – Note de la rédaction
§ 13 Estoppel : interdiction de se contredire au détriment d’autrui

“Vu le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d’autrui. Pour rejeter les demandes de la SCI et de la SNC, l’arrêt retient qu’elles ont eu une attitude procédurale empreinte de contradiction et de déloyauté au détriment des constructeurs en maintenant devant la cour d’appel de renvoi leur demande de garantie au coût de travaux dont elles savaient qu’ils ne seraient pas réalisés, puisqu’elles avaient transigé avec l’ASL qui avait renoncé à ces travaux. En statuant ainsi, alors que la SCI et la SNC n’avaient pas modifié leurs prétentions à l’égard de la société Gémo et de son assureur au cours du débat judiciaire les opposant et qu’il ne pouvait être tenu compte de leurs déclarations dans une transaction qu’elles avaient conclue avec une autre partie pour considérer qu’elles s’étaient contredites au détriment de la société Gémo et de son assureur, la cour d’appel a violé le principe susvisé” ( Cass. 3e civ., 19 oct. 2023, n° 22-19.760 , inédit : JurisData n° 2023-019416 ).

Le principe de l’estoppel, issu de la Common Law, pose un principe de cohérence interdisant à un plaideur de se contredire au détriment de son adversaire, sous peine d’irrecevabilité de sa prétention. L’estoppel sanctionne un défaut de loyauté d’une partie ; il n’est pas destiné à sanctionner une simple erreur (Cass. com. 21-2-2012 n° 11-10.564 : RJDA 5/12 n° 517).

Le principe de l’estoppel a été admis en matière d’arbitrage par la jurisprudence puis par l’article 1466 du CPC prévoyant que la partie qui, en connaissance de cause et sans motif légitime, s’abstient d’invoquer en temps utile une irrégularité devant le tribunal arbitral, est réputée avoir renoncé à s’en prévaloir.

En dehors du domaine de l’arbitrage, la Cour de cassation a d’abord appliqué ce principe, sans le nommer, en jugeant irrecevable le moyen d’un plaideur contraire à l’argumentation qu’il soutenait auparavant (Cass. com. 20-3-2001 n° 97-10.760 ; Cass. 2e civ. 20-10-2005 n° 03-13.932 : Bull. civ. II n° 257).

La Cour de cassation a ensuite admis de façon indirecte que l’absence de cohérence pouvait constituer une fin de non-recevoir. En effet, dans une espèce où les différentes actions engagées par la partie à laquelle il était reproché de se contredire n’étaient ni de même nature, ni fondées sur les mêmes conventions et n’opposaient pas les mêmes parties, elle a jugé que la seule circonstance qu’une partie se contredise au détriment d’autrui n’emporte pas nécessairement fin de non-recevoir (Cass. ass. plén. 27-2-2009 n° 07-19.841 : Bull. civ. ass. plén. n° 1). Enfin, elle a reconnu comme un principe général l’impossibilité de se contredire au détriment d’autrui (Cass. com. 20-9-2011 n° 10-22.888 : Bull. civ. IV n° 132).

Pour être sanctionné par une fin de non-recevoir, le comportement procédural du plaideur doit être constitutif d’un changement de position, en droit, de nature à induire l’autre partie en erreur sur ses intentions (Cass. 1e civ. 3-2-2010 n° 08-21.288 : Bull. civ. I n° 25), à condition que la contradiction affecte des actions de même nature (en ce sens : Cass. ass. plén. 27-2-2009 n° 07-19.841 : Bull. civ. ass. plén. n° 1 ; Cass. soc. 22-9-2015 n° 14-16.947 FS-PB : RJS 12/15 n° 803) et au cours d’une même instance (Cass. 2e civ. 15-3-2018 n° 17-21.991 F-PBI).

Illustration

Admissions de fins de non-recevoir tirées de l’estoppel

Est irrecevable, comme incompatible avec la position adoptée devant les juges du fond, le moyen par lequel une partie fait grief à l’arrêt d’appel d’avoir révoqué l’ordonnance de clôture dès lors qu’à l’audience, elle a sollicité le rabat de cette ordonnance (Cass. 2e civ. 20-10-2005 n° 03-13.932 : Bull. civ. II n° 257).

Un assureur qui s’est prévalu de la nature décennale des désordres pour exiger de son assuré le versement de primes majorées ne peut ensuite contester devant les juges du fond la garantie correspondante pour lui voir substituer la garantie « défaut de performance » moins onéreuse pour lui (Cass. 3e civ. 28-1-2009 n° 07-20.891 : RJDA 8-9/09 n° 796).

Le plaideur qui a instrumenté un pourvoi ayant abouti à la cassation partielle de l’arrêt attaqué ne peut se prévaloir devant la cour de renvoi de la circonstance qu’il aurait été dépourvu de personnalité juridique lors des instances ayant conduit à l’instance soumise à cette cour (Cass. com. 20-9-2011 n° 10-22.888 : Bull. civ. IV n° 132).

Le comportement procédural consistant, pour un plaideur parfaitement informé de la situation, à soutenir en même temps deux positions incompatibles doit être sanctionné par l’irrecevabilité de ses demandes, en vertu du principe suivant lequel une partie ne peut se contredire au détriment d’autrui (CA Orléans 10-7-2007 n° 06/02347 : RJDA 6/08 n° 746).

Dans le cadre d’une liquidation partage de communauté entre époux, l’un d’eux avait, devant le premier juge, demandé expressément que soit retenue l’évaluation de l’expert relative aux loyers perçus par son ex-conjoint et aux charges payées par lui, puis, en cause d’appel, invoqué des prétentions différentes à ce titre, sans pour autant se prévaloir de nouvelles pièces de nature à expliquer leur contradiction avec sa première demande ; sa demande a été déclarée irrecevable (Cass. 1e civ. 22-10-2014 n° 12-29.265 : Bull. civ. I n° 176).

Rejets de fins de non-recevoir tirées de l’estoppel

Une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité de locataire, dès lors qu’elle peut être opposée en tout état de cause, peut l’être tardivement par une partie qui n’avait réagi ni à réception du congé ni devant le juge des loyers commerciaux (Cass. 2e civ. 14-11-2013 n° 12-25.835 : Bull. civ. II n° 221).

Un demandeur ne se contredit pas non plus au détriment d’autrui lorsqu’il livre, dans une première procédure engagée aux États-Unis, une certaine présentation de l’opération envisagée puis, dans une procédure engagée en France, une autre présentation ; ses prétentions n’ayant pas pu induire les défendeurs en erreur sur ses intentions, son action a été jugée recevable (Cass. 1e civ. 24-9-2014 n° 13-14.534 : Bull. civ. I n° 154).

Malgré une véritable contradiction entre deux positions adoptées successivement par une partie, les défenses au fond pouvant être invoquées en tout état de cause, les parties peuvent, en cause d’appel, invoquer des moyens nouveaux pour justifier les prétentions qu’elles ont soumises au premier juge (Cass. com. 10-2-2015 n° 13-28.262 : Bull. civ. IV n° 17).

L’action engagée devant la juridiction prud’homale étant distincte de celle qui s’était terminée par un jugement définitif rendu par le tribunal d’instance, la cour d’appel ne saurait retenir que le salarié ne pouvait pas, sans se contredire, à la fois soutenir dans le cadre du litige soumis au juge d’instance qu’il n’avait pas la qualité de salarié de la société partie au litige, puis revendiquer cette même qualité devant la juridiction prud’homale (Cass. soc. 22-9-2015 n° 14-16.947 FS-PB : RJS 12/15 n° 803).

Les allégations d’une partie à une instance au fond ne peuvent pas être prises en compte lors d’une procédure postérieure de référé-expertise pour considérer que cette partie s’est contredite au détriment de son adversaire (Cass. 2e civ. 22-2-2017 n° 15-29.202 F-PB).

Est recevable la demande de radiation d’une caisse d’assurance maladie française présentée par un assuré, salarié en Suisse, qui, à sa demande, a été affilié au régime français avant de demander le bénéfice de l’assurance maladie suisse, dès lors que les positions contraires alléguées n’ont pas été adoptées au cours de la même instance (Cass. 2e civ. 15-3-2018 n° 17-21.991 F-PBI).

Un copropriétaire est recevable à assigner le syndicat des copropriétaires en annulation de la décision d’assemblée générale ayant décidé la suppression du poste de concierge, même s’il a voté en faveur de résolutions connexes à la résolution sur la suppression de ce poste dès lors que ce vote n’a pas eu pour effet de modifier la nature du vote sur la résolution contestée et qu’il n’est pas invoqué une contradiction au détriment d’autrui lors du débat judiciaire (Cass. 3e civ. 28-6-2018 n° 1716.693 FS-PBI).

Mise en œuvre des fins de non-recevoir

Moment de la présentation

Les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu’il n’en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt (CPC art. 123). L’appréciation de l’intention dilatoire relève de l’appréciation souveraine des juges du fond (Cass. 2e civ. 1-7-1981 n° 80-12.356 : Bull. civ. II n° 144 ; Cass. 2e civ. 27-2-2003 n° 01-11.975 : Bull. civ. II n° 44).

Attention

Les parties à une convention de procédure participative aux fins de mise en état ont, à tout moment, la possibilité de renoncer expressément à se prévaloir d’une fin de non-recevoir, à l’exception de celles qui surviennent ou sont révélées postérieurement à la signature de la convention de procédure participative (CPC art. 1546-1, al. 2 modifié par décret 2021-1322 du 11-10-2021).

Les fins de non-recevoir peuvent être proposées après qu’il a été conclu au fond (Cass. 2e civ. 10-10-1990 n° 88-16.685 : Bull. civ. II n° 191). Elles peuvent être proposées pour la première fois en appel, tel le moyen tiré par une partie de son défaut de qualité (Cass. 3e civ. 16-6-1982 n° 81-10.121 : Gaz. Pal. 1982 pan. p. 329) ou de la prescription (Cass. 2e civ. 1-12-2016 n° 15-27.143 F-PB). Dans cette dernière affaire, une cour d’appel a été censurée pour avoir déclaré irrecevable comme nouvelle une demande tendant à voir déclarer prescrite une créance, alors que celle-ci constitue une fin de non-recevoir. Ce moyen peut également être opposé au stade de la procédure d’exécution d’une décision de justice, quand bien même il ne l’aurait pas été lors de la procédure initiale ayant conduit à cette décision (Cass. 2e civ. 17-10-2013 n° 12-26.624 : Bull. civ. II n° 196).

Bien que les fins de non-recevoir puissent être invoquées à tout moment de la procédure, les règles spécifiques aux procédures écrites engagées devant le tribunal judiciaire, lorsque la représentation par avocat est obligatoire, imposent de soulever les fins de non-recevoir avant le dessaisissement du juge de la mise en état (CPC art. 789 ; n° 10831).

Lorsque la procédure est orale, les fins de non-recevoir peuvent être formulées au moment de l’audience sauf à ce que, s’il est nécessaire de faire respecter le principe de contradiction, le tribunal renvoie l’affaire à une prochaine audience (Cass. com. 10-10-1989 n° 87-20.141 : Bull. civ. IV n° 249). Le fait pour une partie de déposer des conclusions avant d’invoquer, à un moment quelconque de la cause, la prescription n’établit pas sa volonté non équivoque de renoncer à cette fin de non-recevoir (Cass. 2e civ. 12-4-2018 n° 17-15.434 F-PB).

Compétence en matière de fins de non-recevoir

En application du principe selon lequel le juge de l’action est le juge de l’exception, c’est devant la juridiction du fond saisie du litige que la fin de non-recevoir doit être invoquée, sauf si elle soulève une question qui relève de la compétence exclusive d’une autre juridiction (CPC art. 49, al. 1).

Toutefois, devant le tribunal judiciaire, dans la mesure où un juge de la mise en état est désigné, et où la demande est présentée postérieurement à sa désignation, ce dernier est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent à l’exclusion de toute autre formation du tribunal pour statuer sur les fins de non-recevoir ; les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir ultérieurement à moins que les moyens ne surviennent ou ne soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge (CPC art. 789).

Devant la cour d’appel, la même compétence est attribuée au conseiller de la mise en état (CPC art. 907), sauf si la procédure est instruite conformément aux dispositions de l’article 905 du CPC (n° 26360 s.).

Nécessité d’un grief et fins de non-recevoir

Les fins de non-recevoir doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d’un grief et alors même que l’irrecevabilité ne résulterait d’aucune disposition expresse (CPC art. 124). C’est ce qui a été retenu par exemple pour l’irrecevabilité pour défaut d’intérêt et de qualité (Cass. 3e civ. 12-5-1976 n° 75-70.142 : Bull. civ. III n° 203) ou pour défaut de saisine régulière d’un tribunal (Cass. 2e civ. 6-1-2011 n° 09-72.506 : Bull. civ. II n° 5).

Ordre public et rôle du juge en matière de fins de non-recevoir

Fins de non-recevoir relevées d’office obligatoirement

Les fins de non-recevoir doivent être relevées d’office lorsqu’elles ont un caractère d’ordre public, notamment lorsqu’elles résultent (CPC art. 125, al. 1) :

– de l’autorité de la chose jugée attachée à une décision précédemment rendue dans la même instance (Cass. 2e civ. 14-1-2021 n° 19-17.758 F-PBI ; rapprocher de Cass. 2e civ. 17-9-2020 n° 19-17.673 F-PBI) ;

– de l’inobservation de délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours (pour l’irrecevabilité d’un appel tardif, voir notamment Cass. 2e civ. 21-7-1986 n° 85-11.733 : Bull. civ. II n° 133 ; Cass. com. 12-7-2004 n° 03-12.672 : Bull. civ. IV n° 161 ; Cass. com. 17-5-2011 n° 10-16.526 : RJDA 11/11 n° 952 et pour l’irrecevabilité d’un appel incident, Cass. 2e civ. 28-9-2017 n° 16-23.497 F-PB) ;

– de l’absence d’ouverture d’une voie de recours (Cass. ch. mixte 25-10-2004 n° 03-14.219 : Bull. civ. ch. mixte n° 3 ; Cass. 2e civ. 29-9-2011 n° 10-27.658 : Bull. civ. II n° 179 ; sur le défaut d’autorisation du premier président, dans le cas où elle est rendue nécessaire pour relever appel, voir notamment Cass. 3e civ. 15-1-1985 n° 83-16.164 : Bull. civ. III n° 10 ; Cass. soc. 2-5-1989 n° 86-42.048 : Bull. civ. V n° 316 ; Cass. soc. 17-2-1993 n° 89-45.744 : Bull. civ. V n° 60).

Doit être relevé d’office l’irrecevabilité d’un appel interjeté selon une forme autre que celle prévue, ce qui équivaut à une absence d’acte (Cass. soc. 9-3-1989 n° 87-16.095 : Bull. civ. V n° 205) ou la fin de non-recevoir tirée de l’expiration du délai biennal de forclusion en matière de crédit à la consommation (Cass. 1e civ. 9-6-1993 n° 91-16.084 : Bull. civ. I n° 211).

En matière d’état des personnes, les fins de non-recevoir ont également un caractère d’ordre public (Cass. 1e civ. 28-3-1995 n° 92-20.205 : Bull. civ. I n° 144, défaut de qualité pour agir au nom d’un enfant mineur ayant fait l’objet d’une adoption plénière ; Cass. 1e civ. 6-5-2009 n° 07-21.826 : Bull. civ. I n° 89, absence de mise en cause des deux époux dans le cadre d’une action en nullité ou en inopposabilité d’un mariage ; Cass. 1e civ. 24-5-2018 n° 17-18.859 FS-PBI, défaut de qualité de parents, qui n’étaient requérants ni à la procédure initiale aux fins d’ouverture d’une mesure de protection ni à l’instance en mainlevée de la mesure, pour interjeter appel du jugement de mainlevée).

Le juge qui relève d’office une fin de non-recevoir doit respecter le principe du contradictoire et inviter les parties à présenter leurs observations (Cass. ch. mixte 10-7-1981 n° 77-10.745 : Bull. ch. mixte n° 6 ; Cass. 2e civ. 16-12-2010 n° 09-16.846). Toutefois, cette invitation n’est pas indispensable lorsque les parties se sont expliquées contradictoirement sur la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de l’appel, soulevée par l’une d’entre elles mais déclarée irrecevable faute d’avoir été soumise au magistrat exclusivement compétent (conseiller de la mise en état) puis finalement relevée d’office par la cour d’appel (Cass. 2e civ. 5-6-2014 n° 13-19.920 : Bull. civ. n° 130).

Fins de non-recevoir relevées d’office éventuellement

Le juge a la faculté de relever d’office la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt, du défaut de qualité ou de la chose jugée (CPC art. 125, al. 2), après qu’il a invité les parties à présenter leurs observations (Cass. 3e civ. 3-4-2001 n° 99-17.476).

Autres fins de non-recevoir

Les autres fins de non-recevoir ne peuvent pas être relevées d’office. Ainsi en est-il en matière de prescription : les juges ne peuvent pas suppléer d’office le moyen résultant de la prescription (C. civ. art. 2247).

Régularisation des fins de non-recevoir

Dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d’être régularisée, l’irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue ou si, avant toute forclusion, la personne ayant qualité pour agir devient partie à l’instance (CPC art. 126).

La régularisation peut résulter de l’intervention d’une personne ayant qualité ou de l’obtention de la qualité.

Sur la régularisation d’une action irrégulièrement engagée par un débiteur en procédure collective, voir n° 51290.

Illustration

La régularisation peut résulter de :

– l’action de l’assureur engagée avant expiration du délai de forclusion bien que, au moment de l’assignation en référé, il n’ait pas eu la qualité de subrogé de l’assuré (Cass. 1e civ. 9-10-2001 n° 98-18.378 : Bull. civ. I n° 245) ;

– l’intervention du représentant de la personne morale devant la cour avant que le juge ne statue (Cass. 1e civ. 20-5-2003 n° 00-19.751 : Bull. civ. I n° 120) ;

– la publication au service de la publicité foncière, avant que le juge ne statue, d’une demande tendant à l’annulation d’une vente immobilière même si la publication est intervenue trois mois après la délivrance de l’assignation (Décret 55-22 du 4-1-1955 art. 33, C), aucune déchéance n’étant édictée pour l’accomplissement de cette formalité à laquelle il peut être procédé jusqu’à la clôture des débats (Cass. 3e civ. 26-11-2003 n° 02-13.438 : RJDA 3/04 n° 378).

L’intervention volontaire d’un vendeur indivis permet d’écarter la fin de non-recevoir opposée à l’action en résolution intentée par ses coïndivisaires et tirée de son abstention (Cass. 3e civ. 20-2-1979 n° 77-12.863 : Bull. civ. III n° 45).

Une demande introductive d’instance en divorce qui ne comporte pas de proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux peut être régularisée par la présentation de conclusions postérieures à l’acte introductif d’instance contenant une telle proposition avant que le premier juge ne statue (Cass. 2e civ. 6-1-2012 n° 10-17.824 : Bull. civ. II n° 6).

Dans le cadre d’une succession, le défaut d’apposition de tout ou partie des mentions de l’article 1360 du CPC sur une assignation en partage, sanctionné par une fin de non-recevoir, peut être régularisé jusqu’à ce que le juge statue de sorte que l’appréciation de la situation ne dépend pas du seul examen de l’assignation (Cass. 1e civ. 28-1-2015 n° 13-50.049 : Bull. civ. I n° 23).

Il ne faut pas qu’une forclusion soit survenue avant la régularisation. La régularisation doit avoir lieu avant expiration du délai de prescription (Cass. 3e civ. 14-11-2001 n° 99-12.304).

L’article 126 du CPC ne fait aucune distinction entre la procédure de première instance et celle d’appel et la régularisation peut intervenir à ce dernier stade, même si la fin de non-recevoir avait été relevée par le tribunal (Cass. 3e civ. 15-11-1989 n° 88-10.441 : Bull. civ. III n° 215 ; Cass. 2e civ. 12-6-2008 n° 07-12.510 : Procédures 2008 comm. 260 note R. Perrot). En revanche, après expiration du délai d’appel, la situation n’est plus régularisable.

Illustration

La saisine d’une cour d’appel territorialement incompétente, qui donne lieu à une fin de non-recevoir, est susceptible d’être régularisée avant que le juge statue, à condition que le délai d’appel n’ait pas expiré, sans que la circonstance que le désistement de l’appel porté devant la juridiction territorialement incompétente ne soit pas intervenu au jour où l’appel est formé devant la cour d’appel territorialement compétente y fasse obstacle (Cass. 2e civ. 2-7-2020 n° 19-14.086 F-PBI).

Régularisation d’une fin de non-recevoir en appel

La régularisation de la fin de non-recevoir tirée de la saisine d’une juridiction incompétente est possible si, au jour où elle intervient, dans le délai d’appel interrompu par une première déclaration d’appel formée devant une juridiction incompétente, aucune décision définitive d’irrecevabilité n’est intervenue.

Cass. 2e civ. 5-10-2023 n° 21-21.007 FS-B

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