Généalogiste successoral : comment ne pas payer ?

Il est de plus en plus fréquent que des notaires, indélicats, confient à des sociétés privées de généalogie le soin de retrouver des héritiers, pourtant facilement identifiables, qui seront alors contraints pour révéler l’actif successoral de payer une somme délirante (jusqu’à 40%).

Mais pourquoi ? Quel est l’intérêt pour un notaire de mandater ce cabinet de généalogie ? Pourquoi certains notaires confient-ils des missions à des généalogistes, alors que l’identification des héritiers ne présente aucune difficulté ?

La réponse est très simple : certains notaires arrondissent leurs fins de mois avec ce système en perçevant, de manière directe ou indirecte via rétrocommissions, rétrocessions ou avantages, une partie de la rémunération touchée par la société de généalogie.

Il s’agit d’une véritable collusion : les honoraires des généalogistes successoraux sont fréquemment qualifiés d’excessifs par la jurisprudence.

Mais alors que faire une fois que l’hériter est ferré ? Comment réagir ? Comment ne pas payer et contester ? Comment faire payer le notaire pour son erreur ?

Comment fonctionne le généalogiste ?

Lorsqu’un notaire chargé d’une succession a des difficultés à retrouver des héritiers (livrets de famille perdus, grande dispersion géographique de la famille…), il a la possibilité de recourir à un généalogiste successoral.

Le généalogiste va tenter de retrouver les héritiers ainsi : consultation des fichiers non accessibles au grand public (registres d’état civil, fichiers fiscaux, fonciers, électoraux, des pompes funèbres, etc.) et des archives. Ils combinent ces éléments avec les données accessibles via les réseaux sociaux et, au besoin, réalisent des
vérifications sur place, retrouvent et interrogent des témoins, etc.

Une fois les héritiers identifiés, le généalogiste prend contact avec eux et leur propose de conclure un contrat de révélation de succession. Dans ce document, il s’engage, après signature, à leur révéler leur qualité d’héritiers, moyennant le remboursement des frais de recherche et le paiement d’honoraires. Ces derniers représentent, généralement, entre 10 et 40 % HT de l’actif net successoral, c’est-à-dire la somme effectivement perçue après paiement des droits de succession. Dès qu’il identifie un héritier, il prend contact avec lui, et lui demande de signer un « contrat de révélation », par lequel ce dernier s’engage à lui rembourser ses frais, mais aussi à lui payer des honoraires, en contrepartie de l’information. Les honoraires représentent un pourcentage de l’« actif net successoral » (somme qui sera obtenue après le règlement des droits).

En cas de succession déficitaire, le contrat précise que le généalogiste ne sera pas payé.

Certains généalogistes successoraux et certains notaires marchent main dans la main dans des conditions particulièrement troubles.

La profession de généalogiste successoral, non règlementée, est un vrai far west avec des revenus indécents dont la presse se fait souvent l’écho

Ne pas signer de contrat

Lorsque l’héritier refuse de signer ce document, le généalogiste peut l’assigner, sur le fondement de la « gestion d’affaires », sorte de contrat qui unit un « gérant » à une personne qui ne l’a pas mandaté, mais dont il a défendu les intérêts. C’est beaucoup moins avantageux pour lui : l’article 1301-2 (nouveau) du code civil, (1375 ancien), qui régit la gestion d’affaires, ne lui accorde que le remboursement de ses dépenses « utiles », et non une rémunération. Il lui interdit donc de réclamer un pourcentage de l’héritage.

Le généalogiste « ne peut être indemnisé, en l’absence de tout contrat, qu’à hauteur des dépenses spécifiques, utiles ou nécessaires qu’il a exposées ” (le 18 novembre 2020 (n° 19-10.965) )

En l’absence de contrat de révélation, le généalogiste peut prétendre à une indemnisation pour ses diligences sur le fondement de la gestion d’affaires si sa gestion a été utile (Cass. 1e civ. 9-3-2011 no 09-17.087 F-D). La gestion d’affaires constitue un quasi-contrat, auquel s’applique en principe le délai de prescription de droit commun de cinq ans (C. civ. art. 2224), et non pas le délai spécifique qui aurait pu être appliqué à la matière en cause ou si un contrat avait été signé (Cass. ch. mixte 12-4-2002 no 00-18.529 P : RJDA 7/02 no 733).

Un généalogiste peut vous réclamer des honoraires même si vous n’avez pas signé de contrat, dès lors que son intervention a servi à vous enrichir. Mais, dans ce cas, il ne peut se faire rembourser que les dépenses «utiles ou nécessaires» qu’il a faites (art. 1373 du code civil). Toutefois, les juges ont parfois estimé qu’un professionnel qui a mis en œuvre ses compétences, son temps et les moyens de sa structure pour retrouver un héritier, qu’il a contribué à enrichir, a droit, en plus du remboursement de ses dépenses, à une véritable rémunération (CA de Bordeaux du 10.5.11, n° 10/01663). Dans cette affaire, la cour a accordé au généalogiste 10 000 € d’honoraires dont 655 € de frais de déplacement et pour 36 heures de travail (dont il a fourni un décompte détaillé). Les juges ont considéré qu’une base horaire de 260 € était cohérente au regard des tarifs pratiqués par les professions juridiques.

Les recours contre le généalogiste

Quand le futur héritier a été démarché par le généalogiste, le contrat de révélation de succession est soumis aux articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation: il doit comporter certaines mentions obligatoires et prévoir une faculté de rétractation. Par ailleurs, dans une recommandation (n° 96-03 du 20.9.96), la Commission des clauses abusives a recensé plusieurs clauses illicites. Par exemple, celle laissant penser au consommateur que la rémunération du généalogiste est fixée par la loi et qu’elle n’est pas négociable, et celle ne mentionnant pas explicitement que des frais de recherche s’ajouteront aux honoraires du généalogiste. Le contrat doit également préciser le montant des frais déjà engagés et la nature de ceux restant, éventuellement, à supporter.

Faire annuler le contrat

Le contrat de révélation peut être nul pour plusieurs raisons.

Dol

Les magistrats rappellent que, “pour être efficace et valider un acte en fait inutile, la ratification doit être opérée en pleine connaissance de cause”.

Absence de cause (non révélation d’un secret)

D’une part, la nullité peut reposer sur le fait qu’il est dépourvu de cause – la cause étant, en l’occurrence, la révélation. Ce sera le cas si vous étiez déjà au courant de votre qualité d’héritier au moment où vous avez signé ce contrat.

Le contrat de révélation de succession est défini comme étant la révélation à un héritier de sa vocation à un droit successoral dont il ignorait être bénéficiaire.  Faute de révélation d’un secret, dès lors que l’existence de la succession peut être établie sans l’intervention du généalogiste, le contrat est frappé de nullité.” (Cour de cassation, Première chambre civile, 9 juillet 2015, 14-17.447)

Attention: vous devrez apporter la preuve que vous avez découvert vous-même votre qualité d’héritier à l’égard du défunt. Les tribunaux ont, par exemple, annulé un contrat de révélation parce que non seulement l’héritier avait reçu une carte postale l’informant de sa qualité de légataire universel, mais il détenait aussi une copie du testament fait en sa faveur. L’intervention du généalogiste a donc été jugée inutile (CA de Colmar du 13.11.09, n° 2 B 08/03561). Même conclusion dans une affaire où la signataire du contrat, très proche du défunt, avait assisté aux obsèques et connaissait sa qualité d’héritière, puisque, quand elle a signé le contrat, elle avait déjà été convoquée par le notaire chargé de la succession. Le contrat, totalement inutile, a donc été annulé et le généalogiste a dû rembourser à l’héritière près de 30 000 € d’honoraires (CA de Limoges du 8.3.07, n° 06/00022). À charge pour le professionnel de se retourner contre le notaire si celui-ci l’a mandaté à tort, ou sans mentionner qu’il connaissait déjà certains héritiers.

Le 9 juillet 2015 (n° 14-17.447), la Cour de Cassation rejette le pourvoi de la société Courtot-Roerig contre un arrêt d’appel ayant annulé son contrat de révélation de succession pour « défaut de cause », celui-ci n’ayant permis de révéler « aucun secret » à l’héritière. Ce contrat lui assurait une rémunération d’environ 76 000 euros.

À savoir: la nullité du contrat de révélation est prescrite 5 ans après la conclusion du contrat (art. 1304 du code civil).

La cour d’appel n’est pas dupe, lisez plutôt ce qu’elle pense des pratiques de Courtot-Roerig :

La cour d’appel enfonce le clou : “Si la société Coutot-Roehrig évoque justement le principe trop souvent méconnu qui veut que les conventions s’exécutent de bonne foi, elle pourrait utilement s’interroger sur la sienne, lorsqu’elle a fait signer par des personnes indubitablement de bonne foi mais dans l’ignorance totale des données de la cause, une convention lui assurant une rémunération de 76.380 euros pour des recherches qui, étalées sur quelques jours, n’ont pu lui prendre que quelques heures”.

Droit de la consommation

D’autre part, lorsque le contrat a été conclu à la suite d’un démarchage à domicile, il peut, le cas échéant, être annulé pour non-respect du droit de la consommation. Par exemple, il sera considéré comme nul s’il ne mentionne pas: les noms du démarcheur et du fournisseur, l’adresse de ce dernier et celle du lieu où a été conclu le contrat, la nature et les caractéristiques précises des biens offerts ou des services proposés, les conditions d’exécution de la prestation de services, le prix global à payer (ou, au moins, son mode de calcul) ainsi que les conditions d’exercice de la faculté de renonciation (art. L. 121-23 et suivants du code de la consommation).

Obtenir une baisse du prix

Lorsque le contrat est valable, il est toujours possible de demander une réduction du prix, d’abord à l’amiable, puis, le cas échéant, en justice. Les juges vérifient alors si la rémunération n’est pas excessive au regard des démarches accomplies (cass. civ. 1re du 6.6.12, n° 11-10052). Sachez que le généalogiste qui a entrepris des recherches de sa propre initiative, et non sur mandat (du notaire, d’un autre héritier…), ne peut vous réclamer aucune rémunération ni aucun remboursement de frais (art. 36 de la loi n° 2006-728 du 23.6.06).

Si le juge estime que votre contrat est valable, tout n’est pas perdu pour autant: vous pouvez encore demander une diminution du prix que vous réclame le généalogiste, si vous estimez que ce montant n’est pas justifié. Sachez, toutefois, qu’il est impossible de déterminer, de manière abstraite, quel pourcentage de l’actif successoral constituerait une rémunération raisonnable du généalogiste, sans qui, la plupart du temps, l’héritier n’aurait jamais reçu d’héritage.

Pour évaluer si le tarif de ce professionnel est excessif au regard du service rendu, les juges statuent donc au cas par cas, en examinant certains critères: la durée des recherches, le nombre de démarches effectuées, le champ géographique couvert, la complexité de la succession, etc. Quoi qu’il en soit, ils estiment que le généalogiste doit toujours être en mesure de délivrer un compte précis de ses dépenses et de détailler les démarches qu’il a accomplies.

Les magistrats ont ainsi jugé excessifs des honoraires fixés à 40 % de l’actif successoral jusqu’à 200 000 €, puis à 35 % au-delà, dans un dossier où les recherches n’avaient duré qu’un mois et où les dépenses du généalogiste se limitaient à des frais d’accès aux archives (201 €) et de déplacement (1 154 €). Compte tenu du niveau de difficulté des recherches, les juges ont ramené les honoraires à 12 % de l’actif net de la succession (CA de Paris du 30.9.09, n° 07/17421). À l’inverse, la jurisprudence a admis que des honoraires soient fixés à 40 % dès lors que le généalogiste justifie du détail de ses démarches et recherches, réalisées dans différents départements, pendant plusieurs semaines, et avec l’aide de confrères (CA de Pau du 28.6.10, n° 09/02577).

À savoir: Le client doit pouvoir mesurer la portée de son engagement. Il faut donc que le contrat indique clairement, sous peine de nullité, que des frais de recherche sont prélevés en plus des honoraires du généalogiste, et en quoi consistent précisément ces frais (CA de Rennes, du 24.10.08, n° 07/05323).

lorsque l’héritier a signé un contrat de révélation de succession, en contrepartie d’honoraires, les tribunaux peuvent réduire ces derniers lorsqu’ils « paraissent exagérés au regard du service rendu ». La Cour de cassation en énonce le principe dès le 5 mai 1998 (n° 96-14.328). Elle censure une cour d’appel qui a refusé de réduire les honoraires de généalogistes ayant révélé à une femme qu’elle était l’héritière de sa cousine germaine.

Et pour cause : la Cour de cassation juge, sur le fondement de l’article 1134 du code civil, que les tribunaux peuvent réduire les honoraires, lorsque ceux-ci paraissent exagérés par rapport au service rendu. Elle l’a fait le 5 mai 1998, mais aussi, plus récemment, dans l’affaire suivante : le 1er février 2007, la société Archives généalogiques Andriveau fait signer un contrat de révélation à Franck X, dont elle a découvert qu’il est l’héritier au quatrième degré de Jacqueline Y, décédée sans postérité. Franck X assigne la société Andriveau afin d’obtenir une réduction de sa rémunération. La cour d’appel d’Aix-en-Provence rejette sa demande, en considérant notamment que la société de généalogie justifie de réelles démarches. Mais la Cour de cassation juge, le 6 juin 2012, « qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, nonobstant la réalité des démarches accomplies, les honoraires réclamés par la société Andriveau n’étaient pas excessifs au regard du service rendu, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision » .

Pour juger si le tarif demandé par le généalogiste est, ou non, excessif  par rapport au service rendu, les juges examinent la durée de ses recherches, les difficultés particulières rencontrées et le champ géographique d’investigation. La cour d’appel de Paris juge ainsi excessifs, le 30 septembre 2009,  les honoraires fixés à 40 % de l’actif successoral jusqu’à 200 000 euros par le cabinet généalogique Aubrun-Delcros-Delabre, dans un dossier où les recherches n’ont duré qu’un mois et où les dépenses se limitaient à des frais d’accès aux archives (200 euros) et de déplacement (1000 euros). Elle les ramène à  12 % de l’actif, ce que valide la Cour de cassation, le 23 mars 2011.

La société Aubrun-Delcros-Delabre expliquait pourtant qu’elle avait dû fournir un « travail considérable »: elle indiquait avoir recherché si la défunte, qui n’avait pas eu d’enfants de son mariage, n’avait pas laissé d’enfant naturel; avoir effectué d’importantes recherches  avant de conclure à l’absence de frères et soeurs, après avoir déterminé que la mère de la défunte avait vécu à Rouen, mais aussi à Paris et à Nice, et étendu ses investigations aux communes limitrophes de ces trois villes;  le grand-père de la défunte s’étant marié deux fois, elle indiquait avoir dû déterminer si d’autres descendants pouvaient prétendre à la succession; elle affirmait avoir dû mener un certain nombre d’enquêtes, notamment à l’étranger, et dresser les arbres généalogiques de différentes familles. Mais la cour d’appel note que « ces allégations ne sont corroborées par aucune pièce ».

Engager la responsabilité du Notaire

Agir en responsabilité contre le notaire qui a mandaté un généalogiste alors qu’il avait les moyens de retrouver lui-même un héritier doit impérativement être envisagé en cas de négligence.

Le notaire est tenu à des recherches élémentaires (CA de Pau du 23.11.00, n° 97/03069) dans les documents officiels qu’il a à sa disposition: acte de décès, de naissance, de mariage, livret de famille.

En effet, le notaire ne doit recourir au généalogiste qu’après avoir fait lui-même les investigations propres à l’identification et à la localisation des héritiers, de sorte que l’intervention du généalogiste n’est pas utile lorsque le notaire dispose du nom des héritiers et de leur lien de parenté avec le défunt. Ce principe résulte d’une réponse ministérielle (no 36430, JOAN 15 juillet 1996 p 3871, no 139 JOAN 28 juin 1993, p 1836).

Les prochaines étapes

  1. Courrier de mise en demeure au Notaire + généalogiste
  2. Assigner en RCP le Notaire ou l’assigner en garantie quand le généalogiste assignera en paiement

Il est possible que le généalogiste successoral opère une saisie conservatoire (Coutot-Roehrig est coutumier du fait) à laquelle il faudra s’opposer.

Mon regard de praticien

Une loi pour réglementer les tarifs des généalogistes

Une solution pour régler ce type de conflits entre héritiers potentiels et généalogistes serait d’inclure les frais de ces derniers dans les frais de notaire. Tel est déjà le cas de la rémunération des géomètres experts, des droits fiscaux ou du salaire du conservateur des hypothèques, par exemple. Le notaire pourrait ainsi rémunérer le généalogiste qu’il mandate pour retrouver un héritier, puis récupérer cette somme auprès de son client, comme n’importe quel débours. C’est le sens de la proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale le 13 novembre 2012 par le député Jean-Christophe Lagarde. Celle-ci prévoit aussi que les généalogistes devront être agréés par le ministre de la Justice, et que les conditions d’agrément et le barème de leurs honoraires seront fixés par décret.

Exemples de généalogistess

Coutot-Roehrig ; Archives généalogiques Andriveau ; ADD Associés ; Étude Généalogique Déchelette ; Lacombe Généalogie ; guenifey

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