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Intuitu personae et changement de cocontractant/partie

Quand une partie conclut un contrat avec une autre partie, elle ne le fait pas au hasard. Bien souvent, elle a fait ses recherches en amont pour trouver le professionnel qui serait selon ses critères propres le plus adapté à réaliser le travail demandé : que ce soit en termes d’image, de coût, de disponibilité, de valeurs.

Par exemple, souscrire un contrat de syndic avec le syndic de quartier dans votre rue que vous croisez tous les matins, ce n’est pas pareil que de désigner un mastodonte national comme Foncia ou Nexity.

Mais que se passe-t-il quand ce cocontractant change ? Que se passe-t-il quand la personne physique qui était votre interlocuteur par ou les remplacer ? Avez-vous un recours ? Pouvez-vous résilier le contrat ? En réalité tout dépend de la nature juridique du changement. Une session de contrat ce n’est pas pareil qu’une vente de sociétés. Vous trouverez ci-dessous les réponses selon la nature juridique du changement.

Alors, faut-il l’accord du cocontractant ?

Cession de contrat (oui)

La cession d’un contrat nécessite l’accord du cocontractant cédé. A défaut, cette cession lui est inopposable.

La cession d’un contrat nécessite l’accord du cocontractant cédé sous peine d’être inopposable à celui-ci (Cass. com. 24-4-2024 no 22-15.958 F-B)

Cession de contrôle (non)

Quels sont les effets d’une cession du contrôle d’une société ?

Une telle cession n’emporte pas changement de la personnalité morale de la société (Cass. com. 29-1-2013 no 11-23.676 F-PB : RJDA 5/13 no 410) ni la cession des actifs sociaux à l’acquéreur (Cass. 1e civ. 27-11-2008 no 06-16.688 FS-D : RJDA 4/09 no 349 pour un immeuble ; Cass. com. 3-6-2014 no 13-21.345 F-D pour un fonds de commerce et un bail commercial).

L’accord du cocontractant n’est pas requis pour la cession du capital social d’un des cocontractants.

Le fait que le contrat de franchise soit conclu en considération de la personne du franchiseur (notamment, Cass. com. 3-6-2008 no 06-18.007 FS-PB : RJDA 12/08 no 1292) n’y change rien : la prise en considération de la personne du franchiseur ne s’étend pas à la personne des associés du franchiseur, voire de son dirigeant. Les franchisés ont contracté au regard du concept exploité par le franchiseur, en particulier son savoir‑faire et son enseigne, au moment de leur entrée dans le réseau. Le changement d’associés ou de dirigeants au sein de la société franchiseur est donc incidence sur la poursuite du contrat.

Rien n’interdit aux parties au contrat de prévoir que le changement de contrôle ou de direction de l’une d’elles suppose l’accord de l’autre (le refus devra lors être légitime ; Cass. com. 5-10-2004 no 02-17.338 FS-PB : RJDA 2/05 no 120) ou que ce changement permettra à l’autre de résilier le contrat selon des modalités convenues ou entraînera sa caducité. Si une telle clause est parfois imposée au franchisé (Cass. com. 28-2-2024 no 22-10.314 FS-B : RJDA 5/24 no 312), le franchiseur n’a guère d’intérêt à l’accepter pour lui-même.

La cession du contrôle d’une société franchiseur ne nécessite pas l’accord des franchisés, faute d’emporter la cession de leurs contrats. Si le contrat de franchise est conclu en considération de la personne du franchiseur, la cession de la totalité des parts ou actions de la société franchiseur et l’évolution de ses dirigeants, qui n’impliquent pas de changement de la personne morale en considération de laquelle le franchisé s’est engagé et n’emportent aucune cession du contrat de franchise, ne requièrent pas l’accord préalable des franchisés, sauf clause contraire. Cass. com. 15-5-2024 n° 22-20.747 FS-B, Sté X c/ Sté Fra-Ma-Pizzdde

Il est fait ici application de l’autonomie de la personne morale : le contrat est conclu intuitu persona avec la société et non avec ses dirigeants ou mandataires sociaux, sauf clause contraire.

Fusion, scission, transmission universelle de patrimoine (oui si contrat intuitu personae)

Sauf exceptions, lorsque les parts (ou actions) d’une société sont réunies entre les mains d’un associé unique et que celui-ci est une personne morale, cet associé peut décider de dissoudre la société, ce qui entraîne la transmission universelle du patrimoine social à l’associé unique (C. civ. art. 1844-5).

Par exception à cette transmission, un contrat conclu en considération de la personne de la société prend fin au plus tard par l’effet de la dissolution de celle-ci (Cass. com. 7-6-2006 no 05-11.384 FS-PBR : RJDA 11/06 no 1149), sauf accord des cocontractants pour que le contrat soit transmis (par exemple, Cass. com. 27-5-2021 no 19-16.363 F-D : RJDA 12/21 no 803).

Un contrat intuitu personae ne peut pas non plus être transmis sans l’accord du cocontractant dans le cadre d’une TUP résultant d’une fusion, d’une scission ou d’un apport partiel d’actif soumis au régime des scissions (notamment Cass. com. 3-6-2008 nos 06-18.007 FS-PB et 06-13.761 FS-P  ; Cass. com. 24-11-2009 no 08-16.428 F-D).

En cas de fusion et de scission de la société franchiseur, une telle opération entraînant la transmission universelle du patrimoine de la société qui disparaît (société absorbée, fusionnée ou scindée / fusion absorption) au profit des sociétés existantes ou nouvelles qui le recueillent en tout ou en partie (C. com. art. L 236-3, I et L 236-18). La transmission à ces dernières des contrats de franchise suppose donc l’accord des cocontractants ou franchisés (Cass. com. 3-6-2008 nos 06-18.007 FS-P, 06-13.761 FS-P : RJDA 12/08 no 1262 ; Cass. com. 24-11-2009 no 08-16.428 F-D : RJDA 4/10 no 371).

Qu’est-ce qu’un contrat intuitu personae ?

un contrat conclu intuitu personae, est fondé sur la personnalité du cocontractant qui doit exécuter la prestation convenue.

Ce caractère peut résulter de la loi (Cass. 3e civ. 23-4-1976 no 75-10.009 : Bull. civ. III no 167), de la nature du contrat (Cass. com. 24-11-2009 précité) ou encore de la volonté des parties (Cass. com. 13-2-2005 no 03-16.878 F-PB : RJDA 4/06 no 413).

Dans l’affaire Cass. com. 18-12-2024 n° 23-14.170 F-D, Sté Le Nickel c/ Sté Wilan, la cour d’appel avait procédé à une appréciation concrète, estimant que le contrat ne revêtait ce caractère ni par nature ni par la volonté des parties, refusant de s’arrêter à l’existence de la clause d’agrément. il ne résultait pas de la clause d’agrément figurant dans le contrat de travaux que celui-ci avait été conclu en considération de la personne de la société prestataire, entreprise de terrassement sans savoir-faire spécifique et dont le dirigeant se trouvait être le même que celui de son associé unique, de sorte que le contrat avait été transféré à ce dernier par l’effet de la TUP. Le fait qu’un contrat de travaux exige l’agrément du client en cas d’exécution du contrat par un tiers ne suffit pas à en faire un contrat conclu en considération de la personne de la société prestataire et à l’exclure de la transmission universelle du patrimoine de cette dernière à son associé unique.

Toutefois, en présence un contrat de « sous-concession » précisant qu’il était « conclu intuitu personae » et que les droits du concédant n’étaient ni cessibles ni transférables sans l’accord du concessionnaire, il a été jugé qu’à défaut d’un tel accord ces clauses faisaient obstacle au transfert du contrat à la société qui avait absorbé le concédant (Cass. com. 13-12-2005).

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