Invision, occupation privative, jouissance du bien indivis et indemnité

Qu’est ce que l’indemnité d’occupation privative ?

L’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est redevable d’une indemnité (C. civ. art. 815-9, al. 2).

La jouissance privative résulte de l’impossibilité de droit ou de fait pour les coïndivisaires d’user de la chose (Cass. 1e civ. 8-7-2009 n° 07-19.465 FS-PBI). Peu importe que cet usage résulte d’une autorisation judiciaire (Cass. 1e civ. 14-6-2000 n° 98-19.255 : Bull. civ. I n° 186).

L’indemnité est due même si l’indivisaire n’habite pas effectivement l’immeuble indivis, dès lors que l’occupation est exclusive du droit du ou des autres coïndivisaires (Cass. 1e civ. 23-6-2010 n° 09-13.250).

Les conditions d’applicabilité de l’indemnité d’occupation privative

Absence d’indivision en jouissance

Il n’y a pas d’indemnité lorsqu’il n’y a pas d’indivision en jouissance sur le bien en question.

Ainsi, une veuve ne doit rien lorsqu’elle opte pour le quart des biens de la succession en pleine propriété et les trois quarts en usufruit tandis que sa belle-fille reçoit les trois quarts en nue-propriété (Cass. 1e civ. 15-5-2013 n° 11-24.217 F-PBI : BPAT 4/13 inf. 148). De même pour le légataire qui est également héritier, cette dernière qualité lui conférant la saisine du ou des biens légués depuis le décès, ce qui lui permet de prétendre à leur jouissance sans devoir d’indemnité d’occupation à ses cohéritiers (notamment Cass. 1e civ. 6-12-2005 n° 03-10.211 F-PB ; Cass. 1e civ. 24-9-2014 n° 12-26.486 F-PB : BPAT 6/14 inf. 242 ; Cass. 1e civ. 16-3-2016 n° 14-28.865 F-D : BPAT 3/16 inf. 124). Observons toutefois que l’héritier légataire d’une quotité et non d’un bien particulier désigné dans le testament resterait, jusqu’au partage, titulaire de droits indivis. Dans ce cas, l’occupation privative d’un bien de la succession, susceptible d’être compris dans le legs mais non encore attribué, ouvre la possibilité pour les indivisaires de réclamer une indemnité pour la période courant du décès jusqu’au partage. Qu’en est-il en cas d’occupation privative par l’ex-mari du domicile conjugal détenu en nue-propriété indivise avec son ancienne épouse, l’usufruit dudit bien étant détenu par sa mère ? Il n’y a pas plus d’indemnité d’occupation due par le mari envers l’indivision en l’absence d’indivision en jouissance entre les ex-époux nus-propriétaires (Cass. 1e civ. 1-6-2023 n° 21-14.924 F-B : BPAT 4/23 inf. 186).

Une indemnité est exclue lorsque les indivisaires ont renoncé à leur droit et accepté que la jouissance soit gratuite. En revanche, que leur auteur ait, de son vivant, logé gratuitement l’un d’eux ne les lie pas (Cass. 1e civ. 29-5-2013 n° 11-22.481 F-D).

Quels sont les critères de l’occupation privative ?

Une fois le champ d’applicabilité de l’indemnité d’occupation privative, quand y a t il occupation privative ?

Critères positifs

C’est le cas si l’indivisaire :

  • a installé quelqu’un dans le bien, par exemple les enfants du couple.

L’impossibilité pour l’indivisaire de jouir de l’intégralité du bien compte tenu de sa superficie est sans incidence sur le montant de l’indemnité mise à sa charge en contrepartie du droit de jouir privativement de la totalité de l’immeuble (Cass. 1e civ. 12-6-2018 n° 17-17.243 F-D : BPAT 4/18 inf. 167). De la même manière, le fait que la maison occupée privativement par un indivisaire se trouve dans un état de vétusté incompatible avec sa mise en location ne décharge pas l’occupant de son obligation d’indemniser l’indivision (Cass. 1e civ. 3-10-2019 n° 18-20.430 FS-PBI : BPAT 6/19 inf. 259).

En outre, il importe peu que le bien occupé soit ou non productif de revenus car l’indemnité n’est pas la compensation d’une perte éventuelle de revenus, mais le prix de la jouissance privative d’un bien « collectif » (Cass. 1e civ. 12-5-2010 n° 09-65.362 F-PBI : BPAT 4/10 inf. 236 ; Cass. 1e civ. 24-9-2014 n° 13-21.005 F-PB).
L’indemnité est tout autant due en cas de jouissance privative d’un bien mobilier indivis, avec ou sans valeur (Cass. 1e civ. 17-10-2018 n° 17-22.282 F-D : BPAT 6/18 inf. 267-13).

L’indivisaire qui occupe un immeuble indivis doit une indemnité même s’il est vétuste et sans valeur Cass. 1e civ. 27-3-2024 n° 22-14.552 F-D

Le simple usage ou la simple occupation privative d’un bien indivis par un indivisaire justifie qu’une indemnité soit due à l’indivision (C. civ. art. 815-9, al. 2). Aucune autre condition n’est exigée. Est ainsi censurée la cour d’appel qui exclut le versement d’une indemnité par l’indivisaire occupant au motif que la valeur de l’immeuble est nulle, compte tenu de son état actuel le classant en dessous du seuil de décence et de salubrité (voir également Cass. 1e civ. 3-10-2019 no 18-20.430 FS-PBI : BPAT 6/19 inf. 259, à propos d’un bien dans un état de vétusté incompatible avec sa mise en location).

Détention des clés : le coïndivisaire qui a les clefs du bien indivis doit-il nécessairement une indemnité ?

« L’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité » (article 815-9 alinéa 2 du Code civil).

Cette règle vaut, même s’il n’y a pas utilisation ou occupation effective des lieux (Cass. 1ère civ. 14 juin 2000, n°98-19.255).

Cependant, cette indemnité n’est pas due si l’occupation de l’immeuble par un indivisaire n’exclut pas la même utilisation par les autres coïndivisaires (Cass. 1ère civ. 13 janvier 1998, n°95-12.471). La jouissance doit être exclusive, et les autres coïndivisaires doivent se trouver dans « l’impossibilité de droit ou de fait (…) d’user de la chose » (Cass. 1ère civ. 08 juillet 2009, n°07-19.465).

L’indemnité de jouissance privative est due dès lors que certains indivisaires ne peuvent pas user du bien indivis, ” même en l’absence d’occupation effective des lieux ” par un autre indivisaire ( Cass. 1re civ., 23 juin 2010, n° 09-13.688 : JurisData n° 2010-009992 ; Defrénois 2010, art. 39176 , obs. A. Chamoulaud-Trapiers. – Cass. 1re civ., 29 juin 2011, n° 10-20.229 : JurisData n° 2011-013026 ; Defrénois 2012, art. 40318 , obs. A. Chamoulaud-Trapiers).

Sur ce point, la détention des clefs du bien en indivision peut se révéler déterminante. En effet, matériellement, détenir les clefs c’est pouvoir librement jouir de l’immeuble.

La jurisprudence considère ainsi que l’indivisaire qui détient les clefs de la porte d’entrée lui assurant la jouissance privative et la libre disposition du bien indivis est redevable d’une indemnité d’occupation (Cass. 1ère civ. 31 mars 2016, n°15-10.748 et 20 septembre 2023, n°21-23.877).

La conservation des clefs de l’immeuble indivis suffit pour caractériser l’occupation privative, même si elle n’est pas effective, dès lors qu’elle prive les autres indivisaires de la jouissance de la chose (Cass. 1ère civ. 21 novembre 2012, n°11-20.365).

Le coindivisaire qui refuse d’en remettre les clés aux autres, leur interdisant ainsi l’accès du bien (Cass. 1e civ. 30-6-2004 n° 02-20.085 F-P : BPAT 6/04 inf. 135 ; Cass. 1e civ. 21-11-2012 n° 11-20.365 F-D ; Cass. 1e civ. 31-3-2016 n° 15-10.748 F-PB : BPAT 3/16 inf. 125) est redevable d’une indemnité d’occupation.

La simple détention des clés, en ce qu’elle permet à son détenteur d’avoir seul la libre disposition d’un bien indivis est constitutive d’une jouissance privative génératrice d’une indemnité d’occupation (Cass. 1e civ. 20-9-2023 n° 21-23.877 F-D). Détenir les clés d’un bien indivis constitue une jouissance privative de ce bien (Cass. 1e civ. 20-9-2023 n° 21-23.877 F-D)

Inversement, si les clefs ne sont pas détenues exclusivement par un seul des coïndivisaires, et que chacun peut donc jouir librement de la chose, l’indemnité d’occupation n’est pas due (Cass. 1ère civ. 13 janvier 1998, n°95-12.471).

À propos d’un bien indivis libéré par le locataire qui l’occupait, une cour d’appel considère que l’absence de relocation de ce bien n’implique pas que l’indivisaire qui a récupéré les clés en a fait un usage privatif.

Cassation : la jouissance privative d’un immeuble indivis résulte de l’impossibilité de droit ou de fait pour les coïndivisaires d’user de la chose et la détention des clés, en ce qu’elle permet à son détenteur d’avoir seul la libre disposition d’un bien indivis, est constitutive d’une telle jouissance privative et exclusive ; celui-ci est donc débiteur d’une indemnité d’occupation. Solution classique. Bien entendu, le détenteur des clés peut être exonéré de toute indemnité d’occupation s’il établit qu’il a toujours mis à la disposition de ses coïndivisaires le trousseau de clés en sa possession. Tout est question de circonstances d’espèce.

L’existence d’une telle occupation peut résulter de la détention des clés du bien si les co-indivisaires ne peuvent accéder au local ( Cass. 1re civ., 31 mars 2016, n° 15-10.748 : JurisData n° 2016-005782 ; JCP N 2016, n° 15, act. 527 ; Dr. famille 2016, n° 6, comm. 130 , S. Torricelli-Chrifi ; JCP N 2016, n° 46, 1314-4, obs. H. Perinet-Marquet).

Critères négatifs : absence de jouissance privative

Réciproquement, une indemnité n’est pas due lorsque les conditions ci-dessus ne sont pas remplies.

Aucune indemnité n’est due lorsque la jouissance n’est pas privative (Cass. 1e civ. 8-4-2009 n° 08-13.765 F-D : BPAT 3/09 inf. 118). Tel est le cas :

  • de l’indivisaire qui a les clés uniquement pour veiller à l’entretien du bien ou de celui qui occupe le bien de façon ponctuelle sans interdire la venue de ses coïndivisaires ;
  • d’une utilisation privative qui n’interdit pas l’usage du bien indivis aux autres coïndivisaires ; ainsi par exemple la transformation d’une cour pour partie en potager et poulailler, qui n’empêche pas la circulation, le stationnement et l’entreposage de matériel (Cass. 1e civ. 5-11-2014 n° 13-11.304 F-PB : BPAT 1/15 inf. 17) ;
  • d’une « occupation privative » d’un indivisaire quand sa compagne part en maison de retraite ; l’impossibilité pour le coïndivisaire d’occuper l’immeuble résulte seulement de son état de santé et non du comportement de l’indivisaire occupant (Cass. 1e civ. 3-10-2018 n° 17-26.020 F-PB : BPAT 6/18 inf. 246) ;
  • de l’indivisaire qui occupe l’immeuble indivis en qualité de locataire, titulaire d’un bail verbal ; peu importe à cet égard que la valeur locative du bien soit nettement supérieure au montant du loyer acquitté (Cass. 1e civ. 18-3-2020 n° 19-11.206 F-PB : BPAT 3/20 inf. 104).
    Enfin, les indivisaires ne peuvent pas demander à celui qui exploite un fonds de commerce indivis à la fois une indemnité d’occupation et une indemnité au titre des revenus tirés de ce bien indivis (Cass. 1e civ. 3-10-2006 n° 04-18.435 F-PB : BPAT 6/06 inf. 162 ; dans le même sens, Cass. 1e civ. 11-3-2009 n° 07-20.856 F-D : BPAT 3/09 inf. 95).

Qui est bénéficiaire de l’indemnité ?

L’indemnité est due à l’indivision et non aux coïndivisaires non occupants. Un concubin ne peut pas être déclaré redevable envers sa compagne d’une indemnité mensuelle de 300 € pour l’occupation privative du bien indivis acquis ensemble (Cass. 1e civ. 30-9-2009 n° 08-18.278 F-D). Il en va de même à propos d’un époux divorcé déclaré redevable d’une indemnité envers son ex-épouse pour avoir occupé privativement un bien immobilier dépendant de l’indivision postcommunautaire. L’indemnité d’occupation due par un indivisaire au titre de la jouissance privative d’un immeuble indivis doit revenir à l’indivision (Cass. 1e civ. 15-3-2023 n° 21-15.183 F-D). Elle n’est donc pas proratisée en fonction des droits des autres indivisaires ; elle doit entrer pour son montant total dans la masse active partageable (Cass. 1e civ. 4-6-2007 n° 05-21.842 F-PB : BPAT 4/07 inf. 111 ; Cass. 1e civ. 24-10-2012 n° 11-22.615 F-D).

Quel montant de l’indemnité privative ?(Appréciation judiciaire)

Le montant de l’indemnité correspond à la perte de revenus subie par l’indivision pendant la durée de cette jouissance privative. Elle est fixée d’un commun accord entre les indivisaires ; à défaut, son montant relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.
En pratique, ceux-ci se réfèrent à la valeur locative du bien, généralement diminuée pour tenir compte du caractère précaire de l’occupation. Ils peuvent ordonner une expertise pour la déterminer. Les améliorations éventuellement apportées au bien par l’occupant sont sans incidence sur le montant de l’indemnité d’occupation.
Contrairement à un loyer, celle-ci n’est pas revalorisée chaque année.
Sur l’incidence, le cas échéant, de l’occupation des enfants des indivisaires après séparation du couple, voir n° 10217.

Lorsqu’un expert ayant pour mission de fournir tous éléments permettant au tribunal de calculer l’indemnité d’occupation due par un indivisaire à l’indivision est désigné, le jugement tranche la contestation portant sur l’obligation de celui-ci au paiement de cette indemnité sur le fondement de l’article 480 du Code de procédure civile (Cass. 1e civ. 26-1-2022 n° 20-15.901 F-D).

La jurisprudence admet une réfaction comprise entre 15 et 30 % par rapport à un loyer normal et ce, compte tenu de la précarité de l’occupation, l’indivisaire, l’occupant ne disposant pas de la protection accordée aux locataires (Cour de cassation, 1re, 4 mai 1994, n° 91-21.822 ou cour d’appel de Paris, 2e chambre, 15 septembre 1995, n° 195-024135). En pratique, il est nécessaire de faire évaluer cette valeur locative à dire d’expert ou par une agence immobilière.

Outre l’indemnité d’occupation à proprement parler, l’indivisaire occupant est également redevable de l’ensemble des charges liées à l’occupation privative du bien, soit les charges de copropriété dites récupérables sur l’occupant ou encore les charges d’entretien courant (eau, gaz et électricité…) (1re Civile, 12 décembre 2007, pourvoi n° 06-11.877). À l’inverse de la taxe foncière qui reste due par l’indivision, la taxe d’habitation a donné lieu à débats. La jurisprudence a longtemps retenu qu’il incombait à l’indivisaire occupant privativement le bien indivis d’assumer le paiement de cette taxe d’habitation.

La Cour de cassation a décidé du contraire dans un arrêt du 5 décembre 2018, confirmé depuis, en qualifiant le règlement de la taxe d’habitation comme une dépense de conservation de l’immeuble indivis devant être supportée à titre définitif par l’indivision (Civile 1re, 5 décembre 2018, n° 17-31.189 ou 13 février 2019, n° 17-26.712).  

Paiement et moment de l’indemnité

L’indemnité est due pour la période allant du premier jour de la jouissance privative et au plus tôt au début de l’indivision, jusqu’à la libération des lieux et au plus tard au jour du partage.
L’indivisaire concerné doit en effectuer le paiement dès qu’elle est fixée. Il n’y a pas lieu de l’intégrer au compte de liquidation et d’attendre le partage pour son règlement (Cass. 1e civ. 15-4-1980 : RTD civ. 1981 p. 173 ; Cass. 1e civ. 30-5-2000 n° 98-19.195).
L’indemnité d’occupation est considérée comme un fruit de l’indivision ; elle est soumise à la prescription quinquennale (en ce sens, par exemple, Cass. 1e civ. 15-5-2008 n° 06-20.822 FS-PB ; sur la mise en jeu de cette prescription, voir n° 69371)

Quand demander l’indemnité d’occupation privative ? Quelle prescription ?

L’indemnité d’occupation est due dès que l’occupation privative commence. L’indemnité d’occupation est considérée comme un fruit et revenu de l’indivision. À ce titre, elle est soumise à la prescription quinquennale visée à l’article 815-10 du Code civil : « Aucune recherche relative aux fruits et revenus ne sera toutefois recevable plus de cinq ans après la date à laquelle ils ont été perçus ou auraient pu l’être ».

il est rappelé qu’en matière de procédure de divorce, la prescription ne commence à courir qu’une fois le divorce définitif en vertu de l’article 2236 du Code civil prévoyant que la prescription ne court pas entre époux.

Si le délai de cinq ans est ainsi dépassé, agir en justice conserve un intérêt, mais seulement pour les cinq années précédant l’acte interruptif d’instance. Les simples échanges de courriers, mises en demeure ou constats d’huissier ne permettent pas d’interrompre la prescription. Il est donc particulièrement important, pour prémunir ses intérêts, d’engager une démarche judiciaire.

Recevabilité de la demande d’indemnité de jouissance privative. L’article 815-10 du Code civil indique qu’aucune recherche relative à des fruits et revenus d’un bien indivis n’est recevable plus de 5 ans après la date à laquelle ces fruits et revenus ont été perçus ou celle à laquelle ils auraient pu l’être. En d’autres termes, le texte limite à une durée de 5 ans en arrière par rapport à la demande en paiement la période à prendre en considération pour la restitution des fruits et revenus perçus par l’un des indivisaires ou pour le versement d’une indemnité de jouissance privative. Cette période de 5 ans à prendre en compte peut être allongée à raison de la survenue de tout évènement interruptif ou suspensif de prescription. par exemple, l’assignation n’ayant été faite que le 21 février 2012 pour un décès en mai 2001, aucune demande en paiement n’était recevable pour la période antérieure au 21 février 2007. M

Quelle interruption de prescription

Cas d’interruption de la prescription de l’article 815-10. 

La prescription est interrompue par la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait (C. civ., art. 2240), par une demande en justice (C. civ., art. 2241) ou par une mesure conservatoire prise en application du Code des procédures civiles d’exécution ou un acte d’exécution forcée (C. civ., art. 2244).

Le praticien aura à l’esprit que certains actes valent « demande en justice », interrompant le cours de la prescription.

En pratique, seule une assignation en partage ou en paiement de l’indemnité d’occupation interrompt la prescription.

Ainsi,

  1. la Cour de cassation a admis qu’un procès-verbal de difficultés dressé par le notaire chargé de la liquidation et faisant état de réclamations de l’un des indivisaires relativement à des fruits et revenus de biens indivis constitue une cause d’interruption de la prescription (Cass. 1re civ., 10 févr. 1998, n° 96-16735 : Bull. civ. I n° 47 ; Defrénois 30 sept. 1998, n° 36866, p. 1119, note O. Milhac.). Le procès-verbal de difficulté dressé par le notaire liquidateur, désigné dans le cadre d’une procédure de partage, est également interruptif, mais uniquement si l’indemnité est réclamée au sein de ce procès-verbal.
  2. Idem en matière de prescription des créances entre époux (Cass. 1re civ., 23 nov. 2016, n° 15-27497, PB : AJ fam. 2017, p. 64, obs. J. Casey ; Dr. famille 2017, n° 13, note B. Beignier ; Defrénois flash 12 déc. 2016, n° 137c2, p. 10.).
  3. De même pour un dire adressé à l’expert désigné par le juge saisi d’une action en partage et qui fait état de réclamations concernant les fruits et les revenus (Cass. 1re civ., 20 nov. 2013, n° 12-23752 : Bull. civ. I, n° 224.).
  4. Interruption de la prescription par une demande implicite en fixation de l’indemnité de jouissance privative.  Cass. 1re civ., 18 mars 2020, no 18-21659, ECLI:FR:CCASS:2020:C100228, D (rejet)

En revanche,

  1. une lettre, simple ou même recommandée, faisant explicitement état d’une demande de restitution de fruits et revenus encaissés par l’un des indivisaires ou d’une demande en paiement d’une indemnité de jouissance privative ne peut interrompre le cours de la prescription (En ce sens : Cass. 1re civ., 5 oct. 2016, n° 15-25944, F-PB : Defrénois 30 mars 2017, n° 126c5, p. 366, note G. Champenois ; Defrénois 11 janv. 2018, n° 131q2, p. 35, obs. A. Chamoulaud-Trapiers ; Defrénois flash 24 oct. 2016, n° 136e6, p. 10.). Il ne s’agit pas d’une « demande en justice »…

Le praticien chargé de la liquidation d’une succession ou d’une communauté ne manquera pas de rappeler que la préservation des droits de chacun dans l’indivision impose d’assigner en paiement d’une indemnité de jouissance privative avant que le délai de 5 ans ne soit écoulé. On ne saurait ici faire l’économie d’une assignation.

Comment demander l’indemnité d’occupation privative ?

L’indemnité d’occupation est assimilée à un revenu de l’indivision. Chaque indivisaire peut demander sa part annuelle dans les bénéfices en résultant conformément à la règle posée par l’article 815-11 du Code civil. Ce texte prévoit« qu’en cas de contestation, le président du tribunal judiciaire peut ordonner une répartition provisionnelle des bénéfices sous réserve d’un compte à établir lors de la liquidation définitive ».

Une telle demande doit être portée devant le président du tribunal statuant selon la procédure accélérée au fond aux termes de l’article 1380 du Code de procédure civile. Il est ainsi possible de solliciter le paiement provisionnel d’une indemnité d’occupation avant même le partage. In fine, le compte d’indemnité d’occupation apparaîtra dans le compte d’indivision ou d’administration figurant à l’acte de partage. Le montant de l’indemnité d’occupation est fixé selon la valeur locative du bien.

Quel juge compétent ?

Juridiction compétente. – À la suite de la réforme de la justice, il résulte de l’ article 1380 nouveau du Code de procédure civile que la demande relative à l’article 815-9 doit être portée devant le président du tribunal judiciaire qui statue selon la procédure accélérée au fond.

Cette procédure, rapide, est réglementée par l’ article 481-1 du Code de procédure civile . Le président du tribunal rend un jugement, et statue au principal, dans les formes prévues par ce texte (V. Y. Strickler, Les procédures rapides : procédure accélérée au fond, procédures d’urgence : Procédures 2020, étude 7 ).

Il résulte de la combinaison des articles 815-9 du Code civil et 1380 du Code de procédure civile qu’est compétent le président du tribunal pour régler l’usage et la jouissance d’un bien indivis, et donc la question de l’indemnité d’ occupation , dans le cadre d’une procédure accélérée au fond. (Cour d’appel, Aix-en-Provence, 2e et 4e chambres réunies, 11 Mai 2022 – n° 21/14082)

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