Juge des requêtes, de la rétractation, de la levée du séquestre: qui fait quoi ?

Lorsqu’un justiciable entreprend une mesure 145, il rencontre différents juges aux pouvoirs juridictionnels et compétences bien distincts.

Quel juge saisir ? Quel juge est compétent en matière de mesure d’instruction in futurum ?

La répartition de leur pouvoir/compétence est parfois très trouble, changeante selon les chambres, et semble plus être motivée par une gestion du flux des dossiers que par un réel fondement juridique clair et tangible. Pour preuve notamment la confusion très fréquente par les magistrats eux-mêmes des termes “compétence” ou “pouvoir”.

Compétence et pouvoir juridictionnel du juge : quelle différence ?

Il convient néanmoins de faire le point sur l’état de la jurisprudence actuel afin de permettre aux avocats praticiens de déterminer quel juge saisir pour savoir quel juge est compétent ou quel juge a le pouvoir.

Nom du jugeRôleCe qu’il peut faireCe qu’il ne peut pas faire
Le juge des référés ou des requêtesLe juge ayant statué sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile épuise sa saisine au jour où il ordonne les mesures probatoires.Un juge des référés peut statuer sur une demande de levée de placement sous scellés d’éléments collectés sur le fondement d’une précédente ordonnance et une demande de désignation d’un expert, dès lors que les mesures sollicitées ne procèdent ni de l’irrégularité ni de l’insuffisance de l’exécution de la mesure initialement ordonnée mais tendent uniquement à en assurer l’efficacité (Civ. 2e, 21 janv. 2010, n° 09-10.618, D. 2010. 2679)
–  se pencher à nouveau sur la régularité de l’exécution des mesures ordonnées sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, en dehors de la pratique d’un référé-rétractation.
– Designer un nouvel expert (Civ. 2e, 15 juin 1994, n° 92-18.186) ou commettre un nouveau technicien  en lui confiant une mission identique à celle qui avait été précédemment ordonnée motivé par l’insuffisance ou l’irrégularité des diligences du technicien commis  (2 juill. 2020, n° 19-16.501)
– Statuer sur la  régularité de l’exécution des mesures ordonnées
–  Remettre en cause les conclusions de l’expert désigné (Civ. 2e, 16 mai 1993, n° 91-20.959)
Le juge de la rétractation L’instance en rétractation ou en modification d’une ordonnance ayant décidé une mesure d’instruction sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile a pour seul objet de soumettre à l’examen d’un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l’initiative d’une partie en l’absence de son adversaire, de sorte que la saisine du juge de la rétractation ou de la modification se trouve limitée à cet objet (Civ. 2e, 9 sept. 2010, n° 09-69.936)– Rétracter l’ordonnance sur requête
– Modifier l’ordonnance sur requête
– Ordonner la restitution des éléments appréhendés hors autorisation judiciaire pour perte de fondement juridique (il n’est pas question de régularité de la mesure) (Civ. 2e 23 févr. 2017, n° 15-27.954, et n° 16-10.895).
– Tirer toutes conséquences utiles de l’éventuelle perte de fondement juridique – partielle ou totale – des mesures entreprises (Civ. 2e, 17 mars 2016, n° 15-12.456,
– Connaître du contentieux de l’exécution de la mesure ordonnée
– Statuer surla régularité de l’exécution de la mesure 
– Se prononcer sur les conditions d’exécution des mesures d’instruction
Le juge de la levée du séquestre Il est seulement juge de la mainlevée et du triConnaitre de la mainlevée et du tri– Connaître du contentieux de l’exécution de la mesure ordonnée, car tel n’est pas l’objet de la procédure prévue à l’article R. 153-1 du code de commerce, exclusivement et restrictivement orientée vers la préservation du secret des affaires.
– Connaître de l’éventuelle perte de fondement juridique d’une partie des mesures exécutées pour la même raison.
Le juge du fondPlénitude de juridiction– Designer un nouvel expert (Civ. 2e, 15 juin 1994, n° 92-18.186) ou commettre un nouveau technicien  en lui confiant une mission identique à celle qui avait été précédemment ordonnée motivé par l’insuffisance des diligences du technicien commis  (2 juill. 2020, n° 19-16.501)
– Statuer sur le contentieux de l’exécution de la mesure ordonnée (Soc. 2 déc. 2014, n° 13-24.029, )
– Ecarter les pièces collectées hors du périmètre de la mission
– Prononcer la nullité du rapport, ce qui invitera à la désignation d’un nouvel expert (Civ. 2e, 2 déc. 2004, n° 02-20.205)
– Critiquer la régularité de l’exécution de la mesure d’instruction (Civ. 2e, 3 mai 2007, n° 06-12.190 et n° 06-13.115)

Pour comprendre pourquoi cette répartition est (parfois) bancale en droit :

Le juge de l’exécution, la mesure d’instruction 145 et ses conditions et modalités d’exécution

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *