La responsabilité civile personnelle du dirigeant (faute de gestion, faute détachable)

Cet article fait partie d’une étude plus complète sur tous les aspects de la responsabilité du dirigean :

Les sanctions des fautes de gestion du dirigeant : comment le faire payer personnellement ?

La responsabilité civile personnelle du dirigeant peut être engagée pour des manquements à la seule « bonne gestion », sans qu’il soit nécessaire que s’y ajoute une violation des statuts ou de la loi.

La société, ses associés et les tiers peuvent ainsi agir en responsabilité contre le dirigeant de droit, mais aussi de fait, afin d’obtenir réparation des préjudices subis.

Fondement juridique

Cette action, visée par les textes en matière de faute de gestion expressément pour les sociétés suivantes (Elle peut être généralisée à l’ensemble des dirigeants sociaux):

Forme de la sociétéReprésentant légal/organe dirigeantFondement
SAS PrésidentArticle 227-8 “Les règles fixant la responsabilité des membres du conseil d’administration et du directoire des sociétés anonymes sont applicables au président et aux dirigeants de la société par actions simplifiée.” renvoyant à l’article 225-251
société civile C. civ. art. 1850
SARL gérant C. com. art. L 223-22 alinéa 1) 
SA directeur général et membres du directoire de la SA (C. com. art. L 225-251),
SNC, les SCS et les sociétés en participation à caractère commercial  article 1240 du code civil

Il est en outre intéressant de noter que la responsabilité civile n’a pas uniquement une fonction « indemnisatrice ». Une dimension « sanctionnatrice » est présente, en droit des sociétés, en raison du maintien de l’exigence d’une faute.

Causes de responsabilité des gérants

Principe de responsabilité des gérants

Les gérants sont responsables envers la société et envers les tiers  :

  • des infractions aux lois et règlements ;
  • des violations des statuts ;
  • des fautes commises dans leur gestion.

Précisons qu’à l’égard des tiers, la responsabilité des gérants ne peut être engagée que s’ils ont commis une faute séparable de leurs fonctions

Violation des lois et règlements par le gérant

Violation des statuts par le gérant

Fautes de gestion du gérant

L’éventail des fautes de gestion qui peuvent être reprochées aux gérants est très vaste et s’étend de la simple négligence ou imprudence aux manœuvres frauduleuses caractérisées. Les tribunaux n’exigent pas un acte positif. La faute est souvent constituée par la passivité ou l’incurie des dirigeants. La responsabilité du dirigeant peut être engagée même en l’absence d’intention de nuire à la société ou aux tiers. Toute faute peut ainsi entraîner la responsabilité du dirigeant, peu important que ses conséquences soient minimes ou graves. La société ou l’associé invoquant une faute de gestion doit démontrer concrètement en quoi le comportement du dirigeant est contraire à l’intérêt social ou aux enjeux sociaux et environnementaux de l’activité de la société.

Ont été retenus comme constituant des fautes de gestion :

  • la tenue défectueuse de la comptabilité, ce qui avait causé un préjudice à la société et aux associés (Cass. 2e civ. 10-12-1980 : Gaz. Pal. 1981 pan. p. 128) ;
  • le défaut de surveillance d’un cogérant ayant permis à celui-ci de détourner des fonds sociaux (Cass. com. 9-12-1957 : Bull. civ. III n° 338) ;
  • le défaut de surveillance d’un directeur à qui avait été conférée une très large délégation de pouvoirs et le fait de n’avoir pas pris les mesures qui s’imposaient le jour où les agissements répréhensibles de ce directeur ont été révélés (Cass. com. 6-2-1962 : Bull. civ. III n° 80) ;
  • le fait pour un dirigeant de s’être abstenu de prendre des mesures pour faire cesser les irrégularités dans la facturation clients sur lesquelles il avait été alerté, dont l’existence pouvait être aisément constatée et qui exposaient la société à des sanctions fiscales (CA Paris 14-1-2020 n° 17/20212 : RJDA 5/20 n° 273) ;
  • le manquement du dirigeant à son devoir de loyauté envers les associés laissés dans l’ignorance de l’acquisition pour son compte personnel de l’immeuble dans lequel la société exerce son activité, alors qu’il savait que les autres associés projetaient de l’acquérir ensemble (Cass. com. 18-12-2012 n° 11-24.305 : RJDA 3/13 n° 243) ;
  • le fait de n’avoir pas souscrit une assurance obligatoire (T. com. Seine 8-1-1952 : D. 1952 p. 192), ainsi que le défaut de paiement des primes ayant entraîné la caducité du contrat d’assurance (Cass. com. 29-4-1954 : Bull. civ. III n° 149) ;
  • la conclusion d’un bail dans des conditions préjudiciables à la société (Cass. com. 8-6-1963 : Bull. civ. III n° 283) ;
  • le fait, pour le dirigeant d’une société en difficulté, de n’avoir entrepris aucun effort sérieux pour redresser la situation et, malgré l’important déficit de la société, de ne pas avoir convoqué une assemblée générale pour informer les associés de la gravité de la situation (Cass. com. 5-6-1961 : Bull. civ. III n° 254) ;
  • le fait, pour un gérant qui avait constitué une SCI avec son conjoint en vue d’acquérir une résidence secondaire, de prélever les fonds du compte courant d’associé ouvert à leur nom afin d’acheter en propre un bien immobilier (Cass. com. 1-7-2008 n° 07-16.215 : RJDA 11/08 n° 1123) ;
  • le fait pour un gérant de s’octroyer de lui-même une rémunération alors que les statuts imposaient une décision des associés (CA Rennes 28-6-2022 n° 20/02742 : RJDA 1/23 n° 33) ;
  • le fait, pour un gérant de SCI constituée en vue d’acquérir un bien immobilier au moyen d’un crédit-bail, d’avoir fait échouer l’opération en cédant le contrat de crédit-bail avant son terme et d’avoir prélevé sur la trésorerie de la SCI plus de 250 000 € au profit d’une autre société qu’il contrôlait (CA Paris 22-5-2008 n° 07-8661 : RJDA 11/08 n° 1138, 2e esp.) ;
  • le refus d’augmenter le loyer d’un immeuble appartenant à la société alors que ce loyer était six fois inférieur à celui que la société aurait pu réclamer en application du statut des baux commerciaux (CA Paris 9-3-1989 : BRDA 22/89 p. 18).

En revanche, dans un cas où il était reproché à un gérant d’une SCI d’avoir commis des fautes de gestion en louant l’immeuble selon des modalités désavantageuses, en cautionnant plusieurs prêts souscrits par le locataire de cet immeuble et en concluant l’achat d’un second immeuble qui s’était avéré ruineux pour la société, il a été jugé que ce gérant n’avait pas commis de faute car, d’une part, les modalités de location de l’immeuble social et l’achat du second immeuble avaient été décidées par l’assemblée des associés et, d’autre part, les prêts que le cautionnement garantissait, et dont le locataire avait honoré les échéances pendant plusieurs années, étaient destinés à financer des travaux de nature à valoriser l’immeuble (Cass. 3e civ. 2-10-2001 n° 1315 : RJDA 1/02 n° 61).

De même, dans un cas où une société qui s’était engagée à vendre son principal élément d’actif avait dû verser à l’acquéreur une indemnité de dédit après que son gérant avait renoncé à la vente, jugé que celui-ci n’avait commis aucune faute à l’égard de la société dès lors qu’il n’avait pas agi par intérêt personnel mais dans l’optique de préserver l’économie de l’opération, en prévision de modifications fiscales de nature à la bouleverser (Cass. com. 8-11-2005 n° 1398 : RJDA 3/06 n° 291, en matière de société à responsabilité limitée mais transposable).

Faute séparable des fonctions de gérant (à l’égard du tiers en demande)

Le gérant est l’organe de représentation de la société. Lorsqu’il agit au nom et pour le compte de la personne morale, celle-ci est, en raison de sa personnalité juridique distincte, seule engagée à l’égard des tiers par les actes accomplis : si l’acte est source de responsabilité civile, c’est à la société et à elle seule que les tiers peuvent demander réparation.

Il n’en est autrement que si le gérant a commis une faute séparable de ses fonctions et qui lui soit imputable personnellement (Cass. com. 27-1-1998 n° 313 : RJDA 5/98 n° 610 ; Cass. com. 12-1-1999 n° 91 ; Cass. com. 20-5-2003).

La faute séparable des fonctions est qualifiée lorsque le gérant commet intentionnellement une faute d’une particulière gravité incompatible avec l’exercice normal des fonctions sociales (Cass. com. 20-5-2003; Cass. com. 7-7-2004).

Ont été reconnus responsables d’avoir commis une faute séparable de leurs fonctions :

  • le gérant d’une société de prestations de services en matière immobilière qui a obtenu pour un client de celle-ci une autorisation de transformation de locaux d’habitation en locaux commerciaux en corrompant un fonctionnaire (Cass. 1e civ. 6-10-1998 n° 1463 : RJDA 12/98 n° 1362) ;
  • le gérant qui a volontairement trompé un fournisseur sur la solvabilité de la société (Cass. com. 20-5-2003 n° 851 : RJDA 8-9/03 n° 842, concl. R. Viricelle p. 717) ;
  • le gérant qui, au lieu de comptabiliser une provision correspondant au coût prévisible d’un litige à venir entre la société et des tiers, a prélevé dans la trésorerie sociale une somme dont le montant excessif a conduit la société à cesser ses paiements (Cass. com. 6-11-2007 n° 05-13.402 : RJDA 2/08 n° 157) ;
  • le gérant qui a laissé un salarié utiliser un véhicule de la société sans l’informer du fait qu’il n’était plus assuré (Cass. com. 4-7-2006 n° 865 : RJDA 2/07 n° 166, 1e esp.) ;
  • le gérant qui n’a pas restitué le véhicule loué par la société et l’a détourné en le vendant au repreneur de la société (Cass. com. 15-3-2017 n° 15-22.889 F-D : RJDA 8-9/17 n° 557) ;
  • le gérant d’une société constituée pour acquérir le capital d’une autre société qui a organisé l’insolvabilité de la première société de sorte que celle-ci ne soit pas en mesure de payer le prix d’achat des parts de la seconde (CA Versailles 6-8-2015 n° 12/08939 : RJDA 11/15 n° 754) ;
  • le gérant qui a engagé au nom de la société de nombreux recours en justice contre des projets immobiliers, alors que ces recours étaient étrangers à l’objet social et à l’intérêt social (Cass. com. 10-11-2015 n° 14-18.179 : RJDA 2/16 n° 125).

En revanche, n’a pas commis de faute séparable de ses fonctions :

  • le gérant qui a laissé entendre, dans une circulaire adressée à ses créanciers, que malgré les difficultés financières de la société, une banque, à qui il avait demandé l’octroi d’un prêt, allait se prononcer favorablement (Cass. com. 25-1-2005 n° 139 : RJDA 5/05 n° 584) ;
  • le gérant qui prend au nom de la société l’engagement de garantir le paiement des dettes d’une filiale sans révéler au bénéficiaire de la garantie la situation économique précaire de la société garante (Cass. com. 20-6-2006 n° 808 : RJDA 2/07 n° 166, 2e esp.) ;
  • le gérant d’une SCI qui, à l’occasion d’une cession de parts sociales, n’informe pas l’acquéreur des parts de l’existence d’un nantissement grevant celles-ci (Cass. com. 29-3-2011 n° 10-11.027 : RJDA 10/11 n° 818) ;
  • le gérant qui s’est abstenu de répondre à une demande d’information émanant d’un organisme public, la passivité ne constituant pas une telle faute (Cass. com. 5-7-2017 n° 15-22.707 F-D : RJDA 1/18 n° 33).

Infraction pénale comme faute séparable

Une infraction pénale intentionnelle est comme telle séparable des fonctions sociales du dirigeant (Cass. com. 28-9-2010 n° 09-66.255 FS-PBRI : RJDA 1/11 n° 51 et Rapport C. cass. 2010 p. 381 s. et, sur renvoi, CA Douai 15-11-2011 n° 11/00259 : RJDA 2/12 n° 172 ; Cass. com. 9-12-2014 n° 13-26.298 F-D : RJDA 3/15 n° 199 ; Cass. com. 18-9-2019 n° 16-26.962 F-PB : RJDA 12/19 n° 754, solutions rendues en matière de sociétés commerciales mais transposables). En conséquence, un délit tel que la non-souscription des assurances construction obligatoires constitue une faute détachable (Cass. com. 28-9-2010 n° 09-66.255 FS-PBRI précité ; Cass. 3e civ. 10-3-2016 n° 04-14.731 FS-PB : RJDA 6/16 n° 451 ; Cass. 3e civ. 14-12-2017 n° 16-24.492 F-D : RJDA 3/18 n° 242).

L’infraction pénale intentionnelle est un acte personnel du dirigeant dont il doit assumer les conséquences sans possibilité de se retourner contre la société, même si l’acte fautif a été commis dans le cadre de ses fonctions (Cass. com. 18-9-2019 n° 16-26.962 F-PB, précité).

À la différence de la chambre commerciale, la chambre criminelle de la Cour de cassation considère qu’une action civile peut être valablement exercée contre un dirigeant sans qu’il soit nécessaire d’établir qu’il a commis une faute séparable (Cass. crim. 5-4-2018 n° 16-87.669 FP-PB : RJDA 5/18 n° 426, 1e esp., concl. R. Salomon p. 451).

Précisions

En principe, il n’y a pas de crime ou de délit sans intention de le commettre (C. pén. art. 121-3, al. 1). Le risque pour un dirigeant de voir engager sa responsabilité personnelle en raison d’une infraction pénale intentionnelle n’est pas négligeable. Toutefois, si la loi le prévoit, certains délits dits « non intentionnels » peuvent être commis par simple imprudence, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité (C. pén. art. 121-3, al. 2). Les contraventions sont quant à elles le plus souvent non intentionnelles. Il a ainsi été jugé, à propos d’une société commerciale, que la seule constatation d’un manquement du dirigeant aux obligations de dépôt des comptes sociaux (contravention sanctionnée par l’art. 131-13, 5° du Code pénal, sur renvoi de l’art. R 247-3 du Code de commerce) ne suffit pas à caractériser la faute séparable (Cass. com. 3-5-2018 n° 16-23.627 F-D : RJDA 7/18 n° 583). Sur ce point également, la chambre criminelle de la Cour de cassation, à la différence de la chambre commerciale, considère que les dirigeants engagent leur responsabilité civile à l’égard des tiers pour toutes les infractions dont ils se sont personnellement rendu coupables, quand bien même elles ont été commises dans le cadre de leurs fonctions de dirigeant et ne constituent que des contraventions (Cass. crim. 20-5-2003 n° 02-84.307 : RJDA 12/03 n° 1181 ; Cass. crim. 7-9-2004 n° 03-86.292 : RJDA 2/05 n° 141 ; Cass. crim. 5-4-2018 n° 16-87.669 FP-PB et 16-83.984 FP-PB : RJDA 5/18 n° 426, solutions rendues en matière de sociétés commerciales mais transposables).

Alors même qu’il est l’auteur de la faute de gestion, il ne sera tenu personnellement à l’égard des tiers qu’à condition que la faute soit détachable de ses fonctions, c’est-à-dire qu’elle soit intentionnelle et d’une particulière gravité (Cass. com. 20-5-2003 no 99-17.092 FS-PBI).

L’AMF n’exige pas l’existence d’une faute détachable. Mais sa compétence ne s’étend pas aux fautes de gestion, seulement aux violations graves du droit des sociétés, « aux règlements européens, lois, règlements ou règles professionnelles approuvées par l’Autorité́ des marchés financiers » (C. mon. fin. art. L. 621-13-9).

Commet par exemple une faute détachable le dirigeant engageant des recours en justice nombreux et étrangers à l’objet social et à l’intérêt social (Cass. com. 10-11-2015 no 14-18.092 F-D : RJDA 2/16 no 125). Partant, seules certaines fautes de gestion conduiront à la sanction directe du dirigeant lorsque l’action est engagée par un tiers. Les autres conduiront uniquement à l’engagement de la responsabilité de la société. Cette immunité partielle ne bénéficie toutefois qu’au dirigeant de droit d’une société dotée de la personnalité juridique. Ainsi, le dirigeant de fait ne semble pas en bénéficier (J. Heinich et L. Watrin, Le dirigeant de fait : J.-Cl. Sociétés fasc. 45-20 no 43) et le dirigeant d’une société en participation en est exclu.

En outre, lorsque le dirigeant aura bénéficié de cette immunité, mais que le préjudice causé par les fautes de gestion atteindra la société directement, une action contre le dirigeant pourra être introduite par la société. L’existence d’une faute détachable n’est alors pas exigée. Toute faute de gestion permettra d’engager la responsabilité du dirigeant en interne.

Mais encore faut-il que l’action soit engagée. En pratique, si le dirigeant est maintenu dans ses fonctions, l’action en réparation du dommage subi par la société a peu de chances d’être introduite par la société, les dirigeants étant peu enclins à se poursuivre eux-mêmes.

Il faut alors compter sur la bonne volonté d’un associé, en général minoritaire, agissant ut singuli, en réparation du préjudice social. Cette action, parce qu’elle suppose l’intervention d’un associé qui supportera seul les frais de procédure, a peu de chances d’être engagée. Reste alors la possibilité pour l’associé d’agir à des fins personnelles, en réparation du préjudice qu’il subit. De nouveau, la rareté des actions sera la règle, cette fois non en raison du coût de l’action, mais de ses faibles chances de succès, les juges exigeant que le préjudice de l’associé ne soit pas le corollaire du préjudice social (Cass. 3e civ. 12-5-2021 no 19-13.942 FS-P : Dr. sociétés 2021 comm. 101 obs. R. Mortier, Bull. Joly 2021 p. 30 note B. Saintourens, D. 2021 p. 1992 note N. Jullian, RJDA 2/22 no 81).

En somme, il semble que, sur le plan civil, si le dirigeant encourt l’engagement de sa responsabilité, celle-ci nécessitera généralement sa révocation préalable (Cass. com. 27-5-2021 no 19-17.568 F-D : Bull. Joly 2022 p. 32 note S. Tisseyre, RJDA 8-9/21 no 570, à propos d’une action ut singuli exercée par un cogérant associé).

Pourrait-il alors échapper à l’engagement de sa responsabilité par la société et les associés en invoquant l’approbation par les associés de sa gestion ou une clause des statuts le déchargeant de sa responsabilité ?

Cette question trouve une réponse à l’article 1843-5 du Code civil. Une double interdiction y est prévue. D’une part, est réputée non écrite toute clause des statuts ayant pour effet de subordonner l’exercice de l’action sociale à l’avis ou l’autorisation de l’assemblée ou comportant une renonciation à l’exercice de cette action. D’autre part, il est prévu qu’aucune décision de l’assemblée ne peut avoir pour effet d’éteindre une action en responsabilité contre les dirigeants pour les fautes commises dans l’accomplissement de leur mandat. Le dirigeant ne peut donc espérer obtenir l’absolution de ses fautes par un quitus, ou échapper à une action grâce à une clause statutaire.

Reste néanmoins en suspens la question de savoir si le fait d’avoir voté le quitus peut faire obstacle à l’action individuelle d’un associé. Sur ce point, si on peut estimer que l’associé qui a voté le quitus ne peut plus agir en vertu du principe de bonne foi, il nous semble au contraire que, l’article 1843-5 du Code civil ne distinguant pas entre action sociale et action individuelle à l’alinéa où est envisagé le quitus, il n’y a pas lieu de le faire (Cass. 3e civ. 27-5-2021 no 19-16.716 FS-P : Dr. sociétés 2021 comm. no 102 note N. Jullian, RJDA 8-9/21 no 571). Le quitus n’aurait donc jamais effet libératoire que ce soit en matière d’action sociale ou en matière d’action individuelle. Il pourrait seulement inviter à limiter la responsabilité du dirigeant à l’égard d’un associé pour son préjudice individuel.

En revanche, le dirigeant pourrait échapper à l’engagement de sa responsabilité s’il démontre que sa faute de gestion résulte de l’exécution d’une décision prise en assemblée générale (Cass. 3e civ. 2-10-2001 no 00-12.347 F-D : Bull. Joly 2002 p. 265 note F.-X. Lucas).

Enfin, quand bien même il serait condamné sur le plan civil, le dirigeant pourrait, in fine, ne pas en supporter la charge financière, les fautes de gestion étant assurables. Une garantie « responsabilité des dirigeants » est en effet généralement souscrite par la société pour le compte de son dirigeant (C. Ruellan, Essai sur les conditions d’assurabilité des fautes commises par les mandataires et dirigeants sociaux : Mélanges Merle D. 2013 p. 617) ; le versement des primes d’assurance est alors traité comme un supplément de rémunération. Parmi les risques qui sont généralement pris en compte dans ce type d’assurance, on retrouve les manquements aux obligations légales, réglementaires ou statutaires ainsi que les fautes de gestion.

Seule l’existence de fautes intentionnelles ou dolosives du dirigeant conduirait alors à ce qu’il ait à supporter personnellement la condamnation (A. Constantin, De quelques aspects de l’assurance de responsabilité civile des dirigeants sociaux : RJDA 7/03 p. 595).

Enfin, cette action sera impérativement soumise à la compétence du tribunal de commerce (TCOM) même envers une personne physique non commerçante

Tribunal de commerce ou tribunal judiciaire : qui est compétent ?

Préjudice résultant de la faute du gérant

Conformément au droit commun, la responsabilité des gérants n’est engagée que si la faute qu’ils ont commise est génératrice d’un préjudice et s’il existe une relation de cause à effet entre cette faute et ce préjudice (CA Paris 21-2-2003 n° 02-5910 : Dr. sociétés 2004 comm. n° 5 note Lucas).

La réparation doit correspondre intégralement au préjudice subi (Cass. crim. 28-1-2004 n° 779 : RJDA 6/04 n° 764 ; Cass. com. 12-5-2015 n° 13-28.059 : RJDA 11/15 n° 753). Cependant, le montant de cette réparation peut être atténué lorsque les demandeurs ont eux-mêmes commis une faute, par exemple en confiant des fonctions difficiles à un gérant notoirement inexpérimenté (pour un exemple emprunté aux sociétés commerciales mais transposable, voir CA Paris 13-1-1939 : JCP 1939 I n° 1021).

    Étendue de la responsabilité des gérants

    Responsabilité individuelle du gérant
    Responsabilité solidaire des gérants

    Action en responsabilité contre le gérant

    Action individuelle en responsabilité contre le gérant

    Action sociale contre le gérant

    Prescription de l’action en responsabilité contre le gérant

    Cas particuliers de responsabilité civile du gérant

    Responsabilité civile du gérant de société en procédure collective

    En cas de procédure collective ouverte à l’encontre de la société, les gérants peuvent être tenus de contribuer au règlement du passif social et être soumis à certaines interdictions et déchéances ainsi qu’à diverses sanctions (privation du droit de vote, obligation de céder leurs parts sociales, etc.)

    Si l’ouverture de la procédure collective de la société interdit aux créanciers sociaux d’agir en paiement contre celle-ci (sauf pour les créances nées régulièrement après le jugement d’ouverture et « utiles » à la procédure ; C. com. art. L 622-21, L 631-14 et L 641-3), cette suspension des poursuites ne bénéficie qu’à la société et non à ses dirigeants (Cass. com. 29-3-2023 n° 21-21.005 F-B : RJDA 6/23 n° 323 ; Cass. com. 14-6-2023 n° 21-21.330 FS-B). Par exemple, ceux-ci peuvent être poursuivis au titre de leur solidarité fiscale avec la société (Cass. com. 21-6-1994 n° 92-16.134 D : RJDA 11/94 n° 1142, rendu en application de l’art. L 267 du LPF ; Cass. com. 29-3-2023 précité, faisant application des art. 1799 et 1799 A du CGI).

    Toutefois, les poursuites engagées par les créanciers contre les dirigeants en leur qualité de coobligés ou de garants des dettes sociales sont temporairement suspendues en cas de sauvegarde ou de redressement judiciaire de la société mais non en cas de liquidation judiciaire de celle-ci.

    Responsabilité du gérant personne morale

    Si une personne morale est gérante, ses dirigeants encourent les mêmes responsabilités civiles que s’ils étaient gérants en leur nom propre, sans préjudice de la responsabilité solidaire de la personne morale qu’ils dirigent (C. civ. art. 1847).

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