La rupture du couple : nullité, divorce et séparation de corps

Éléments clés

  • Le mariage peut avoir été affecté, dès son origine, par le défaut de l’une de ses conditions de validité. Son annulation peut alors être prononcée. Le mariage n’aurait jamais dû être. Il convient de l’effacer.
  • Le lien conjugal peut être malmené par les mésententes graves du couple. L’un ou les deux époux pourront alors, à certaines conditions, demander à ce qu’il soit mis un terme à leur union. C’est le divorce : sans nier l’existence du mariage pendant un temps et sa validité, celui-ci prend fin pour l’avenir.
  • La séparation de corps est une alternative au divorce : le lien conjugal continue d’exister mais les obligations du mariage sont atténuées.
  • Il ne faut naturellement pas oublier l’ultime cause de rupture du mariage, celle qui met nécessairement fin à tous les couples qui ont résisté à l’annulation de leur mariage ou à la tentation du divorce : la mort. En effet, le mariage disparaît également au décès de l’un des deux époux sans pour autant emporter l’extinction de leurs vocations successorales et de leur droit de porter le nom de l’autre.

Le mariage peut être anéanti ou rompu de trois façons dont la distinction est nette :

  1. la nullité qui sanctionne le défaut d’une condition de formation du mariage
  2. le divorce qui sanctionne un souhait, partagé ou non, de ne plus exécuter les obligations qui découlent du mariage.
  3. la séparation de corps qui, sans mettre fin au mariage, permet d’en anesthésier certaines obligations.

1. La nullité du mariage

La nullité du mariage vise à anéantir rétroactivement une union qui a été conclue dans l’irrespect de ses conditions de validité.

Remarque : La nullité du mariage peut théoriquement être analysée de deux manières différentes :

  • selon une première conception, plutôt abstraite, le mariage nul n’a en réalité jamais existé puisqu’il lui manquait l’une de ses conditions d’existence. L’annulation du mariage ne fait que déclarer cette inexistence ;
  • selon une seconde conception, plus concrète, le mariage nul a véritablement existé mais il n’aurait jamais dû l’être. L’annulation du mariage permet donc de l’effacer pour rétablir la situation telle qu’elle aurait dû être.

Les causes de nullité du mariage sont nombreuses, mais leurs effets sont relativement communs.

1.1. Les causes de nullité du mariage

Les causes de nullité du mariage apparaissent généralement comme le négatif de ses conditions de validité : l’absence de l’une de ces conditions correspond généralement à une cause de nullité.

Les causes de nullité du mariage sont réparties en deux catégories hiérarchisées par un critère de gravité : les causes de nullité relative et les causes de nullité absolue.

1.1.1. Les causes de nullité relative

Le mariage peut être entaché de nullité relative dans 4 hypothèses :

  • le consentement de l’un des époux a été vicié par une erreur sur la personne de l’autre époux (C. civ., art. 180, al. 2). L’hypothèse est rare : il s’agit du cas où l’un des époux épouse une personne alors qu’il pensait en épouser une autre ;
  • le consentement de l’un des époux a été vicié par une erreur sur les qualités essentielles de l’autre époux (C. civ., art. 180, al. 2). L’appréciation du caractère essentiel d’une qualité est parfois malaisée. Le juge se fonde sur une appréciation à la fois in concreto et in abstracto. À titre d’illustration, il peut s’agir du passé de prostituée de l’un des époux, de l’existence d’une liaison antérieure continuée après le mariage, de l’aliénation mentale de l’un des époux, de sa séropositivité (TGI Dinan, 4 avr. 2006 : D. 2007, p. 1510 ; RTD civ. 2007, p. 550, obs. Hauser), etc. Au contraire, les simples qualités « humaines » ou de comportement ne sont pas considérées comme essentielles : on ne peut invoquer la nullité car on a pensé épouser un individu aimable alors qu’il se révèle être acrimonieux. La question a pu se poser avec acuité pour la virginité de l’épouse (refusant le caractère essentiel à cette qualité : CA Douai, 17 nov. 2008. – V. not. dans la revue Dr. famille 2008, comm. 167, Larribau-Terneyre) ;
  • le consentement de l’un des époux a été extorqué par la violence (C. civ., art. 180, al. 1). Cette violence peut être physique ou morale. Certaines hypothèses à la marge de la violence posent question : c’est le cas de la crainte révérencielle envers les parents. Pendant longtemps, elle n’était pas considérée comme entrant dans le domaine de la violence sur le fondement d’un article de droit commun (C. civ., art. 1114). Toutefois, le législateur a rendu beaucoup moins certaine cette solution par la loi du 4 avril 2006 en précisant « L’exercice d’une contrainte sur les époux ou l’un d’eux, y compris par crainte révérencielle envers un ascendant, constitue un cas de nullité du mariage » (C. civ., art. 180, al. 1er) ;
  • le consentement a été donné par un mineur incapable alors que le consentement d’un ascendant était nécessaire pour contracter mariage (C. civ., art. 182). Pour les hypothèses où cette autorisation est nécessaire (V. Fiche pédagogique n° 3219 : Le mariage).

Remarque : Il convient de remarquer que contrairement au droit commun, le droit du mariage ne retient pas le dol comme vice du consentement pouvant affecter la validité du mariage. Un adage célèbre de Loysel traduit cette exclusion : « En mariage il trompe qui peut ». La portée de cette exclusion doit toutefois être relativisée : le dol de l’un des époux est, par définition, à l’origine d’une erreur. Or, si celle-ci porte sur la personne ou sur une qualité essentielle, la demande en nullité du mariage pourra être fondée sur cette erreur provoquée.

L’absence de prise en compte du dol en tant que tel permet de tenir en échec les demandes en nullité fondées sur une erreur portant sur une qualité « non essentielle ». Certes, une telle erreur paraît davantage excusable lorsqu’elle a été provoquée par le dol du conjoint ; elle n’en devient pas pour autant une erreur cause de nullité.

En cas d’erreur ou de violence, l’action en nullité relative est attribuée au seul époux dont le consentement a été vicié (C. civ., art. 180). Inversement et à titre d’exemple, cela signifie que l’un des conjoints ne peut invoquer l’erreur de l’autre époux pour demander l’annulation de leur union. Cette action se prescrit par 5 ans à compter du mariage (C. civ., art. 181).

En cas d’incapacité du mineur, seul ce dernier et le ou les ascendants dont le consentement était nécessaire peut/peuvent intenter l’action en nullité (C. civ., art. 182). Pour le conjoint, cette action se prescrit par 5 ans à compter du jour de sa majorité ; pour les parents, elle se prescrit également par 5 ans mais à compter du jour où ils ont eu connaissance du mariage (C. civ., art. 183). Toutefois, une confirmation est possible : le mineur pourra renoncer à l’action en nullité après sa majorité, ce qui fait disparaître son propre droit à l’invoquer tandis que les ascendants dont le consentement était requis pourront également y renoncer mais en faisant disparaître non seulement leur propre droit de l’invoquer mais aussi celui des autres ascendants et même de l’époux (C. civ., art. 183).

1.1.2. Les causes de nullité absolue

Les causes de nullité absolue sont au nombre de six (C. civ., art. 184) :

  • l’impuberté ;
  • l’absence totale de consentement. C’est en général le cas du mariage conclu par un aliéné en état d’inconscience ou encore celui du mariage « blanc » lorsque les époux n’entendent aucunement s’en tenir par la suite aux obligations du mariage ;
  • la bigamie ;
  • l’inceste ;
  • la clandestinité : la célébration du mariage n’a eu aucune publicité par exemple parce que les portes de la mairie étaient closes ou parce qu’il n’y avait pas de témoin. La nullité est ici facultative pour le juge qui ne la prononcera que s’il estime que les circonstances le commandent. Il tiendra généralement compte du caractère frauduleux ou non de la clandestinité ;
  • l’incompétence : elle est soit tirée du fait que la commune dans laquelle le mariage a été célébré n’était pas l’une de celles désignées par la loi, soit du fait que celui qui a célébré le mariage n’avait pas la qualité d’officier d’état civil. Là encore, la nullité n’est que facultative pour le juge qui prendra en compte le caractère frauduleux de l’incompétence, du moins pour celle tirée de l’illicéité du choix de la commune.

L’action en nullité absolue est attribuée aux époux, aux ascendants, à tous ceux qui y ont un intérêt (successoral par exemple) et au ministère public (C. civ., art. 184). Cette action se prescrit par 30 ans à compter de la célébration du mariage.

La nullité absolue ne peut être couverte par la correction de la cause de nullité. Par exemple, le mariage contracté par un impubère ne devient pas valable par l’acquisition de la puberté. Seule la possession d’état (les époux vivent publiquement ensemble) permet de couvrir les vices de clandestinité et d’incompétence.

1.2. Les effets de la nullité du mariage

Les effets de la nullité du mariage s’illustrent par leur vigueur. Vigueur qu’il convient d’atténuer à l’égard des enfants et du conjoint tenu dans l’ignorance de la cause de nullité.

1.2.1. Le principe : l’anéantissement rétroactif du mariage

La nullité du mariage entraîne son anéantissement rétroactif. Puisque l’une de ses conditions de formation a fait défaut, il faut tenter de replacer les époux dans la situation qui aurait été la leur si le mariage n’avait jamais été célébré. C’est ainsi que le lien matrimonial est déclaré inexistant, emportant avec lui la disparition des obligations matrimoniales ainsi que celle des prétentions successorales de chacun des époux sur le patrimoine de l’autre. Le droit d’utiliser le nom de l’autre époux est également éteint.

1.2.2. Les tempéraments à l’égard des enfants et de l’époux tenu dans l’ignorance de la cause de nullité

Innocents, les enfants du couple échappent à l’anéantissement rétroactif du mariage : à leur égard, celui-ci subsiste, c’est-à-dire qu’ils sont considérés nés pendant le mariage, ce qui permet notamment de leur appliquer la présomption de paternité. Du point de vue de l’autorité parentale et de la résidence, leur sort échappe au droit de la nullité pour rebondir sur le terrain du divorce dont les règles sont appliquées (C. civ., art. 202).

La rigueur de l’anéantissement rétroactif du mariage peut, en outre, sembler excessive à l’égard de l’un des époux lorsque celui-ci a ignoré la cause de nullité de son union. En cette hypothèse, la loi pose un tempérament qui s’incarne dans la théorie du mariage putatif. L’un des époux au moins doit avoir ignoré la cause de nullité du mariage, qu’elle soit relative ou absolue. C’est classiquement le cas de l’époux qui a commis une erreur sur une qualité essentielle de la personne de son conjoint. Cette ignorance suppose la bonne foi de l’époux qui est présumée et qui doit exister au jour de la célébration du mariage. Si cette condition est satisfaite, le mariage déclaré nul produira ses effets à l’égard du ou des conjoints qui a/ont cru à l’existence et à la validité de son/leur union (C. civ., art. 201).

2. Le divorce

Contrairement à la nullité du mariage, le divorce permet de mettre fin à un mariage qui était valide, mais dans lequel les deux époux ou l’un seulement ne veulent/veut plus demeurer.

2.1. Les voies du divorce

Les voies du divorce sont au nombre de quatre.

2.1.1. Le divorce par consentement mutuel

Le mariage que les époux ont formé par la concordance de leur volonté peut être dissous par un nouvel accord de volonté en sens inverse contrôlé et validé par le juge. La particularité de ce type de divorce réside en ce que les époux s’entendent, non seulement pour mettre fin à leur union, mais aussi sur les conséquences de cette rupture.

Avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, le recours au juge était indispensable afin que celui-ci homologue la convention réglant les conséquences de la rupture proposée par les époux.

La loi de 2016 a sensiblement modifié la procédure de divorce par consentement mutuel. Désormais, la convention de divorce prend la forme d’un acte sous signature privée déposée chez un notaire. Elle n’est plus soumise à l’homologation judiciaire, à moins qu’un enfant mineur du couple demande à être entendu par un juge (C. civ., art. 229-2, 1°).

Le divorce par consentement mutuel est l’unique cas de divorce dans lequel les époux peuvent divorcer sans avoir à engager de procédure judiciaire.

Chaque époux doit être assisté par un avocat. Il n’est pas possible que les époux fassent appel au même avocat. Les deux avocats contresignent la convention (C. civ., art 229-1).

Puisque le consentement des époux est essentiel à deux points de vue, il semble naturel que la loi ne permette pas à une personne placée sous un régime de protection de divorcer par le recours à ce type de divorce (C. civ., art. 229-2, 2° et 249-4).

2.1.2. Le divorce par acceptation du principe de la rupture

Le divorce par acceptation du principe de la rupture a un point commun avec le divorce par consentement mutuel : les époux s’entendent sur le fait de mettre fin à leur union. En revanche, ce deuxième cas de divorce s’éloigne du premier en ce que les époux n’ont pas trouvé d’accord sur les conséquences de cette rupture (C. civ., art. 233). Après avoir acquis la conviction de la réalité et du sérieux de la volonté des époux de divorcer, le juge doit donc statuer sur les conséquences du divorce (C. civ., art. 234).

Remarque : La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a levé l’interdiction faite aux majeurs protégés de recourir à ce type de divorce. Leur consentement est certes nécessaire, mais celui-ci a une portée bien moindre que dans l’hypothèse d’un divorce par consentement mutuel (puisqu’il ne porte pas sur les effets), ce qui peut expliquer que l’interdiction soit levée pour l’un des types de divorce mais non pour l’autre.

2.1.3. Le divorce pour faute

Contrairement aux deux cas précédents, le divorce pour faute peut être prononcé alors même que l’un des époux ne serait pas d’accord pour divorcer. Puisqu’il s’agit d’un mode de dissolution possiblement unilatéral, celui-ci est conditionné par la preuve d’une faute commise par l’autre époux (C. civ., art. 242).

Remarque : De ce qui vient d’être dit, il faut induire que le mariage ne peut être librement dissous du seul fait de la volonté de l’un des époux. Puisque le mariage est un engagement, on ne peut en principe pas s’en défaire unilatéralement, quand bien même on le souhaiterait résolument. Il n’y a pas de légitimité à y parvenir sans obtenir l’accord de l’autre époux sauf à démontrer que cet autre époux a par sa faute rendu insupportable le maintien de l’union. Dans ce dernier cas en effet, il est logique de ne pas tenir compte de la volonté de l’époux fautif de demeurer dans un mariage qu’il a rendu intenable pour l’autre époux. Puisqu’il a fauté, l’autre époux peut se passer de son consentement qui est en principe nécessaire.

Il est vrai que l’existence du divorce pour altération définitive du lien conjugal conduit à relativiser sensiblement cette remarque sans pour autant lui faire perdre toute sa pertinence. En effet, dans cette hypothèse, l’obtention du divorce contre la volonté de l’un des époux est certes possible, mais elle est conditionnée par l’écoulement d’un délai de 1 an de séparation.

La faute doit d’abord pouvoir être imputée à l’un des époux, ce qui implique d’une part qu’elle soit le fait personnel de l’époux et non le fait d’un tiers, et d’autre part, que l’époux en question possède une volonté éclairée et libre.

La faute doit ensuite avoir un caractère conjugal, c’est-à-dire qu’elle devra nécessairement s’incarner dans l’inexécution d’une obligation née du mariage ou dans la violation de l’un des devoirs des époux. Ainsi par exemple, l’adultère est une faute car il correspond à la violation du devoir de fidélité. De même, le fait de quitter le domicile familial est une faute car il correspond à un manquement au devoir de communauté de vie. Peuvent aussi être cités sans prétention à l’exhaustivité : les violences, les injures, la communication d’une maladie sexuellement transmissible, l’interruption de grossesse à l’insu du mari, le désintérêt pour la famille, le changement de sexe (CA Nîmes, 7 juin 2000 : Dr. famille 2001, comm. 4, Lécuyer ; LPA 12 avr. 2001, note Massip ; RTD civ. 2001, p. 335, obs. Hauser), etc. Pour d’autres exemples, Fiche pédagogique n° 3219 : Le mariage.

La faute doit également être affectée d’un caractère de gravité ou de répétition. La violation du devoir conjugal doit être grave ou alors renouvelée.

La faute doit enfin rendre intolérable le maintien de la vie commune. Cette condition permet d’éviter des actions en divorce qui reposeraient sur des fautes passagères qui pourraient être aisément pardonnées. Il ne s’agit en effet pas de punir le conjoint pour avoir fauté mais plutôt de mettre fin à une union devenue intolérable. Toutefois, depuis des arrêts de la Cour de cassation en date du 30 novembre 2000 et du 11 janvier 2005, la seule constatation de l’existence d’un manquement grave ou renouvelé conduit à retenir que la double condition de l’article 242 est remplie (Cass. 2e civ., 30 nov. 2000, n° 99-10.923 :– Cass. 1re civ., 11 janv. 2005, n° 03-16.451).

Le juge dispose d’une large marge de manœuvre dans l’appréciation de ces conditions.

2.1.4. Le divorce pour altération définitive du lien conjugal

Parfois, un mariage n’a de mariage plus que le nom. Dans les faits, celui-ci se réduit à une coquille-vide : les époux vivent séparés mais les trois autres types de divorce leur demeurent interdits puisque l’un des deux refuse la désunion souhaitée et parce que l’époux souhaitant divorcer n’est pas en mesure de rapporter la preuve de la faute de son conjoint.

La loi entend tirer les conséquences de cette désunion de fait en permettant à l’époux ne souhaitant pas demeurer dans un mariage qu’il n’assume plus, d’en sortir.

L’altération définitive du lien conjugal peut résulter de deux situations :

  • la séparation des époux depuis 1 an lors de la demande en divorce (C. civ., art. 238, al. 1). Traditionnellement, il est admis que cette situation est composée de deux éléments constitutifs. D’une part, d’un élément matériel : la fin de la communauté de vie entre époux, autrement dit la cessation de la cohabitation. D’autre part, d’un élément moral : l’intention de vivre séparément d’au moins un époux, ce qui n’implique pas nécessairement la disparition de tout sentiment affectif ;
  • une demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal et une autre demande en divorce ont été concurremment présentées (C. civ., art. 238, al. 3). Le fait que deux demandes aient été présentées témoigne suffisamment de ce que le lien conjugal semble définitivement altéré. Dans ce cas donc, il n’est pas nécessaire que le délai d’un an se soit écoulé.

2.2. Les effets du divorce

Le mariage produit à l’égard des époux, des effets à la fois personnels et pécuniaires. Symétriquement, en sens inverse, le divorce produit lui aussi ces deux types d’effets.

2.2.1. Les effets de nature personnelle

Le divorce met fin au mariage pour l’avenir, ce qui le distingue de la nullité. Les obligations et droits issus du mariage meurent avec lui, ce qui n’entraîne en aucune façon la disparition des devoirs des parents à l’égard de leurs enfants. Au couple conjugal survit le couple parental.

L’époux divorcé ne peut plus porter le nom de son ancien conjoint sauf si ce dernier l’y autorise ou si le juge le lui autorise car il justifie d’un intérêt particulier pour lui ou pour les enfants (C. civ., art. 264).

Puisque le lien d’alliance disparaît, l’obligation alimentaire entre alliés s’éteint elle aussi, à la différence de certains empêchements à mariage qui subsistent en ligne directe.

Chacun des deux époux a la liberté de contracter un nouveau mariage (C. civ., art. 263).

Remarque : Les effets de nature personnelle du divorce dépassent le seul cadre du droit civil. L’illustre fort bien le cas de l’immunité familiale entre époux qui prend fin par l’effet du divorce. Cette immunité interdit notamment d’exercer des poursuites pénales contre l’auteur d’un vol, d’une extorsion, d’un chantage, d’une escroquerie ou d’un abus de confiance si l’infraction a été commise au préjudice de son conjoint (C. pén., art. 311-12). Effet du mariage, elle disparaît avec lui.

2.2.2. Les effets de nature pécuniaire : la fixation de la prestation compensatoire

C’est ce point là qui intéresse la plupart des justiciables : combien va me coûter le divorce (généralement l’homme) / combien je vais obtenir (généralement la femme).

La vocation successorale entre époux disparaît et le régime matrimonial est liquidé.

Si le divorce crée entre les époux une disparité dans leurs conditions de vie respectives, celle-ci sera compensée par l’octroi d’une prestation compensatoire (C. civ., art. 270, al. 1). L’époux qui bénéficie de cette disparité devra alors verser une compensation sous forme de capital, en principe, ou de rente à l’époux qui en est victime. Hors divorce par consentement mutuel où les époux doivent s’entendre sur cette potentielle prestation, celle-ci est décidée par le juge et s’apprécie de manière objective, c’est-à-dire sans considération de la répartition des torts. Toutefois, elle pourra être refusée sur le fondement de l’équité, soit en considération de critères posés par l’article 271 du Code civil, soit lorsque le divorce est un divorce pour faute prononcé aux torts exclusifs de l’époux qui sollicite la prestation compensatoire et cela compte tenu des circonstances particulières de la rupture (C. civ., art. 270, al. 3).

La Cour de cassation a estimé que pour apprécier la disparité résultant de la rupture du lien conjugal et ainsi fixer le montant de la prestation compensatoire, il ne doit pas être tenu compte de l’origine des biens composant l’actif de la communauté (Cass. 1re civ., 21 oct. 2015, n° 14-25.316 : JurisData n° 2015-023500). Le juge n’a pas davantage à tenir compte de la vie commune antérieure au mariage pour déterminer les ressources et les besoins des époux en vue de la fixation de la prestation compensatoire (Cass. 1re civ., 5 déc. 2018, n° 17-28.345 : JurisData n° 2018-022194).

3. La séparation de corps

La séparation de corps est un mécanisme qui permet de demeurer dans le mariage tout en en atténuant la vigueur. Plus prosaïquement, lorsque les époux obtiennent par décision judiciaire leur séparation de corps, ils demeurent mariés mais dispensés de l’obligation de vie commune.

La séparation de corps peut être rapprochée du divorce en ce que ses cas d’ouverture sont les mêmes. En revanche, elle s’en éloigne clairement s’agissant de ses effets et de ses potentielles métamorphoses.

3.1. Les voies de la séparation de corps

La séparation de corps peut être faîte par consentement mutuel ou par simple acceptation du principe de la séparation de corps. Elle peut encore être effectuée sur le fondement de la faute de l’un des époux ou pour altération définitive du lien conjugal.

La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a étendu à la séparation de corps par consentement mutuel, la procédure déjudiciarisée que la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle avait rendu seulement applicable au divorce par consentement mutuel. La séparation de corps par consentement mutuel peut donc désormais être constatée par une convention sous signature privée déposée au rang des minutes d’un notaire.

3.2. Les effets de la séparation de corps

La séparation de corps ne dissout pas le mariage mais en anesthésie le devoir de cohabitation (C. civ., art. 299). Les époux peuvent donc vivre séparément et il leur est possible de refuser de recevoir l’autre à leur domicile.

Comme le mariage demeure, les époux peuvent conserver l’usage du nom de l’autre (C. civ., art. 300) et restent obligés par le devoir de fidélité et le devoir d’assistance (oui parfois notre droit reste irrigué de pudibonderie). Naturellement, un nouveau mariage est exclu, ce qui n’est qu’une application particulière de la règle classique de prohibition de la bigamie.

La vocation successorale ne cesse pas d’exister (C. civ., art. 301).

La séparation de corps emporte en revanche séparation de biens (C. civ., art. 302, al. 1).

À l’égard des enfants, la séparation de corps a les mêmes effets que le divorce.

3.3. La fin de la séparation de corps

Par définition, la séparation de corps laisse subsister le mariage. Celui-ci peut donc encore être dissous par un divorce ou par la mort de l’un des époux. Dans les deux cas et par pure logique, la séparation disparaît.

Plus précisément s’agissant du premier cas, il peut être demandé au juge une conversion de la séparation de corps en divorce. Cette conversion peut se faire de deux manières :

  • par volonté unilatérale : celle-ci n’est possible que si la séparation de corps a duré au moins 2 ans. Par ailleurs, elle n’est pas possible pour les séparations de corps obtenues par consentement mutuel (C. civ., art. 307, al. 2). La conversion de la séparation de corps par consentement mutuel en divorce peut donc être dite « tubulaire » : elle ne peut conduire qu’à un divorce de même nature.
  • par consentement mutuel : celle-ci est possible quelle que soit la séparation de corps (on peut ainsi divorcer par consentement mutuel alors même que la séparation de corps aurait été obtenue pour faute) et aucun délai minimal de durée de la séparation de corps n’est exigé.

Dans les deux cas, la séparation de corps se métamorphosant en divorce, ce sont les effets de celui-ci qui en prennent le relais.

Parfois, une séparation de corps aboutit à un résultat plus heureux et les époux se réconcilient et reprennent la vie commune. Pour être opposable aux tiers, cette réconciliation doit être constatée par un acte notarié ou faire l’objet d’une déclaration à l’officier d’état civil. Cependant, la séparation de biens issue de la séparation de corps subsiste sauf à ce que les époux adoptent un nouveau régime matrimonial dans le respect des règles qui régissent cette matière (C. civ., art. 305).

Exemple de cas pratique

1.1. Énoncé

Généreux, aimant, patient, plaisant, romantique, sportif, fascinant, économe, hygiénique et même modeste ! Voilà toutes les qualités que Pierre Mordoré s’est vanté de posséder afin de séduire le cœur de la crédule et naïve Anna Verdegris. Cette dernière semble donc avoir conclu l’union parfaite en épousant ce premier, le 16 décembre 2023. Malheureusement, cette union tourne vite à la farce et Madame Verdegris réalise très rapidement que de toutes ces qualités, son nouvel époux n’en a aucune. Généreux ? Certainement pas : il refuse de subvenir aux besoins du ménage. Aimant ? Peut-être oui… mais avec une autre : Madame Verdegris a découvert que son mari affectionne particulièrement la compagnie d’une autre femme avec qui il partage son lit. Économe ? Certes non, il dilapide la fortune du ménage. Sportif ? C’est la dernière de ses qualités à lui qui passe ses journées dans son canapé, canapé qui est d’ailleurs le meilleur témoin de son réel manque d’hygiène…

Madame Verdegris se sent trompée. Elle doit se résoudre à admettre qu’elle est tombée dans le piège d’un homme qui s’est vanté de qualités qu’il n’a pas. Si elle avait su, elle ne l’aurait sans doute pas épousé.

Lassée par les défauts de son époux, et souhaitant en trouver un autre qui aura véritablement les qualités dont il se targue, Madame Verdegris souhaite mettre un terme à leur mariage, ce à quoi ledit époux se refuse. Elle vient alors vous consulter et commence par vous expliquer que fervente catholique, elle préférerait éviter si possible la voie du divorce et connaître donc les autres options. Elle a entendu, vous dit-elle, qu’existerait un moyen d’annuler un mariage pour erreur sur les qualités de l’époux.

Qu’en pensez-vous et que lui conseillez-vous ?

1.2. Éléments de solution

Madame Verdergris souhaite mettre fin à son couple. Il convient d’envisager successivement les 3 voies qui permettent de dissoudre un mariage ou d’en atténuer certaines obligations.

L’annulation du mariage

En droit, l’annulation du mariage peut être demandée par l’un des époux sur plusieurs fondements. Comme le prévoit l’article 180, alinéa 2 du Code civil, l’époux qui a commis une erreur sur une qualité essentielle de son conjoint peut demander la nullité de leur union dans un délai de 5 ans. Le caractère essentiel de la qualité n’est pas une simple expression verbale : il porte en lui l’exigence d’une appréciation par le juge et d’une sélection des seules qualités qui sont suffisamment déterminantes du consentement. Cette appréciation s’opère in abstracto et in concreto. C’est la raison pour laquelle, les simples qualités générales de comportements ne sont pas prises en compte. De surcroît et à l’inverse du droit commun des contrats, le fondement du dol ne permet pas d’appréhender l’erreur qui serait en elle-même indifférente. Autrement dit, l’erreur sur une qualité non essentielle ne peut être prise en compte même si elle est provoquée par un dol.

En l’espèce, Madame Verdegris reproche à son époux de lui avoir menti sur diverses qualités : généreux, aimant, économe, etc. Ce ne sont pas des qualités essentielles, notamment d’un point de vue in abstracto (tout époux n’exige pas de son conjoint d’être économe ou sportif par exemple). Ces qualités semblent d’ailleurs beaucoup trop subjectives pour être prises en compte. Ce sont de simples qualités générales de comportement.

La voie de l’annulation ne semble donc pas des plus opportunes, faute de fondement exploitable.

Le divorce

En droit, il existe quatre types de divorce. Le divorce par consentement mutuel et le divorce par acceptation du principe de la rupture supposent tous deux un accord des deux époux pour divorcer. Le divorce pour altération définitive du lien conjugal exige une séparation des époux d’au moins 1 an ou qu’une autre demande en divorce ait été présentée concurremment. Enfin et comme le prévoit l’article 242 du Code civil, le divorce pour faute suppose la caractérisation d’une faute qui consiste en une violation grave ou répétée d’une obligation née du mariage rendant le maintien de l’union intolérable. L’adultère, le désintérêt pour la gestion financière du ménage sont classiquement admis comme constitutifs de fautes au regard de l’article précité.

En l’espèce, Monsieur Mordoré refuse de divorcer : les deux premiers types de divorce sont donc exclus. Il n’y a pas eu non plus de séparation des époux ni même une autre demande en divorce : le divorce pour altération définitive du lien conjugal est donc aussi à écarter. En revanche, Monsieur Mordoré dilapide les ressources du ménage et ne semble pas contribuer à leur apport. De surcroît, il trompe son épouse avec une autre femme. Ce sont là des violations graves et répétées de plusieurs obligations du mariage : le devoir de contribuer aux charges et le devoir de fidélité. Enfin, il ne semble pas impossible de se convaincre que ces manquements rendent la vie de couple de Madame Verdegris intolérable ; elle devra toutefois en convaincre le juge.

Le divorce pour faute semble donc être une voie assez sûre pour Madame Verdegris si elle veut mettre fin à son union. Cela lui permettra d’ailleurs de se remarier. Toutefois, compte tenu de sa foi catholique, ce n’est pas l’option qu’elle veut privilégier.

La séparation de corps

En droit, la séparation de corps peut être demandée dans les mêmes cas que le divorce. Toutefois et comme le prévoit l’article 299 du Code civil, elle n’entraîne pas une dissolution du mariage et ainsi les époux ne peuvent se remarier.

Son mari étant auteur de plusieurs fautes comme soutenu précédemment, Madame Verdegris peut demander au juge de prononcer leur séparation de corps sur ce motif. Toutefois, cela ne lui apportera pas satisfaction car si elle peut vivre séparément de son époux, elle ne pourra pas se remarier.

La voie de la séparation de corps semble donc possible mais ses effets n’apporteront pas entière satisfaction à Madame Verdegris.

En définitive, le soussigné consulté est d’avis que la voie de l’annulation est exclue et que celle du divorce pour faute est ouverte mais viendra en contradiction des souhaits de Madame Verdegris qui est catholique. Et si la séparation de corps est également envisageable, celle-ci ne lui apportera pas non plus satisfaction car elle ne pourra se remarier. Entre ces deux dernières options, Madame Verdegris devra sacrifier l’une de ses exigences (le refus du divorce ou la volonté de se remarier) afin de pouvoir satisfaire l’autre.

Vocabulaire

  • Appréciation in abstracto : raisonnement qui consiste notamment à examiner une qualité afin de déterminer si celle-ci revêt un caractère essentiel en fonction de ce qu’elle serait pour un individu moyen
  • Appréciation in concreto : raisonnement qui consiste notamment à examiner une qualité afin de déterminer si celle-ci revêt un caractère essentiel en fonction de ce qu’elle est pour l’individu précis qui l’invoque
  • Homologation : procédure par laquelle une autorité judiciaire approuve un acte juridique et lui confère la force exécutoire
  • Ratio legis : raison d’être de la loi. La connaissance de la volonté du législateur facilite l’interprétation du texte de la loi
  • Régime matrimonial : statut qui gouverne les intérêts pécuniaires des époux et dont l’objet est de régler le sort de leur actif et de leur passif pendant le mariage
  • Rente viagère : versement périodique d’une somme par une première personne (le débirentier) à une seconde (le crédirentier) jusqu’au décès de cette dernière.
  • Rétroactivité : caractère d’un acte ou d’un fait produisant ses effets dans le passé, à une date antérieure à son accomplissement ou à sa survenance
  • Succession : transmission des biens et des dettes d’une personne décédée

2. Conseils/Pièges à éviter

  • une erreur classique consiste à confondre divorce par consentement mutuel et divorce par acceptation du principe de la rupture. Il est vrai que ces deux types de divorce ont en commun de ne pouvoir être prononcés que si les époux s’entendent pour divorcer. Toutefois, le premier se distingue du second en ce que l’accord de volonté, plutôt que de se limiter à la décision de divorcer, s’étend aussi aux conséquences du divorce qui sont réglées conventionnellement par les époux. De surcroît, le divorce par consentement mutuel est en principe prononcé sans passage devant le juge, contrairement au divorce par acceptation du principe de la rupture
  • une erreur qui « ne manque pas de sel » et à laquelle certains étudiants n’échappent pas : la devise de Loysel « En mariage il trompe qui peut » signifierait que l’époux a le droit d’être infidèle s’il le fait suffisamment habilement pour ne pas être démasqué. Il n’en est rien, bien entendu. D’une part, l’adage signifie en réalité que le dol n’est pas cause de nullité du mariage et d’autre part, l’infidélité reste une faute susceptible d’être invoquée pour obtenir un divorce pour faute
  • le droit du divorce et de la nullité du mariage est l’une de ces matières où la référence à des arrêts et jugements de juges du fond est admise. Il existe un bon moyen pour déterminer si telle décision des juges du fond peut être citée : il faut regarder si ladite décision est référencée dans une revue d’actualité juridique ou si elle fait l’objet de commentaires de la doctrine.

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