L’annulation d’un contrat peut être prononcée en cas de dol commis par l’une des parties, c’est-à-dire lorsque celle-ci a obtenu le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges (C. civ. art. 1137, al. 1) ou lorsqu’elle a intentionnellement dissimulé à l’autre partie une information qu’elle savait déterminante pour celle-ci (art. précité, al. 2). Dans ce dernier cas, on parle de réticence dolosive.
La résolution met fin au contrat et que les parties doivent restituer l’intégralité de ce qu’elles se sont procuré l’une à l’autre lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l’exécution complète du contrat résolu.
Cela nécessite d’analyser le sort des restitutions en cas d’extinction du contrat.
La Cour précise qu’il appartient à la cour d’appel de rechercher la gravité des fautes ayant entraîné la résolution du contrat et la part de responsabilité incombant à chaque partie ainsi que l’importance des préjudices respectivement subis de ce fait. Dès lors, non seulement la résolution du contrat n’empêche pas restitution réciproque des prestations échangées mais elle n’empêche pas non plus le versement de dommages et intérêts au regard des manquements contractuels dont la cour d’appel aurait dû tenir compte dans sa décision. (Cass. com., 15 mai 2024, n° 23-13.990,)
Selon une jurisprudence constante : « l’annulation d’une vente entraînant de plein droit la remise des parties en l’état où elles se trouvaient antérieurement à sa conclusion, la cour d’appel n’était pas tenue, à défaut de demande expresse en ce sens, d’ordonner la restitution du prix en même temps que la reprise de la chose vendue. » (1re Civ., 6 février 2019, pourvoi n° 17-25.859, publié).
En effet, le fait que le juge n’ordonne pas les restitutions n’est pas de nature à affecter les droits des parties, dès lors que de telles restitutions sont virtuellement comprises dans la décision d’annulation ou de résolution du contrat (1re Civ., 12 février 1975, pourvoi n° 73-10.960, Bull. n° 64).
Si le juge n’est pas tenu de statuer sur les restitutions consécutives à l’annulation d’un contrat lorsque les parties ne forment aucune demande, peut-il néanmoins le faire sans méconnaître l’objet du litige ? L’annulation d’une vente entraînant de plein droit la remise des parties en l’état où elles se trouvaient antérieurement à sa conclusion, ne méconnaît pas l’objet du litige le juge qui, même à défaut de demande en ce sens, ordonne à l’issue d’une telle annulation la restitution de la chose vendue et celle du prix.
Quid des loyers et fruits ?
Celui qui a reçu de mauvaise foi doit tous les fruits perçus tandis que celui qui a reçu de bonne foi ne les doit qu’à compter du jour de la demande (C. civ. art. 1352-7).
Après l’annulation d’une vente immobilière, le juge ne peut refuser au vendeur la restitution des loyers perçus par l’acheteur que si ce dernier les a perçus de bonne foi. L’acheteur d’un immeuble doit être de bonne foi pour conserver les loyers une fois la vente annulée
Cass. 3e civ. 21-11-2019 no 18-21.959 F-D, Sté Via Aurelia c/ B.
En cas d’annulation ou de résolution de la vente d’un bien, l’acheteur ne peut conserver les fruits générés par ce bien (tels les loyers de l’immeuble vendu ou les dividendes attachés aux parts sociales ou actions acquises) que s’il les avait perçus de bonne foi (C. civ. art. 549),
Comment déterminer bonne foi ou mauvaise foi : l’exigence de la connaissance du vice affectant la vente pour caractériser la mauvaise foi de l’acheteur demeure applicable, c’est-à-dire sans avoir connaissance du vice affectant sa possession (art. 550) et donc la vente (Cass. com. 5-5-1970 no 68-13.523 : Bull. civ. IV no 147 ; Cass. com. 2-2-2016 no 14-19.278 F-D : RJDA 4/16 no 294). L’acquéreur est considéré comme étant de mauvaise foi à compter de la date où il a acquis cette connaissance (Cass. com. 2-2-2016 ) et donc, à tout le moins, à compter du jour de la demande en nullité ou en résolution du contrat (Cass. com. 5-5-1970 no 68-13.523 P : Bull. civ. IV no 147 ; Cass. 3e civ. 7-6-2011 no 09-70.998 F-D : RJDA 12/11 no 1012).
Autrement dit, un acquéreur de bonne foi trompé par dol qui obtient la nullité pour manoeuvres dolosives du vendeur devient de mauvaise foi uniquement par rapport aux loyers perçus à compter de l’assignation en nullité, même s’il est de bonne foi sur l’action en nullité de la vente.
Contrat annulé pour dol et restitutions en valeur, même à la partie fautive
Le franchiseur, auteur d’un dol ayant entraîné l’annulation du contrat de franchise, est néanmoins en droit d’obtenir la restitution en valeur des prestations qu’il a fournies au franchisé.
Cass. com., 28 juin 2023, n° 22-15.676.
Après l’annulation d’un contrat de franchise pour dol du franchiseur, ce dernier réclame 26 000 € au franchisé au titre de la restitution des prestations dont il a bénéficié. Une cour d’appel rejette la demande aux motifs, d’une part, qu’il s’agit de prestations en nature qui ne peuvent ni être restituées ni minorer l’obligation de restituer les fonds versés par le franchisé et, d’autre part, que le comportement du franchiseur est à l’origine de l’annulation du contrat.
Cassation de cette décision par la Haute Juridiction : la restitution d’une prestation de service annulée a lieu en valeur et elle n’est pas conditionnée par l’absence de faute de la part de son créancier (Cass. com., 28 juin 2023, n° 22-15.676.).
Le contrat annulé étant censé n’avoir jamais existé (C. civ. art. 1178, al. 2), les parties doivent être remises dans l’état où elles se trouvaient avant sa conclusion, ce qui entraîne des restitutions réciproques (Cass. 3e civ. 2-10-2002 n° 1431 FS-D ; Cass. 1re civ. 28-3-2008 n° 07 -12.657).
En cas d’annulation d’un contrat de franchise, le franchisé doit rendre les redevances perçues ; le franchisé qui ne peut pas restituer en nature les prestations fournies par le franchiseur (mise à disposition d’un savoir-faire, d’une marque, d’une enseigne) doit procéder à une restitution en valeur (cf. C. civ. art. 1352-8), c’est-à-dire s’acquitter d’une somme égale à la valeur réelle des prestations fournies, et non pas au prix fixé dans le contrat (Cass. com. 27 -3-2019 n° 17 -27.265).
Les restitutions post-annulation – qui sont de droit (Cass. 1re civ. 6 -2-2019 n° 17-25.859) – sont indépendantes de l’éventuelle faute d’une des parties.
En revanche, seule la partie de bonne foi au contrat annulé peut demander la condamnation de la partie fautive à réparer le préjudice qu’elle a subi en raison de la conclusion du contrat annulé (Cass. ch. mixte 9 -7 -2004 n° 02-16.302), et à condition que le préjudice soit distinct de celui réparé par l’annulation et les restitutions auxquelles elle donne lieu (Cass. com. 12-7 -2011 n° 10-19.297).
L’erreur est toujours excusable même en cas de négligence de la victime
L’erreur qui résulte d’un dol est toujours excusable (art. 1139) et il en est ainsi que l’on soit en présence d’un dol par manœuvres ou par réticence.
Il est donc exclu qu’on puisse reprocher à la partie qui soutient avoir été victime d’un dol de ne pas s’être suffisamment renseignée avant la conclusion du contrat. En d’autres termes, l’intention de l’auteur du dol de tromper l’autre partie absorbe l’éventuelle négligence ou faute de celle-ci.
Les motifs retenus par la cour d’appel, tirés de ce que l’acquéreur aurait dû se renseigner, avant la cession, sur la situation financière de la société, sont impropres à exclure l’existence d’une réticence dolosive, laquelle rend toujours excusable l’erreur provoquée. (Cass. com. 18-9-2024 no 23-10.183 F-B)
Par exemple, il ne peut pas être reproché :
- à l’acquéreur, qui prenait le contrôle de la société et disposait d’une expérience antérieure dans la gestion de sociétés, une obligation renforcée de se renseigner sur la situation de la société qu’il acquérait. En l’absence de toute démarche de l’acquéreur pour se renseigner sur la situation financière de la société, le silence du cédant sur l’existence de dettes et de contrats liant cette société à des tiers constitue TOUJOURS une dissimulation volontaire de la situation financière de la société caractérisant un dol. Cass. com. 18-9-2024 no 23-10.183 F-B
Avant la réforme de 2016, en présence de textes moins explicites (C. civ. ex-art. 1116), la jurisprudence avait déjà retenue la notion de réticence dolosive et le caractère excusable de l’erreur causée par un dol. Mais la chambre commerciale de la Cour de cassation en avait fait une application évolutive. Dans un premier temps, elle avait jugé que l’erreur causée par des manœuvres ou des mensonges était toujours excusable (par exemple, pour des cessions de droits sociaux, Cass. com. 10-7-1989 no 87-19.426 ; Cass. com. 3-7-2001 no 98-17.274 F-D) mais qu’elle ne l’était pas nécessairement en cas de réticence dolosive (notamment, Cass. com. 20-5-2003 no 99-17.232 FS-D : RJDA 8-9/03 no 836, reprochant à l’acquéreur agissant à titre professionnel de ne pas s’être renseigné par lui-même avant de s’engager). Dans un second temps, la chambre commerciale avait jugé que la réticence dolosive rendait toujours excusable l’erreur provoquée (Cass. com. 13-2-2007 no 04-16.520 F-D et 13-3-2007 no 05-21.564 F-D : RJDA 11/07 no 1076 ; Cass. com. 8-3-2016 no 14-23.135 F-D : RJDA 7/16 no 508 ; Cass. com. 6-4-2022 no 20-15.684 F-D), comme l’avaient fait d’autres chambres de la Haute Juridiction (Cass. 1e civ. 23-5-1977 no 76-10.716 : Bull. civ. I no 244 ; Cass. 3e civ. 21-2-2001 no 98-20.817 FS-PBI : RJDA 5/01 no 554).