Le principe
Les statuts des SAS peuvent prévoir, dans les conditions qu’ils déterminent, qu’un associé peut être tenu de céder ses actions (C. com. art. L 227-16).
L’impossibilité de priver de vote l’associé de SAS
Cette grande liberté statutaire n’est toutefois pas sans limites : lorsque les statuts subordonnent l’exclusion d’un associé à une décision collective, ils ne peuvent pas interdire à l’intéressé de voter sur la proposition. En effet, tout associé a le droit de participer aux décisions collectives et de voter (C. civ. art. 1844, al. 1), les statuts ne pouvant déroger à ce principe que dans les cas prévus par la loi. Or, ni l’article L 227-16 du Code de commerce, ni l’article L 227-9 du même Code, qui dispose que les statuts de SAS déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et conditions qu’ils prévoient, n’autorisent une telle dérogation (Cass. com. 23-10-2007 no 06-16.537 : RJDA 1/08 no 50 rapport B. Petit p. 9).
L’inapplication de la jurisprudence “Larzul 2” qui exige une conséquence sur le processus de décision
La confirmation de cette solution ne s’imposait pas avec évidence à l’aune de la jurisprudence initiée par l’arrêt « Larzul 2 ». La Cour de cassation a en effet posé dans cet arrêt le principe selon lequel la décision collective d’une SAS prise en violation d’une clause statutaire encourt la nullité uniquement si cette irrégularité est « de nature à influer sur le résultat du processus de décision » (Cass. com. 15-3-2023 no 21-18.324 FS-BR : RJDA 5/23 no 263). Dans ce sillage, la Cour a fait usage de ce critère s’agissant d’une irrégularité résultant, non pas d’une violation des statuts, mais de la participation d’une personne n’ayant pas la qualité d’associé aux décisions collectives d’une SARL (Cass. com. 11-10-2023 no 21-24.646 FS-B : RJDA 1/24 no 37). La Cour a d’ailleurs appliqué ce principe dans un arrêt publié le même jour (Cass. com. 29-5-2024 no 21-21.559 F-B : BRDA 12/24 inf. 2), en jugeant que l’annulation de la délibération d’une assemblée générale d’une SARL en raison de la convocation irrégulière d’un associé était conditionnée à la preuve que cette irrégularité avait privé l’intéressé de son droit à prendre part à l’assemblée et que son absence avait été de nature à influer sur le résultat du processus de décision. En l’espèce, la Cour de cassation aurait donc pu casser l’arrêt d’appel en ce qu’il n’avait pas examiné en quoi l’impossibilité pour l’associé de participer au vote aurait été de nature à influer sur le processus de décision de l’exclure. La Cour maintient toutefois sa position traditionnelle : il ne peut en aucun cas être porté atteinte au droit de voter sur sa propre exclusion. Ce refus de transposer la jurisprudence « Larzul 2 » au présent cas de figure s’explique sans doute par le fait que l’application de ce nouveau critère aurait pour effet d’affaiblir plus encore les minoritaires, quand la volonté manifeste des rédacteurs des statuts était au contraire d’éviter que les associés majoritaires ne puissent, en pratique, jamais être exclus.
La sanction en cas de violation
L’apport principal de l’arrêt porte sur la sanction en cas de clause statutaire d’exclusion interdisant à l’associé dont l’exclusion est envisagée de participer au vote.
Avant : la nullité de la clause en entier
Jusqu’à présent, en effet, une telle clause était réputée non écrite (sur le fondement de C. civ. art. 1844-10) et ce, dans sa totalité (Cass. com. 9-7-2013 no 11-27.235 : RJDA 10/13 no 813, 1e espèce). Il s’ensuivait que l’exclusion de l’associé était impossible tant que les statuts n’avaient pas été modifiés en vue d’écarter l’interdiction de voter.
Maintenant : le réputé non écrit simplement sur la privation du droit de vote
La Cour de cassation juge désormais que seule est réputée non écrite la stipulation de la clause d’exclusion prévoyant que l’associé ne prend pas part au vote. Ainsi, si la délibération ayant fait application de cette stipulation doit être annulée, rien n’interdit aux parties de convoquer, sur le fondement de la clause d’exclusion, une nouvelle assemblée où l’associé dont l’exclusion est proposée ne sera plus privé du droit de participer au vote.
si les statuts d’une SAS peuvent prévoir l’exclusion d’un associé par une décision collective des associés, toute stipulation de la clause d’exclusion ayant pour objet ou pour effet de priver l’associé dont l’exclusion est proposée de son droit de vote sur cette proposition est réputée non écrite.
La clause privant l’associé de SAS du droit de voter sur son exclusion est en partie réputée non écrite. Est réputée non écrite la stipulation de la clause des statuts d’une SAS privant l’associé dont l’exclusion est envisagée de son droit de vote, pas la clause dans sa totalité.
Cass. com. 29-5-2024 n° 22-13.158 FS-B, Association Mencen-coop c/ SAS Intérim Providence Méditerranée