Masquer sa plaque d’immatriculation : quel risque ?

Fondement juridique

Comme toujours en droit pénal (c’est à dire le droit qui s’intéresse notamment aux contraventions et délits), il faut partir du texte. Cette exigence de précision évite les erreurs, les approximations, les idées reçues qui sont d’autant plus fréquentes en matière de code de la route où le degré connaissance de la matière est inversement proportionnel à la bavardise de l’interlocuteur.

2 articles du code de la route s’intéressent à la plaque d’immatriculation :

  1. L’article  L317-2 du code de la route qui traite de l’usage d’une plaque fausse ou falsifiée (utilisation d’un numéro de plaque n’appartenant à personne)
  2. L’article 317-4-1 qui vise l’usurpation de plaque (utilisation de la plaque existante appartenant à un tiers)
  3. L’article R317-8 du code de la route qui traite de l’obligation générale de poser une plaque d’immatriculation sur un véhicule

Chaque infraction sera étudiée séparément.

La fausse plaque (plaque falsifiée)

Champ d’application

Aux termes de l’article L 317-2 du code de la route :

“I. – Le fait de faire usage d’une plaque ou d’une inscription, exigée par les règlements en vigueur et apposée sur un véhicule à moteur ou une remorque, portant un numéro, un nom ou un domicile faux ou supposé est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende.

C’est par exemple le cas :

  •  Modifier avec du ruban isolant noir certains caractères, par exemple en transformant un “F” en “E” ou encore un “6” en “8”
  • Usage d’une doublette
  • Usage d’une immatriculation qui n’existe pas

Ce que l’article 317-2 ne couvre pas

Contrairement à ce qu’écrit BFM TV ou Auto Plus, le simple fait de masquer même intentionnellement sa plaque d’immatriculation avec de la graisse ou de la boue ne rentre pas dans le champ d’incrimination de cette infraction qui exige comme élément matériel le fait de faire passer son immatriculation pour une autre : en apparence le véhicule a une plaque d’immatriculation conforme, mais en fait elle ne correspond pas audit véhicule

Sanction

  • Cinq ans d’emprisonnement
  • 3 750 euros d’amende.
  • La suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire, cette suspension pouvant être limitée à la conduite en dehors de l’activité professionnelle ;
  • La confiscation du véhicule.
  • de plein droit à la réduction de 6 points (la moitié du nombre maximal de points du permis de conduire)

L’usurpation de plaque (doublette)

Aux termes de l’article 317-4-1

“I. – Le fait de mettre en circulation ou de faire circuler un véhicule à moteur ou une remorque muni d’une plaque portant un numéro d’immatriculation attribué à un autre véhicule dans des circonstances qui ont déterminé ou auraient pu déterminer des poursuites pénales contre un tiers est puni de sept ans d’emprisonnement et de 30 000 EUR d’amende.

II. – Toute personne coupable de cette infraction encourt également les peines complémentaires suivantes :

1° La suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire, cette suspension ne pouvant être limitée à la conduite en dehors de l’activité professionnelle ;

2° L’annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant trois ans au plus ;

3° La confiscation du véhicule.

III. – Ce délit donne lieu de plein droit à la réduction de la moitié du nombre maximal de points du permis de conduire.”

Cet article 317-4-1 constitue une aggravation de l’article 317-2 justifiée par l’existence d’une victime (le tiers à qui on a copié l’immatriculation) qui va souffrir de cette doublette en recevant les nombreux PV commis par le malfaiteur.

La dissimulation de plaque/plaque illisible (R. 317-8)

Aux termes de l’article R317-8:

“I. Tout véhicule à moteur, à l’exception des matériels de travaux publics doit être muni de deux plaques d’immatriculation, portant le numéro assigné au véhicule et fixées en évidence d’une manière inamovible à l’avant et à l’arrière du véhicule.
Toutefois, toute motocyclette, tout tricycle ou quadricycle à moteur, tout cyclomoteur, tout véhicule agricole ou forestier à moteur attaché à une exploitation agricole ou forestière, à une entreprise de travaux agricoles ou à une coopérative d’utilisation de matériel agricole, peut ne porter qu’une plaque d’immatriculation, fixée en évidence d’une manière inamovible à l’arrière du véhicule. (…)
III. Chaque plaque doit être maintenue dans un état d’entretien permettant la lecture des inscriptions qu’elle comporte.

IV. Le ministre chargé des transports et le ministre de l’intérieur fixent par arrêté les caractéristiques et le mode de pose des plaques d’immatriculation.
V. Le fait de faire circuler un véhicule à moteur ou une remorque sans qu’il soit muni des plaques ou inscriptions exigées par le présent article est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe.
VI. Le fait de contrevenir aux dispositions du présent article relatives à l’entretien, aux caractéristiques ou au mode de pose des plaques d’immatriculation est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe.
VII. L’immobilisation du véhicule peut être prescrite dans les conditions prévues aux articles L. 325-1, L. 325-2 et L. 325-3.”

Vous l’avez compris, cet article vise deux comportements :

  1. Le VI vise la sanction du non-respect des règles concernant notamment l’entretien des plaques d’immatriculation permettant la lecture des inscriptions qu’elle comporte ;
  2. Le V vise la sanction du non-respect de l’obligation de faire circuler un véhicule avec une plaque (pas en cause ici).

Vide juridique : il n’y en a aucun

Certaines personnes, dont des avocats qui n’ont pas peur de donner de mauvais conseils juridiques (c’est facile ce n’est pas eux qui payent les amendes), prétendent qu’il existerait un vide juridique concernant la dissimulation de la plaque d’un véhicule stationné puisqu’il ne serait pas en circulation.

Comme bien souvent, les vides juridiques n’existent pas, et voici pourquoi :

  1. S’agissant de l’infraction au V, la jurisprudence retient qu’un véhicule stationné sur la voie publique relève d’un fait de circulation. Autrement dit, dès lors que vous êtes stationnés votre véhicule est considéré comme en circulation (Cass. crim., 21 oct. 2015, n° 14-87.306)et donc il doit être muni d’une plaque. Mais cette infraction n’e s’applique’a pas vocation à s’appliquer ici puisque la plaque existe bien, simplement elle est dissimulée. Ce VI s’appliquerait dans le cas de ceux qui enlèvent leur plaque d’immatriculation
  2. Mais surtout, le VI prévoit que, circulation ou non, “Chaque plaque doit être maintenue dans un état d’entretien permettant la lecture des inscriptions qu’elle comporte.”. L’entretien s’entend nécessairement de nettoyer sa plaque quand elle est salie, recouvertue de boue. Il en va de la responsabilité du propriétaire de s’assurer qu’en tous temps sa plaque soit suffisamment entretenu pour être visible

Par conséquent, vous l’aurez compris, la dissimulation de plaque d’un véhicule, même stationné, tombe sous le coup de l’article R. 317-8.

Une question reste si la plaque est dissimulée par un chiffon: peut-on estimer que cela relève de son entretien ? Une interprétation extensive (à laquelle les tibunaux n’ont parfois pas peur de s’adonner au mépris de l’article 111-4 du code pénal) pourrait le penser.

Et quid de la bache qui dissimule la plaque ? Ici encore, le juge pourrait estimer que l’obligation d’entretien exige que le dispositif mis en place (par ex la bache) permette de vérifier la plaque (par exemple partie transparente). C’est tout à fait possible techniquement mais si la bâche est là c’est surtout pour éviter le prix du stationnement.

    Ceci étant dit, ces poursuites sont très hypothétiques pour un véhicule en stationnement, sauf à être pris en flagrand délit.

    Et si le propriétaire n’est pas présent ?

    Ce n’est pas pertinent : celui qui est verbalisé ce n’est pas le conducteur mais le titulaire du certificat d’immatriculation, c’est à dire le propriétaire du véhicule, son gardien responsable de son entretien.

    Une jurisprudence de la cour de cassation (rare vu les enjeux dont il est question) le confirme (Cass. crim., 21 oct. 2015, n° 14-87.306. Lire en ligne : https://www.doctrine.fr/d/CASS/2015/JURITEXT000031374716) :

    “Attendu que, pour déclarer M. X… coupable, le jugement retient que cette infraction, qui concerne l’équipement du véhicule et non sa conduite, peut être relevée même si le véhicule n’est pas en mouvement et s’il n’y a pas de conducteur, que le véhicule était mis en circulation au sens du code de la route, dès lors qu’il se trouvait sur la voie publique, que le prévenu est le titulaire du certificat d’immatriculation et qu’il n’apporte pas la preuve contraire aux constatations de l’agent verbalisateur conformément aux prescriptions de l’article 537 du code de procédure pénale ;”

    Si votre voisin ne vous aime pas, il a tout intérêt à coller des scotchs dans toute la rue, comme il aurait intérêt à dissimuler l’existence d’un stop pour que vous vous fassiez prendre. C’est tellement hypothétique que ça n’arrive pas. Et si ça arrive, vous auriez alors une action pour harcèlement et en dégradations contre le petit malin, en plus de l’action indemnitaire.

    Sanction

    Amende de 135 €

    Les autres textes

    Le code de la route est un vrai foutoir, modifié à longueur de temps par des députés qui voulaient chacun rajouter leur article, créant un ensemble sans aucune cohérence.

    Voici d’autres articles :

    • R413-15 : il indique que s’équiper d’un dispositif dont la fonction est (notamment) de dissimuler la plaque, est strictement interdit, et fait risquer qui s’y adonne à une contravention de 5e classe, soit au maximum, une amende de 1500 euros accompagnée de la perte de 6 points sur le permis, et d’une potentielle annulation de ce dernier. 
    •  L317-4-1 qui n’a pas grand intérêt sauf à répéter ce qui est dit avant d’une autre manière

    Critique de cette réglementation

    L’impératif de prévisibilité et de clarté du droit pénal est totalement remis en cause avec cette réglementation.

    Le mis en cause peut risquer, pour le même fait selon comment il est caractérisé, des peines allant de 5 ans de prison, 3750 euros d’amende, l’annulation du permis à absolument rien. Si un prévenu est renvoyé devant le tribunal correctionnel (et non le tribunal de police) pour ce délit, il faudra bien évidemment plaider la relaxe et renvoyer vers le texte moins sévère.

    Tags

    Qu’est-ce que je risque si je cache ma plaque d’immatriculation ?
    Pourquoi ne pas afficher sa plaque d’immatriculation ?
    Quelle réglementation pour les plaques d’immatriculation ?
    Comment protéger sa plaque d’immatriculation ?

    Que risque-t-on à masquer sa plaque d’immatriculation ?

    masquer sa plaque d’immatriculation en stationnement
    Cache plaque immatriculation magnétique
    Couvre plaque immatriculation amovible
    Cache plaque immatriculation AUTOMATIQUE
    Cache plaque immatriculation tissu
    Cache plaque immatriculation Electrique
    Cache plaque immatriculation professionnel
    Cache plaque immatriculation personnalisé

    1 réflexion sur “Masquer sa plaque d’immatriculation : quel risque ?”

    1. Ping : Cacher sa plaque d'immatriculation : un pari risqué - cadetcom.fr

    Laisser un commentaire

    Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *