La rémunération variable est un élément de motivation et de fidélisation des salariés, qui leur permet de percevoir une prime en fonction de l’atteinte d’objectifs fixés à l’avance.
Mais que se passe-t-il si le salarié quitte l’entreprise avant la date de versement du bonus ? Peut-il se voir privé de son dû au motif qu’il n’était plus présent à la date prévue ?
La Cour de cassation a récemment rappelé les règles applicables en la matière, dans un arrêt du 17 mai 2023 (Cass. soc., 17 mai 2023, n° 21-23.247).
Rémunération variable : l’atteinte de l’objectif entraine le versement du bonus même en cas de départ du salarié avant la date prévue du versement
Les faits
Dans cette affaire, un cadre, dont le contrat de travail prévoyait le versement d’un bonus et qui en avait perçu un régulièrement au cours des années précédant son licenciement pour faute intervenu en novembre 2015, a saisi le conseil des prud’hommes pour contester ce dernier et pour des demandes portant notamment sur le versement de cette prime litigieuse.
Les juges d’appel ont donné gain de cause au salarié en condamnant son employeur à lui verser diverses sommes au titre du bonus de l’année 2015 et des congés payés afférents.
Une décision que la société contestait au motif :
- que les règles régissant le bonus de l’année 2015 subordonnaient son paiement à la présence du salarié dans l’entreprise lors de son versement, soit au mois d’avril 2016 ;
- que les primes allouées globalement pour l’année, périodes de travail et de congés payés confondues, ne sont pas incluses dans l’assiette de calcul de l’indemnité de congés payés, leur montant n’étant par hypothèse pas affecté par le départ du salarié en congé. L’employeur craignait que l’inclusion du bonus dans l’assiette de calcul de l’indemnité de congés payés aboutirait à la faire payer, même pour partie, une seconde fois par l’employeur car la société faisait valoir que le bonus annuel était alloué globalement pour l’année, période travaillée et congés payés compris.
La position de la Cour de Cassation : l’atteinte de l’objectif entraine le versement du bonus même en cas de départ du salarié avant la date prévue du versement
La chambre sociale confirme que le bonus constituait la partie variable de la rémunération du salarié versée en contrepartie de sa performance individuelle, ce dont il résultait :
- d’une part, qu’il s’acquérait au fur et à mesure et que son versement au mois d’avril de l’année N+1 ne constituait qu’une simple modalité de paiement qui ne pouvait priver le salarié de celui-ci, dès lors que la prestation de travail correspondante avait bien été exécutée avant la rupture du contrat de travail, intervenue en novembre de l’année N, de sorte que le salarié était fondé à demander le versement du bonus correspondant à l’année N ;
- d’autre part, qu’étant assis sur les résultats produits par le travail personnel du salarié, ceux-ci étaient nécessairement affectés pendant la période de congés, de sorte que cet élément de rémunération devait être inclus dans l’assiette de calcul de l’indemnité de congés payés.
Les conséquences
Cette décision de la Cour de cassation confirme la jurisprudence antérieure sur le sujet, qui considère que la rémunération variable s’acquiert au prorata du temps de travail effectif du salarié, et que son versement différé ne constitue qu’une modalité de paiement qui ne peut pas le priver de son droit.
Ainsi, le salarié qui quitte l’entreprise avant la date de versement du bonus peut réclamer sa part proportionnelle, en fonction des objectifs atteints et du temps travaillé.
Tout clause contraire sera inopposable au salarié.
Par ailleurs, cette décision rappelle que la rémunération variable doit être prise en compte dans le calcul de l’indemnité de congés payés, dès lors qu’elle est liée à la performance individuelle du salarié. En effet, le principe est que le salarié doit percevoir pendant ses congés une rémunération au moins égale à celle qu’il aurait perçue s’il avait travaillé. Or, la performance individuelle du salarié est nécessairement affectée par ses absences, notamment pendant ses congés. Il en résulte que le bonus doit être intégré dans l’assiette de calcul de l’indemnité de congés payés, afin de garantir au salarié le maintien de sa rémunération habituelle.
Les recommandations
Cette décision invite les employeurs à être vigilants sur la rédaction des clauses ou des plans de rémunération variable qui conditionnent le versement du bonus à la présence du salarié à la date prévue. En effet, ces clauses peuvent être considérées comme abusives ou illicites si elles ont pour effet de priver le salarié d’un élément de rémunération acquis au titre du travail effectué. Il convient donc de prévoir des modalités de calcul et de paiement du bonus qui respectent les droits du salarié et qui tiennent compte des circonstances de la rupture du contrat.
Par ailleurs, cette décision rappelle aux employeurs l’obligation d’inclure la rémunération variable dans l’assiette de calcul de l’indemnité de congés payés, afin d’éviter tout risque de contentieux ou de redressement. Il convient donc de vérifier que les bulletins de paie et les soldes de tout compte reflètent bien cette règle, et d’adapter si besoin les logiciels ou les procédures utilisés pour le calcul des congés payés.