Quelle différence entre l’autorité de la chose jugée et la force de la chose jugée ?

La différence entre l’autorité et la force de la chose jugée est que la première empêche de remettre en cause le jugement, tandis que la seconde permet de le faire exécuter. Il faut noter que l’autorité de la chose jugée peut être remise en cause par des voies de recours extraordinaires, comme le pourvoi en cassation, la tierce opposition, la requête en révision ou l’opposition à exécution. Ces recours ne suspendent pas la force de la chose jugée, sauf si le juge en décide autrement.

L’autorité de la chose jugée signifie que la chose jugée est tenue pour la vérité alors que la force de chose jugée rend, une fois toutes les voies de recours expirées, la décision de justice exécutoire.

Autorité de la chose jugée

Le principe (définition)

Aux termes de l’article 480 CPC:  

“Le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l’autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’il tranche.
Le principal s’entend de l’objet du litige tel qu’il est déterminé par l’article 4. “

L’autorité de la chose jugée est l’ensemble des effets attachés à la décision juridictionnelle, telle la force de vérité légale. Elle signifie que la chose jugée est tenue pour la vérité : Res judicita pro veritate habetur. Elle est un attribut du jugement qui assure l’immutabilité aux décisions de justice.

L’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.”

Article 1355 du code civil

L’autorité de la chose jugée ne s’impose qu’aux parties.

L’autorité de la chose jugée s’attache aux décisions judiciaires quels que soient les vices qui les affectent (Cass. 3e civ., 7 déc. 1988 : JCP 1989, IV, 48). L’autorité de la chose jugée s’impose même en cas de méconnaissance d’un principe d’ordre public (Cass. 2e civ., 25 oct. 2007, n° 06-19.524, Bull. 2007, II, N° 241).

Quelles sont les conditions ?

L’autorité de la chose jugée est conditionnée à la démonstration d’une triple identité entre la demande soumise au juge et celle qui a déjà été tranchée (C. civ., art. 1355).

Il faut que la chose soit :

  1. la même demande (identité d’objet)
  2. fondée sur la même cause (identité de cause). La jurisprudence a renouvelé la conception de l’identité de cause en instaurant un principe de concentration des moyens en vertu duquel le demandeur doit présenter dès l’instance initiale tous les moyens qu’il estime de nature à fonder celle-ci (Cass., ass. plén., 7 juill. 2006, Cesareo, n° 04-10.672). S’il s’en abstient, toute nouvelle demande fondée sur des arguments différents se heurterait à une fin de non-recevoir tirée de la chose jugée (C. pr. civ., art. 122). Ce principe a ensuite été étendu au défendeur qui se voit contraint de présenter tous les moyens qu’il estime de nature à provoquer le rejet des prétentions formulées à son encontre (Com. 20 févr. 2007, n° 05-18.322 ; Civ. 2e, 27 févr. 2020, nos 18-23.972, 18-23.370).
  3. concerne les mêmes parties, prises en la même qualité (identité de parties).

L’autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque :

  • des événements postérieurs sont venus modifier la situation reconnue antérieurement en justice. (Cass. 2e civ., 8 févr. 2024, n° 22-10.614)

Localisation de la chose jugée : le dispositif

” l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui fait l’objet d’un jugement et a été tranché dans son dispositif  » (Cass. ass. plén., 13 mars 2009, n° 08-16.033, P + B + R + I,)

 Les motifs du jugement, fussent-ils le soutien nécessaire des dispositifs comme les motifs décisoires, n’ont pas l’autorité de la chose jugée (Cass. 2e civ., 9 juin 2022, n° 21-11.235)

Les effets

L’autorité de la chose jugée entraîne deux séries de conséquences :

  • d’un point de vue positif, le plaideur dont le droit a été consacré par une décision de justice, peut utiliser la chose jugée par la décision pour faire reconnaître ce droit et l’opposer aux tiers ;
  • d’un point de vue négatif, le plaideur qui a succombé ne peut plus remettre en cause la décision (sauf à exercer les recours ouverts) : s’il formait une seconde demande ayant le même objet et la même cause contre le même adversaire, celle-ci serait déclarée irrecevable (CPC, art. 122).

Quels jugements ont autorité de chose jugée ?

Les jugements au fond

Seuls les jugements définitifs et non provisoires (provisoire ne veut pas dire première instance mais veut dire décision “sur le fond” et non par exemple de référé) ont autorité de chose jugée (article 480 CPC).

Les décisions du juge de l’exécution

Aux termes de l’article R. 121-14 du Code des procédures civiles d’ exécution  : « Sauf dispositions contraires, le juge de l’exécution statue comme juge du principal ».

Les jugements rendus par le juge de l’exécution ont pleinement autorité de la chose jugée , de sorte qu’une partie pourra, si elle présente une demande identique devant tout autre juge , se voir opposer l’autorité de la chose jugée et le principe de concentration des moyens (Cass. 2e civ., 9 nov. 2000, n° 98-20.124  – Cass. 1re civ., 20 janv. 2011, n° 09-12.608 ; Cass. 2e civ., 22 juin 2016, n° 15-12.954. – Cass. 1re civ., 29 oct. 2014, n° 12-28.292 : ).

Cette autorité existe même lorsque le juge de l’exécution a outrepassé ses pouvoirs juridictionnels (Cass. 2e civ., 12 avr. 2018, n° 16-28.530), ce qui oblige parties et juge à une grande vigilance : le juge de l’exécution doit se garder, tout spécialement en matière conservatoire, de trancher ce qui ne lui appartient pas.

Les décisions n’ayant pas autorité de la chose jugée au principal

Que signifie avoir “autorité de chose jugée au principal” :

  • Ces décisions ne lient pas le juge du fond, c’est-à-dire le juge qui tranchant le principal.
  • Ces décisions lient néanmoins le juge les ayant prononcées qui ne pourra les modifier qu’en cas de circonstances nouvelles (“petite” autorité de la chose jugée)

L’ordonnance sur requête, aux termes de l’article 493 du Code de procédure civile, est une décision provisoire rendue non contradictoirement n’ayant pas autorité de la chose jugée au principal. En conséquence, le juge qui a accueilli favorablement la requête peut toujours modifier ou rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l’affaire (CPC, art. 497). 

L’ordonnance de référé est une décision n’ayant pas autorité de la chose jugée au principal  (CPC, art. 488, al. 1er ) mais le juge des référés ne peut pas remettre en cause sa décision, aussi longtemps qu’un fait nouveau n’a pas modifié les circonstances qui avaient été à l’origine de la mesure (CPC, art. 488, al. 2 ).

Les décisions rendues par un magistrat instructeur

 Les décisions des magistrats instructeurs sont provisoires n’ont pas, au principal, l’autorité de la chose jugée. 

Il en est ainsi pour les ordonnances du juge de la mise en état devant le tribunal judiciaire (CPC, art. 794 ),pour celles du juge chargé d’instruire l’affaire devant le tribunal de commerce (CPC, art. 867),pour celles du conseiller de la mise en état (CPC, art. 914) et du magistrat chargé d’instruire l’affaire dans la procédure sans représentation obligatoire (CPC, art. 945 ).

Par exception, les ordonnances qui statuent sur les exceptions de procédure ou sur les incidents mettant fin à l’instance ou sur les fins de non-recevoir et la question de fond dont dépend la fin de non-recevoir, ont autorité de la chose jugée au principal (CPC, art. 794).

La Cour de cassation a jugé que l’ordonnance a autorité de chose jugée qu’elle mette fin à l’instance, ou non (Cass. civ. 2, 11 juillet 2013, n° 12-15.994, FS-P+B).

En appel, les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur la recevabilité de l’appel ou des conclusions, ou sur la caducité de la déclaration d’appel, ont autorité de la chose jugée au principal (CPC, art. 914) et peuvent être déférées à la cour d’appel (CPC, art. 916).

La différence entre l’autorité de la chose jugée et le dessaisissement

L’autorité de la chose jugée ne doit pas être confondue avec la règle du dessaisissement du juge (CPC, art. 481), qui interdit à ce dernier de revenir sur sa décision pour la modifier ou la compléter, soit de sa propre initiative, soit avec l’accord des parties. Même lorsque le juge interprète son jugement (CPC, art. 461), répare une erreur ou une omission matérielle affectant sa décision (CPC, art. 462) ou complète ou retranche son jugement (CPC, art. 464), il lui est interdit de porter atteinte à l’autorité de la chose jugée.

Quelle différence entre l’autorité de la chose jugée et la force exécutoire ?

La force exécutoire ne doit cependant pas être confondue avec l’autorité de la chose jugée.

La force exécutoire exprime la potentialité de puissance contraignante de l’acte

L’autorité de chose jugée s’analyse en une impossibilité d’ouvrir ou de rouvrir devant un juge un débat sur l’existence, la validité ou l’étendue de l’obligation constatée par l’acte, dès lors que l’identité de parties, d’objet et de cause n’est pas contestée.

La force de chose jugée

La force de chose jugée est l’efficacité particulière qu’a (ou obtient) une décision de justice lorsque, n’étant pas (ou plus) susceptible d’une voie de recours suspensive, elle est (ou devient) exécutoire.

La décision passée en force de chose jugée, c’est-à-dire qui n’est plus susceptible de recours suspensif, peut être mise à exécution.

Principe

A force de chose jugée le jugement qui n’est susceptible d’aucun recours suspensif d’exécution.

Le jugement susceptible d’un tel recours acquiert la même force à l’expiration du délai du recours si ce dernier n’a pas été exercé dans le délai.

Article 500 du Code de procédure civile

Le jugement est exécutoire, sous les conditions qui suivent, à partir du moment où il passe en force de chose jugée à moins que le débiteur ne bénéficie d’un délai de grâce ou le créancier de l’exécution provisoire.

Article 501 du Code de procédure civile

La force de chose jugée s’acquiert dès l’expiration des délais d’exercice des recours suspensifs ou à compter du prononcé en cas d’exécution de droit à titre provisoire (CPC, art. 514)

Un jugement a force de chose jugée dans deux hypothèses :

  1. 1re hypothèse: le jugement a force de chose jugée lorsqu’il n’est susceptible d’aucun recours suspensif d’exécution (art. 500, al. 1), c’est-à-dire qu’il n’est pas susceptible d’appel ou d’opposition (art. 527 et 539).
  2. 2° hypothèse: dans le cas où le jugement est susceptible d’un recours suspensif d’exécution, il passe en force de chose jugée à l’expiration du délai de recours si ce dernier n’a pas été exercé dans le délai (art. 500 al. 2). Pour prouver qu’un jugement n’a pas fait l’objet d’un appel ou d’une opposition, « toute partie peut se faire délivrer par le greffier de la juridiction devant laquelle le recours pouvait être formé un certificat attestant l’absence d’opposition, d’appel ou de pourvoi en cassation (…) » (art. 505).

Exceptions

L’article 501 du Code de procédure civile pose deux exceptions à la condition de force de chose jugée.

En premier lieu, même si un jugement a force de chose jugée, il n’est pas exécutoire si le débiteur bénéficie d’un délai de grâce.

En second lieu, si le jugement n’a pas force de chose jugée, il est exécutoire dès lors qu’il est doté de l’exécution provisoire.

La première exception fait échec à la force exécutoire alors pourtant que le jugement a force de chose jugée tandis que, à l’inverse, la seconde exception permet à un jugement d’avoir force exécutoire alors pourtant qu’il n’a pas force de chose jugée.

1 réflexion sur “Quelle différence entre l’autorité de la chose jugée et la force de la chose jugée ?”

  1. Je suis en surendettement, un litige m’a opposée à mon avocat qui a agi contre mes intérêts , je refuse de régler une facture de 733€ pour une audience que j’avais refusée car elle était inutile , enfin n’ayant pas pu m’entendre à l’amiable, il m’a fait convoquée à la Maison des Avocats qui a pris son parti, ignorant mes explications j’ai fait appel mais n’ayant pas été présente à Douai, on a donné raison à mon avocat , il m’a alors envoyé de suite un huissier me réclamant plus que je ne devais.
    J’ai déposé le dossier en surendettement car je ne pouvais payer mais en indiquant la somme exacte et non celle que l’avocat annonce .
    Cet avocat prétend que les décisions du Bâtonnier et l’appel prévalent sur la décision que pourrait prendre le juge des contentieux , je voudrais savoir pourquoi et quel est l’article qui le stipule , pouvez-vous m’aider, je ne peux plus prendre d’avocat. Merci

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