En matière de procédure civile, il est important de distinguer les notions de moyen et de prétention, qui ont des implications différentes sur l’objet et l’issue du litige.
La prétention est une demande
Une prétention est une demande que les parties adressent au juge et qui vise soit à modifier leur situation juridique soit à constater l’existence d’une situation juridique.
La prétention est ce que demande une partie au juge, c’est-à-dire le résultat juridique qu’elle recherche.
Ainsi, une prétention peut être une demande au juge pour :
- Constater l’existence d’une situation juridique
- En demande, constater l’existence d’un droit préexistant. C’est l’exemple de l’acquisition d’une clause résolutoire. Cette acquisition préexiste à l’intervention du juge puisqu’elle est « de plein droit ». Le juge ne peut donc pas l’écarter, sauf si elle est irrégulière. Au contraire, il doit la constater et en tirer les conséquences.
- En défense (sans émettre de demandes reconventionnelles), demander à ce que rien ne change, c’est-à-dire que la situation juridique des parties ne soit pas modifiée mais reste dans l’état existant.
- Modifier la situation juridique en créant un droit (caractère « performatif » de la parole du juge)
Par exemple, une prétention peut être de demander la condamnation du défendeur à payer une somme d’argent, ou de demander l’annulation d’un contrat.
La prétention détermine l’objet du litige, qui est fixé par l’acte introductif d’instance et par les conclusions en défense (article 4 du code de procédure civile). La prétention peut être principale ou subsidiaire, c’est-à-dire qu’elle peut être formulée à titre principal ou à titre alternatif si la première n’est pas accueillie.
La prétention peut aussi être incidente, c’est-à-dire qu’elle peut être formulée en cours de procédure par le demandeur (demande additionnelle) ou par le défendeur (demande reconventionnelle) ou par un tiers (demande d’intervention).
Les différents types de prétentions
Il existe trois types de prétentions.
La prétention au fond
La prétention procédurale
Les prétentions procédurales sont normalement préalables à celles au fond.
C’est, par exemple, la personne qui poursuit la mainlevée d’une saisie parce que la signification du jugement qui la fonde est nulle. Il doit d’abord demander au juge de l’exécution d’ordonner la nullité de la signification, puis la nullité du procès-verbal de saisie (deux prétentions procédurales) et, enfin, la mainlevée de la saisie (prétention au fond). En effet, il faut bien modifier la situation existante en levant l’obstacle que constituent des actes (les procès-verbaux de signification du jugement et de saisie) ayant un effet juridique.
La prétention accessoire
La prétention accessoire peut, quant à elle, être illustrée par la demande relative aux dépens et aux frais irrépétibles qui découlent de l’issue du procès.
Une prétention n’est pas nécessairement une fin en soi mais une étape
Il est important d’avoir présent à l’esprit que la prétention n’est pas nécessairement une fin en soi. Elle peut n’être utile à la partie que parce qu’elle est un préalable indispensable à la prétention qui lui importe vraiment. Pour arriver à son but final, la partie peut ainsi avoir à articuler différentes prétentions, de même
nature ou de natures différentes. C’est l’exemple ci-dessus de la demande de mainlevée d’une saisie précédée de deux demandes procédurales en nullité d’actes. Ces prétentions s’enchaînent logiquement.
Il existe donc des prétentions dépendantes, une première prétention en entraînant d’autres, par exemple, à nouveau, l’acquisition de la clause résolutoire demandée par le bailleur qui entraîne une demande d’expulsion et de condamnation à payer une indemnité d’occupation à l’encontre du locataire devenu sans droit ni titre. Ce que le bailleur veut, c’est le départ de son locataire. Mais, pour cela, il doit articuler plusieurs prétentions, préalables et indispensables, dans un ordre logique.
Le moyen est l’argument soutenant la prétention
Le moyen est l’argument de fait ou de droit invoqué par une partie à l’appui de sa prétention, et qui tend à justifier l’application des règles juridiques pertinentes. Autrement dit, le moyen n’est que l’argument de fait ou de droit qui fonde la prétention.
Le principe de responsabilité est, par principe, un moyen puisque reconnaître la responsabilité civile d’une personne ne va pas modifier en tant que tel sa situation juridique.
Par exemple, un moyen peut être de se prévaloir d’un contrat écrit, ou d’invoquer une prescription, ou de soulever une exception de procédure. Le moyen doit être exposé dans les écritures des parties, qui ont la charge d’alléguer les faits propres à les fonder (article 6 du code de procédure civile). Le moyen peut être invoqué au principal ou au subsidiaire, c’est-à-dire qu’il peut être présenté comme le fondement principal ou comme un fondement alternatif de la prétention. Le moyen peut aussi être invoqué à titre de défense procédurale, c’est-à-dire qu’il peut viser à faire échec à la prétention adverse en soulevant une fin de non-recevoir (qui conteste la recevabilité de la demande), une exception de procédure (qui conteste la régularité de la procédure) ou une défense au fond (qui conteste le bien-fondé de la demande).
La différence entre un moyen et une prétention est donc que le premier est un argument qui sert à justifier la seconde, qui est le but recherché.
Illustration
Pour illustrer cette différence, on peut prendre l’exemple suivant :
Un salarié licencié pour faute grave saisit le conseil de prud’hommes pour contester son licenciement et demander des dommages-intérêts.
Sa prétention principale est de demander la nullité du licenciement et le paiement d’une indemnité compensatrice de préavis, d’une indemnité conventionnelle de licenciement et d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Ses moyens principaux sont :
- De se prévaloir d’un harcèlement moral dont il aurait été victime de la part de son employeur (fait)
- D’invoquer l’article L. 1152-1 du code du travail qui dispose que le harcèlement moral est interdit et que tout licenciement intervenu en méconnaissance de cette disposition est nul (droit)
Sa prétention subsidiaire est de demander le paiement d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Son moyen subsidiaire est :
- De soutenir que les faits reprochés ne sont pas établis ou ne constituent pas une faute grave (fait et droit)
L’employeur, quant à lui, a pour prétention principale de demander le rejet des demandes du salarié.
Ses moyens principaux sont :
- De contester l’existence d’un harcèlement moral et d’apporter des éléments justifiant
- De justifier le licenciement pour faute grave par des faits précis et vérifiables (fait et droit)
Le salarié, quant à lui, a pour prétention subsidiaire de demander le paiement d’une indemnité pour licenciement abusif.
Son moyen subsidiaire est :
- De contester la qualification de faute grave et de démontrer que son comportement n’était pas de nature à rompre le contrat de travail (fait et droit)
Rappeler | Moyen | Rappeler ne crée pas de droit et ne permet pas l’exécution de la décision |
Exemples de prétentions/demandes
- Communication de pièce
- Condamnation à payer une somme d’argent
- Demande en paiement d’une provision
- Désignation d’un séquestre
- Expulsion
- Designation d’un administrateur provisoire
- Désignation d’un mandataire de justice (Constatant-Consultant)
- Désignation d’un mandataire AD’HOC
- Désignation d’un expert
- Designation d’un expert de gestion
- Demande d’une extension de mission d’un expert
- Demande d’ordonnance commune (expertise)
- Designation d’un médiateur.
- Désignation d’un commissaire au compte
- Annuler un contrat (puisque cela aura pour effet de modifier l’ordonnancement juridique de manière durable puisque ce contrat n’existera plus)
Conclusion
On voit donc que les prétentions et les moyens sont liés, mais qu’ils ne se confondent pas.
Les prétentions sont les demandes formulées au juge, tandis que les moyens sont les arguments invoqués pour soutenir les prétentions.
Il est important de bien les distinguer et de les formuler clairement dans les écritures des parties, car ils déterminent l’objet et l’issue du litige.