Les présents d’usage sont définis par la jurisprudence civile comme étant « les cadeaux faits à l’occasion de certains événements, conformément à un usage, et n’excédant pas une certaine valeur » (Cass. 1re civ., 6 déc. 1988, n° 87-15083).
Les présents d’usage échappent au régime juridique et fiscal des libéralités.
Les présents d’usage ne sont par conséquent ni rapportables à la succession, ni réductibles, ni révocables pour ingratitude du donataire, ni taxables aux droits de mutation à titre gratuit.
Les frais de nourriture, d’entretien, d’éducation, d’apprentissage, les frais ordinaires d’équipement, ceux de noces et les présents d’usage ne doivent pas être rapportés, sauf volonté contraire du disposant. Le caractère de présent d’usage s’apprécie à la date où il est consenti et compte tenu de la fortune du disposant (C. civ. art. 852).
Les conditions
La qualification de présent d’usage suppose remplies deux conditions :
- Un usage social ou familial de faire un cadeau : cadeau de naissance, d’anniversaire, de mariage, etc. ;
- Une valeur modique du présent
Un usage social ou familial de faire un cadeau
- un usage social ou familial de faire un cadeau : cadeau de naissance, d’anniversaire, de mariage, etc. ;
Un présent d’usage répond à un usage social ou familial, qui justifie qu’un cadeau soit offert. Il peut s’agir, par exemple, d’un mariage, d’une naissance, d’un baptême, d’un anniversaire, de la fête de Noël, d’une réussite à un examen ou à un concours, etc. En pratique, il peut être utilement conseillé au disposant d’établir une carte de vœux ou d’écrire un petit mot et de les dater, afin de ménager un commencement de preuve de l’usage.
Le juge doit déterminer l’occasion ou l’événement précis. A défaut, sans préciser à l’occasion de quels événements le Donateur a fait de tels cadeaux ( 2 200 € et 1 300 € ) au donataire (fut-il son fils) et conformément à quels usages, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. (Cass. 1e civ. 11-5-2023 n° 21-18.616 F-D ; Cass. 1e civ. 25-9-2013 no 12-17.556 FS-PBI).
Une valeur modique du présent
une valeur modique du présent à la date à laquelle il est consenti, notion toute relative puisqu’elle s’apprécie au regard de la situation de fortune du donateur (C. civ. art. 852, al. 2).
L’administration fiscale ne fixe aucune règle de proportionnalité du présent d’usage par rapport à la fortune ou aux revenus du donateur : elle apprécie au cas par cas la nature du don, en fonction de l’ensemble des circonstances de fait et sous le contrôle souverain des juges du fond (BOI-ENR-DMTG-20-10-20-10 n° 260).Ajoutons que, pour l’administration fiscale, les sommes que les parents versent sur un plan d’épargne-logement ouvert au nom de leurs enfants constituent des présents d’usage (BOI-ENR-DMTG-20-10-20-10 n° 250). Compte tenu du montant susceptible d’être versé sur un PEL (jusqu’à 61 200 €), la solution est très favorable. À notre avis, la solution vaut à plus forte raison pour les autres plans et livrets d’épargne dont le montant maximal des dépôts est moins élevé (comptes épargne-logement, livrets jeunes, etc.).
Le seuil généralement retenu est entre 2% et 4 % du patrimoine du donateur au jour du don. La valeur du présent ne doit pas être excessive par rapport à l’état de la fortune de la personne qui l’offre , cette valeur s’appréciant au jour du don (Cass.1re civ. 10 mai 1995, n°93-15.187). Si l’appréciation de la proportionnalité se fait au cas par cas, la valeur du présent d’usage ne doit pas dépasser une somme comprise entre 2% et 2,5% du patrimoine (Cour d’appel, Rouen, 1re chambre civile, 9 Mars 2022 – n° 20/01132 ; Cour d’appel, Reims, 10 Novembre 2022 – n° 21/00593) voire entre 3% et 4% du patrimoine du donateur (CA Bordeaux, 1er mars 2011, n° 09/03692. – CA Paris, 14 sept. 2007, n° 05/13630. – CA, Orléans, 11 oct. 2007, n° 06/03246. – CA, Douai 3 janv. 2011, n° 09/08468)
Exemples jurisprudentiels
Constitue un présent d’usage – non rapportable à la succession du donateur et irrévocable et non taxable par voie de rappel fiscal à la succession – et non un don manuel :
- le cadeau fait par un père à sa fille pour son mariage d’un ensemble d’aquarelles d’une valeur globale estimée à 70 000 F, ce montant ne paraissant pas excessif compte tenu de la fortune très importante du donateur. Le fait que ces aquarelles aient été revendues, dix ans plus tard, pour 5 620 000 F n’est pas de nature à remettre en cause la qualification (Cass. 1e civ. 10-5-1995 n° 93-15.187 : Bull. civ. I n° 197, JCP G 1995 IV, n° 1619).
- les 20 000 € donnés par un mari à son épouse pour qu’elle s’offre une voiture pour son anniversaire (Cass. 1e civ. 15-5-2008 n° 07-13.947 F-D : BPAT 4/08 inf. 133).
- la remise de deux chèques de 7 500 € à chacun de ses deux légataires universels à l’occasion des fêtes de Noël, par un homme dont le patrimoine est important (CA Orléans 11-10-2007 n° 06/3246 : RJF 7/08 n° 899).
- les 750 € donnés deux années de suite par une mère à sa fille respectivement les 16 et 20 décembre constituent, compte tenu de leur montant et de leur date de remise très proche de Noël, des présents d’usage (non rapportables à la succession) et non des dons manuels (rapportables) (Cass. 1e civ. 23-5-2012 n° 11-15.302 F-D : BPAT 4/12 inf. 226).
La cour d’appel d’Angers a jugé que des étrennes d’un montant total de 427 500 €, accordées une fois l’an pendant 10 ans pour la somme de moyenne de 22 500 euros par ans (26% des revenus du défunt) répartie entre la fratrie composée de huit enfants (sauf le plaignant ainé de la fratrie) ne présente pas de caractère excessif et doivent être considérées comme des cadeaux d’usage dispensés de rapport à la succession, alors même que le patrimoine du défunt était de 420 000 euros à son décès, qu’il percevait une pension annuelle de 85 660 euros et que le neuvième enfant n’avait rien perçu depuis qu’il avait révélé son homosexualité à son père qui ne l’avait pas acceptée (au nombre d’enfants (9) et à la ville (Angers) on peut supposer une famille plutôt catholique traditionnelle). (CA Angers, 1re ch. sect. b, 19 oct. 2023, n° 20/00416) Cette solution pourrait s’expliquer par le fait que, une fois les présents d’usages divisés entre chaque membre de la famille (7 enfants et tous leurs petits enfants), cela revenait à 3,5 % de son revenu par membre individuel de la famille. C’est grâce à la multiplicité des bénéficiaires que le donateur a pu autant s’appauvrir.
Ne constituent pas un présent d’usage :
- Les sommes modiques versées par une mère à son fils, même si elles sont compatibles avec les capacités financières de la donatrice et qu’elle a ainsi pu effectuer ces versements au titre de présents d’usage, puisqu’elle vivait avec son fils, qui avait la charge de son entretien quotidien, dès lors qu’il n’est pas possible d’identifier précisément les événements ayant donné lieu à ces présents.
- une femme qui remet à son fils et à sa belle-fille 16 chèques dans les 16 mois précédant son décès ne leur consent pas des présents d’usage mais des dons manuels – taxables par voie de rappel fiscal à sa succession -, la remise d’un chèque par mois étant incompatible avec le caractère occasionnel du présent d’usage (TGI Strasbourg 22-10-2009 n° 08-3878 : BPAT 4/10 inf. 229).
Présent d’usage et don manuel : quelle différence ?
Le présent d’usage se distingue du don manuel. Celui-ci se définit par la remise de la main à main, directement par le donateur au donataire une chose (remise de somme d’argent, de bijoux, chèque). Un virement bancaire peut constituer un don manuel.
L’enjeu de la distinction entre don manuel et présent d’usage est double.
En présence d’un don manuel, les héritiers réservataires qui se pensent lésés peuvent défendre leurs droits sur la succession en agissant en réduction des libéralités excessives. Le don manuel entre en effet dans le champ du rapport successoral, qui correspond à la restitution à laquelle se trouve obligé l’héritier non réservataire qui, en présence d’héritiers réservataires a reçu une valeur qui excède la quotité disponible attachée à sa qualité. Ainsi, dans le cadre d’une succession, tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l’actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement. Il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu’ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale.
Au contraire, le présent d’usage n’entre pas dans les règles du rapport successoral tout comme « les frais de nourriture, d’entretien, d’éducation, d’apprentissage, les frais ordinaires d’équipement, ceux de noces (…) sauf volonté contraire du disposant » (C. civ., art. 852). Le risque est également d’ordre fiscal, puisque les dons manuels peuvent être soumis aux droits de mutation à titre gratuit, alors que les présents manuels ne le sont jamais.
En effet, les dons manuels ne sont pas imposables tant qu’ils n’ont pas été portés à la connaissance de l’administration fiscale, ce qui les rend taxables dans les différentes circonstances :
– en cas de déclaration spontanée par le donataire (sur le formulaire Cerfa n° 2735), utile pour obtenir une date certaine et bénéficier du renouvellement des abattements personnels ;
– en cas de gratification du donataire par le même donateur d’une nouvelle donation ou en cas d’héritage de celui-ci : la taxation entre dans le cadre du rappel fiscal des donations antérieures ;
– en cas de révélation du don à l’administration fiscale en réponse à une demande d’information ou à la suite d’une procédure de contrôle fiscal ;
– en cas de reconnaissance judiciaire du don.