Rapport à justice : ça veut dire quoi ?

Lorsqu’un litige est porté devant un juge, les parties ont la possibilité de présenter leurs arguments et leurs demandes. Mais il arrive parfois qu’une partie n’ait pas d’argument à faire valoir ou qu’elle ne souhaite pas contester la demande adverse.

Dans ce cas, elle peut indiquer au juge qu’elle s’en rapporte à justice ou qu’elle s’en remet à la sagesse du juge :

“Je m’en rapporte à justice”

Quelle est la signification et la portée de cette expression ?

Le rapport à justice consiste à laisser au juge le soin de prendre la décision qu’il jugera adaptée, sans exprimer de préférence ni de réserve. Il s’agit d’une attitude de renonciation ou de résignation, qui peut être motivée par le désintérêt, le fatalisme ou la confiance envers le juge.

Le rapport à justice n’est pas assimilable à un acquiescement, qui est l’acceptation expresse d’une décision. En effet, l’acquiescement ne peut intervenir qu’après le prononcé du jugement, alors que le rapport à justice intervient avant.

Le rapport à justice n’empêche pas la partie qui s’en rapporte d’exercer des voies de recours contre le jugement rendu. En effet, le rapport à justice est considéré comme une contestation implicite au fond, qui permet au plaideur de conserver son droit d’appel ou de cassation.

Toutefois, le rapport à justice prive la partie qui s’en rapporte de la possibilité de soulever ensuite une exception d’incompétence, qui aurait dû être invoquée avant toute défense au fond.

De même, le rapport à justice peut limiter les moyens nouveaux que la partie peut invoquer en cause d’appel, puisqu’elle n’a rien soutenu en première instance.

Lorsqu’il s’en rapporte à justice sur le mérite d’une demande, cela implique de sa part, non un acquiescement à cette demande, mais la contestation de celle-ci (Civ. 2e, 3 juin 2010, n° 09-13.842 ; Civ. 1re, 21 oct. 1997, n° 95-16.224, Bull. civ. I, n° 283 ; D. 1997. 245 ; D. Affaires 1997. 1357, obs. S. P. ; Procédures 1998, n° 1, note Perrot).

Cette demande élève une véritable prétention, ce qui explique par exemple que le fait de s’en rapporter à justice sur le bien-fondé d’une demande ne rend pas irrecevable à critiquer la décision accueillant celle-ci (Civ. 3e, 30 oct. 2013, n° 12 >-< 21 >.< 128).

S’en « rapporter à justice », ce n’est pas l’acceptation anticipée de n’importe quelle solution, mais au contraire la marque d’une contestation exclusive de tout acquiescemen(Cass. 2e civ., 3 mai 2001 : Bull. civ. 2001, II, n° 84. – Cass. 2e civ., 7 juin 2007, n° 06-15.920)

S’en rapporter à justice, c’est contester la demande adverse.

En résumé, le rapport à justice signifie que le justiciable :

  • Conteste les prétentions adverses, mais sans dire pourquoi
  • Garde son droit d’interjeter appel de la décision à venir

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