Référé, premier président : le délai de quinze jours de l’article 754 CPC s’applique-t-il ?

L’article 754 du CPC dispose que la juridiction est saisie, à la diligence de l’une ou l’autre partie, par la remise au greffe d’une copie de l’assignation. Sous réserve que la date de l’audience soit communiquée plus de quinze jours à l’avance, la remise doit être effectuée au moins quinze jours avant cette date. La remise doit avoir lieu dans ce délai sous peine de caducité de l’assignation constatée d’office par ordonnance du juge, ou, à défaut, à la requête d’une partie.

Ce texte vise les procédures devant le tribunal judiciaire, mais qu’en est-il des procédures devant le premier président de la cour d’appel ? Le délai de quinze jours s’applique-t-il également à ces procédures ? Et en référé ?

Quel délai de placement au civil devant le tribunal judiciaire au fond et en référé ? Quel délai de remise ?

Cet article vous explique tout pour procéder à la remise au greffe, au placement et à l’enrôlement efficace de votre assignation.

Généralités sur l’article 754 CPC

L’alinéa 2 dispose que “Sous réserve que la date de l’audience soit communiquée plus de quinze jours à l’avance, la remise doit être effectuée au moins quinze jours avant cette date.”

Cette disposition est applicable pour toutes les procédures devant le tribunal judiciaire, qu’il s’agisse d’une procédure au fond, accélérée au fond, à jour fixe, et donc en référé. Cette disposition est une garantie du contradictoire.

Hors le cas où la date d’assignation est communiquée par le greffe dans un délai inférieur à celui de 15 jours, l’article 755 du CPC apporte une dérogation « en cas d’urgence, les délais de comparution et de remise de l’assignation peuvent être réduits par autorisation du juge. Ces délais peuvent également être réduits en application de la loi ou du règlement ». Ainsi, même en référé et bien qu’ils dépendent en cela du greffe, les avocats devront veiller à une prise de date suffisamment lointaine afin de permettre au commissaire de justice d’assigner la partie adverse et un enrôlement de l’acte dans le délai imparti, sauf à obtenir une réduction du délai (aucun formalisme n’étant exigé) mais sur autorisation expresse du juge comme l’exige le texte.

Tribunal de commerce (8 jours)

Le tribunal de commerce offre plus de souplesse, mais avec la conséquence identique qu’est la caducité de l’assignation, puisque les articles 857 et 858 du CPC précisent que la « remise doit avoir lieu au plus tard huit jours avant la date de l’audience », sauf en cas d’urgence si les délais de comparution ont été réduits par autorisation du président du Tribunal.

Délai de quinze jours et premier président (non)

Le délai de quinze jours ne s’applique pas au premier président

Ainsi que la jurisprudence a été amenée à le juger :

Cour d’appel, Paris, Pôle 1, chambre 5, 15 Avril 2021 – n° 21/01012 :

« Les dispositions de l’article 754 du code de procédure civile qui imposent pour les instances introduites à compter du 1er janvier 2020, la remise de l’assignation au greffe 15 jours au moins avant l’audience, sous peine de caducité de l’assignation ne s’appliquent qu’aux instances engagées devant le tribunal judiciaire.
En conséquence, l’assignation délivrée par M. P. saisissant le premier président de la cour d’appel sur le fondement des dispositions de l’article 524 ancien du code de procédure civile ne peut encourir cette caducité. Ce moyen est rejeté.
»

Cour d’appel, Paris, Pôle 1, chambre 5, 25 Novembre 2021 – n° 21/17012 :

“En l’espèce, à titre liminaire, la société défenderesse fait valoir qu’il y aurait lieu de constater la caducité de l’assignation, au motif que l’acte introductif d’instance a été délivré le 19 octobre 2021 pour une audience fixée au 26 octobre 2021, de sorte que n’aurait pas été respecté le délai de quinze jours fixé par l’article 754 du code de procédure civile, aux termes duquel la remise doit être effectuée au moins quinze jours avant la date de l’audience.

Ce moyen ne pourra toutefois qu’être rejeté, étant rappelé que le premier président de la cour d’appel, en matière d’arrêt de l’exécution provisoire, est saisi selon la procédure de référé en application de l’article 514-6 du code de procédure civile, les dispositions de l’article 754 étant dès lors inapplicables.”

 Cour d’appel, Paris, Pôle 1, chambre 5, 14 Décembre 2022 – n° 22/14401:

“S’agissant de la caducité soulevée pour défaut de remise au greffe de l’assignation quinzejours avant l’audience, l’article 754 du code de procédure civile n’est pas applicable devant le délégataire du premier président. “

Cour d’appel, Lyon, Premier président, 29 Mars 2021 – n° 21/00024

« Attendu que les deux assignations délivrées par la société Lynx ayant donné lieu à la création de deux dossiers distincts, il convient d’en ordonner la jonction comme précisé au dispositif de cette ordonnance ;

Sur les conditions de la saisine de la juridiction du premier président

Attendu qu’aux termes combinés des articles 514-3 et 956 du Code de procédure civile, le premier président peut être saisi en référé des demandes tendant à l’arrêt de l’exécution provisoire ;

Que l’article 754 de ce même code régit la saisine en référé du président du tribunal judiciaire et est inapplicable à la présente instance, la société demanderesse relevant à bon droit que les dispositions générales des articles 485 et 486 le sont et ne prévoient que la nécessité de l’écoulement d’un délai suffisant laissé aux parties assignées ;

Attendu que la société Targe ne déplore pas d’avoir manqué de temps pour préparer sa défense et son exception de procédure est en conséquence rejetée comme inopérante, la recevabilité de l’assignation n’étant pas discutée contrairement à ce qu’argumente à tort la société Lynx ; »

Référé TJ et délai de 15 jours (oui)

Le délai de quinze jours s’applique pour le référé devant le tribunal judiciaire

La cour d’appel de Paris a confirmé le 22 septembre 2022 que l’article 754 du code de procédure civile instaurant à peine de caducité un délai de remise au greffe de l’acte quinze jours au moins avant la date d’audience s’applique aux procédures de référé (CA Paris, pôle 1 ch. 2, 22 sept. 2022, n° 22/01392)

“S’agissant d’abord de la caducité de l’assignation, l’article 754 du code de procédure civile, dans sa version applicable au présent litige, dispose notamment que la juridiction est saisie, à la diligence de l’une ou l’autre partie, par la remise au greffe d’une copie de l’assignation ; que, sous réserve que la date de l’audience soit communiquée plus de quinze jours à l’avance, la remise doit être effectuée au moins quinze jours avant cette date ; que la remise doit avoir lieu dans les délais prévus sous peine de caducité de l’assignation constatée d’office par ordonnance du juge, ou, à défaut, à la requête d’une partie.

Or, dans la présente procédure, il apparaît, au regard des mentions de la décision entreprise :

— que la date d’audience, soit le 7 juillet 2021, a été communiquée par le greffe le 17 juin 2021, de sorte que la date de l’audience a été communiquée plus de quinze jours à l’avance ;

— que le placement de l’assignation est intervenu le 2 juillet 2021, donc moins de quinze jours avant le 7 juillet 2021 ;

— qu’il s’en déduit que la remise de l’assignation est intervenue moins de quinze jours avant la date d’audience, en contradiction avec les dispositions de l’article 754 du code de procédure civile ;

— que la société appelante observe à juste titre que le premier juge a retenu à tort que le délai de quinze jours prévu à peine de caducité est celui entre la prise de date et le placement, alors qu’il s’agit du délai entre le placement et la date d’audience ;

— que la sanction du non-respect de ces délais est la caducité de l’assignation, telle que sollicitée par la société appelante.

Sans qu’il n’y ait lieu d’examiner les autres moyens, ni l’ensemble des autres demandes de l’appelante formulées à titre subsidiaire notamment s’agissant des frais non répétibles, il y a lieu, par infirmation de la décision entreprise, de constater la caducité de l’assignation.”

La 2ème chambre civile de la Cour de Cassation a confirmé l’application de l’article 754 au référé dans un arrêt du 21 décembre 2023 (Cass. 2e civ., 21 déc. 2023, n° 21-25.162, F-B

Juge de l’exécution et délai de 15 jours (non)

Tribunal judiciaire, Paris, 31 Janvier 2024 – n° 23/81675

“(laquelle notamment invoque à tort les dispositions de l’article 754 du code de procédure civile, lesquelles sont inapplicables devant le juge de l’ exécution ), nécessairement déclarée recevable.”

Intervention forcée et appel en garantie

Le délai de remise de l’assignation/délai de placement de quinze jours est-il applicable lorsque le demandeur ou le défendeur fait une intervention forcée ou un appel en garantie ?

La réponse est NON

En effet, L’intervention n’entraîne pas la création d’une nouvelle instance. Les tiers assignés en intervention deviennent partie à un procès préexistant sans création d’un lien d’instance distinct de celui créé par la demande initiale qui, elle, a pour effet d’introduire l’instance.

L’intervention forcée ne crée pas une instance distincte si bien qu’il ne faut pas prendre une nouvelle date en cas d’intervention forcée.

Il y a cependant bien un placement avec la création d’un RG distinct et une jonction administrative mais uniquement pour des besoins statistiques.

Il faut féliciter le juge des référés Lucie LETOMBE qui a rendu une décision particulièrement claire et bien motivée dans une affaire : TJ Paris, service des réf., 30 sept. 2024, n° 22/57493

“Il convient de rappeler que l’intervention forcée constitue une demande incidente aux côtés de la demande reconventionnelle et de la demande additionnelle, en application de l’article 63 du code de procédure civile. Elle a pour objet de rendre un tiers partie au procès engagé entre les parties originaires. L’intervention est forcée lorsque le tiers est mis en cause par une partie, en vertu de l’article 66 du code de procédure civile.
L’intervention n’entraîne pas la création d’une nouvelle instance (Cass. 2e civ., 25 juin 2015, n°13-27.470 et 14-21.713 ; Com, 6 juillet 2022, n°20-17-279). Les tiers assignés en intervention deviennent partie à un procès préexistant sans création d’un lien d’instance distinct de celui créé par la demande initiale qui, elle, a pour effet d’introduire l’instance.
Au cas présent, la société Banque Fiducial soutient que le fonds commun de titrisation Absus l’a fait assigner en intervention forcée le 20 juin 2024 pour une audience du 1er juillet 2024, de sorte que le délai de 15 jours prévu à l’article 754 du code de procédure civile n’a pas été respecté, rendant caduque l’assignation litigieuse.
En réponse, le fonds commun de titrisation Absus allègue que l’article 754 du code de procédure civile n’est pas applicable à la procédure de référé, et indique qu’il a été invité à faire citer la société Banque Fiducial en intervention forcée pour l’audience du 1er juillet 2024, soit moins de 15 jours avant l’audience.
Cependant, eu égard à la combinaison des textes susvisés, l’assignation en intervention forcée ne peut être considérée comme un acte introductif d’instance au sens de la section I du chapitre Ier du sous-titre Ier du titre Ier du livre II du code de procédure civile dans laquelle l’article 754 du code de procédure civile est inséré.
L’article 754 du code de procédure civile n’est donc pas applicable à l’assignation en intervention forcée dans la mesure où ce texte ne régit que les formalités encadrant l’assignation introductive d’instance.
Dès lors, la société Banque Fiducial sera déboutée de sa demande tendant à voir prononcer la caducité de l’assignation délivrée à son encontre le 20 juin 2024.”

Sources

Formation “prise de date” par Maître Charles SIMON

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Intervention forcée delai 15 jours

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