Suppression partielle du juge de l’exécution : quelles conséquences pratiques ?

Par une décision rendue le 17 novembre 2023, le Conseil constitutionnel a censuré partiellement l’alinéa 1er de l’article L. 213-6 du Code de l’organisation judiciaire, relatif à la compétence du juge de l’exécution pour les contestations portant sur les saisies mobilières. Les membres de l’institution de la rue Montpensier ont fixé au législateur une échéance au 1er décembre 2024 pour réviser ce texte avant son abrogation définitive. Cependant, cette réforme législative n’a pas encore été adoptée en raison de la dissolution de l’Assemblée nationale. En réponse à cette situation, la Direction des services judiciaires a publié, le 28 novembre 2024, une circulaire précisant les nouvelles attributions du tribunal judiciaire dans ce domaine.

Quelles conséquences de l’abrogation au 1er décembre 2024, par la décision n° 2023-1068 QPC du 17 novembre 2023 du Conseil constitutionnel, des mots « des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée » au premier alinéa de l’article L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire. (N° CIRC : CIV/06/24)

Résumé

Le juge de l’exécution (JEX) n’est plus compétent pour connaitre des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée : c’est dorénavant le tribunal judiciaire.

Le juge de l’exécution reste en revanche compétent pour toutes les autres compétences de l’article L213-6 COJ : saisie immobilière, difficultés relatives aux titres exécutoires, mesures conservatoires dont saisie conservatoire (mise en œuvre et contestation), et saisie des rémunérations. Le JEX mobilier existe donc toujours !

Rappel de l’article L213-6 COJ

L213-6 Code de l’organisation judiciaire

“Le juge de l’exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu’elles n’échappent à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire.
Dans les mêmes conditions, il autorise les mesures conservatoires et connaît des contestations relatives à leur mise en oeuvre.
Le juge de l’exécution connaît, sous la même réserve, de la procédure de saisie immobilière, des contestations qui s’élèvent à l’occasion de celle-ci et des demandes nées de cette procédure ou s’y rapportant directement, même si elles portent sur le fond du droit ainsi que de la procédure de distribution qui en découle.
Il connaît, sous la même réserve, des demandes en réparation fondées sur l’exécution ou l’inexécution dommageables des mesures d’exécution forcée ou des mesures conservatoires.
Il connaît de la saisie des rémunérations, à l’exception des demandes ou moyens de défense échappant à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire.
Le juge de l’exécution exerce également les compétences particulières qui lui sont dévolues par le code des procédures civiles d’exécution.”

La décision n° 2023-1068 QPC du 17 novembre 2023 du Conseil constitutionnel

Le fond de la décision

Le Conseil constitutionnel était saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions, telles qu’interprétées par la jurisprudence de la Cour de cassation :

  • du code des procédures civiles d’exécution (CPCE) applicables à la saisie de droits incorporels, en particulier ses articles L. 231-1 et L. 233-1 ;
  • et de l’article L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire (COJ) énumérant les attributions du juge de l’exécution.

Après avoir relevé qu’il ressortait de la jurisprudence de la Cour de cassation qu’en cas de vente par adjudication des droits saisis, le créancier fixait unilatéralement le montant de leur mise à prix et que le juge de l’exécution n’était pas compétent pour connaître de la contestation de ce montant, le Conseil constitutionnel a considéré que les dispositions contestées devant lui étaient entachées d’incompétence négative et que cette incompétence négative affectait le droit à un recours juridictionnel effectif.

Le Conseil constitutionnel a estimé qu’il convenait en conséquence de déclarer contraires à la Constitution les mots « des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée » figurant au premier alinéa de l’article L. 213-6 du COJ.

L’effet différé

Le Conseil Constitutionnel a reporté les effets de l’abrogation de ces dispositions au 1er décembre 2024 en jugeant que « jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi ou, au plus tard, au 1er décembre 2024, le débiteur est recevable à contester le montant de la mise à prix pour l’adjudication des droits incorporels saisis devant le juge de l’exécution dans les conditions prévues par le premier alinéa de l’article L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire » (§ 17 et 18).

Le Conseil Constitutionnel a donné au législateur un délai d’un an pour procéder à la modification de l’alinéa 1er de l’article L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire à la suite de son abrogation partielle par les sages du Conseil constitutionnel par une décision QPC du 17 novembre 2023.

Selon l’article 62 de la Constitution, l’abrogation de la disposition déclarée inconstitutionnelle est effective à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, sauf si ce dernier décide de reporter dans les temps ses effets. Dans le cas d’espèce, les sages de la rue Montpensier ont estimé qu’une abrogation immédiate entraînerait des conséquences manifestement excessives et ont, de fait, décidé de la reporter jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi ou au plus tard le 1er décembre 2024 (Cons. const. 17 nov. 2023, n° 2023-1068 QPC).

L’absence de nouvelle loi dans le délai requis

Ce délai étant arrivé à son terme, aucune loi n’est entrée en vigueur pour opérer la modification de l’article L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire.

Le Gouvernement a souhaité rétablir, à l’article 28 du projet de loi de simplification de la vie économique, le segment de phrase censuré à l’article L. 213-6 du COJ, tout en prévoyant, au sein du CPCE, la faculté pour le débiteur, en cas d’insuffisance manifeste du montant de la mise à prix, de saisir le juge de l’exécution afin de voir fixer une mise à prix en rapport avec la valeur vénale des droits incorporels et les conditions du marché. Ce dispositif devait permettre de répondre aux insuffisances relevées par le Conseil constitutionnel. Toutefois, l’interruption des travaux parlementaires à la suite de la dissolution de l’Assemblée nationale n’a pas permis l’adoption de la loi avant le 1er décembre 2024.

Ce n’est certes pas un défaut de volonté du gouvernement – un projet de loi de simplification de la vie économique avait été déposé au Sénat le 24 avril 2024 contenant un article 28 qui tirait les conséquences de l’abrogation –, mais la dissolution de l’Assemblée nationale par le président Macron le 9 juin 2024 a interrompu les travaux parlementaires.

Vu la situation politique et le peu d’enthousiasme généré par les questions de procédure civile, je ne crois pas trop m’avancer en estimant qu’aucune loi ne va venir régler le problème.

Les conséquences pratiques à compter du 1er décembre 2024

Que faire alors à compter du 1er décembre 2024 ? La réponse est apportée par une circulaire en date du 28 novembre 2024 de la Direction des services judiciaires : le juge de l’exécution est en partie mort au profit du tribunal judiciaire.

Une compétence spéciale de perdue

Le JEX ne sera plus compétent à compter du 1er décembre 2024 pour statuer sur les contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée d’un titre exécutoire. La portée de la décision du Conseil constitutionnel n’est pas limitée à la seule saisie de droits incorporels ; elle s’étend à toutes les contestations portées à l’encontre des mesures d’exécution forcée de nature mobilière.

Les contestations portées à l’encontre des mesures d’exécution mobilières relèveront donc à partir du 1er décembre 2024 de la compétence du tribunal judiciaire, en vertu de sa compétence de droit commun (COJ, art. L. 211-3), laquelle prévoit que le tribunal judiciaire connaît de toutes les affaires civiles et commerciales pour lesquelles compétence n’est pas attribuée, en raison de la nature de la demande, à une autre juridiction.

Ces actions patrimoniales, jusqu’à la valeur de 10.000 euros, relèvent de droit de la compétence du tribunal judiciaire statuant à juge unique, par application du 12° de l’article R. 212-8 du COJ.

Le juge de l’exécution perd sa compétence pour les saisies mobilières. En conséquence, il n’y a plus de compétence exclusive en ce domaine. En vertu de l’article L. 211-3 du code de l’organisation judiciaire, « Le tribunal judiciaire connaît de toutes les affaires civiles et commerciales pour lesquelles compétence n’est pas attribuée, en raison de la nature de la demande, à une autre juridiction ». Ratione materiae, la compétence revient au tribunal judiciaire. La circulaire précise aussi qu’au regard de l’article R. 212-8 du code de l’organisation judiciaire, le tribunal judiciaire connaîtra à juge unique des actions patrimoniales jusqu’à la valeur de 10 000 €.

Deux conséquences :

  1. En premier lieu, le contentieux de l’exécution ne sera plus concentré entre les mains d’un seul juge – ce qui était pourtant l’objectif de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réformes des procédures civiles d’exécution,
  2. et en second lieu, le principe n’est plus d’avoir un juge unique puisqu’au-dessus de 10 000 €, c’est la formation collégiale du tribunal judiciaire qui sera compétente. Il existe toutefois une dérogation, puisque l’affaire peut être attribuée à un juge unique en procédure écrite ordinaire devant le tribunal judiciaire, et ce jusqu’à la fixation de la date de l’audience (C. pr. civ., art. 812).

Toutefois, une question se pose : lorsqu’est mentionné le juge de l’exécution, faut-il opérer une substitution automatique avec le tribunal judiciaire en matière de contestations de saisie mobilière (par ex., dans le cadre d’une saisie-vente, sur l’acte de saisie d’une somme d’argent en espèce, C. pr. exéc., art. R. 221-20 ; sur la demande en distraction d’un bien par un tiers, C. pr. exéc., art. R. 221-51 ; sur la saisissabilité d’un bien, C. pr. exéc., art. R. 221-53 ; sur le commandement de payer dans le cadre d’une saisie d’un bien placé dans un coffre-fort, C. pr. exéc., art. R. 224-3 ; sur le procès-verbal d’immobilisation d’un VTAM, C. pr. exéc., art. R. 223-9 ; sur l’acte de dénonciation de la saisie de droits incorporels, C. pr. exéc., art. R. 232-6) ? Une réponse positive semble envisageable au regard de la circulaire.

Le maintien des autres compétences

Une précision importante. Ce n’est pas l’ensemble des compétences du juge de l’exécution qui est remis en cause. En effet, seul l’alinéa 1er de l’article L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire est touché.

La compétence en saisie immobilière (3e alinéa)

La compétence du juge de l’exécution prévue au troisième alinéa de l’article L. 213-6 du COJ, pour trancher les contestations qui s’élèvent à l’occasion de la saisie immobilière, n’est pas affectée par l’abrogation, laquelle ne concerne que le premier alinéa de l’article L. 213-6.

ce qui ne concerne pas la compétence du juge de l’exécution en matière de saisie immobilière prévue à l’alinéa 3 du même texte – et uniquement sur les « contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée ». Que faut-il en déduire ? D’une part, ; d’autre part, . Les conséquences de la déclaration d’inconstitutionnalité vont bien au-delà de la seule saisie de droits incorporels à l’origine de la saisine du Conseil constitutionnel.

Difficultés relatives aux titres exécutoires (1er alinéa 1ère branche)

le juge de l’exécution reste compétent pour trancher toutes les difficultés relatives au titre exécutoire

Mesures conservatoires : mise en oeuvre et contestation (2e alinéa)

Le juge de l’exécution reste compétent pour autoriser et connaitre des contestations des mesures conservatoires (saisies conservatoires notamment). Cette prérogative n’a PAS été transférée au tribunal judiciaire.

La compétence pour la saisie des rémunérations

La saisie des rémunérations est prévue à l’alinéa 4 de l’article L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire reste du pouvoir du juge de l’exécution.

La compétence matérielle du juge de l’exécution

Mon désaccord : les mesures conservatoires

Certains auteurs estiment que le juge de l’exécution (JEX) perdrait sa compétence pour les saisies mobilières, en ce compris les mesures conservatoires (dont les saisies conservatoires).

Je suis en total désaccord sur cette interprétation qui ne ressort absolument pas de l’abrogation chirurgicale du conseil constitutionnel. Surtout, les faits à l’origine de la décision du Conseil Constit portaient précisément sur une saisie vente puisqu’il était question de pouvoir contester par un recours le montant de la mise à prix, ce qui n’est pas le cas dans le cadre d’une mesure conservatoire.C’est uniquement au moment de sa conversion, qui nécessite un titre exécutoire, que cette question se posera. Et que le TJ sera alors compétent. Mais pas avant, c’est à dire pas au moment où la mesure est simplement conservatoire.

De manière un peu étrange, et un peu lâche diront certains, la Chancellerie se garde bien de donner ses instructions sur ce point. Il reviendra alors à la jurisprudence de se positionner.

Quelle application en cours à effet immédiat de la loi de procédure ?

Les lois de compétence étant d’application immédiate, elles ont vocation à s’appliquer à l’ensemble des procédures en cours d’instance, sauf si un jugement au fond a été rendu (Cass., avis., 29 novembre 1993, n° 09-30.014).

À cet égard, la circulaire distingue trois hypothèses :

  1. l’affaire est en cours au 1er décembre 2024,
    • mais aucune audience n’a eu lieu ;
    • mais elle a déjà fait l’objet d’une audience ;
  2. l’affaire est introduite à compter du 1er décembre 2024.

Sort des affaires en cours

Les lois de compétence étant d’application immédiate, elles s’appliquent à toutes les procédures en cours d’instance, sauf à ce qu’un jugement au fond ait déjà été rendu (Cass. Avis, 29 nov. 1993, n°12-00013, 09-30.014).

Les contestations élevées à l’occasion de l’exécution forcée d’un titre exécutoire en cours au 1er décembre 2024, qu’elles soient simplement audiencées ou en délibéré, relèveront de la compétence du tribunal judiciaire statuant en vertu de sa compétence de droit commun. En cas de renvoi de l’affaire devant le tribunal judiciaire, les dispositions relatives à la procédure écrite ordinaire seront alors applicables (CPC, art. 775). Les parties seront également tenues de constituer avocat (CPC, art. 760).

Sort des affaires pour lesquelles aucune audience n’aura encore eu lieu au 1er décembre 2024

    L’article 82-1 du code de procédure civile (CPC) permettant le règlement simplifié des questions d’incompétence au sein du tribunal judiciaire est applicable. En application de ce texte, le juge de l’exécution d’office, ou à la demande d’une partie, pourra renvoyer l’affaire par simple mention au dossier au président du tribunal judiciaire, qui la renverra lui-même au président de l’audience d’orientation (CPC, art. 776).

    En ce qui concerne les affaires en cours au 1er décembre 2024, mais n’ayant pas fait l’objet d’une audience, la circulaire préconise de faire application de l’article 82-1 du code de procédure civile. Cet article permet, en effet, de régler les conflits de compétence interne au tribunal judiciaire par simple mention au dossier à la demande d’une partie ou d’office par le juge. Cela signifie donc que le juge de l’exécution saisie d’une saisie mobilière, conformément au droit en vigueur avant le 1er décembre 2024, pourrait avant la première audience renvoyer l’affaire au tribunal judiciaire. Encore faut-il que le tribunal judiciaire soit compétent ratione loci. En effet, les articles 42 et suivants du code de procédure civile ne sont pas applicables au contentieux de l’exécution. En raison de l’inversion du contentieux – le débiteur à la saisie est le demandeur à la contestation – l’article R. 121-2 du code de procédures civiles d’exécution dispose que le demandeur peut, au choix, saisir le juge de l’exécution où demeure le débiteur – c’est-à-dire son domicile – soit celui du lieu d’exécution de la mesure. Cette règle connaît toutefois des dérogations : en matière de saisie-attribution (C. pr. exéc., art. R. 211-10), de saisie de droits incorporels (C. pr. exéc., art. R. 232-6), c’est le juge de l’exécution du lieu où demeure le débiteur ; en matière de saisie-vente (C. pr. exéc., art. R. 221-40), c’est le juge d’exécution du lieu d’exécution de la mesure. Il s’agit de compétences exclusives. En application du droit commun, le tribunal judiciaire compétent serait celui où demeure le défendeur – c’est-à-dire le créancier (C. pr. civ., art. 42 et 43). Dans l’hypothèse, où le juge de l’exécution saisie ne ferait pas partie du tribunal judiciaire compétent au regard du droit commun, la procédure de l’article 82-1 ne sera pas applicable. Le créancier pourrait dès lors soulever une exception d’incompétence (C. pr. civ., art. 74 et 75).

    Sort des affaires ayant fait l’objet d’une audience au 1er décembre 2024

    Quid pour les affaires en cours au 1er décembre 2024, mais ayant fait l’objet d’une audience ?

    Ce sont ici les dispositions des articles 75 et suivants du CPC qui trouvent à s’appliquer.

    L’article 76 du CPC dispose que : « Sauf application de l’article 82-1, l’incompétence peut être prononcée d’office en cas de violation d’une règle de compétence d’attribution lorsque cette règle est d’ordre public ou lorsque le défendeur ne comparaît pas. Elle ne peut l’être qu’en ces cas ».

    • 1ère hypothèse – une exception d’incompétence est soulevée par une partie : le juge de l’exécution est amené à examiner sa compétence au regard de l’abrogation partielle de l’article L. 213-6 du COJ au 1er décembre 2024. S’il s’estime incompétent, le juge de l’exécution devra désigner la juridiction qu’il estime compétente (CPC, art. 81 ), soit en principe le tribunal judiciaire.
    • 2ème hypothèse – le défendeur comparaît mais aucune exception d’incompétence n’est soulevée : le juge de l’exécution ne devrait pas en principe pouvoir relever d’office son incompétence car la compétence de droit commun du tribunal judiciaire, prévue à l’article L. 211-3 du COJ, n’est pas d’ordre public.
    • 3ème hypothèse – le défendeur ne comparaît pas : le juge de l’exécution aura la faculté de relever d’office son incompétence (CPC, art. 76 préc. et 472).

    Dans le contentieux de l’exécution, en principe, tout juge qui serait saisi en lieu et place du juge de l’exécution doit relever d’office son incompétence (C. pr. exéc., art. R. 121-1). Il s’agit d’un régime dérogatoire au droit commun qui prévoit une simple faculté pour le juge de relever d’office son incompétence matérielle (C. pr. civ., art. 76). À compter de l’abrogation, il conviendra de faire application du droit commun, qui prévoit deux hypothèses où le juge peut soulever d’office son incompétence : la règle violée est d’ordre public ou le défendeur ne comparaît pas. Le juge de l’exécution ne pourra se servir du premier cas, car la compétence de principe du tribunal judiciaire n’est pas d’ordre public. Il n’aurait cette faculté que si le défendeur ne comparaît pas. Il ne s’agit que d’une faculté, si le défendeur ne soulève pas l’incompétence du juge de l’exécution et que ce dernier ne le fait pas non plus, le juge devra rendre une décision pour éviter un déni de justice (C. civ., art. 4). Le défendeur – c’est-à-dire le créancier – devra soulever l’incompétence et si le juge de l’exécution s’estime incompétent, il renverra au tribunal judiciaire qui est matériellement et territorialement compétent par application des règles du code de procédure civile (C. pr. civ., art. 81).

    Sort des affaires à venir

    En ce qui concerne les affaires introduites à compter du 1er décembre 2024, les règles de droit commun s’appliqueront. Les voici détaillées ci-dessous.

    La procédure de droit commun devant le tribunal judiciaire

    Comment va se dérouler l’instance devant le tribunal judiciaire ?

    Les contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée de nature mobilière d’un titre exécutoire introduites après le 1er décembre 2024 relèveront de la compétence du tribunal judiciaire, statuant en vertu de sa compétence de droit commun, jusqu’à la restauration de la compétence du juge de l’exécution prévue par le projet de loi de simplification de la vie économique.

    Comme indiqué, durant cette période transitoire, les affaires seront soumises à la procédure écrite ordinaire devant le tribunal judiciaire statuant en application de l’article L. 211-3 du COJ.

    Pour simplifier le traitement de ce contentieux, le président du tribunal judiciaire pourra privilégier, sous réserve de l’organisation interne du tribunal, la désignation d’un magistrat du siège exerçant ou ayant déjà exercé déjà les fonctions de juge de l’exécution en application de l’article R. 213-10 du code de l’organisation judiciaire, pour connaitre de ces affaires. Le président de l’audience d’orientation pourrait faire usage du circuit court ou du circuit moyen en application des articles 776 à 779 du CPC) afin de mettre les affaires en état d’être jugées de manière plus rapide.

    Enfin, pour les affaires relevant de la formation collégiale (12° de l’article R. 212-8 COJ), le renvoi à la formation de jugement du tribunal judiciaire statuant à juge unique est toujours possible selon les modalités prévues aux articles 812 et suivants du CPC.

    Procédure écrite et constitution d’avocat obligatoire sauf si la demande est d’un montant inférieur ou égal à 10 000 €

    La procédure devant le tribunal judiciaire est écrite (C. pr. civ., art. 775).

    Une distinction s’opère avec la procédure classique devant le juge de l’exécution qui est par principe orale (C. pr. exéc., art. R. 121-8).

    La constitution d’avocat est obligatoire (C. pr. civ., art. 760). Si l’article 760 du code de procédure civile impose la constitution d’avocat devant le tribunal judiciaire, il faut aussi prendre en compte l’article 761 du même code. Une similarité avec la procédure devant le juge de l’exécution peut se constater (C. pr. exéc., art. L. 121-4). Dans les deux cas, la représentation par un avocat est obligatoire, sauf si la demande est d’un montant inférieur ou égal à 10 000 €. La circulaire ne le précise pas, mais cela semble logique.

    Conformément à l’article 817 du code de procédure civile, lorsque la représentation n’est pas obligatoire – notamment en dessous de 10 000 € et hors compétence exclusive du tribunal judiciaire, ce qui est le cas pour le contentieux de l’exécution qui relève dorénavant de la compétence de principe du tribunal judiciaire –, la procédure est orale. Il convient d’appliquer la même règle au contentieux de l’exécution devant le tribunal judiciaire à compter du 1er décembre 2024.

    La désignation d’un juge de la mise en état

    La procédure de droit commun devant le TJ permet la désignation d’un juge de la mise en état lorsque l’affaire n’est pas en état d’être jugée (CPC, art. 779 al.5).

    Dans le cadre de la procédure écrite ordinaire, si l’affaire n’est pas en état d’être jugée, à l’audience d’orientation, un juge de la mise en état sera désigné (C. pr. civ., art. 779, al. 5). Ce juge de la mise en état pourrait être un juge ayant exercé les fonctions de juge de l’exécution, car conformément à l’article L. 121-3 du code de l’organisation judiciaire, chaque année le président du tribunal judiciaire répartit les juges dans les différents pôles.

    À l’inverse, l’affaire pourra être soumise à un circuit court si elle est en état d’être jugée (C. pr. civ., art. 778) ou intermédiaire si elle est presque en état d’être jugée (C. pr. civ., art. 779, al. 1er).

    Les conséquences pour les avocats et commissaires (huissiers) de justice

    L’assignation

    À compter du 1er décembre 2024, les contestations relatives aux saisies mobilières devront être portées devant le tribunal judiciaire matériellement et territorialement compétent. Ainsi, les assignations devront être adressées non plus au juge de l’exécution, mais bien au tribunal judiciaire. En cas d’erreur, une nullité pour vice de forme pourrait être soulevée. Cette dernière nécessitant une double condition, à savoir un texte (C. pr. civ., art. 54) et un grief, c’est-à-dire une désorganisation des droits de la défense (C. pr. civ., art. 114). Par ailleurs, n’étant plus une assignation adressée au juge de l’exécution, il n’apparaît plus nécessaire de reproduire les articles R. 121-8 à R. 121-10 du code des procédures civiles d’exécution (C. pr. exéc., art. R. 121-11). De même, la procédure passant au tribunal judiciaire, il serait logique que l’assignation soit à date (C. pr. civ., art. 751) et que le placement au sens de l’article 754 du code de procédure civile soit exigé. Ce texte impose de placer l’assignation au moins quinze jours avant l’audience, si sa date est communiquée plus de quinze jours à l’avance. Le non-respect de l’article étant sanctionné par la caducité soulevée d’office par le juge, à moins qu’il n’ait réduit ce délai en raison de l’urgence (C. pr. civ., art. 755).

    Les actes du commissaire de justice

    En outre, lors de la rédaction des actes de saisies mobilières, les commissaires de justice devront prêter attention à bien mentionner le tribunal judiciaire comme étant la juridiction qui sera compétente afin de trancher les contestations. Effectivement, cette mention est requise à peine de nullité pour vice de forme de l’acte de saisie (par ex., pour la saisie-vente, C. pr. exéc., art. R. 221-16 ; sur l’acte de dénonciation de la saisie-attribution, C. pr. exéc., art. R. 211-3).

    La signification de la décision du tribunal judiciaire

    les décisions du juge de l’exécution sont notifiées à l’initiative du greffe aux parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. En cas de retour de la lettre au greffe, les parties seront informées qu’il faut procéder par signification. Par dérogation, le texte prévoit que les parties ont toujours la possibilité de signifier la décision (C. pr. exéc., art. R. 121-15).

    Désormais, la décision étant rendue par le tribunal judiciaire, les parties auront l’obligation de signifier la décision de justice (C. pr. civ., art. 675). Par voie de conséquence, l’acte de notification devra contenir le délai pour interjeter appel, ainsi que ses modalités d’exercice (C. pr. civ., art. 680), et ce à peine de nullité pour vice de forme (C. pr. civ., art. 693).

    Ce passage au droit commun entraine les conséquences suivantes :

    1. D’un côté, le délai est augmenté – il passe de quinze jours (C. pr. exéc., art. R. 121-20) à un mois (C. pr. civ., art. 538) –
    2. et, d’un autre côté, la procédure à bref délai ne sera plus automatique (C. pr. exéc., art. R. 121-20, al. 2), car le président de la chambre saisie, d’office ou à la demande d’une partie, pourra décider une procédure à bref délai seulement si la décision semble présenter un caractère d’urgence ou est en état d’être jugée (C. pr. civ., art. 906, 1°).

    L’appel de la décision et la suspension de l’exécution provisoire

    En principe, ni l’exercice du recours ni le délai n’ont d’effet suspensif de la décision attaquée (C. pr. exéc., art. R. 121-21). Toutefois, le premier président de la cour d’appel peut, en cas d’appel, surseoir à l’exécution de la décision du juge de l’exécution si des moyens sérieux d’annulation ou de réformation de la décision déférée existent (C. pr. exéc., art. R. 121-22).

    La compétence en matière de saisie mobilière appartenant dorénavant au tribunal judiciaire, il faut convenir que le principe devient l’effet suspensif de l’appel sous réserve de l’exécution provisoire de droit attachée aux décisions de première instance (C. pr. civ., art. 514 et 539). Il ne faut donc plus utiliser la procédure de sursis à exécution, mais la procédure d’arrêt de l’exécution provisoire qui nécessite trois conditions (C. pr. civ., art. 514-3). Il est nécessaire tout d’abord de démontrer un moyen sérieux d’annulation ou de réformation. Ensuite, il convient de caractériser des conséquences manifestement excessives qui relèvent de l’appréciation souveraine des juges du fond (Cass., ass. plén., 2 nov. 1990, n° 90-12.698, Chantiers Beneteau (Sté) c/ Société chalonnaise de peroxydes organiques, D. 1990. 275  ; RTD civ. 1991. 169, obs. R. Perrot  ; ibid. 173, obs. R. Perrot ). Enfin, la partie comparante en première instance qui sollicite l’arrêt de l’exécution provisoire doit avoir, en première instance, demandé au juge qu’il l’écarte. À défaut, la demande faite au premier président de la cour d’appel serait irrecevable. Il existe une exception à cette irrecevabilité, si les conséquences manifestement excessives se sont révélées postérieurement à la décision de première instance. D’ailleurs, la décision du tribunal judiciaire ne sera pas exécutoire sur minute, à l’inverse du contentieux de l’exécution où le juge de l’exécution peut le décider en cas de nécessité (C. pr. exéc., art. R. 121-17).

    Quelle suite ?

    Le non-respect du délai imposé par le Conseil constitutionnel entraîne des répercussions conséquentes en matière de contestations des saisies mobilières. Un nouveau texte devrait voir le jour – qui ne change absolument pas du texte actuel, des articles sont ajoutés au code des procédures civiles d’exécution pour créer une voie de recours pour le débiteur en cas d’insuffisance manifeste du montant de la mise à prix dans le domaine des droits incorporels –, mais une entrée en vigueur avant le mois de janvier 2025 est inenvisageable. La commission spéciale de l’Assemblée nationale n’examinera le texte qu’au cours de la semaine du 16 décembre 2024. Il faudra alors prendre son mal en patience.

    Sources

    En matière de contestation de saisie mobilière, le juge de l’exécution est mort, vive le tribunal judiciaire ! https://www.dalloz-actualite.fr/flash/en-matiere-de-contestation-de-saisie-mobiliere-juge-de-l-execution-est-mort-vive-tribunal-judi

    F. Kieffer, Tsunami sur la vente forcée des droits incorporels ou l’effet papillon, Dalloz actualité, 21 nov. 2023

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