Tarifs du commissaire/huissier de justice : tout comprendre

Les tarifs des huissiers de justice peuvent parfois sembler opaques. Certains les perçoivent comme étant déterminés “à la tête du client”, alimentant une incompréhension généralisée. En réalité, ces frais sont pour la plupart encadrés par la loi, bien qu’ils varient en fonction des actes accomplis et des services rendus. Cet article a pour objectif de clarifier ces règles, d’expliquer leur application et de fournir des réponses précises aux interrogations les plus fréquentes.

Combien coûte le recours à un commissaire de justice et qui doit le payer ? La réponse dépend de la nature des actes demandés et de leur origine. En effet le commissaire de justice peut agir dans le cadre des missions dont il a le monopole et facturer ses actes selon un tarif réglementé, mais aussi délivrer des services au titre de ses activités hors monopole, dont les prix sont alors libres. Frais, prix, honoraires : Mode d’emploi.

Tarif, frais et honoraires du commissaire de justice

La nature de l’acte : obligatoire ou facultatif

La règle est simple :

  • Pour les actes obligatoires (par exemple assignation en justice), les tarifs sont encadrés par la loi. C’est à dire que tout commissaire de justice, qu’il soit à Paris, en banlieu ou à la campagne, prendra exactement le même tarif
  • Pour les actes non obligatoires qui ne relèvent pas du monopole des huissiers de justice (constats par exemple), les tarifs sont librement négociés (prix libres)

La liste complète des 130 actes au tarif réglementé est donné par le Code de commerce – Article Annexe 4-7 au Tableau 3-1 annexé à l’article R. 444-3 (les premiers tableaux sont ceux des autres professions réglementées à savoir notaire et greffier du TCOM).

Chaque type d’acte correspond à une étape spécifique des procédures civiles, exécutoires ou conservatoires, et couvre des domaines variés tels que :

  1. Les convocations et significations : Assignations, décisions de justice, injonctions de payer.
  2. Les procédures de saisie : Saisie-attribution, saisie-vente, saisie des biens mobiliers ou immobiliers, saisies conservatoires, etc.
  3. Les mesures d’expulsion : Procès-verbaux et dénonciations liés à des expulsions judiciaires.
  4. Les actes spécifiques : Nantissements, saisie des parts sociales, mesures conservatoires.
  5. Les commandements de payer : Concernant les loyers, charges de copropriété, ou obligations contractuelles.
  6. Les saisies spécialisées : Saisie-contrefaçon, saisie des navires ou aéronefs, saisies immobilières.

Si l’acte n’est pas dans cette liste, alors le tarif est libre.

Attention, il y a des faux amis, notamment concernant les états des lieux. Par exemple, les frais d’état des lieux par huissier, établi sur le fondement de l’article 3 de la loi du 6 juillet 1989 sont tarifés et il est donc obligatoire pour l’huissier de se conformer au décret.

Les actes obligatoires

Une fois que vous avez identifié que l’acte avait un tarif réglementé, comment connaître son coût ?

Fondement juridique

Pour les actes dont les commissaires de justice ont le monopole – convocation en justice, recouvrement judiciaire, commandement de quitter les lieux, prisée etc.- leurs émoluments sont répertoriés par le code de commerce et régulièrement réévalués (à la hausse ou à la baisse) par décret.

La dernière révision concernant le «tarif » des huissiers de justice date du 23 février 2022 et celle du tarif des commissaires-priseurs judiciaires du 28 février 2020. Ce tarif et la méthode pour l’appliquer est complexe. Ils sont détaillés dans le code du commerce:

– pour les actes relevant des anciens commissaires priseurs-judiciaires aux articles A444-1 à A444-9,
– pour les actes relavant des anciens huissiers de justice Section 2 : Tarifs des huissiers de justice (Articles A444-10 à A444-52

https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000005634379/LEGISCTA000032127742

Les tarifs

Le prix de l’acte est composé ainsi : (émolument fixe x [0,5, 1 ou 2] + option (urgence, recouvrement, etc.) + frais de déplacement (9,40 € environ) + débours (0 € généralement) + TVA à 20 %

Ca donne pour une assignation en justice sans obligation pécuniaire déterminée : 18,28 € + 0 € + 9,40 € + 5,53 = 33 ,216

Le coût d’une assignation doit dans 80% des cas être de 33,21 €

Attention, c’est un coût par partie.

Emolument fixe

Chaque acte réglementé ayant un numéro allant de 1 à 1330 donné par le Tableau 3-1 annexé à l’article R. 444-3, il faut ensuite aller voir les articles Articles A444-10 à A444-52 et chercher le numéro de l’acte pour découvrir son émolument.

Par exemple pour une assignation :

(j’entends déjà les avocats s’écrier qu’ils n’ont jamais payé 18 € pour délivrer une assignation, mais attendez quand même la suite).

  • Commandement de payer les loyers et les charges : 25.53€
  • Procès-verbal d’expulsion ou reprise des lieux : 152,14€
  • Acte de saisie-contrefaçon : 77.66€
  • Pour les états des lieux, un émolument en fonction de la superficie du bien locatif (ex : 128€ pour une surface entre 51 et 150m²) (Article A444-27).
La majoration de l’émolution fixe en cas d’obligation pécuniaire (entre 0,5 et 2)

Article A444-46

Créé par Arrêté du 26 février 2016 – art. 2

Lorsque les actes, formalités ou requêtes sont relatifs à une obligation pécuniaire déterminée, les émoluments fixes indiqués aux sous-sections 1 à 3 de la présente section sont multipliés par les coefficients suivants :
1° Si le montant de l’obligation est compris entre 0 et 128 euros : coefficient 0,5 ;
2° Si ce montant est supérieur à 128 euros et inférieur ou égal à 1280 euros : coefficient 1 ;
3° S’il est supérieur à 1 280 euros : coefficient 2.

Option/supplément

Un peu comme quand vous êtes au restaurant, il y a parfois un supplément à l’émolument, c’est à dire des frais supplémentaires spécifiques à certains actes.

Majoration pour urgence (le + fréquent et le + abusif) – 90,18 €

le client peut demander à ce qu’un acte soit réalisé en urgence. Le tarif fixe non seulement le coût majoré de l’acte mais définit aussi le délai de référence en deçà duquel il s’agit bien d’une « urgence ».

Le Décret R444-11 donne le cadre général permettant la majoration du tarif des actes passés en urgence.

L’arrêté Article A444-12 dispose “Si, à compter de la demande du client, les prestations suivantes sont réalisées dans un délai inférieur au délai de référence précisé dans le tableau ci-dessous, elles donnent lieu à la perception de l’émolument majoré prévu à l’article R. 444-11, qui remplace celui prévu à l’article A. 444-11. Le tarif majoré applicable est alors” pour une signification d’assignation ou de décision de justice, la somme de 90,18 €.

Attention, cet émolument d’urgence n’est dû que si le client demande la délivrance dans un délai inférieur à 24h. C’est TRES TRES rare d’être à 24h près dans un dossier, pourtant un % non négligeable des significations sont majorées abusivement de cet émolument d’urgence.

Ca chiffre vite puisque cela devient l’émolument sur lequel le coefficient (jusqu’à x2) s’applique, ce qui porte parfois à 180,36 € l’émolument de l’assignation.

Cas pratique : si un client envoi une assignation à 9h00 du matin dans une affaire relativement pressée et que le commissaire de justice la signifie le lendemain à 9h01, aucune majoration pour urgence n’est due.

ATTENTION : de nombreux commissaires de justice facturent des frais d’urgence alors que les conditions de l’urgence ne sont pas réunies.

Majoration en fonction du temps de réalisation de l’acte

le commissaire de justice peut percevoir un « émolument complémentaire de vacation ». Il est égal à 75 € par demi-heure supplémentaire au temps de référence fixé pour chaque acte par le décret (ex : 45 minutes pour un acte de saisie-contrefaçon).

Cela ne s’applique qu’à certains actes qui s’écoulent dans le temps, et donc pas à la signification d’une assignation

Droit « d’engagement de poursuites »

pour tout 1er acte liés à une procédure de recouvrement : mises en demeure, commandement de payer… Il est au minimum de 4.29€ et au maximum de 268,13 € et est calculé proportionnellement au montant de la créance. 

Ce montant ne s’applique pas aux actes qui sont des demandes indéterminées (par exemple mise en demeure de faire).

A noter que le commissaire de justice peut consentir une remise allant jusqu’à 10% sur les hautes tranches ;

Émolument de « recouvrement ou d’encaissement »

Lorsque le commissaire de justice récupère effectivement une créance, il perçoit un émolument de « recouvrement ou d’encaissement » d’une part du débiteur et d’autre part du créancier. Ces frais qui varient selon la somme à recouvrer sont compris :

  • pour le débiteur entre 4.29€ et 559€ (doublés s’il s’agit d’une créance alimentaire)
  • pour le créancier entre 21,45€ et 5540€. Là aussi le commissaire de justice peut vous proposer une remise sur la somme due pour les tranches les plus importantes.

Dans le cas d’une procédure de contrefaçon, tous ces émoluments sont dus par le contrefacteur.

Frais de déplacement / SCT (9,40 €)

Pour chaque signification ou procès verbal, il faut compter des frais forfaitaires équivalents à « trente-deux fois la taxe kilométrique ferroviaire en 1re classe ».

A444-48 “Les frais de déplacement mentionnés au a du 3° du I de l’article Annexe 4-8 font l’objet d’un remboursement forfaitaire :
1° Egal à vingt fois la valeur mentionnée à l’article 6 B de l’annexe IV du code général des impôts au tableau “ TARIF APPLICABLE AUX AUTOMOBILES ” pour les véhicules d’une puissance administrative de 7 chevaux-vapeur et plus pour une distance parcourue de plus de 20 000 kilomètres, pour chaque acte signifié, en dehors du cas prévu au 2°, et pour chaque procès-verbal dressé ;
2° Egal à 8,80 € pour les significations réalisées exclusivement par voie électronique.”

En gros, vous rajoutez :

  • Pour un acte physique, la somme de 9,40 €
  • Pour un acte électronique, 8,80 €

Dans les départements d’outre mer, pour tout déplacement à plus de 2 kilomètres des limites de la commune où est situé l’office, les frais de déplacement font l’objet d’un remboursement forfaitaire égal à 45 centimes d’euro par kilomètre parcouru, si le déplacement a lieu par véhicule et est égal au prix du billet aller-retour si le déplacement doit avoir lieu obligatoirement par bateau ou avion.

Débours

Les débours couvrent les frais divers (affranchissement, matériel…) et rémunèrent les personnes extérieures appelées en renfort pour porter assistance au commissaire de justice pendant la réalisation de ses actes : gendarmes, témoins, serruriers.

La plupart du temps, il n’y a pas de débours (par exemple signification de décision).

TVA

Taxes reversées à l’État : pour l’ensemble des frais la TVA est facturée à 20 % dans l’hexagone et à 8,50 % dans certains départements d’outre-mer.

Les actes facultatifs

Prix libres

Pour un PV de constat non réglementé, le commissaire de justice facture ce qu’il veut.

Quelle sanction ?

Le non-respect des tarifs est une faute déontologique grave de nature à justifier des poursuites disciplinaires (voir en ce sens Rép. Min n°38698 du 23 décembre 1989 au JOAN(Q) page 1377).

Pourquoi les tarifs des commissaires de justice c’est n’importe quoi en pratique ?

La réponse est simple : c’est la base du “tiers payeur”. Quand celui qui commande la prestation n’est pas celui qui paye (un avocat pour un commissaire de justice, un syndic pour des travaux dans une copropriété, une mutuelle pour des frais dentaires, etc.), les contrôles sont moins présents et les abus donc plus fréquents. On est plus attentif à son propre argent qu’à celui qu’on gère pour autrui.

Ainsi l’avocat n’a souvent pas de temps à perdre à contrôler la facture d’un commissaire de justice qu’il ne paiera de toute façon pas.

Personnellement, je prends constamment le temps de vérifier chaque facture car j’estime partager les mêmes intérêts que mes clients, même si je n’en tire pas un profit direct.

Les astuces illicites de certains commissaires de justice

  • Facturer un émolument incorrect (les avocats contrôle jamais)
  • Ajouter l’émolument d’urgence quand les conditions ne sont pas remplies
  • Editer une facture d’un montant global supérieur au tarif réglementé sans aucun détail
  • Facturer des frais de timbres ou d’affranchissement : ces frais sont déjà inclus dans les tarifs réglementés. Surtout, alors qu’une lettre coutre 1,66, certains commissaires facturent sans raison jusqu’à 5 €
  • Ajouter des frais en mettant un article de loi qui ne correspond pas. Exemple : “frais postaux (A. 444-48)” alors que cet article ne traite PAS des frais postaux. Mais qui vérifie ?

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